mardi 31 août 2010

"Blocage" ou "déblocage" en Palestine occupée ?



La polémique
La polémique fait rage entre Pierre-Yves Salingue militant pro palestinien et Dominique Vidal de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) (1) à propos de la situation en Palestine occupée et l’amorce de «négociations» entre d’une part – non pas le peuple palestinien ou ses représentants – mais bien l’Autorité palestinienne et l’État sioniste (2).

Dans une réponse aux accusations de P-Y Salingue (3) Monsieur Dominique Vidal affirme: «Toute la démarche de l’AFPS consiste à souligner que la responsabilité essentielle dans la solution du problème palestinien revient aux acteurs internationaux, au premier rang desquels les États-Unis et l’Union européenne.» (4). Monsieur Vidal en appelle ainsi aux responsables – aux acteurs internationaux – afin qu’ils se rendent compte de leur négligence ou de leur aveuglement, se ressaisissent et qu’ils changent d’attitude.

Monsieur Vidal a-t-il songé que «cette responsabilité essentielle des acteurs internationaux» ne tient pas de la négligence mais de la collusion? Faire appel aux fauteurs de guerre pour raisonner leur agent local – le sionisme israélien – pendant sa mission spéciale de colonisation en Palestine occupée, est-ce vraiment la meilleure tactique de «déblocage» qui se puisse imaginer?

Passons sur le peu de cas que Monsieur Vidal fait de l’opinion et de l’action des acteurs locaux – sionistes israéliens – peuple Israélien et peuple Palestinien, nous pouvons tout de même lui faire remarquer qu’il n’y a pas d’un côté l’État sioniste et de l’autre l’impérialisme américain, lequel pourrait – ou devrait – jouer le rôle d’arbitre impartial. Tout cela n’est que mystification et fumisterie. L’un est l’agent de l’autre et c’est le commandant qui ordonne à l’agent jamais l’inverse. Mal positionné ce commandant pour critiquer son agent d’avoir fait le travail qu’il lui avait commandé!

Plus loin dans son article Dominique Vidal revient à la charge, s’appuyant sur cette première fumisterie politique il avance une seconde mystification: «Car nous partons du constat du blocage total sur le terrain, du fait de la politique du gouvernement israélien, le plus extrémiste que ce pays ait connu».

Vous aurez noté que Monsieur Vidal affirme d’une part qu’il y a «blocage», et que d’autre part ce «blocage» est dû au gouvernement israélien «le plus extrémiste que ce pays ait connu». Premièrement, à quel «blocage» fait-on référence ici? Deuxièmement, doit-on rappeler à Dominique Vidal que tous les gouvernements israéliens depuis Ben Gourion jusqu’à Benjamin Netanyahu ont toujours «bloqué» la situation en Palestine (5). Depuis 62 ans jamais aucune négociation de paix n’a aboutit à la paix et jamais aucun pourparler de libération n’a libéré la Palestine de l’occupation, de la colonisation et du nettoyage ethnique ?

En effet, Israël est une créature de l’impérialisme et un État colonial d’occupation qui est né de l’expropriation et de l’occupation des terres arabes de Palestine, telle est la source du «blocage», et tant que cet État sioniste et raciste s’entêtera à occuper ces terres arabes il y aura «blocage» avec ceux qui refusent cet état de fait, ceux qui rejettent ce fait qui se voudrait accompli et irrémédiable et qui ne l’est pas du tout puisque la résistance a décidé de faire reculer l’histoire et de refaire par la force des armes et par d’autres formes de résistance (BDS, résistance économique et résistance pacifique (6)), le trajet vers la constitution d’un seul État libre, démocratique, sans apartheid, couvrant l’ensemble du territoire du mandat britannique (7).

Les divisions palestiniennes
Comme le souligne Dominique Vidal, le fait est que: «La division profonde du mouvement national palestinien entre le Fatah et le Hamas, l’un et l’autre en situation d’échec stratégique: la ligne politico diplomatique du premier n’a pas débouché sur l’État promis, la lutte armée menée un temps par l’autre n’a pas non plus libéré la Palestine.». L’objectif d’un «État promis» n’a jamais été entériné par le peuple palestinien. Est-ce véritablement l’objectif stratégique du mouvement de libération nationale palestinien que de créer un État palestinien? Nous avons ici la réponse à la question du «blocage». Pour Monsieur Vidal il y a blocage si la situation n’évolue pas vers la création d’un État palestinien. Mais si l’on s’achemine vers la création d’un bantoustan palestinien y a-t-il «déblocage» Monsieur Vidal?

Le fait que la Palestine ne soit pas encore libérée ne signifie nullement que l’objectif stratégique soit erroné. Cette incapacité à libérer la Palestine indique simplement l’immense déséquilibre du rapport de force entre d’une part tous les impérialistes occidentaux (US américain, canadien, français, britannique, allemand, italien, israélien, etc.) et d’autre part le peuple Palestinien, ses organisations combattantes et ses ONG, bénéficiant de l’appui des peuples du monde eux-mêmes sous domination impérialistes et de leur bourgeoisie nationale comme l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et autres.

Qu’y a-t-il détonnant à ce que 4 à 10 millions de Palestiniens, si l’on tient compte de ceux qui sont dans les camps de réfugiés et en diaspora, n’aient pas encore réussi à renverser tous les impérialismes occidentaux et leurs agents sionistes en Israël?

L’étonnant c’est que le peuple palestinien soit encore debout et résistant devant un front uni impérialiste réactionnaire d’une telle ampleur. Le piétinement ou si l’on veut utiliser le terme de Monsieur Vidal, le «blocage» du mouvement de Libération nationale palestinien sur ses positions présentes et sa difficulté à percer les Murs et les défenses de l’ennemi sioniste ne doivent pas nous amener à soutenir la capitulation de l’Autorité palestinienne à Washington le 2 septembre prochain mais plutôt nous porter à dénoncer ces pourparlers de la capitulation palestinienne.

En appeler au maître de cérémonie américain, comme le fait Monsieur Vidal, pour qu’il incite le sous-fifre israélien à plus de retenue dans sa cupidité territoriale n’est pas non plus la voie vers le «déblocage» de la situation au Proche-Orient mais bien plutôt une fuite en avant vers la capitulation.

La situation n’est pas vraiment compliquée contrairement à ce que toutes ces jérémiades tentent de nous faire croire. Il y a d’un côté le peuple palestinien et ses organisations de résistance politique et/ou populaire, et de l’autre une vaste alliance entre les impérialistes, les sionistes, les cryptos sionistes, et leurs alliés au sein du mouvement palestinien et parmi le mouvement de «solidarité» avec la Palestine. Les premiers rejettent toutes négociations – pourparlers qui se feraient aux conditions de l’occupant colonisateur sioniste – alors que les second font croire qu’un «déblocage» est possible entre un peuple opprimé – colonisé – occupé et une puissance coloniale opprimante – occupante – génocidaire et ce en laissant à cette puissance coloniale sa mission, ses visées hégémoniques régionales, ses pouvoirs, son armement nucléaire et la terre qu’il a déjà usurpée.

Il faudra encore bien du temps avant que ce rapport de force tourne a l’avantage du peuple palestinien mais quelle alternative s’offre a lui? Accepter de vivre emmuré dans quelques bantoustans surnommés «État palestinien» sans droit de retour, administré par un roitelet local autochtone surnommé «président de l’Autorité sans autorité»?

Le cas Salam Fayyad
Pierre-Yves Salingue accuse l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et Dominique Vidal d’agir comme des «fantassins français» du Premier ministre palestinien Salam Fayyad, tous leurs efforts visant, selon lui, à lui assurer le soutien le plus large en France (8). Pierre-Yves Salingue présente l’ex-employé de la Banque mondiale comme un thuriféraire et un «collaborateur actif et dévoué de l’occupant.» (9)

Ce n’est pas le nombre de signes (289 et 589) que vous consacrez au représentant du FMI en Palestine occupée que Salingue met en cause Monsieur Vidal, mais le caractère des signes utilisés. Dans les deux rapports incriminés il n’est fait nulle part mention que Salam Fayyad, dont la liste électorale n’a obtenu que 2,4 % des suffrages, a été imposé comme premier Ministre à l’occasion d’un coup de force anti-démocratique mené par la Présidence de l’Autorité en 2007.

Pierre-Yves Salingue aurait pu aller plus loin et constater que Salam Fayyad n’est pas un vendu ou un traître à la cause palestinienne, ou encore un collaborateur payé par l’occupant israélien. Pas du tout. Salam Fayyad est le représentant de la bourgeoisie compradore palestinienne qui s’est constituée à la faveur des 62 années d’occupation militaire et de colonisation israélienne (10). Le groupe social que représente Salam Fayyad a un intérêt économique, commercial et financier à maintenir la colonisation et l’occupation. Cette section de classe ne tolère pas l’occupation telle une fatalité incontournable dont elle aimerait bien se libérer à condition que ce soit sans violence, non, cette section de classe parasitaire vit du commerce avec l’occupant colonisateur, elle a un intérêt objectif à ce que la colonisation perdure car c’est son fond de commerce. C’est ce qui explique qu’elle ne combat pas l’occupation ni la colonisation, et qu’elle essaie de la faire accepter comme tolérable à la population palestinienne opprimée. Salam Fayyad n’est pas un homme hésitant qui se serait fourvoyé, c’est le représentant de la classe compradore palestinienne qui s’oppose à la fin de la colonisation et de l’occupation. Pierre-Yves Salingue aurait pu écrire que Salam Fayyad et son cabinet font partie du problème de la lutte de libération nationale palestinienne et en aucun cas de sa solution. Voilà ce que vous auriez dû écrire dans votre rapport, utilisant 289 ou 589 signes à votre choix Monsieur Vidal.



Robert Bibeau
29.08.10
Source: oulala.net

lundi 30 août 2010

Inondations et dette: la double peine pour le Pakistan



A cause de pluies torrentielles qu’il connaît depuis plusieurs jours, le Pakistan fait face à l’une des pires situations humaines et matérielles qu’il ait connues depuis plus de 80 ans. Les dégâts sont impressionnants. Environ 22 millions de personnes sont touchées par de graves inondations. De nombreuses infrastructures n’ont pas supporté la violence des pluies.
Beaucoup de routes sont impraticables, de même que des ports. Des millions de personnes ont été obligées de quitter précipitamment leurs logements, et l’ONU avance le chiffre de 5 millions de sans-abri. Des camps de fortune sont mis en place et environ 1 million de personnes y vivent déjà, dans des conditions sanitaires déplorables. Le sud du pays, et notamment la province de Snidh, est extrêmement fragilisé par cette catastrophe. Les pertes économiques se comptent en milliards et le secteur agricole est particulièrement touché puisque de nombreuses terres arables ont été dévastées.

Le Pakistan a besoin d’aide. Le 20 août 2010, les pays membres de l’ONU se sont engagés à lui apporter 200 millions de dollars, mais il ne s’agit là que de promesses et les expériences précédentes en la matière montrent qu’une faible part de cette somme arrivera dans le pays. La Banque asiatique de développement, qui a déjà connu le tsunami de décembre 2004, s’est auto-désignée leader de l’effort de reconstruction au Pakistan et a déjà annoncé un prêt de 2 milliards de dollars. La Banque mondiale a ajouté un prêt de 900 millions de dollars. Touché par une catastrophe naturelle, le Pakistan va donc voir sa dette s’accroître de manière significative.

Si l’aide d’urgence est indispensable, il est important de revenir sur les enjeux réels de la situation pakistanaise. En août 2008, le pays était au bord du défaut de paiement. Contraint d’accepter l’aide du Fonds monétaire international (FMI) il a reçu au total un prêt de 11,3 milliards de dollars, mais les conditionnalités attachées au prêt sont particulièrement brutales: mise en vente d’un million d’hectares de terres arables, fin des subsides du gouvernement sur le carburant, augmentation du prix de l’électricité, coupe drastique dans les dépenses sociales… Seul le budget militaire n’est pas visé par la rigueur. En bout de course, ce prêt a détérioré les conditions de vie de la population tout en fragilisant grandement la souveraineté du pays. (Le FMI dont le directeur général n'est autre que DSK, le fonctionnaire international le mieux payé de la planète avec 495.000 US$ nets par an, celui-là même que certains électeurs du PS français désignent comme candidat favori pour succéder à Sarkozy! - ndlr)

Aujourd’hui, le Pakistan a une dette extérieure de 54 milliards de dollars et consacre chaque année 3 milliards à son remboursement. Cette dette, qui a notamment explosé depuis les années 2000, est en grande partie d’origine odieuse. En effet, l’ancien régime du Général Pérez Musharraf était un allié stratégique des Etats-Unis dans la région, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les principaux bailleurs de fonds n’ont jamais hésité à prêter à la dictature pakistanaise de Musharraf les fonds nécessaires pour mener sa politique. A l’automne 2001, les Etats-Unis ont demandé le soutien du Pakistan dans leur guerre contre l’Afghanistan. Musharraf avait alors accepté que son pays serve de base arrière aux troupes militaires des Etats-Unis et de leurs alliés. Le régime de Musharraf a ensuite continué d’endetter le Pakistan, avec le soutien actif de la Banque mondiale et des grandes puissances. Les prêts accordés n’ont aucune légitimité, ils ont servi à renforcer la tyrannie de Musharraf et n’ont amélioré en rien les conditions de vie des citoyens pakistanais. La dette contractée par ce régime despotique est odieuse. Les créanciers qui ont prêté à Musharraf l’ont fait en connaissance de cause et, dans ces conditions, il est inadmissible que le peuple pakistanais soit contraint de rembourser aujourd’hui la dette odieuse contractée par Musharraf.

Dans ces conditions, son annulation pure et simple est une exigence minimale. Plusieurs pays, à l’image de l’Equateur en 2007-2008, ont réalisé un audit de leur dette afin d’en annuler la partie jugée odieuse. Le Pakistan est tout à fait en mesure de suivre cet exemple.

Un autre mécanisme juridique de non paiement est à prendre en compte par le Pakistan soumis à des inondations dévastatrices: l’état de nécessité. Dans ce cas, il peut invoquer cet état de nécessité pour consacrer les fonds aux besoins vitaux de sa population meurtrie au lieu de rembourser sa dette, sans craindre des poursuites pour n’avoir pas respecté ses obligations. Les trois milliards de dollars ainsi économisés doivent alors être réorientés vers des dépenses sociales en faveur des Pakistanais.

Il est donc temps pour le gouvernement du Pakistan à la fois de suspendre le paiement de sa dette extérieure, de pratiquer un audit de celle-ci et de décider la répudiation de sa part odieuse. Loin de représenter une fin en soi, il devrait s’agir là du premier pas vers un modèle de développement radicalement différent, basé enfin sur la garantie des droits humains fondamentaux.

Damien Millet, Sophie Perchellet, Eric toussaint
26.08.10
Source: cadtm

dimanche 29 août 2010

L’hypocrisie sans frein de Paris et de Bruxelles

  
Le rapatriement "humanitaire" de plusieurs centaines de Roms de France vers la Roumanie et la Bulgarie est cynique et démagogique, estime l’éditorialiste bulgare Svetoslav Terziev. Et surtout, il ne résout pas le problème de leur intégration.


D’ici trois mois la France a promis de démanteler la moitié des campements illégaux de Roms sur son territoire et de renvoyer leurs habitants en Roumanie et en Bulgarie. Par solidarité entre pays francophones [la Roumanie et la Bulgarie appartiennent à l’Organisation internationale de la francophonie], Bucarest et Sofia se sont engagés à accueillir les Roms chassés de France et même à envoyer des policiers locaux pour prêter main-forte à leurs collègues français. Pour cette opération, Paris a reçu le feu vert de la Commission européenne, qui n’a rien trouvé à redire.

Bref, tout est prêt pour qu’ait lieu en Europe la première et la plus massive déportation officielle de Roms depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Parce qu’il s’agit de milliers de personnes. Avec quel résultat? Les Roms roumains et bulgares vont rentrer chez eux et, après avoir passé un peu de temps avec leurs proches, ils remettront les gaz à destination de la France. Pourquoi? Parce qu’ils connaissent déjà le chemin et qu’ils sont certains d’y trouver de meilleures conditions de vie que dans les deux pays les plus pauvres de l’Union européenne.



Bulgarie et Roumanie, des coupables faciles
Les Roms sont des nomades par nature et ils s’adaptent difficilement à notre mode de vie. Très peu d’entre eux se sont habitués à une vie sédentaire. Les autres continuent le voyage commencé il y a plus de cinq siècles par leurs ancêtres indiens, qui visiblement n’est toujours pas arrivé à son terme. Leur concentration dans les Balkans est due à deux raisons: aux Ottomans, qui leur ont ouvert le chemin jusque-là, et au communisme, qui, en érigeant le Rideau de fer, a contenu leur migration vers l’ouest du continent. Les pays occidentaux, et notamment la France, y ont contribué aussi en persécutant sans relâche les Roms depuis le XVIIè siècle – des persécutions qui ont connu leur apogée pendant le nazisme.

Les insinuations accusant la Bulgarie et la Roumanie de pratiquer la ségrégation et d’avoir ainsi poussé les Roms à partir sont indignes, car ces deux Etats, historiquement parlant, leur ont plutôt servi de refuge face à l’hostilité générale du reste de l’Europe. La Bulgarie et la Roumanie ne peuvent pas non plus être accusées de faire exprès d’être pauvres pour mieux se débarrasser de leur population rom. L’Europe ne trouvera pas une solution à ce problème par l’hypocrisie. En brandissant le drapeau des Droits de l’homme, elle accuse aujourd’hui Bucarest et Sofia de ne pas faire suffisamment pour intégrer les Roms. Dans le même temps, les autorités italiennes et françaises affirment qu’elles ne chassent pas les Roms de leur territoire par intolérance mais uniquement parce qu’elles ne souhaitent pas que des étrangers violent leurs lois.



Une solution policière qui ne règle rien
Visiblement, on cherche une solution policière à la question que posent les Roms en les expulsant vers des pays-ghettos qui n’ont, de surcroît, aucun droit ni moyen de les retenir chez eux. Le protocole n° 4 à la Convention européenne des Droits de l’homme et les Conventions européennes sur la liberté de circulation stipulent clairement que chaque citoyen de l’UE a le droit de quitter son pays et de voyager librement sur le sol européen. Oui, la Bulgarie et la Roumanie pourraient retenir les Roms, mais pour cela il faudrait que ces deux pays rétablissent les lois de l’époque communiste qui prévoyaient, entre autres, des “visas de sortie” pour tout citoyen voulant quitter le territoire national.

La France connaît, d’ailleurs, la solution à ce problème: c’est le statut de “gens du voyage”, une solution qu’elle applique sur le plan national. Mais aura-t-elle le courage de le proposer sur le plan européen? Paris oblige, effectivement, toutes les communes de plus de 5 000 habitants à aménager des terrains, avec eau courante et électricité, pour accueillir les gens du voyage. Ainsi le nomadisme devient plus civilisé et prend des allures de camping. Plutôt que d’investir dans des ghettos modernes en Roumanie et en Bulgarie, c’est ce que devrait faire l’Union européenne: aménager des endroits un peu partout en Europe pour ces Roms qui préfèrent vivre en perpétuant la tradition du voyage. Parce que les Roms sont européens depuis des siècles et qu’il n’y a aucun raison qu’ils retournent en Asie.

Svetoslav Terziev
26.08.10
Source: presseurope

samedi 28 août 2010

Le salut des femmes ne viendra pas de l’Occident


 



Contrairement à de nombreuses affirmations, l’intervention militaire occidentale n’a pas permis de protéger les Afghanes contre les talibans. Les alliés sont incapables d’améliorer leur sort, analyse le spécialiste James Fergusson.


Le sort de Bibi Sanubar, cette veuve afghane condamnée par les talibans à recevoir deux cents coups de fouet avant d’être exécutée en public pour être tombée enceinte, a suscité l’indignation en Occident. Quelques jours auparavant, le magazine Time avait publié une photo particulièrement choquante d’Aisha, une jeune fille de 18 ans à qui l’on avait coupé le nez pour s’être enfuie de chez sa belle-famille. A l’heure où l’on parle tant de réconciliation politique avec les chefs talibans, la question de leur attitude vis-à-vis des femmes reste aussi délicate qu’à leur arrivée au pouvoir, au milieu des années 1990.

Si révoltant le traitement réservé à Bibi Sanubar soit-il, nous devons nous garder de nous laisser submerger par nos émotions. Quel que soit le désir des Occidentaux de voir un changement dans la société afghane, cela n’a jamais été la raison première de notre intervention militaire dans le pays, pas plus que cela ne justifie le maintien du commandant des forces internationales en Afghanistan, le général David Petraeus, qui s’est efforcé de clarifier ce point en novembre 2009. “N’oublions pas ce pour quoi nous sommes en Afghanistan, a-t-il déclaré. Notre mission est de veiller à ce que ce pays ne puisse plus servir de sanctuaire à Al-Qaida.” Les droits des femmes sont importants, mais ils ne sont pas directement liés à la menace que constitue la nébuleuse terroriste. Cela ne veut pas dire que l’Occident doive croiser les bras et regarder en silence. Toutefois, il ne servirait à rien d’imposer un changement par la force. Si les mœurs doivent évoluer, le mouvement doit venir de la société elle-même, ce qui finira bien par arriver.

Il serait plutôt utile de mieux comprendre les talibans. La brutalité des châtiments qu’ils infligent à la population semble parfois totalement incompréhensible aux Occidentaux. Les très sévères règles en matière de relations sexuelles que les talibans défendent trouvent leur source dans les traditions observées par les Pachtounes [qui représentent environ 40 % de la population afghane], dont l’objectif principal est de protéger l’intégrité de la tribu, et donc de limiter les relations adultères et l’arrivée de gènes étrangers. “Les Pachtounes doivent procréer selon les règles pour produire des guerriers”, écrivait le poète Ghani Khan en 1947. “La future mère de l’homme de demain doit être jalousement gardée… Mort à ceux qui osent mettre en péril la pureté de la tribu.” Le procédé est “dur et brutal”, reconnaît Khan, mais il fonctionne.

L’inquiétante une du magazine Time qui titre sur fond apocalyptique “Ce qui se passera si nous quittons l’Afghanistan” est parfaitement fallacieuse vu que le scénario décrit est déjà une réalité alors que nous sommes encore là-bas. Je suis convaincu, depuis quatorze ans que j’étudie les talibans, que leur cas n’est pas désespéré. Cela peut paraître étonnant mais, dans les années 1990, les chefs talibans ne se considéraient pas comme des oppresseurs des femmes, mais comme leurs protecteurs. Leur principal objectif était de ramener l’ordre dans un pays dévasté par cinq ans d’une terrible guerre civile. “La première raison de leur ascension est liée à l’acceptation tacite par bon nombre d’Afghans, notamment les Pachtounes, de céder une partie de leurs libertés pour mettre fin au perpétuel chaos et ramener un peu d’ordre et de sécurité dans le pays”, expliquait Robin Raphel, assistant du secrétaire d’Etat américain, lors d’une session de l’ONU à New York en novembre 1996. Pour bon nombre d’Afghans, y compris de femmes, l’oppression n’était rien comparée aux viols massifs et aux massacres des années précédentes. Les talibans apparaissaient comme la solution la moins mauvaise et bon nombre d’Afghans sont toujours de cet avis (alors que 1 250 civils sont morts cette année). [Plus de 1 320 selon la Commission indépendante afghane pour les droits de l’homme. Les insurgés talibans sont tenus pour responsables de 68 % de ces morts violentes.] Pour Shukria Barakzai, députée pachtoune et militante des droits des femmes, l’Occident n’a jamais compris son pays. “J’ai changé d’opinion sur les talibans il y a trois ans, quand j’ai compris que les Afghans ne pouvaient compter que sur eux-mêmes”, déclarait-elle récemment. “Les talibans font partie de l’Afghanistan. Leurs idées sont différentes mais, en tant que démocrates, c’est quelque chose que nous devons accepter.” La position de Shukria Barakzai est d’autant plus étonnante qu’elle a elle-même été victime du célèbre Comité de la promotion de la vertu et la prévention du vice, qui l’a rouée de coups en 1999 parce qu’elle s’était rendue chez le médecin sans être accompagnée de son mari. Même si elle défend aujourd’hui l’idée d’un compromis politique avec les talibans, quel autre choix avons-nous que l’écouter?

En matière d’égalité, pas de leçon à donner
En Occident, l’égalité entre les sexes est considérée – à juste titre – comme un droit absolu. Pourtant aucun pays, certainement pas le Royaume-Uni, n’est parvenu à réellement faire appliquer ce droit sur son propre territoire. Si l’Occident a inspiré une partie de la nouvelle Constitution afghane de 2003, l’obligation d’élire 25 % de députés femmes relève de la pure hypocrisie. Même après les élections de 2010, la démocratie parlementaire britannique – légèrement plus ancienne que sa consœur afghane – n’est parvenue qu’à 22 % de femmes députés. Le droit de vote pour les femmes n’a pas été imposé au Royaume-Uni, il est né d’un long débat interne, ainsi qu’il se doit pour une question relevant si pleinement de la souveraineté d’un Etat. L’Afghanistan finira par changer, mais il le fera de l’intérieur et à son propre rythme. Nos soldats ne devraient pas mourir pour cela.

James Fergusson
25.08.10
Spécialiste de l’Afghanistan. Il vient de publier Taliban [inédit en français] chez Bantam Press.
Source: courrier international

vendredi 27 août 2010

Pourquoi Israël et l'Arabie saoudite s'allieront pour attaquer l'Iran




La nouvelle vient de tomber et elle peut apparaître incompréhensible pour beaucoup: selon le Sunday Times, qui cite des sources diplomatiques, «l’Arabie saoudite aurait donné son accord tacite au gouvernement israélien pour un survol de son territoire dans l’hypothèse de frappes contre l’Iran». Au même moment, un sous-marin nucléaire israélien - fait rarissime - transitait par le canal de Suez pour participer, avec l’aval des autorités égyptiennes, à des manœuvres navales en mer Rouge. Ces faits arrivent au moment où l’Administration Obama change de ton face à la question du nucléaire iranien: le vice-président américain Joe Biden vient de déclarer qu’Israël avait un «droit souverain» de décider ce qui est de son intérêt face aux ambitions nucléaires de l’Iran.

Dans un contexte de crise politique où l’aile conservatrice au pouvoir à Téhéran s’oriente vers un durcissement du discours vis-à-vis d’un Occident coupable, selon elle, de vouloir saper les fondements de son régime, la perspective d’un règlement pacifique du dossier du nucléaire s’éloigne de plus en plus.

Ces informations, aussi surprenantes soient-elles, révèlent au grand jour l’alliance objective qui se noue entre l’Etat hébreu et certains pays arabes, au premier rang desquels figurent l’Arabie Saoudite et l’Egypte.
Cette entente d’un genre nouveau voit en l’Iran chiite le principal ennemi à abattre. En fait, une attaque militaire israélienne, soutenue par certaines puissances arabes, à l’encontre de l’Iran semble quasi-inéluctable. Les trois raisons principales qui convergent en ce sens permettront au lecteur de mieux cerner les contours d’un conflit à la résonance mondiale, où intérêts stratégiques et considérations religieuses sont intimement liés.

Israël et la loi du plus fort
D’abord, et c’est un postulat maintes fois répété par les responsables politiques et militaires de l’Etat hébreu, jamais Israël n’acceptera la présence au Moyen-Orient d’une puissance hostile qui se doterait de la bombe atomique. Ce scénario relève du cauchemar pour les dirigeants israéliens et ce positionnement fait l’unanimité en Israël. Cette prise de position se vérifie d’autant plus à l’égard d’un Etat, l’Iran, qui, outre les capacités militaires considérables qu’il détient, menace régulièrement Israël dans ses déclarations. Pour les Israéliens, l’équation est simple: dans un contexte où la discussion diplomatique et les sanctions économiques prouvent leur inefficacité, plus le temps passe et plus l’Iran s’approche de la bombe. Du reste, avec un gouvernement d’extrême droite à Tel Aviv, qui fait de la lutte contre l’Iran son objectif stratégique central, on est en droit de redouter le pire dans un avenir proche.

Il est donc désormais clair qu’une offensive aérienne israélienne se fait de plus en plus pressante et qu’aux yeux de nombreux Israéliens, c’est la seule manière d’empêcher l’Iran de parvenir au stade de puissance nucléaire. Ce ne sera d’ailleurs pas la première fois que Tsahal déploiera son arsenal dans un tel objectif: en juin 1981, l’aviation israélienne avait bombardé le réacteur nucléaire d’Osirak, au sud de Bagdad, anéantissant du même coup les rêves de Saddam Hussein de se doter de l’arme atomique. Plus récemment, en septembre 2007, elle a rasé un site syrien où, selon le renseignement américain, la construction d’un réacteur nucléaire avec l’aide de la Corée du Nord était en voie d’achèvement. Ces deux opérations n’ont suscité aucune réaction militaire de la part des deux pays visés et la communauté internationale s’est contentée, comme à son habitude lorsqu’il s’agit d’Israël, de quelques remontrances verbales.

Ces précédents démontrent clairement une chose: Israël, sûr de sa force, est prêt à tout pour éradiquer n’importe quelle menace. Les Iraniens sont prévenus et la communauté internationale aussi.

L’Iran : une puissance régionale menaçante pour des pays arabes craintifs
L’autre raison réside dans la hantise du spectre iranien de la part de certaines capitales arabes. Riyad et Le Caire voient d’un très mauvais œil l’ascension fulgurante de Téhéran comme puissance régionale. L’Iran fait désormais figure, aux yeux de nombreux musulmans du monde, de seule puissance dans la région capable de défier Israël. Son soutien au Hezbollah [1], l’assistance qu’il apporte au Hamas, sa ténacité dans le bras de fer qui l’oppose à l’Occident sur le dossier du nucléaire lui permet de gagner des sympathies dans des larges couches de la “rue arabe“ et ce, jusque dans les rues de Djedda et d’Alexandrie. Dans le même temps, (et cet antagonisme ne s’est jamais totalement démenti depuis le début des années 1980) la République Islamique d’Iran continue de railler la monarchie saoudienne et certains pays arabes, en les présentant comme étant des gouvernements à la solde des Américains et plus largement des Occidentaux. Rappelons que depuis 1981, l’Egypte n’entretient pas de relations diplomatiques avec Téhéran (alors qu’elle en a avec Israël) et qu’une rue à Téhéran porte le nom de l’assassin du président Sadate…

Cette inquiétude semble être partagée par d’autres Etats de la région et notamment les petits émirats du Golfe, très vulnérables, et qui partagent pour l’essentiel les inquiétudes du grand frère saoudien [2]. En outre, la trajectoire, les déclarations, l’identité et les positionnements de l’élite politico-religieuse au pouvoir à Téhéran n’est pas de nature à apaiser les voisins de l’Iran. Il est à rappeler que l’assise idéologique du président Ahmadinejad comme d’une grande partie des dirigeants iraniens est issue du chiisme révolutionnaire hérité de l’ayatollah Khomeiny [3]. Et que les références à l’Imam caché, au Mahdi ou au sang de l’Imam Hussein sont légion dans leurs discours, souvent empreints de messianisme.

C’est ainsi que Mahmoud Ahmadinejad, élu président de la République d’Iran en juin 2005 s’est réclamé «explicitement du Mahdi dont il prétend préparer le retour»[4]. Cette situation rend le discours politique iranien au mieux confus, au pire très inquiétant pour ses voisins. Cette vision messianique du rôle de l’Iran inquiète au plus haut niveau les dirigeants arabes sunnites, lesquels craignent l’utilisation de l’arsenal iranien à des fins d’Apocalypse... «Le droit de l’Iran à la technologie nucléaire est une des solutions qui préparent le retour de l’Imam» a également déclaré le président Ahmadinejad [5]. Cette vision du monde, dans laquelle une foi intérieure croise le destin de toute une région fait craindre le pire au Moyen-Orient. Ce qui fait dire à Olivier Roy que «le jour où les Etats-Unis - ou Israël - bombarderont l’Iran, toutes les capitales arabes protesteront, mais plus d’une se réjouira» [6].

Chiites-sunnites : une fracture instrumentalisée
L’opposition politique se double désormais d’un antagonisme confessionnel qui a pris, ces dernières années, une place primordiale dans l’échiquier politique régional. Malgré son origine lointaine, le différend chiite-sunnite a récemment opéré un fulgurant retour en force. Il est aujourd’hui frappant de constater que l’une des raisons qui plaident pour une limitation de la puissance iranienne (et donc d’une intervention militaire) est l’endiguement de l’expansionnisme chiite au Moyen-Orient. Partout dans le monde arabe sunnite, les débats ont fait rage ces dernières années pour voir dans le chiisme le véritable ennemi qui menace la stabilité des Etats et met en péril la domination sunnite. L’Arabie Saoudite, qui ne supporte pas l’idée d’une forme alternative de gouvernement “islamique“, a été à la pointe de cette offensive tous azimuts. Cette surenchère a redoublé d’intensité après l’avènement en Irak d’un gouvernement dominé par des chiites et dont l’aversion envers Riyad est bien connue [7].

Malheureusement, cette stratégie est en passe de parvenir à ses objectifs. Dans certains pays et auprès d’une partie croissante de la population, la menace chiite est si prégnante qu’elle supplante désormais l’opposition à Israël. Certains médias, journaux, sites internet, chaînes de télévision et même, certaines autorités religieuses [8] voient la lutte contre l’influence chiite prioritaire face à la menace israélienne. Ce renversement de tendance a aussi été favorisé par le climat d’hostilité croissante à l’égard des chiites consécutif à la guerre civile irakienne où les terribles affrontements intercommunautaires de 2005-2007 ont marginalisé la minorité
sunnite du pays [9]. Le royaume saoudien, concurrencé par la République Islamique d’Iran dans sa lutte pour le leadership de l’Islam mondial et échaudé par les récents succès des alliés de Téhéran dans la région (au Liban comme en Irak) met toutes ses forces dans la bataille pour empêcher l’avènement d’un croissant chiite revanchard et conquérant [10].

Il est vrai que l’Arabie Saoudite a de quoi s’inquiéter, car «entre la Méditerranée et l’Iran, les sunnites semblent politiquement minoritaires (Irak, Liban, Syrie), quand ils ne le sont pas aussi démographiquement (Irak, Liban, Bahreïn)» [11]. De plus, les chiites, dont le ressenti envers les pouvoirs sunnites usurpateurs reste vivace, font aujourd’hui la démonstration de leur force [12]. Il n’y a qu’à voir les millions de pèlerins chiites déferlant chaque année depuis la chute de Saddam Hussein en pèlerinage à Kerbala - lequel relègue désormais le pèlerinage à la Mecque au second plan - pour s’en rendre compte. Près de quatre millions de personnes ont ainsi participé au pèlerinage de Kerbala en avril 2003 et ce sont près de huit millions qui ont fait de même en 2008 [13]. Pareil évènement est interprété à Riyad comme l’une des manifestations les plus spectaculaires de la résurgence d’un chiisme militant voire révolutionnaire qui ne cache pas sa volonté de reprendre un jour à la dynastie wahhabite le contrôle des Lieux saints usurpés par un pouvoir corrompu et honni [14].

En l’espace de quelques années, un arc chiite en plein expansion s’est formé et qui, même s’il n’est pas totalement homogène, suscite de grandes inquiétudes. Ainsi, dès décembre 2004, le roi AbdAllah II de Jordanie formalisait ce sentiment lors d’une interview accordé au Washington Post. Selon lui, l’émergence d’un “croissant chiite“ allant de l’Iran au Liban en passant par l’Irak, Bahreïn et les nombreuses communautés chiites du Golfe – dont l’allégeance se porterait envers l’Iran plutôt que vers les pouvoirs nationaux - menacerait l’intégrité et la stabilité des autres Etats arabes [15]. C’est ce basculement tectonique qui fait que pour les pays arabes sunnites (Arabie Saoudite, Egypte et Jordanie) la «menace chiite» est désormais plus importante et plus alarmante que le problème israélien.

Le salut viendra … des Etats-Unis !
Paradoxalement, ce sont peut-être les Etats-Unis qui empêcheront Israël de se lancer dans cette aventure militaire. Cette offensive entraînera, en effet, un désordre mondial et aura des répercussions incalculables dans tout le Moyen-Orient. De plus, la crise économique que le monde traverse actuellement n’est pas de nature à favoriser une escalade militaire dont les retombées économiques seront catastrophiques, notamment dans le domaine du pétrole.
Même si la politique étrangère américaine a souvent été dictée par les intérêts d’Israël [16], il semblerait qu’une vraie divergence oppose les Etats-Unis à Israël sur la question de l’éventualité d’une attaque militaire contre l’Iran.

En outre, et même si l’ensemble des infrastructures militaires de l’Iran risquent d’être détruites dès les premiers jours de l’attaque, le régime iranien conservera des moyens de représailles sérieux pour frapper les intérêts israéliens, américains et occidentaux en Irak, au Liban et dans le Golfe. C’est sûrement pour ces raisons que l’administration Bush avait refusé de donner son feu vert à Israël, en mai 2008, pour lancer une attaque contre les installations nucléaires iraniennes [17]. Et c’est certainement pour ces même raisons que Barack Obama a pris soin de revenir sur les déclarations de son vice-président qui sonnait en Israël comme un véritable laisser faire quant à une future attaque contre l’Iran.

Quoiqu’il en soit, le Moyen-Orient fait aujourd’hui face à un équilibre de la terreur où des alliances nouvelles se font jour. Dans un contexte où le temps ne joue pas en faveur de la paix, la conjugaison de rivalités politiques tendues, d’intérêts stratégiques majeurs et de querelles religieuses manipulées risquent de déclencher un cataclysme terrible dans un Moyen-Orient que la violence semble ne jamais vouloir quitter.

24.08.10

Notes:

[1] La place et l’aura dont bénéficie aujourd’hui le Hezbollah au Liban et au-delà, dans tout le monde arabe, doit beaucoup à l’Iran. Et chacun sait que la “victoire“ du Hezbollah contre l’armée israélienne en juin 2006 est aussi une victoire iranienne.
[2] En témoigne la récente installation de la base militaire française à Abu Dhabi. L’accord conclu entre la France et les Emirats Arabes Unis prévoit même la possibilité d’utiliser la dissuasion nucléaire française en cas de conflit avec l’Iran! Cf. Le nucléaire français contre l’Iran, blog d’Alain Gresh, 17 juin 2009.
[3] Ainsi de la fameuse théorie de wilâyat al-faqih – opinion selon laquelle le pouvoir politique doit incomber aux religieux.
[4] Cf. Le Monde des religions N° 31- Septembre, Octobre 2008. Le thème principal de ce numéro portait sur l’opposition Sunnite-Chiite dans le monde musulman.
[5] Cité in Sunnites, chiites, pourquoi ils s’entretuent, Martin Gozlan, Seuil, mars 2008, p. 136. Après un pèlerinage à Jamkaran, l’un des mausolées les plus vénérés du chiisme, Ahmadinejad avait également eu ses mots: «La principale mission pour la révolution, c’est de préparer le chemin pour la résurrection de l’Imam caché».
[6] Cf. Le croissant et le chaos, Olivier Roy, Hachette Littératures, 2007.
[7] Il n’existe pas de relations diplomatiques officielles entre l’Irak et l’Arabie Saoudite. Les deux pays entretiennent des relations tendues depuis la chute du régime de Saddam Hussein. Le royaume saoudien se méfie du gouvernement en place à Bagdad car issu de la majorité chiite du pays. Pendant les affrontements intercommunautaires qui ont déchiré l’Irak en 2005-2007, le ministre de l’Intérieur irakien, le très controversé Bayan Jaber Solagh, avait traité le ministre saoudien des Affaires étrangères de «misérable Bédouin sur son chameau» parce que ce dernier s’inquiétait alors de la multiplication de meurtres de sunnites en territoire irakien…Sur la responsabilité et le rôle de Bayan Jaber Solagh dans les tueries qui ont ensanglanté l’Irak, cf. le débat très agité de l’émission Al Itijah Al Mou’akass de la chaîne Al Jazeera du 6 février 2007.
[8] Du Maroc aux pays du Golfe, tout un discours religieux a désigné le chiite comme l’ennemi intérieur à combattre. Certaines autorités religieuses, utilisant notamment le canal des nombreuses chaînes satellitaires qui ont récemment émergé dans le monde arabe, ont produit un discours excommuniant le chiisme de l’islam proprement dit. Parmi les Cheikhs connus et réputés, on peut ainsi citer les cas des égyptiens Abou Ishaq Al Howeini et Mohamed Hasan. Ces deux prédicateurs vedettes de la chaîne égyptienne “Al Nass“ se sont livrés, avec beaucoup d’autres, à des diatribes à l’encontre des chiites hérétiques dont l’influence devait absolument être stoppée. Reprenant les arguments d’oulémas saoudiens, Abou Ishaq Al Howeini a été jusqu’à mettre dos à dos le Hezbollah et l’armée israélienne lors de l’offensive de cette dernière au sud Liban à l’été 2006.
[9] Cette guerre civile a été le point culminant de ce clivage. A partir du 22 février 2006, jour de la destruction du «mausolée d’or» chiite de Samarra, les affrontements intercommunautaires en Irak ont pris une tournure radicale avec une explosion de haine entre les deux communautés qui se solda par des dizaines de milliers de victimes. Une véritable épuration confessionnelle a alors traversé l’Irak et elle a eu un retentissement considérable dans le monde arabe. Cf. Gilles Kepel, Terreur et martyre, relever le défi de la civilisation, Flammarion, Paris, 2008 ainsi que «La Saint-Barthélemy en Irak», reportage de Patrice Claude, Le Monde, 1er avril 2006.
[10] Quitte à soutenir les groupes djihadistes en Irak contre les chiites irakiens. En décembre 2006, une conférence de soutien aux Irakiens tenue à Istanbul réunit uniquement des sunnites. Parmi eux, le cheikh saoudien Nasir Bin Soulayman al-Umar a appelé les sunnites à s’unir contre les chiites. Et en cas de conflit armé contre Téhéran,, nul doute que la monarchie saoudienne aura l’appui de tout l’establishment religieux du royaume au premier rang desquels le Corps des grands oulémas (Hay’at kibar al ‘ulamas) lequel considère le chiisme comme une hérésie condamnable et dangereuse.
[11] Cf. Olivier Roy op.cit.
[12] «L’identité chiite, telle qu’elle s’exprime dans l’Irak de l’après-2003, se forge autour d’un sentiment d’injustice». Cf. Fanny Lafourcade, Le chaos irakien, 10 clés pour comprendre, La Découverte, Paris, 2007.
[13] Le fait que le plus grand rassemblement humain au Moyen-Orient se fasse désormais à Kerbala et non à La Mecque a une portée symbolique très forte et est révélateur de la nouvelle donne géopolitique dans la région. Cf. la dépêche AFP suivante : http://afp.google.com/article /ALeqM5j5cIe3K7hcmWa_MDl2lZXv-lqFvA
[14] Les discriminations dont sont victimes les chiites en Arabie Saoudite – et dans d’autres pays du Golfe où vivent de fortes communautés chiites – entraînent régulièrement des heurts avec les autorités. L’auteur de ces lignes a pu constater combien ce clivage était prégnant notamment lors du dernier pèlerinage à la Mecque et lors de la visite du cimetière Al Baqi’ de Médine. Régulièrement, des frictions apparaissent entre des pèlerins chiites et les forces de police saoudienne. Le dernier en date, en février 2009 à Médine, a donné lieu à plusieurs manifestations et à des heurts entre pèlerins chiites et fidèles sunnites. Cf. http://observers.france24.com/fr/content/20090305-chiites-saoudiennes-cibles-police-religieuse-sunnite-muttawa-medine-pelerinage.
[15] Cf. Fanny Lafourcade. op. cit
[16] Cf. notamment John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, La Découverte, 2009.
[17] Cf. «Israël aurait voulu bombarder les installations nucléaires iraniennes en mai», Le Monde, 26 septembre 2008 et «Washington se serait opposé à un raid israélien en Iran», Le Monde, 13 janvier 2009.

Source: alterinfo.net

jeudi 26 août 2010

Lettre ouverte au Président de la République française





Les Français (comme d'autres, ndlr) n’ont pas besoin de travailler plus longtemps, mais de travailler tous !



Monsieur le Président,

La multitude des tâches qui vous incombent vous laisse très peu de temps pour une réflexion approfondie et indépendante des groupes de pression toujours à l’œuvre dans les cercles du pouvoir. Aussi souhaitons-nous attirer votre attention sur quelques aspects essentiels des dossiers retraites et chômage.

Le problème du chômage est plus grave et plus urgent à traiter que celui des retraites
Des dizaines de personnalités qualifiées ont depuis longtemps attiré l’attention des décideurs politiques sur cette réalité.
Jean-Paul Fitoussi - président de l’OFCE, observatoire français des conjonctures économiques – déclarait dans Le Monde du 6 mars 2001: «S’il n’est pas porté remède au chômage, le recul de l’âge de la retraite ne sert à rien. Cela revient à demander aux gens de travailler plus longtemps alors qu’ils manquent déjà de travail. Le vrai problème, c’est le chômage.»

En 2008, François Chérèque au nom de la CFDT avait jugé aberrant, tant que l’on est dans une situation de chômage massif, d’augmenter de 40 à 41 le nombre d’annuités.

Emmanuel Todd - anthropologue et démographe – écrivait le 23 mai 2010 dans un article intitulé «Le débat n’a aucun sens»: «Un économiste venu de Mars ne comprendrait pas que la planète France débatte de la manière d’augmenter la durée du travail dans l’avenir pour des personnes ayant déjà un certain âge, alors qu’on ne parvient pas à donner aujourd’hui du travail aux jeunes… Le gouvernement veut donner l’impression qu’il affronte la réalité, la vérité est qu’il fuit la réalité.»

Dans la pétition «Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites» signée par 60 000 personnes, on peut lire: «Il n’y a aucun sens à augmenter l’âge de la retraite alors que le chômage de masse sévit pour les jeunes…»

Les Français sont de plus en plus nombreux à partager cette analyse. Depuis que le débat est lancé sur votre projet de réforme des retraites, des centaines d’articles ont été publiés dans la presse écrite ou sur internet. Les internautes sont venus y ajouter leurs commentaires par milliers. De ces 5 mois d’expression citoyenne, 3 conclusions recueillent un large consensus :
· le problème à traiter prioritairement est celui du chômage. D’autant qu’une réduction massive du chômage résoudrait en grande partie le problème du financement des retraites et de la santé. Même le problème de l’insécurité en serait grandement amélioré, car comme le dit l’adage «L’oisiveté est la mère de tous les vices»
· repousser l’âge légal à 62 ans et celui du taux plein à 67 ans, ou augmenter le nombre d’annuités, ne génèrera pas d’emplois supplémentaires et n’augmentera donc ni le nombre de cotisants, ni les ressources des régimes
· une partie des personnes entre 60 et 62 ans aura été déplacée de la case retraite vers la case chômage. L’autre partie devra travailler 2 ans de plus, au détriment de l’embauche de centaines de milliers de jeunes à la recherche d’un emploi et au détriment des chômeurs de moins de 60 ans

L’honnêteté intellectuelle exigerait que des informations essentielles soient versées au débat
Les responsables politiques de la majorité qui s’expriment sur le dossier des retraites ne donnent jamais les informations essentielles exposées ci-après:
· depuis 40 ans la quantité de richesses produites annuellement a doublé. Même dans l’hypothèse où la croissance serait seulement de 1% en moyenne annuelle sur les 40 prochaines années, le PIB passerait de 2000 milliards d’euros en 2010 à 3000 milliards en 2050. Ces 1000 milliards de richesses supplémentaires donneront des marges de manoeuvre importantes pour le financement de la protection sociale. Illustration: aujourd’hui 10 salariés produisent un gâteau de 2000 g à partager avec 4 retraités. La part de chacune de ces 14 personnes est de 143 g (2000 : 14). Dans 40 ans, 10 salariés produiront un gâteau de 3000 g à partager avec 8 retraités. La part de chacune sera alors de 167 g (3000 : 18). La part de chaque actif et de chaque retraité aura augmenté.
· les 140 milliards d’euros d’exonérations sociales et fiscales constituent dès maintenant des marges de manœuvre importantes.
Voir le détail de ces 140 milliards:
· les dividendes versés aux actionnaires sont passés de 3,2% du PIB en 1982 à 8,5% en 2007. Cette augmentation de 100 milliards d’euros vous laisse d’autres marges de manœuvre. D’autant que cette explosion des profits distribués est à l’origine de la crise actuelle. En effet, elle s’est faite au détriment des salaires et seule une augmentation massive et continue de l’endettement des ménages et des états a permis de compenser le grave déficit de consommation et donc de croissance qui en auraient sinon résulté. Cet artifice dangereux n’était pas durable et a conduit l’économie mondiale dans le mur.

Vos contrevérités sur la réduction du temps de travail déshonorent la fonction présidentielle
Michel Rocard, dont vous louez souvent les compétences, a écrit en 1997 un livre consacré aux causes du chômage et aux solutions. Il écrivait en 4è de couverture de ce livre «Les moyens d’en sortir» publié en 1997: «L’inexorable montée du chômage démontre l’inefficacité de toutes les techniques utilisées pour le combattre … On ne luttera efficacement contre le chômage massif que par la réduction massive du temps de travail. Toute la question est: comment faire?».

Vous répétez en toutes occasions que la réduction du temps de travail serait responsable du pouvoir d’achat en berne et que la France serait le pays où l’on travaille le moins. Ces affirmations sont en totale contradiction avec les chiffres publiés par l’INSEE et par Eurostat, ainsi que l’ont rappelé à plusieurs reprises des économistes comme Guillaume Duval ou Pierre-Alain Muet (1). Elles induisent chez de nombreux citoyens une appréciation globalement erronée à l’égard de l’impérieuse nécessité d’une répartition plus équitable du temps de travail. Ces contrevérités jettent en plus le discrédit sur les milliers de syndicalistes et représentants des employeurs qui, dans les entreprises, se sont investis dans ces négociations avec un grand sens de l’intérêt général. Il faut en effet rappeler qu’il n’y a jamais eu autant de négociations dans les entreprises que suite aux lois Aubry sur la RTT.

Vous multipliez les réformes qui aggravent le chômage
Dire qu’il faut travailler plus si l’on veut créer plus de richesses n’est pas contestable. A condition de donner la possibilité de travailler plus d’abord à ceux qui sont privés d’emploi ou en temps partiel subi. Or, depuis 2007 toutes vos réformes conduisent au contraire à une répartition encore plus inégalitaire du temps de travail:
- Vous avez fini de démanteler les lois Aubry sur la réduction du temps de travail qui avaient permis la création de 400 000 emplois.
- Vous encouragez le recours aux heures supplémentaires en les exonérant de cotisations sociales. Dans un article intitulé "Il n’y a jamais eu autant d’heures sup’ qu’aujourd-hui", Guillaume Duval - rédacteur en chef d’Alternatives Economiques – écrivait le 9 avril 2010: «Ainsi 4 milliards d’euros d’argent public sont dépensés pour inciter salariés et entreprises à faire des heures supplémentaires au lieu d’embaucher des jeunes et des chômeurs … Ces millions d’heures supplémentaires représentent l’équivalent de 420 000 emplois à temps plein … Un scandale qu’il y aurait urgence à faire cesser.»
- Vous avez supprimé toutes les règles qui encadraient le cumul emploi retraite. Depuis le 1er janvier 2009, tout salarié peut cumuler, sans limite de revenus, une retraite à taux plein et un salaire à temps complet ou partiel.
- Enfin, cerise sur le gâteau, vous venez d’annoncer votre intention de repousser à 62 ans l’âge légal de la retraite et à 67 ans celui donnant droit à une retraite à taux plein.

Les responsables politiques qui multiplient ainsi les réformes manifestement antinomiques, dans une conjoncture donnée, avec une réduction du chômage, font subir aux millions de chômeurs et à leurs proches de graves préjudices. Certes, les dirigeants du MEDEF vous poussent très fortement, vous et les députés de votre majorité, à prendre toutes ces mesures. Mais le MEDEF a des circonstances atténuantes, puisque son unique raison d’être est de défendre les intérêts des dirigeants et des actionnaires des grandes entreprises.

Vous, vous n’avez aucune circonstance atténuante, car le Président de la République a le devoir d’agir dans le sens de l’intérêt général. Et en particulier de tout faire pour permettre à un maximum de jeunes d’accéder à un vrai emploi et à l’autonomie économique.

Avec le respect que nous portons à la fonction présidentielle, ….

André Martin et Jean-Luc Cassi 
Ingénieurs - fondateurs du site http://www.retraites-enjeux-debats.org/
Christian Liard 
Délégué syndical CFDT
23.08.10

(1) Concernant les durées comparées du travail dans les différents pays, voir la tribune de Guillaume Duval dans Libération du 7 mai 2007 intitulée «Les Français ne sont pas des paresseux». Et l’article de Pierre-Alain Muet - député PS de Lyon et ancien président du Conseil d’Analyse économique - dans Libération du 20 Mai 2009 intitulé «Idées fausses sur la durée du travail»
Concernant la croissance comparée dans les différents pays européens, voir le tableau de l’INSEE «Taux de croissance du PIB par habitant en volume»
Concernant le pouvoir d’achat, la part des salaires dans le PIB a subi une baisse de l’ordre de 10 points dans l'ensemble des pays européens et l’essentiel de cette baisse est intervenue dans la période 1980 – 1990, soit près de 10 ans avant les lois Aubry sur la réduction du temps de travail. Comme on peut le voir sur le graphique «La part salariale en France et dans l’Union européenne», à la page 30 du livre «La France du travail – Données, analyses, débats» publié en septembre 2009 par l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales). Ce livre est une source d’analyses et d’informations chiffrées extrêmement utile pour tous ceux qui s’intéressent à ces questions. Voir aussi page 136 le graphique «La durée hebdomadaire habituelle du travail», en France et dans d’autres pays européens. P.-S.

Source: oulala.net

mercredi 25 août 2010

Pourquoi les juifs d’Iran sont mieux lotis que les Palestiniens de Gaza

    


24/09/2008 - Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad rencontre le rabbin Moshe Ber Beck à New York. Le rabbin est membre de Neturei Karta, un mouvement ultra-orthodoxe et anti-sioniste. (REUTERS/Brendan McDermid)


   
25.000 juifs vivent en Iran. C’est la population juive la plus importante au Moyen-Orient en dehors d’Israël. Les Iraniens juifs ne sont ni persécutés ni maltraités par l’Etat, en fait, la constitution iranienne les protège. Ils sont libres de pratiquer leur religion et de voter aux élections. Ils ne sont ni arrêtés ni fouillés à des checkpoints, ils ne sont pas brutalisés par une armée d’occupation, et ils ne sont pas parqués dans une colonie pénale densément peuplée (Gaza) où ils sont privés des moyens de survie de base. Les Iraniens juifs  vivent dans la dignité et jouissent des avantages de la citoyenneté.

Les médias occidentaux diabolisent le président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Ils le traitent d’antisémite et de «nouvel Hitler». Mais si ces affirmations sont justes, alors pourquoi la majorité des juifs d’Iran ont-ils voté pour Ahmadinejad aux dernières élections présidentielles? Se pourrait-il que la plupart de ce que nous savons sur Ahmadinejad ne soit qu’une rumeur sans fond et de la propagande?

Voici un extrait d’un article paru à la BBC :
«Le bureau [d’Ahmadinejad] a récemment donné de l’argent pour un hôpital juif de Téhéran. C’est l’un des quatre seuls hôpitaux caritatifs juifs au monde et il est financé par la diaspora juive – quelque chose de remarquable en Iran où même les organisations locales d’aide ont des difficultés à recevoir des fonds de l’étranger de crainte d’être accusés d’être des agents étrangers.»

Quand Hitler a-t-il jamais fait des dons aux hôpitaux juifs?
L’analogie avec Hitler est une tentative désespérée de laver le cerveau des Américains (et des Européens, ndlr). Elle ne nous dit rien sur ce qu’est vraiment Ahmadinejad.

Les mensonges sur Ahmadinejad ne sont pas différents de ceux sur Saddam Hussein ou Hugo Chavez. Les Etats-Unis et Israël essaient de créer des justifications pour une nouvelle guerre. C’est pourquoi les médias font dire à Ahmadinejad des choses qu’il n’a jamais dite. Il n’a jamais dit qu’il voulait «rayer Israël de la carte.» C’est une autre fiction. L’auteur Jonathan Cook explique ce que le président iranien à réellement dit :
«Ce mythe a été recyclée sans fin depuis une erreur de traduction d’un discours d’Ahmadinejad d'il y a près de deux ans. Des experts en farsi ont vérifié que le président iranien, loin de menacer de détruire Israël, citait un discours antérieur de feu l’Ayatollah Khomeiny, dans lequel il affirmait aux soutiens des Palestiniens que ‘le régime sioniste de Jérusalem disparaîtrait dans les pages du temps’.»
«Il ne menaçait pas d’exterminer les juifs ni même Israël. Il comparait l’occupation des Palestiniens par Israël à d’autres systèmes de gouvernement illégitimes, dont le règne est terminé, dont celui des Shah qui ont jadis dirigé sur l’Iran, l’Afrique du Sud d’apartheid et l’empire soviétique. Néanmoins, cette traduction erronée a survécu et prospéré parce qu’Israël et ses soutiens l’ont exploitée pour leurs propres desseins de propagande grossière.»
("Israel's Jewish problem in Tehran", Jonathan Cook, Counterpunch, 3 août 2007)

Ahmadinejad ne représente aucune menace pour Israël ou pour les Etats-Unis. Comme n’importe qui au Moyen-Orient, il veut juste un répit dans l’agression US-Israël.

Voici ce qu’on trouve sur Wikipedia :
«Le département d'Etat américain s’est plaint de discriminations contre les juifs en Iran. Selon son étude, les juifs ne peuvent pas occuper des postes élevés au sein du gouvernement et sont empêchés de siéger dans la magistrature et les services de sécurité et de devenir chefs d'établissement public. L'étude indique que les citoyens juifs sont autorisés à obtenir des passeports et de voyage à l'extérieur du pays, mais souvent ils se voient refuser le permis de sorties multiples normalement délivré aux autres ressortissants. Ces allégations formulées par le Département d'Etat américain ont été condamnées par les juifs iraniens. L'Association des juifs de Téhéran a déclaré dans un communiqué, ‘Nous, Iraniens juifs, condamnons les affirmations du Département d'Etat US sur les minorités religieuses iraniennes, annonçons que nous sommes totalement libres d'exercer nos devoirs religieuses et que nous nous ressentons aucune restriction quant à l'exercice de nos rites religieux.’»

Qui croire ? Les juifs vivant en Iran ou le département d’Etat américain fauteur de trouble ?
Il y a 6 boucheries kasher, 11 synagogues et de nombreuses écoles hébraïques à Téhéran. Ni Ahmadinejad ni aucun autre responsable gouvernemental iranien n’a tenté de les fermer. Jamais. Les Iraniens juifs sont libres de voyager (ou de se déplacer) en Israël s’ils le souhaitent. Ils ne sont pas mis en prison par une armée d’occupation. Ils ne sont pas privés de nourriture et de médicaments. Les enfants ne grandissent pas avec des troubles mentaux provoqués par le traumatisme de la violence sporadique. Leurs familles ne sont pas détruites par des hélicoptères de combat tournoyant au-dessus des plages. Leurs soutiens ne sont pas écrasés par des bulldozers ni touchés à la tête par des balles en caoutchouc. Ils ne sont pas asphyxiés par les gaz lacrymogènes ni tabassés lorsqu’ils manifestent pacifiquement pour leurs libertés civiles. Leurs dirigeants ne sont ni traqués ni tués dans des assassinats ciblés.

Roger Cohen a écrit un essai très sérieux sur le sujet pour le New York Times. Il a dit :
«Je préfère peut-être les faits aux paroles, mais je dis que la réalité de la courtoisie iranienne envers les juifs nous en dit plus sur l’Iran – son raffinement et sa culture – que tous les discours incendiaires. C’est peut-être parce que je suis juif et que j’ai rarement été traité, constamment, avec autant de chaleur qu’en Iran. Ou peut-être ai-je été impressionné par le fait que la fureur sur ce qui s’est passé à Gaza, affichée sur les murs et claironnée à la télévision iranienne, n’a jamais débordé en insultes ou en violences contre les juifs. Ou peut-être est-ce parce que je suis convaincu que la caricature de «Mollah Fou» de l’Iran et l’assimilation de tout compromis avec lui à Munich 1938 – une position populaire dans certains cercles juifs américains – sont trompeuses et dangereuses.»
("What Iran's Jews Say", Roger Cohen, New York Times, 22 février 2009)

Tout n’est peut-être pas parfait pour les juifs qui vivent en Iran, mais leur situation est meilleure que celle des Palestiniens qui vivent à Gaza. Bien meilleure.

Mike Whitney
21.08.10
Source: counterpunch
Traduction: MR pour ISM

NON à l’extradition d’Ali Aarrass vers le Maroc !



Dans ce dossier dont nous parlons au fil de son évolution... nous avons besoin de votre soutien

Ali est un citoyen belge !  Justice égale pour tous les citoyens !

Après plus de deux ans de détention arbitraire en Espagne, Ali risque toujours l’extradition vers la torture.  Malgré toutes les démarches effectuées par nos proches, représentants d’associations pour les Droits de l’Homme et autres, l’Espagne s’entête à vouloir l’extrader. L’Audience nationale espagnole a approuvé son extradition fin 2008 et le Conseil de Ministres espagnol persiste à vouloir l’extrader.

Pourtant, après enquête menée par les autorités espagnoles, le juge Baltazar Garzon a prononcé un non-lieu, aucune charge n’ayant pu être retenue contre lui. 

Ali est un citoyen belge, il n’a jamais vécu au Maroc. S’il doit être question d’extradition, que ce soit alors vers la Belgique et non pas vers le Maroc où il risque d’être détenu au secret, de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que d’être victime d’un procès inique.

Ali n’ayant toujours pas été jugé à ce jour, faute de preuves contre lui, la seule raison de sa détention reste la volonté des autorités espagnoles de l’extrader.

Ma mère, ma sœur et moi-même, nous opposons fermement à ce que mon frère, innocent, soit envoyé tel une marchandise à des bourreaux, afin de lui extorquer des aveux sous la torture.

Nous ferons tout ce qu’il y a dans notre pouvoir pour l’aider à sortir de ce cauchemar !

Pour cela nous faisons appel à votre générosité. On aura besoin de votre soutien financier, aucun montant ne sera négligeable, aussi minime soit-il.

Nous avons ouvert, à cet effet, un compte bancaire afin de réceptionner les versements et d’ainsi pouvoir couvrir les frais juridiques et de campagne pour sa libération.

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Farida Aarrass
23.08.10

mardi 24 août 2010

Les traîtres



Les clercs ont trahi leurs idéaux. Les politiques trahissent maintenant les lois de la nation. Pourquoi le peuple ne trahirait-il pas la république?

Julien Benda reprochait aux clercs, c'est-à-dire aux penseurs, aux savants et aux artistes, d'avoir trahi leurs propres valeurs en mettant la raison au service de la déraison des peuples. Ils ont permis, selon le mot de Cocteau, à la bêtise de penser. Le nationalisme n'est rien d'autre que cette superbe de l'imbécile qui sait qu'il a peur et raison d'avoir peur, et s'enorgueillit d'être cerné de clercs et de politiques qui ont peur avec lui. Quel frisson que de pouvoir frayer parmi les grands en s'avouant médiocre.

Dernièrement, il n'est pas un clerc qui n'ait stupéfié par la médiocrité de sa pensée, parce qu'elle n'était pas une pensée, mais l'expression de sa compromission du moment avec le réel. Les clercs de Benda, en trahissant leur fonction au nom de l'histoire et des sciences, ont finalement trahi leur patrie. Ceux d'aujourd'hui trahissent le peuple au nom du réalisme et de l'économie.
Ils ont préparé un peuple qui méprise, un peuple qui soupçonne, un peuple qui hait. A force de meurtrir l'idéal au nom d'un pragmatisme plus irréel encore, ils ont fourni aux politiques du jour le cadre intellectuel propice à leur trahison: celle des lois qui font l'organisation politique d'un pays, et qui sont encore un idéal, le seul auquel les élus soient tenus.

Il ne semble pas que l'on mesure bien quelle rupture induit cette trahison de l'esprit des lois. Punir une communauté – un peuple – pour les agissements de certains de ses membres, ou même d'autres que leur nomadisme apparente aux premiers? Condamner un père ou une mère pour les fautes de ses enfants, faire purger la peine de l'un à un autre, et priver la fratrie de l'un de ses parents? Associer les étrangers à des délinquants, et la délinquance au fait de la présence des étrangers? Considérer que les citoyens français ne jouissent pas devant un tribunal des mêmes droits suivant le lieu de leur naissance? Déchoir un citoyen de ses droits et de son identité par défaut d'ancienneté? Présumer coupable un suspect
Quel gouvernement peut tenir de tels propos, fût-ce pour allumer un contre-feu? (L'argument de la stratégie de diversion est d'ailleurs irrecevable, la xénophobie a toujours été l'objet d'une manœuvre dilatoire, cela ne l'a pas rendue moins dommageable pour autant.)

Le problème n'est pas que ces dispositions soient inconstitutionnelles, ou qu'elles excèdent le droit international, et qu'en conséquence elles soient juridiquement inapplicables. Le problème est que cela ait été dit, au nom de la nation et par ses élus.

S'il se trouve encore une seule personne pour considérer que la parole politique est versatile et par là inconséquente, qu'il explique la vanité des mots aux Roms que l'on expulse. Dire d'une communauté qu'elle pose un problème à la sécurité de l'Etat, aux valeurs d'une nation; dire que l'insécurité est liée aux étrangers et aux Français d'origine étrangère; parler de Français d'origine étrangère; tout ceci n'est pas sans conséquence.

Lorsque l'homme qui prend la parole est un clerc, et qu'il jouit d'une tribune, ou bien qu'il est un élu, commandant à l'administration et à la police d'un pays, sa parole est armée. L'inconséquence est à la parole ce que l'impunité est au crime: une incitation.

On disqualifie toute protestation en arguant de son utopisme. Tout appel aux principes de la justice est considéré comme nul car hors de la réalité. Mais qu'est-ce que cette réalité? Parce que les hommes sont racistes, alors il faut courber l'échine; parce qu'ils sont violents, il faut leur faire la guerre? Créer des apatrides, mettre des familles à la rue, est-ce réaliste? Est-ce une politique réaliste que de scinder un pays, de le replier sur lui-même et d'y fomenter l'hostilité? Les effets d'un idéal tel que la justice sociale sont-ils moins réalistes?
Et pourtant l'on se tait. L'opposition craint d'être naïve ou de l'avoir été. Car elle aussi désormais veut son trousseau de pragmatique et admet de recevoir sa naïveté en pleine face comme une insulte pour laquelle elle baisse les yeux.

Pas de problème d'immigration, mais de racisme en France
Ce que cet accablant silence a d'infâme, c'est de laisser penser que tout a été fait. On répète à l'envi que les banlieues ont été délaissées depuis leur construction par les pouvoirs publics et l'on ose dire qu'on a tout essayé. On met à mal les services publics, on fragilise les structures de la santé, on réduit l'éducation à n'être qu'une garderie, et l'on déclare avec l'air compassé qui sied au deuil que le système d'intégration ne fonctionne plus. Les étrangers sont la cause de ce dysfonctionnement. Les étrangers sont un problème pour la France.

Au début des années 1950, le philosophe Theodor Adorno rappelait qu'à partir du moment où l'Allemagne avait accepté l'idée d'un problème juif, l'idée que la présence des juifs en Allemagne méritait une réflexion publique, des réponses politiques et des aménagements législatifs, c'en était fait de son pays, il pouvait sombrer dans le pire antisémitisme et la xénophobie. Il n'y avait pas de problème juif, il y avait un problème nazi, qui procédait d'un problème antisémite. Parler de "problème juif" n'avait pas de sens, la problématique était absurde en ses termes mêmes. Personne, aujourd'hui, n'admettrait qu'il en fut autrement.

Il n'y a pas en France de problème d'immigration. Il n'y a pas de problème posé par les étrangers sur le sol français. Il y a un problème de xénophobie et de racisme. En d'autres termes, tant que les clercs, les responsables politiques et le peuple continueront de considérer qu'il y a des Français et des pseudo Français, il n'y a aucune sorte de raison pour que les seconds ne s'estiment mis au banc de la nation, avec toutes les conséquences que le bannissement implique.

Car enfin quel est le rôle des clercs? Démontrer que l'étrangeté contredit les valeurs de la pensée ou démontrer que le racisme met ces valeurs en péril? Quel est le rôle des politiques et de la force publique? Celui de dissuader les étrangers ou de dissuader les racistes? Quelle est la responsabilité du peuple? Celle de se répandre en propos injurieux, en plaisanteries douteuses et en discrimination quotidienne, ou bien d'admettre qu'il a un semblant de responsabilité en tant que personne, en tant que citoyen, en tant qu'être de raison et que sa raison et la loi l'obligent à tenir sa peur en laisse, à réserver son intolérance à ses recoins d'ombre et sa violence pour les joies du sport?

Si une partie de ce peuple juge que son histoire religieuse, militaire, coloniale et néocoloniale, qu'en somme son histoire politique et ses morts l'autorisent à se laisser aller, qu'il sache qu'une autre partie n'ignore rien de la honte d'être un homme, de la honte d'être un Français, et qu'elle en tire la fierté qui a menée plus d'un clerc autrefois, ou même un politique, à se battre contre le peuple; pour une idée de la justice. Cet utopisme-là a sauvé plus d'hommes, et permet à plus d'hommes de survivre, que n'importe lequel des réalismes.
Si une partie des Français pense réellement qu'elle peut se passer des étrangers, c'est que cette partie-là méconnaît ce qu'elle est; elle méconnaît son identité. Si elle pense qu'ils sont pour elle une menace, et qu'alors ils sont fondés à approuver qu'un gouvernement entame leurs droits, elle se mutile. Dans les deux cas, elle oublie comme une nation est fragile et la paix civile avec elle.
Il serait bon que les penseurs et les politiques se rappellent à leurs devoirs, au premier rang desquels celui de ne pas considérer la place publique comme l'alèse des passions, d'autant plus lorsqu'elles sont celles de la peur.

Il n'y a rien de plus dangereux que cette "décomplexion" qui consiste à en finir avec l'"hypocrisie". Une nation, les principes qui la fondent et les lois qui la structurent sont hypocrites puisqu'ils regardent l'inégalité des hommes et en déduisent l'égalité des citoyens. Toute la politique repose sur des conventions, sur un accord, en aucun cas sur les lois de la nature, et c'est pourquoi le socle en est si précaire. Mais c'est à cette précarité que le peuple doit ses droits, qui sont encore une illusion, et c'est à elle que les politiques doivent leur charge. Ceux-ci ayant le devoir de maintenir les lois et leur esprit, ceux-là de se tenir.
Le renoncement d'un peuple à sa tenue, l'acceptation de se voir insulter en son intelligence et d'être traité en mineur, cette trahison de sa dignité propre n'advient que lorsque les élites ont elles-mêmes renoncé à raisonner. Cependant, et c'est la force et la dangerosité de la liberté démocratique, l'abdication des clercs et des politiques est sans effet si le peuple refuse de s'y soumettre; elle est décuplée s'il lui offre sa violence.

Paul Brannac 
Critique D’art
17.08.10

lundi 23 août 2010

Pourquoi l’ONU ne résoudra pas le Sahara occidental (jusqu’à ce que cela devienne une crise)



Dans ce qui est probablement une première pour les médias grand public américains, le chroniqueur du New York Times Nicholas Kristof a récemment noté quelques-uns des parallèles entre l’occupation des terres palestiniennes par Israël et la tentative d’annexion du Sahara occidental par le Maroc: «Il est juste de reconnaître qu’il y a deux poids deux mesures dans le Moyen-Orient, avec une attention particulière aux violations israéliennes. Pourtant, le plus grand vol de terres arabes au Moyen-Orient n’a rien à voir avec les Palestiniens: c’est le vol par le Maroc du Sahara occidental et ses riches ressources, au peuple qui vit là-bas.»

Et comme on pouvait s’y attendre, l’ambassadeur du Maroc aux États-Unis, Aziz Mekouar, a publié une prompte réponse niant que le Sahara occidental ait été volé.
Mais la logique de l’ambassadeur est floue. «Loin d’avoir volé le Sahara Occidental», fait valoir Mekouar, «le Maroc a proposé à la région une autonomie sous souveraineté marocaine». Ce qui revient à dire que voler n’est pas voler si vous êtes disposé à revendre l’objet volé aux victimes pour un bon prix.

Il y a onze ans, l’actuel roi du Maroc, Mohammed VI, a hérité d’un des plus vieux trônes du monde et de l’un des plus difficiles conflits d’Afrique, le conflit du Sahara occidental. Pour son père, le roi Hassan II, la prise du Sahara occidental à l’Espagne était devenue une bénédiction et un fléau. Cela a probablement été la plus grande réussite d’Hassan et le Sahara occidental était rapidement devenu le plus grand défi de la consolidation de l’Etat post-colonial marocain. Après plus d’une décennie de règne, Mohammed VI n’a toujours pas trouvé comment faire avec les conquête et héritage de son père dans le Sahara occidental contesté.

L’histoire immédiate de cet héritage remonte à octobre 1975, lorsque l’Espagne, qui gouvernait le territoire depuis 1885 a conclu un marché avec le Maroc, plutôt que d’être confronté à une sale guerre coloniale avec son voisin du sud, déterminé à saisir le territoire. Avec un fort soutien de la France et l’administration Reagan, le Maroc a réussi à occuper environ les deux tiers du Sahara Occidental, mais n’a pas été en mesure d’écraser le Polisario, étant donné le dernier refuge du mouvement d’indépendance en sécurité en Algérie. En 1988, le Conseil de sécurité, poursuivant le travail de l’Organisation de l’Unité Africaine, a obtenu que Hassan II et le Polisario acceptent de tenir un référendum pour l’indépendance du Sahara occidental ou son intégration au Maroc. Une mission a été envoyée en 1991 pour surveiller un cessez-le et organiser le vote, mais il a fallu des années pour résoudre les dissensions sur le corps électoral. En Juillet 1999, l’assentiment apparent du Maroc à un référendum d’autodétermination est mort avec le roi Hassan II.

Les positions actuelles des deux parties, et donc la logique de l’impasse, sont assez simples. Le Maroc voit le Sahara occidental comme partie intégrante de son territoire et exige donc une solution qui respecte sa revendication de souveraineté. Cette position exclut a priori la principale exigence des nationalistes du Sahara Occidental: un référendum sur l’indépendance. La position du Polisario, qui correspond à la légalité internationale, est que le Sahara occidental est un territoire Non Autonome sous occupation étrangère et en attente d’autodétermination.

Ces positions mutuellement exclusives sont renforcées au niveau régional et international. Bien que plus proches alliés du Maroc, la France et des partisans comme les États-Unis et l’Espagne, ne reconnaissent pas officiellement la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental; ils estiment néanmoins que le retrait forcé du Maroc des territoires déstabiliserait un pays clé du Moyen-Orient et ami africain.
Le nationalisme Sahraoui est fortement soutenu par l’Etat le plus puissant d’Afrique du Nord, l’Algérie. La république en exil du Polisario est reconnue par l’Union Africaine comme le gouvernement légitime du Sahara occidental. Le Polisario reçoit le soutien important des principaux pays du G77 et de militants de la société civile internationale.

Depuis 2000, l’ONU a tenté de trouver une solution, un équilibre entre deux mots principaux du conflit: la souveraineté et l’autodétermination. Le problème principal du Conseil de sécurité a été l’absence de volonté plutôt qu’une pénurie de solutions inventives. Pendant sept ans, le conflit a testé l’imagination et la patience de James Baker, qui a servi d’envoyé personnel du Secrétaire général l’ONU pour le Sahara Occidental entre 1997 et 2004. Baker a perdu la confiance du Maroc en janvier 2003 quand il a proposé une solution qui permettait un référendum avec le choix de l’intégration, l’autonomie ou l’indépendance. L’envoyé personnel suivant, le diplomate néerlandais Peter Van Walsum, ne dura que trois ans avant d’être congédié sans ménagement par le secrétaire général. Il avait perdu la confiance du Polisario en suggérant que l’option indépendance, certes soutenue par le droit international, devrait être retirée de la table, parce que le Conseil de sécurité ne forcerait pas le Maroc à la permettre ou l’accepter. L’actuel envoyé de l’ONU au Sahara Occidental, l’ancien diplomate américain Chris Ross, nommé en janvier 2009 par M. Ban Ki-moon, tente d’éviter un semblable sort en naviguant dans l’interstice inexistant entre le Maroc et le Polisario. Après avoir tenu plusieurs réunions pour discuter de nouvelles propositions émises par les parties en 2007 il n’y a pas eu de progrès et la prochaine manœuvre de Ross n’est pas encore claire.

Le mandat actuel du Conseil de sécurité est de trouver une solution politique mutuellement acceptable qui permettra l’autodétermination. Ce mandat a fait se gratter la tête de nombreux observateurs. Comment les parties peuvent-elles arriver à un compromis sur la question clé de l’autodétermination quand la pratique de la décolonisation de l’ONU a toujours offert un plébiscite à l’indépendance? Le Maroc rejette l’option de l’indépendance et veut que sa proposition d’autonomie soit acceptée comme base pour les négociations (ce qui exclut l’indépendance). Le Polisario s’est déclaré disposé à parler de partage du pouvoir, mais seulement dans le cadre de garanties post-référendum (où l’indépendance est toujours une option). Contrairement à la revendication générique de l’autodétermination souvent exprimée dans les conflits séparatistes, ethniques ou nationalistes, l’autodétermination a un sens très clair et précis dans le cas du Sahara occidental, vu son statut juridique international - reconnu par les Nations Unies - de dernier Territoire Non Autonome d’Afrique. Dans une certaine mesure, l’ONU a les mains liées au Sahara occidental, et donc soit le Maroc accepte l’option de l’indépendance, soit le Polisario renonce à l’une de ses meilleures cartes.

Les parties ne sont toutefois pas le seul problème. Le Conseil de sécurité est aussi coupable de l’impasse actuelle que les parties. Les administrations de Clinton et George W. Bush ont toutes deux offert un soutien rhétorique et matériel inconditionnel au processus de paix de l’ONU - jusqu’à ce que les envoyés personnels aient réellement besoin que le Conseil fasse jouer ses muscles. Baker et Van Walsum ont été autant desavoués par le refus des parties de redéfinir la souveraineté et l’autodétermination que par le refus du Conseil de sécurité de faire pression aux moments cruciaux. En 2004, le Conseil de sécurité a refusé d’envoyer un signal fort au Maroc appuyant qu’une certaine forme de référendum d’autodétermination serait nécessaires à la paix, et a au contraire soutenu une vague solution politique mutuellement acceptable. En 2008, le Conseil de sécurité a refusé de soutenir Van Walsum quand il est arrivé à la conclusion que l’option de l’indépendance devait être suspendue. Le Conseil invite les envoyés personnels à faire des miracles, mais refuse de reconnaître qu’il détient la baguette magique de la louange et de la censure.

Le Secrétariat de Ban Ki-moon ne semble pas reconnaître, ou est incapable d’admettre, les choix difficiles auxquels s’expose l’entreprise de l’ONU au Sahara occidental. Dès décembre 1995, Boutros Ghali avait reconnu devant le Conseil que les différences entre les deux parties étaient irréconciliables et surpris tout le monde en admettant qu’il n’avait jamais cru que le référendum arriverait. Il avait compris qu’il y avait en réalité trois options sur la table: imposer une solution aux parties, renoncer ou maintenir la pression des négociations. Invariablement, le Conseil de sécurité a choisi le numéro trois. Pour l’administration Obama, ces choix restent fondamentalement les mêmes et aussi déprimants dans leurs perspectives.

Aucun membre du Conseil n’est disposé à forcer le Maroc à l’autodétermination. La France pourrait opposer son veto une telle tentative, les États-Unis et le Royaume-Uni s’y opposer de façon plus subtile, et la Russie et la Chine résister pour leurs propres raisons internes. Un référendum sans accord sur le statut final de la négociation peut aussi devenir une catastrophe humanitaire, si certains refusent de reconnaître le résultat. L’Organisation des Nations Unies a appris cette leçon à la dure au Timor oriental où les forces Indonésiennes ont violemment refusé de reconnaître l’indépendance de ce dernier, incitant un Conseil de Sécurité fatigué d’intervenir et à envoyer des Casques bleus. Si de semblables événements devaient accompagner la tentative d’indépendance du sud Soudan en 2011, les perspectives d’un référendum au Sahara occidental deviendrait d’autant plus faible. De plus, reste la question de savoir si 300.000 Sahraouis, dont près de la moitié a vécu comme réfugié en Algérie depuis 1976, fortement tributaire des aides internationales, peut construire un Etat stable dans un territoire de la taille de la Grande-Bretagne. Le Polisario et ses partisans doivent encore convaincre le P5 que l’indépendance apportera la paix plutôt que l’instabilité.

La reconnaissance unilatérale par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, qui semblait une possibilité dans les dernières années de l’administration George W. Bush, se révélerait tout aussi infructueuse. Ce serait contre le Droit international et ne changerait pas l’attitude de l’Algérie, de l’Union Africaine, ou des réseaux de solidarité internationale de soutien à l’autodétermination. Plus important encore, cela n’affecterait pas le mouvement nationaliste sahraoui, qui est devenu tout à fait à l’abri de l’hypocrisie du soutien de Washington à l’autodétermination, en s’appuyant sur le cas de sécession (Sud-Soudan et au Kosovo), en l’opposant au cas de la décolonisation (le Sahara Occidental et de l’Est Timor). En effet, reconnaître officiellement la revendication du Maroc pourrait seulement convaincre de nombreux Sahraouis que la seule voie pour garantir leurs droits nationaux est celle de la violence. Le Maroc et ses bailleurs de fonds ont encore à faire une argumentation cohérente quant à la façon dont une proposition d’autonomie appliquée unilatéralement peut apporter une paix durable.

La seule personne à avoir apparemment pris l’option deux au sérieux a été John Bolton, au cours de son bref passage en tant que représentant des États-Unis à l’Organisation des Nations Unies. Le retrait du Conseil de Sécurité pourrait prendre deux formes: une suspension des efforts diplomatiques ou un retrait complet de la mission des Nations Unies pour le référendum et ses forces de maintien de la paix. Combinée à une pression dans les coulisses sur les deux parties pour un compromis, l’option la plus douce pourrait leur signaler qu’il est temps de cesser de faire semblant devant la communauté internationale et temps de commencer à parler l’un avec l’autre. Un retrait complet de la mission de l’ONU semble peu probable, car il serait hautement controversé, il pourrait signifier l’indifférence internationale à la reprise des combats armés entre le Maroc et le Polisario.

Ainsi, l’option trois gagne par défaut. Jusqu’à ce que le Sahara occidental devienne une crise, que ce soit par hasard ou par choix, la médiation sans fin semble sans danger car elle ne modifie fondamentalement pas l’équation. C’est là le vrai problème au Sahara Occidental. L’ONU continue à faire la même chose en espérant des résultats différents.

Anna Theofilopoulou, Jacob Mundy 
Anna Theofilopoulou, ancienne fonctionnaire des Nations Unies qui a couvert le conflit du Sahara occidental de 1994 à 2006. Elle a été membre de l’équipe de négociation de James Baker.
Jacob Mundy, en thèse à l’Université de l’Institut Exeter des études arabes et islamiques. Co-auteur du Sahara occidental : guerre, nationalisme et conflit indécis.



12.08.10
Traduction APSO (Amis du Peuple du Sahara Occidental)

dimanche 22 août 2010

L'"État membre" le plus couteux de l'UE


Partenaire privilégié de l’UE, l’Etat hébreu prend régulièrement pour cible des équipements financés par l’Union lors de ses attaques contre des installations palestiniennes. Et Bruxelles peine à obtenir des compensations pour les dégâts ainsi causés.

De l'orphelinat Al Karameh à Gaza, il ne reste que quelques ruines. L'établissement, qui accueillait 50 enfants palestiniens, a été détruit par l'aviation israélienne lors de l'opération "Plomb durci" en janvier 2009. Il avait coûté près de deux millions d'euros, dont la moitié avaient été payés par l'Agence espagnole de coopération internationale (AECID) et la Fondation Olof Palme.

Cet orphelinat n'est que l'un des 78 projets financés par des fonds européens qui ont été détruits par les attaques de l'armée israélienne en Palestine au cours des dix dernières années. D'après un rapport de la Commission européenne, leur valeur était supérieure à 79,5 millions d'euros (selon les plus basses estimations). Au moins huit avaient été payés intégralement par l'Espagne et avaient coûté plus de 33 millions d'euros.

Partenariat juteux
En même temps que son armée détruisait systématiquement ces projets européens, Israël parvenait avec l'UE à un accord très profitable à l'Etat hébreu. "Cet accord d'association donne à Israël beaucoup d'avantages dans sa relation avec l'Union européenne, aussi bien au niveau politique qu'au niveau économique", s'est félicité le ministre israélien des Affaires étrangères.

L'Europe est le principal marché d'exportation pour les produits agricoles israéliens et a versé 637 millions d'euros à Israël depuis 1981 par l'intermédiaire de la Banque européenne d'investissement. L'année dernière, 25 millions d'euros ont été accordés à l'Etat hébreu pour la construction d'une usine de désalinisation à Hadera, au nord de Tel-Aviv, en plus des 120 millions déjà versés en 2007.

D’autre part, depuis le début de la deuxième Intifada en 2000, le gouvernement israélien a entamé une campagne de destruction des installations palestiniennes. L'aéroport, les routes, les ponts, les centrales électriques, les stations de traitement des eaux, les hôpitaux, les serres et les granges ont subi la punition collective infligée par l'armée d'Israël.

Passivité critiquée
L'UE n'a pas encore osé réclamer une compensation à Israël pour les dégâts causés à ses constructions en Palestine. "Les projets financés par l'UE appartiennent légalement à l'Autorité palestinienne, et nous n'avons pas connaissance d'une demande de dédommagement de sa part à l'Etat hébreu", avait répondu en mars 2009 Benita Ferrero-Waldner, alors commissaire européenne pour les Relations extérieures, aux questions des députés européens sur le sujet. "Il serait juste de demander une compensation à Israël pour les dépenses engagées par l'Europe", estime l'eurodéputé autrichien Johannes Swoboda.

La passivité de l'UE est critiquée par beaucoup d'ONG internationales. "Le problème est que l'UE ne veut plus être celle qui paie dans le processus de paix, et que le rôle de médiateur a été pris par les Etats-Unis, explique Brigitte Herremans, spécialiste du Proche-Orient à l'ONG belge Broederlijk Denle. Et l'UE ne veut pas faire pression sur Israël et perdre toute son influence."

Le projet le plus coûteux avait été l'aéroport de Rafah, au sud de la Bande de Gaza. Les nombreux bombardements d'Israël et l'action de ses bulldozers sur son unique piste l'ont complètement rasé. Il ne reste plus que les squelettes du terminal et d'un bâtiment annexe. La tour de contrôle a disparu et la piste est devenue une carrière où les Palestiniens récupèrent les morceaux d'asphalte pour s'en servir comme matériau de construction.

Institutions européennes
Un lobby puissant à Bruxelles

"L´influence d´Israël en Europe s´est multipliée dans les dernières années grâce aux groupes de pression installés à Bruxelles et dans les autres capitales européennes", affirme Público. Une activité de lobbying qui vise à influencer la politique de l´UE au Moyen Orient, "mais aussi celles des pays européens pris individuellement, surtout en ce qui concerne le conflit israélo-paléstinien et l´Iran", souligne le journal. Une politique inaugurée par le puissant American Jewish Committee, qui a ouvert un bureau à Bruxelles en 2004. D´autres organisations, comme l’European Jewish Congress, B´nai B´rith, le think-tank Transatlantic Institute ou l'European Friends of Israel, une "alliance formée par des eurodéputés toutes tendances confondues", agissent quant à eux essentiellement pour "combattre l´antisemitisme", poursuit le journal. Cette dernière a entre autres suggeré la création d´une "politique policière commune" contre l´antisémitisme.

Óscar Abou-Kassem
18.08.10
Source: presseurope