Nommée, il y a quelques mois, représentante spéciale de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour Guantanamo, Madame Anne-Marie Lizin, par ailleurs troisième personnage de l’Etat belge – en sa qualité de Présidente du Sénat – se voit accorder par les autorités américaines une invitation officielle à se rendre à la prison de Guantanamo.
C’est en tant que rapporteur de la Commission des Droits de l’Homme de l’OSCE qu’elle visitera le centre de détention qui suscite de nombreuses controverses de par le monde. Dans son rapport de fin mai 2005, Amnesty international va même jusqu’à traiter Guantánamo de «goulag de notre époque».
Vendredi dernier - soit à la veille de la Journée internationale des Droits de l’Homme -, interrogée par la RTBF, sur les objectifs de sa mission à Guantanamo, Madame Lizin répond qu’il s’agira de voir « quelles procédures sont appliquées, aujourd’hui, à ceux qui y restent puisqu’à l’évidence, un certain nombre de ces prisonniers ont été restitués », et d’ajouter, non sans avec forte conviction, que « nous avons les deux belges entre guillemets qui étaient dans ce cadre et qui n’étaient pas des enfants de chœur ».
Face à de telles déclarations, on ne peut s’empêcher de s’interroger sérieusement sur la crédibilité de cette « représentation spéciale » dont se prévaut Madame Lizin, quand celle-ci n’hésite pas à tenir des propos disqualifiants et discriminatoires à l’égard de ses propres concitoyens, les reléguant ainsi à une sous-catégorie de Belges.
Pour rappel, les deux ressortissants belges en question, Moussa Zemmouri et Mesut Sen, ont été détenus de manière arbitraire, pendant plus de trois ans, dans la base américaine de Guantanamo, avant d’être rapatriés en Belgique, le 25 avril dernier, lavés de l’accusation de « combattants ennemis » par les Etats-Unis.
Bien que les autorités judiciaires belges les aient inculpés dès leur retour au pays - sur base uniquement d’informations fournies par les autorités américaines - pour participation à une organisation criminelle, cela donnait-il le droit à Madame Lizin de manquer à son devoir de réserve et d’impartialité et ce, au mépris du principe de présomption d’innocence garanti à toute personne faisant l’objet d’une inculpation ? Est-ce dans ce même état d’esprit que la représentante spéciale de l’OSCE compte mener à bien ses missions à Guantanamo ?
Par ailleurs, n’est-il pas pour le moins choquant d’entendre la présidente du Sénat belge parler de «Belges entre guillemets » pour désigner nos deux concitoyens ? A l’évidence, il s’agit là, dans le chef du troisième personnage de l’Etat, d’une grave bavure constituant une violation du principe d’égalité et de non discrimination inscrit dans notre Constitution.
Alors que d’ordinaire, de tels propos sont tenus par des représentants de l’extrême droite, il est frappant de constater à quel point on peut se déclarer démocrate et, en même temps, se laisser contaminer par des discours nauséeux et extrémistes. Cette dérive appelle une condamnation de la part de toute la classe politique ; il en va, en effet, de la crédibilité de notre état de droit.
Dans une affaire récente, concernant un dossier judiciaire pendant, Madame Lizin reconnaissait avoir commis une «faute» et présentait ses «excuses » au sénat. En tout état de cause, il nous paraît évident que Madame Lizin, n'a pas su tirer suffisamment de leçons du passé. En tenant ces propos inacceptables, Madame Lizin n’est assurément plus digne de présider une assemblée représentative de TOUS les citoyens belges !
Farah Ismaïli
Abdelghani Ben Moussa
Ahmed Mouhsin
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