lundi 28 février 2011

La Lybie dans le grand jeu du nouveau partage de l'Afrique


Ceux qui fuient la Libye ne sont pas seulement des familles qui ont peur pour leur vie et de pauvres immigrés d’autres pays nord-africains. Il y a des dizaines de milliers d’autres «réfugiés» qui sont rapatriés par leurs gouvernements  par bateaux et avions: ce sont surtout des techniciens et opérateurs des grandes compagnies pétrolières. Pas seulement l’ENI (Ente Nazionali Idrocarburi, société nationale des hydrocarbures, ndt), qui réalise en Libye environ 15% de son chiffre d’affaires, mais aussi d’autres multinationales surtout européennes: BP, Royal Dutch Shell, Total, Basf, Statoil, Repsol. Sont obligés aussi de quitter la Libye des centaines de Russes de Gazprom et plus de 30 mille Chinois de compagnies pétrolières et du bâtiment. Image emblématique de la façon dont l’économie libyenne est interconnectée à l’économie globalisée, dominée par les multinationales.

Grâce aux réserves de pétrole et de gaz naturel, la Libye a une balance commerciale en actif de 27 milliards de dollars annuels et un revenu moyen-haut par habitant de 12 mille dollars, six fois plus élevé que l’égyptien. Malgré les fortes disparités, le niveau de vie moyen de la population libyenne (à peine 6,5 millions d’habitants par rapport aux 85 millions en Egypte) est ainsi plus haut que celui de l’Egypte et des autres pays nord-africains.  En témoigne le fait que travaillent en Libye environ un million et demi d’immigrés en majorité nord-africains. 85% des exportations énergétiques libyennes sont destinés à l’Europe: en premier lieu à l’Italie qui en absorbe 37%, suivie par l’Allemagne, la France et la Chine. L’Italie est au premier rang aussi des importations libyennes, suivie par la Chine, la Turquie et l’Allemagne.

Ce cadre saute à présent sous l’effet de ce qui se caractérise non pas comme une révolte de masses appauvries, comme celles en Egypte et en Tunisie, mais comme une vraie guerre civile, due à une fracture dans le groupe dirigeant. Ceux qui ont fait le premier pas ont exploité le mécontentement contre le clan Kadhafi, mécontentement répandu surtout dans les populations de la Cyrénaïque (toute la partie Est du pays, ndlr) et les jeunes des villes, à un moment où toute l’Afrique du Nord est parcourue de mouvements de rébellion. A la différence de l’Egypte et de la Tunisie, cependant,  l’insurrection libyenne apparaît pré-commandée et organisée.

Emblématiques aussi les réactions dans le champ international. Pékin s’est dit extrêmement préoccupé par les développements en Libye et a «souhaité un rapide retour à la stabilité et à la normalité». La raison en est claire: le commerce cino-libyen est en forte croissance (d’environ 30% rien qu’en 2010), mais à présent la Chine voit mise en jeu toute l’assise de ses rapports économiques avec la Libye, de qui elle importe des quantités croissantes de pétrole. Position analogue à Moscou. Mais de signe diamétralement opposé, par contre, celle de Washington: le président Obama, qui face à la crise égyptienne avait minimisé la répression déchaînée par Mubarak et fait pression pour une «transition ordonnée et pacifique», condamne sans moyens termes le gouvernement libyen et annonce avoir à sa disposition «la gamme complète d’options que nous avons pour répondre à cette crise», y compris «les actions que nous pouvons entreprendre et celles que nous coordonnerons avec nos alliés à travers des institutions multilatérales». Le message est clair: la possibilité existe d’une intervention militaire USA/OTAN en Libye, formellement pour arrêter le bain de sang.

Tout aussi claires les raisons réelles: Kadhafi renversé, les Etats-Unis pourraient  renverser tout le cadre des rapports économiques de la Libye, en ouvrant la voie à leurs multinationales, jusqu’ici exclues de l’exploitation des réserves énergétiques libyennes. Les Etats-Unis pourraient ainsi contrôler le robinet énergétique dont dépend une grande partie de l’Europe et où s’approvisionne aussi la Chine.

Ceci advient dans le grand jeu de la répartition des ressources africaines, qui voit s’amplifier le bras de fer surtout entre Chine et Etats-Unis. La puissance militaire asiatique, en ascension - présente avec environ 5 millions d’entrepreneurs, techniciens et ouvriers en Afrique- construit  des industries et des infrastructures, en échange de pétrole et autres matières premières. Les Etats-Unis, qui ne sont pas compétitifs sur ce plan, s’appuient sur les forces armées des principaux pays africains, qu’ils entraînent à travers le Commandement Africa (AfriCom), leur principal instrument de pénétration dans le continent. Maintenant, entre en jeu aussi l’OTAN qui est sur le point de conclure un traité de partenariat militaire avec l’Union africaine, dont sont membres 53 pays. Le quartier général du partenariat OTAN-Union africaine est déjà en construction à Addis Abéba: une structure très moderne, financée avec 27 millions d’euros par l’Allemagne, et baptisée «Edifice de la paix et de la sécurité».

Manlio Dinucci
Géographe
25.02.11
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Source: mondialisation.ca

dimanche 27 février 2011

Un citoyen belge torturé au Maroc

AVERTISSEMENT: dans les informations qui se succèdent au fil des jours, il en est certaines que nous choisissons d'explorer au détriment des autres, non parce qu'elles seraient plus importantes, mais parce qu'elles nous paraissent prioritaires. Certes, ce choix est subjectif. Toujours. Nous l'assumons. 

Face aux secousses qui bouleversent les pays arabes pour le moment, et que nous relatons régulièrement dans ce Blog, l'on pourrait dire que le sort d'un individu isolé est secondaire. Cependant, à bien y regarder, à prendre le recul nécessaire pour tenter de comprendre au-delà des apparences, l'on se rend compte que tout se tient. Le sort d'un seul individu est lié à celui de tous les autres, à celui de la société et du régime politique dans lequel il vit, à celui de l'ensemble des citoyens qui luttent pour que soient respectés leur dignité, leur intégrité, leur libertés fondamentales, leur droit à l'expression et au respect, leur droit à l'égalité de traitement, quels que soient leur origine, leur statut, leur singularité à tous niveaux. Et dans le vacarme de l'insurrection de la rue arabe, il ne faut pas laisser certains régimes en profiter pour perpétuer leurs basses besognes, loin des caméras et des regards focalisés sur les évènements du jour.

Exceptionnellement, et parce que c'est un cas que nous avons défendu depuis le début, en guise de réflexion, nous vous proposons aujourd'hui  de suivre une émission qui relate la descente aux enfers d'un citoyen belge, victime d'une effroyable erreur judiciaire attestée par le non-lieu prononcé par le juge espagnol Baltasar Garzon après des années d'enquête, et doublée d'un inadmissible abandon des autorités de son pays, la Belgique, à son égard... Serait-ce parce qu'il existe chez nous et plus largement en nos pays européens un statut différent entre les citoyens "de souche" et ceux qui le sont devenus par choix, au fil du temps?... Les premiers méritant une attention plus soutenue des autorités de l'État que les seconds? Et s'il est avéré que tel est le cas, que se cache-t-il derrière les défenseurs de telles attitudes, sinon une xénophobie rampante et un racisme puant qui ne dit pas son nom?...

La question nous paraît grave parce que plusieurs indices nous poussent à penser que cette dérive est bien présente au cœur de certains gouvernements européens et celui de leurs adeptes de telles pratiques.

VOIR LA VIDÉO DE L'ÉMISSION: http://www.rtltvi.be/video/279514.aspx

27.02.11

samedi 26 février 2011

L’hypocrisie des élites médiatisées



Le philosophe slovène Slavoj Žižek écrivait récemment dans Libération: «L’hypocrisie des libéraux occidentaux soutiennent publiquement la démocratie et quand le peuple se soulève contre les tyrans, ils sont profondément inquiets». Il aurait pu rajouter dans sa magistrale démonstration que cette même hypocrisie est lourdement présente chez les intellectuels français et autres "élite médiatisée" - d’Alain Finkielkraut à André Glucksmann, de Bernard Henry Levy à Alexander Adler et tant d’autres. Ces philosophes, dont le combat devrait être partout dans le monde, au cœur des luttes contre les tyrannies, les dictatures et les impunités, ont trahi les révolutions arabes, par leur silence éloquent et complaisant.

On le sait maintenant que les soutiens extérieurs aux révoltes arabes ne sont pas venus de ces intellectuels médiatisés, mais d’autres intellectuels français trop souvent écartés des cercles influents pour leur engagement à contre courants du politiquement correcte (1).

Pourquoi cette faute? La réponse réside dans les stratégies humanitaires empruntées par ces philosophes trop souvent opportunistes et sélectives ainsi que dans leur volonté à donner une posture géopolitique à des discours essentiellement identitaires.

Une contestation sélective et communautariste, une surenchère verbale destructrice
Ces intellectuels et bien d’autres étaient naguère en première ligne pour défendre la liberté d’expression et les causes justes, désormais, ils apportent aujourd’hui leur soutien à des causes conservatrices et communautaires: guerre en Irak et en Afghanistan, militent pour l’invasion de l’Iran et défendent la politique israélienne au moment ou celle-ci est accusée de bafouer les règles élémentaires du droit humanitaire et international.

Affichant sur les plateaux, indépendance et liberté d’esprit, ils se mobilisent en réalité en propagandistes grâce à leurs multiples réseaux influents, contre tous ceux qui dénoncent la politique de colonisation et d’oppression du gouvernement d’Israël. Stéphane Hessel, humaniste, à l’avant-garde de toutes les luttes contre les oppresseurs et les tyrans, a subi leur censure infâme pour empêcher les échos de son indignation contre la colonisation des territoires palestiniens et les raisons du boycott des produits provenant de ces territoires spoliés.

Alors qu’en Israël, des artistes, des auteurs et des cinéastes s’opposent à se déplacer ou à se produire dans ces territoires, car attitude contraire au Droit international et que partout dans le monde, de plus en plus de démocrates juifs refusent de cautionner la politique du gouvernement Netanyahu, car elle est contraire à leur propres valeurs, nos philosophes utilisent la vieille stratégie du bunker pour censurer toute pensée critique envers Israël.

Leur mobilisation bruyante pour empêcher la lapidation de l’iranienne Sakineh se réfugie dans le silence lorsqu’il s’agissait de dénoncer l’agression contre la flottille pour soulager le blocus de Gaza ou de condamner les prêches haineux du Rabin Ovadia Yossef, dirigeant religieux du parti Shass au pouvoir ou la publication récente et en toute liberté de "La Torah du Roi" incitant à la haine raciale et à la violence (2).

J’attendais donc avec une certaine curiosité leurs réactions aux révoltes tunisiennes et égyptiennes. Elles sont venues pour la plupart bien tardivement, lorsque le peuple tunisien a congédié le dictateur.

La révolution tunisienne: une joie différée, une dictature regrettée.
Le silence ancien, frileux et gêné s’est vite transformé dans les bloc-notes de Bernard Henri Levy dans Le Point, en exclamation de joie et de louange à la révolution tunisienne. L’adhésion est respectable mais insuffisante car fondée sur des erreurs et des omissions orientées. En expert géopolitique, le philosophe prédit dans cet élan enthousiaste, un effet domino pour «Demain, la Libye de Kadhafi, la Syrie de la famille Assad. Peut-être l’Iran d’Ahmadinajad». Peut-être aussi le Maroc que le philosophe biffe volontairement ou inconsciemment de la liste, alors que tous les démocrates marocains dénonce un royaume «rongé par la corruption et oxydé de misère» (3). Autre argument hâtif: le moteur de la révolution tunisienne fut boosté non par le prolétariat, ni par les pauvres ou les classes moyennes surdiplômés mais par les usagers de Facebook et de Twitter.

Quel raccourci techniciste qui donnerait à ces nouvelles technologies un pouvoir révolutionnaire? Comment ne pas prendre en compte dans cette analyse hâtive, ces milliers de Tunisiens ordinaires, brandissant des baguettes de pains, pour clamer leurs revendications sociales? Comment omettre le rôle décisif des organisations syndicales dans l’anticipation et la mobilisation de l’insurrection populaire? Comment ne pas relever que la majorité des centaines de morts victimes de la répression du système Ben Ali, étaient des jeunes chômeurs, paysans, artisans ou ouvriers. Tous ces faits contredisent le pouvoir exclusif des réseaux sociaux dans le déclenchement de l’insurrection tunisienne. Certes, il ne s’agit pas de nier leur rôle facilitateur et mobilisateur dans la coordination des marches populaires, mais signalons que les milliers de manifestants, ont été beaucoup plus sensibles au seul média crédible à leurs yeux: El Jazeera. L’unique chaîne dans le paysage arabe à critiquer les dictatures bien avant les insurrections tunisiennes et égyptiennes.

Dans le même registre condescendant, l’essayiste Alexandre Adler, promoteur de la politique désastreuse des chocs des civilisations et des croisades anti-arabes dira dans Nice-Matin que la Tunisie «demeure une expérience encourageante au Maghreb. Si cette société n’était pas une démocratie, elle n’était pas non plus son contraire». Et pour justifier l’argument, il invoque «l’émancipation des femmes, et l’instauration d’un Code civil» oubliant au passage de rappeler que la paternité de ces acquis revient à l’ancien Président Habib Bourguiba et que les prémices de cette modernité, comme l’a rappelé si justement la journaliste Olfa Balhassine dans Libération, ont été diffusées dès le XIXè siècle dans les Institutions tunisiennes par les beys réformateurs de l’époque.

Il poussera la servilité jusqu’à minoriser «la captation des richesses par Ben Ali et son clan» bien inférieure à celle des pays voisins. Dans un autre passage, il soutien sans complexe que «Même dans la pire période de Ben Ali, les Tunisiens ont toujours été plus libres que leurs voisins». Encore des conclusions truffées d’erreurs et méprisantes pour les millions de Tunisiens qui n’ont jamais connu cette liberté.

La révolution égyptienne: une vision culturaliste, un discours haineux
Quel paradoxe? Quelle hypocrisie? Alors que jamais dans l’histoire du monde arabe, on avait assisté à des révolutions populaires aussi fécondes, Alain Finkielkraut, Bernard Henry Levy et Alexandre Adler se mobilisent pour agiter le chiffon rouge du péril vert et entonner leur refrain favori et catastrophique sur une issue inévitable à l’iranienne de la révolution égyptienne. Thèse, non sans quelques fondements et beaucoup de démocrates notamment arabes ne résistent pas à l’analyse, si celle-ci n’était pas instrumentalisée à des fins culturalistes et géopolitiques.

Ces auteurs surfent en vérité sur une vision culturaliste qui divisent l’humanité en entités fictives, nous: les 0ccidentaux avec notre modèle démocratique occidental et sa force civilisatrice, et eux: les musulmans et les Arabes, sans tradition démocratique et par conséquent inassimilable avec les valeurs de la démocratie, voire indésirable dans ses territoires. Ils construisent en fait un processus mystificateur à l’intérieur duquel l’identité arabe est figée par un ordre absolu et transcendant qui lui interdirait tout dépassement moderne. Cette grille de lecture est politiquement et idéologiquement orientée, car elle ne vise pas la complexité du monde arabe et ses aspects contradictoires fondateurs, mais des caricatures et des clichés du ‘peuple enfant’ immature à la démocratie.

En outre, la stratégie communautaire empruntée par ces philosophes, se transforme dans leurs analyses en posture géopolitique. Dans le droit fil des thèses du gouvernement israélien, ils qualifient le mouvement des Frères musulmans égyptiens comme un danger existentiel pour l’Etat d’Israël. Alain Finkielkraut alerte dans Libération: «S’ils devaient prendre le pouvoir, le traité de paix avec Israël pourrait être dénoncé» puis s’empresse d’ajouter «En Egypte, les manifestants s’interrompent pour faire la prière»!!

L’essayiste Alexandre Adler enfonce le clou et annonce dans le Figaro (4) une dictature intégriste au Caire et diabolise l’opposant démocrate Mohamed El Baradei qui s’efforce de forcer la démocratie dans son pays, en le qualifiant de «pervers polymorphe» parce qu’il aurait «tout fait à la tête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour couvrir ses amis iraniens dans leurs menées prolifératrices». A qui fera-t-on croire que ce haut fonctionnaire international, laïc, démocrate et prix Nobel de la paix, ait été complaisant avec les Iraniens? Oui l’islam politique multiforme existe en Egypte, en Tunisie et ailleurs, tout comme les partis extrémiste et raciste Israel Beiteinu et religieux Shass au pouvoir en Israël et tolérés allègrement par nos philosophes.

Toujours alerte à justifier l’injustifiable ou de faire endosser au reste du monde la culpabilité d’Israël, ces auteurs agissent en réalité d’une manière excessivement communautariste. Dès lors, ils ne mettent plus de gants pour regretter des despotes dociles et complaisants à l’égard d’Israël et agir par rapport à son seul intérêt géopolitique, sacrifiant au passage l’espoir de millions de démocrates mobilisés pour exiger le seul idéal commun à toute l’humanité: la démocratie.

C’est donc sans grande surprise, qu’on retrouve chez cette élite combative, la même hypocrisie signalée par Slavoj Žižek. Plutôt que de dénoncer la complicité calculée des dictateurs arabes avec le fondamentalisme musulman, d’encourager la transition démocratique qu’ils ont tellement célébrée dans les pays de l’Est et de réfléchir ensemble, à partir des conditions désormais nouvelles, d’une réconciliation inéluctable arabo-israélienne, les philosophes médiatiques n’hésitent pas à exacerber des analyses xénophobes et légitimer des thèses discriminatoires. Triste déclin d’une philosophie embrigadée qui reposerait plus sur des discours identitaires et fanatiques que sur des raisonnements construits.

Lotfi Maherzi
Professeur
Université de Versailles Saint Quentin
Institut Maghreb Europe, Paris 8
24.02.11
Notes:
(1) Cf La pétition Tunisie: un appel au gouvernement Français
(2) Extrait du prêche du grand Rabbin: ‘Que tous ces méchants qui haïssent, comme Abou Mazen ( le président palestinien) et tous les Palestiniens, disparaissent de notre monde, que la peste les frappe’. Extraits de ‘La torah du Roi’: ‘Il peut-être licite de tuer les bébés et les enfants des ‘ennemies d’Israël, car il est clair qu’ils nous porterons préjudice lorsqu’ils auront grandi’ Courier international : N° 1036, 9 septembre 2010
(3) Point de vue : Karim Boudjemaa : Le Maroc aussi est rongé par la corruption et oxydé de misère. Le Monde - 1 février 2011
(4) Figaro 29 janvier 2011

Source: le grand soir

vendredi 25 février 2011

Libye - UE: comme nous le dénoncions ici, il y a 48h...






"L'ignominie" des Européens



Face aux massacres perpétrés par le régime de Kadhafi en Libye, comment les pays européens peuvent-ils se contenter d'appels à la "retenue" et s'inquiéter d'un afflux de réfugiés? Le quotidien El País signe un éditorial indigné.

Cette Europe-ci n’est pas à la hauteur de la révolution en cours au Maghreb et au Proche-Orient. Après avoir accueilli par le silence et l’inaction les manifestations qui ont renversé les dictatures de Ben Ali et de Mubarak, elle réagit aujourd’hui frileusement au massacre perpétré par le dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Quand un tyran lance ses chars et son aviation contre les citoyens qui réclament son départ et parmi lesquels les morts se comptent par centaines, il est tout simplement ignominieux d'appeler à faire preuve de retenue .

Si Kadhafi n’en est pas à son coup d’essai, les crimes de ces derniers jours sont certainement les plus éhontés qu’il ait jamais commis. Face à ces exactions, l’Europe s’est davantage inquiétée des moyens de retenir les Libyens à l’intérieur de leurs frontières que de soutenir des citoyens qui ont pris la parole au risque de leur vie pour combattre une tyrannie ancienne.

L'extrême inquiétude de l'UE face aux conséquences migratoires
Face à ce déchaînement de barbarie, la prudence du communiqué publié par la Haute représentante pour les Affaires étrangères Catherine Ashton et celle du conseil des ministres européens réuni lundi sont parfaitement inadéquats. Ne nous y trompons pas: si deux pays comme l’Italie et la République tchèque ont pu édulcorer la position commune [en refusant de condamner la Libye] c’était, entre autres raisons, parce que les autres membres des Vingt-Sept ne trouvaient rien à redire au résultat final, qu’ils jugeaient acceptable. Or elle ne l’est à aucun point de vue, pas même à la lumière d’un pragmatisme timoré, et c’est pour cela que la victoire de deux Etats membres sur les autres est en réalité un échec humiliant pour tous.

Tandis que la Haute représentante et le conseil des ministres jouaient ce triste rôle, la Commission achevait de jeter l’opprobre sur l’Europe par la bouche de Michele Cercone, porte-parole de la commissaire aux Affaires intérieures [Cecilia Malmström]. Celui-ci a exprimé l’extrême inquiétude de l’UE face aux conséquences migratoires des révoltes au Maghreb et au Proche-Orient. Si c’est véritablement là, la grande préoccupation de l’UE dans un moment pareil, cela signifie qu’à force de se regarder le nombril, la bureaucratie de Bruxelles n’est plus capable de hiérarchiser les problèmes, plaçant sur le même plan le séisme politique qui secoue l’une des régions les plus martyrisées du monde et une obsession qui fut d’abord celle des forces populistes européennes et, par la suite, des partis démocrates prêts à tout pour récolter des voix.

L'Europe a renoncé à distinguer un immigré d'un réfugié
Mais cela signifie aussi que cette Europe du début de XXIè siècle, obnubilée par ses fantasmes, a renoncé à faire la distinction entre un immigré et un réfugié. Face à un crime à grande échelle tel que celui qu’est en train de perpétrer Kadhafi, l’Europe se rend coupable d’une impardonnable indignité en s’interrogeant sur le meilleur moyen d’enfermer les Libyens à l’intérieur de leurs frontières, les laissant à la merci d’une féroce répression. Elle devrait au contraire se demander comment contribuer à faire tomber un régime ubuesque et sauver des vies humaines.

Les déclarations et communiqués officiels ne laissent rien transparaître de tout cela, et l’affaire est d’autant plus grave que, à l’heure où les Vingt-Sept s’obstinent à cultiver la langue de bois de leur position commune, Kadhafi fait appel à des mercenaires pour réprimer les manifestants et amplifie le climat de terreur en empêchant l’évacuation des cadavres qui jonchent les rues.

On ne compte plus les erreurs historiques qu’ont pu commettre les grandes puissances au Maghreb et au Moyen-Orient au nom du dogme selon lequel la dictature était un moindre mal par rapport à la menace du fanatisme religieux islamiste. En réalité, il s’agit de deux ennemis qui se sont alimentés l’un l’autre et qui, d’un bout à l’autre du monde arabe, ont pris des millions de personnes au piège d’un étau qui les privait de liberté et de tout espoir de progrès. Maintenant que ces citoyens ont pris la parole au risque de leur vie, les grandes puissances ne peuvent pas ajouter une nouvelle erreur de dimensions planétaires.

Tout au moins, l’Europe ne peut ni ne doit le faire, car cela reviendrait à consacrer une trahison définitive des grands principes sur lesquels elle a voulu bâtir son Union. Les citoyens qui se sont soulevés contre leurs dictatures pour réclamer la liberté et la dignité doivent s’entendre dire clairement de l’étranger, du monde développé et démocratique, que leur revendication est légitime. Et l’Union européenne ne peut pas se permettre de se prononcer à mi-voix ni faire un étendard de ses peurs mesquines.

Editorial paru dans El Païs - Madrid
23.02.11
Source: presseurop

jeudi 24 février 2011

Arabie Saoudite: la monarchie en état d’alerte


Face aux bouleversements dans la région et à une tension interne jusque-là mise en sourdine, le royaume, qui accuse un taux de chômage de 18 % et compte 60 % de jeunes de moins de 18 ans, opte encore pour la poigne de fer.
 


«L’Arabie saoudite est un pays où 40 % de la population a moins de 14 ans, où le chômage est rampant et où le conservatisme religieux est dominant. Ces trois ingrédients sont une dangereuse mixture, ajoutez-y les réseaux médiatiques et sociaux et vous obtiendrez une bombe qui n’attend que la détonation»
. Voilà ce qu’écrit la blogueuse saoudienne Eman Al-Najfan.

Sur Facebook, des groupes sont déjà en place pour demander le changement. Celui qui est intitulé Le peuple veut réformer le régime met en avant ses revendications: «Une monarchie constitutionnelle, une Constitution écrite approuvée par le peuple où les pouvoirs sont délimités, la transparence et la lutte contre la corruption, un gouvernement au service du peuple, des élections législatives, les libertés publiques et le respect des droits de l’homme. Une complète citoyenneté et l’abolition de toutes sortes de discrimination, l’instauration des droits des femmes et une résolution sérieuse du problème du chômage».

Un vrai programme politique en complète contradiction avec la réalité du royaume dont, comme l’écrit le Wall Street Journal du 18 février dernier: «L’âge moyen du triumvirat de princes régnants est de 83 ans alors que 60 % des Saoudiens ont moins de 18 ans. Grâce à la télévision par satellite, à Internet et aux réseaux sociaux, les jeunes sont désormais parfaitement conscients de la corruption des autorités - tout comme ils savent que 40 % des Saoudiens vivent dans la pauvreté et que près de 70 % ne peuvent se payer de logement. Ces Saoudiens mènent une vie digne du tiers-monde, ils souffrent d’une éducation lamentable et sont incapables de trouver du travail dans un secteur privé, où 90 % des employés sont des étrangers».

Face aux bouleversements dans la région, il y a à la tête du pays le roi Abdallah, revenu au pays après trois mois de traitement médical aux États-Unis et au Maroc, le prince héritier Sultan, 85 ans, atteint d’un cancer et de la maladie d’Alzheimer, et le prince Naif, premier ministre adjoint, 77 ans, souffrant de diabète et d’ostéoporose. Et parmi les 7.000 princes de la famille Al Saoud, ce n’est pas l’entente parfaite. Les analystes parlent déjà de probables rivalités pour l’accession au trône. Certains prévoient une division de fiefs «au-delà de la transformation des ministères en fiefs de père en fils, il y a des provinces qui succombent au même phénomène et qui pourraient devenir de plus en plus autonomes. Le tout pourrait bien être couronné d’un pouvoir symbolique autonome. Ce sinistre scénario est en train de s’installer depuis le milieu des années 1990», note un politologue saoudien.

En 2005, le régime saoudien avait tenté un semblant de réforme en organisant pour la première fois des élections pour désigner la moitié des conseils municipaux, mais l’expérience a vite tourné court quand le rendez-vous électoral suivant de 2009 a été reporté sine die.

Une situation intérieure tendue
Aujourd’hui, la monarchie médiatiquement opaque, puisque les médias étrangers n’ont pas la latitude d’y travailler, est entourée d’une Égypte sans Mubarak, d’un Bahreïn aux prises avec des révolutionnaires et est aussi accusée de soutenir les tyrans arabes. Le gouvernement tunisien a présenté une requête officielle pour l’extradition de Ben Ali, et des informations non confirmées circulent en Égypte sur un probable transfert de la fortune de Mubarak dans les banques du royaume.

Mais plus encore, elle fait face à une activité intérieure et est en état d’alerte. Suite à la révolution tunisienne, des femmes saoudiennes ont manifesté à Riyad pour réclamer la libération des détenus emprisonnés sans jugement dans le cadre de la lutte anti-terroriste. 50 d’entre elles ont été arrêtées. Au même moment, plusieurs professeurs ont entamé un sit-in devant le ministère de l’Éducation revendiquant des chances de travail dans un pays où le taux de chômage avoisine les 18 %, selon les estimations officielles.

Des sources intérieures, reprises par les journaux, parlent d’un état d’alerte maximal, notamment dans l’est du pays, où se concentre une grande partie de la population chiite et là où se trouve le gros de la richesse pétrolière. Plus de 50 % des forces y sont consignées jusqu’à nouvel ordre. A Khobar, des jeunes sortis pour manifester leur joie suite au retour de convalescence du roi ont été arrêtés et conduits aux commissariats, ils y ont signé des déclarations sur l’honneur où ils se sont engagés à ne plus sortir manifester. Il y a un mois, les autorités ont eu également à réprimer une manifestation contre l’infrastructure défectueuse à Djeddah, frappée par les inondations. L’inquiétude du royaume vient aussi du Net et des réseaux sociaux sur lesquels un contrôle drastique est imposé. En effet, en une semaine, la page Facebook citée plus haut et appelant à une réforme du régime a réuni plus de 3.000 membres. On peut y lire d’ailleurs une information insolite et révélatrice, selon laquelle des élèves en 5è primaire à Riyad, en colère contre les procédés de la directrice, ont scandé: Nous voulons la chute de la directrice, à l’instar du slogan égyptien nous voulons la chute du régime! La directrice a résolu le problème en usant du bâton.

Sur le plan de l’activité politique, plusieurs activistes des droit de l’homme dans le royaume ont entamé la semaine dernière des prises de contacts dans la perspective de créer «un courant national basé sur la foi en l’État de citoyen, l’État de droit et le principe de la citoyenneté». Cette activité intervient après l’annonce faite par des activistes islamistes quelques jours auparavant en remettant aux autorités saoudiennes une demande de reconnaissance d’un parti islamique «dans le cadre des nouvelles données de l’époque et en harmonie avec la mouvance civile dans la région qui réclame la démocratie et la liberté». Le régime qui interdit la création des partis a procédé en réponse à l’arrestation des membres du comité central du parti. Ce qui illustre que la monarchie n’est pas prête à lâcher du lest.

Najet Belhatem
23.02.11
Source: info-palestine- Al-Ahram/hebdo

mercredi 23 février 2011

L’embarras de nos élus, dés-orientés, face à leurs forfaitures…



Suite aux évènements majeurs qui ébranlent le monde arabe, force est de constater la puissance de l’information alternative, autrement plus perspicace que les médias dominants et leurs marionnettes serviles sous contrôle de nos gouvernements. Et il convient de pointer combien ceux-ci ne peuvent faire autrement que de reconnaître du bout des lèvres le courage des peuples qui s’insurgent contre leurs dictateurs, quand ils fustigeaient il y a quelques semaines seulement le site Wikileaks pour ses révélations ô combien embarrassantes sur leurs pratiques, mettant à nu leur hypocrisie en ces moments où le cours de l’Histoire prend un nouveau tournant avec le risque de leur échapper.

Aujourd’hui, face aux insurrections qui se multiplient dans les pays arabes, nos chancelleries occidentales semblent perdre le Nord et sont tout bonnement dés-orientées (c’est le cas de le dire). Sans revenir sur les multiples facéties de la «sinistre» des Affaires étrangères française, les réactions de l’ensemble de nos classes politiques semblent se résumer à la même pathétique impuissance, se contentant de déclarer piteusement «n’avoir pas bien pris la mesure» de la détresse humaine sévissant dans les pays concernés. Ben, voyons! Ainsi et malgré les centaines d’ambassades et de consulats répartis dans ces pays, mais avec surtout un personnel formaté dans le sens qui nous convient; malgré les milliers de «think tank» – cercles de réflexion, en français – où un nombre incalculable de cerveaux viennent élaborer de nouveaux concepts sur à peu près tout et n’importe quoi; et malgré les sommes indécentes gaspillées par ces irresponsables mondains, voilà que le seul et lamentable constat qu’il leur faille bien établir est qu’une nouvelle fois, tous autant qu’ils sont, ils n’ont rien vu venir! A un tel stade d’incompétence, ne faudrait-il pas au minimum se demander si les budgets faramineux de tout ce beau monde sont bien utiles? Qu’il nous soit permis d’en douter.

Mais passons pour l’instant, sur le côté strictement pécuniaire de la chose – dans ces couloirs dorés, on n’en est plus à une gabegie près – et prenons les déclarations actuelles d’une classe politique confondue, pour ce qu’elles sont:
- d’une part, passé le choc initial que cela leur a provoqué, si nous avons bien entendu nos «sinistres», il semble donc que maintenant ils auraient compris la situation catastrophique dans laquelle tente de survivre un nombre incalculable de familles de ces pays, ruinées, écrasées par les connivences qu’ils ont entretenues avec ces tyrans afin d’en soutirer le maximum de profit. Le minimum d’éthique ou à défaut la simple logique voudrait dès lors que nos gouvernements cessent aussitôt tout type de collaboration avec ces dirigeants devenus d’un coup non plus des hôtes voire des amis de vacances, mais des dictateurs infréquentables à fuir à grandes enjambées;
- d’autre part, si nos gouvernements et leurs «experts» ont réellement pris la mesure du drame des populations de ces pays – pourtant dénoncé depuis des décennies à travers quantité de documents produits par des centaines d’ONG – faudra-t-il attendre que les unes après les autres, les rues arabes offrent le spectacle effroyable d’une jeunesse sacrifiée se faisant assassiner par ses propres dirigeants, avant que les nôtres n’aient les réponses et les réactions adéquates!? Où se terrent-ils donc nos chantres des Droits de l’Homme, nos valeureux humanistes si prompts à réagir en d’autres circonstances!?

Quand un régime n’a d’autre réponse que de tirer sur sa propre population dans l’intention avouée – «nous utiliserons jusqu’à la dernière cartouche» a annoncé l’un des fils du psychopathe de Tripoli – de la tuer et de la blesser, ne faut-il pas sur-le-champ faire entendre clairement notre voix au lieu de marmonner une énième et insipide demande de «retenue» comme vient encore de le faire Mme. H. Clinton, la moue en berne!? Combien de tués faut-il pour que nos démocraties «éclairées» montent au créneau et réagissent avec la fermeté qui convient? Combien d’assassinats faut-il pour que nous soyons, pour ce coup-là sans retenue, aux côtés des manifestants et de la résistance pacifique comme on a pu le constater depuis des mois que grondent les contestations populaires dans ces pays? En lieu et place d’offrir notre «savoir-faire» en matière de répression policière et de vendre nos armes de répression, quand donc des voix officielles ayant encore un minimum de conscience humaine et de sens des valeurs s’élèveront-elles pour taper sur la table et dire à ces régimes, et à nos misérables élus vassalisés: assez!

Nos autorités arrogantes et leurs «experts» auront-elles le courage de pousser leur réflexion assez loin pour comprendre que le prix que paie la rue arabe aujourd’hui est en grande partie le prix de leur duplicité avec ces régimes honnis par leurs peuples depuis des années!? Et pousseront-elles l’analyse jusqu’à réaliser que la situation est pareille dans le cas de l’occupation sanglante en Palestine: le prix payé par les Palestiniens étant celui de nos lâchetés depuis plus de 63 ans!? La réponse ne fait hélas pas de doute, et il est à craindre que nos dirigeants n’aient ni ce courage ni les compétences, d’après l’exemple récent que le nouvel ambassadeur français fraîchement nommé a laissé entrevoir lors de sa première intervention médiatique à Tunis. Ainsi de cet autre 1er «sinistre» italien Berlusconi déclarant préférer «ne rien dire sur la situation pour ne pas embarrasser son ami Kadhafi»… mais dans le même temps, mettant à disposition du despote la flotte italienne présente dans les parages, ainsi que des armes, si besoin était. Vergogna! Trop de compromissions, d’obscurs trafics et de mensonges répétés les ont liés à ces régimes… qu’ils voient s’effondrer avec angoisse, tant leurs intérêts douteux y sont liés. Pensez donc: après le rempart de Ben Ali contre l’intégrisme qui nous menaçait, la complicité de Mubarak à l’étranglement des Palestiniens, le dément libyen nous garantissait le contrôle des flux migratoires vers nos côtes méditerranéennes… sans parler du pétrole qu’il nous livrait à gogo. En vérité, c'est toute la politique occidentale dans la région qui se casse la gueule!

 Alors que les décisions que nous devrions prendre sont:
- condamnation ferme et catégorique de toute violence à l’encontre des populations;
- soutien inconditionnel à la résistance et aux opposants à de tels régimes;
- gel instantané des biens et avoirs de tous les responsables de crimes de civils, quels qu’ils soient;
- sanctions immédiates à l’encontre de ces régimes et de tous ceux qui les servent, là-bas comme ici;
- mandats d’arrêt international dans le but de transférer les responsables devant un tribunal;
- jugement des dirigeants et de leurs collaborateurs proches et lointains…

Moins que cela, procède d’une hypocrisie manifeste et n’est pas à la mesure de la situation. Et il faut en profiter pour exiger de nos gouvernements, la rupture définitive avec tous les régimes de ce type. Dialoguer, oui, dans le but d’obtenir de profonds changements; coopérer, non, tant que ces régimes ne sont pas réellement au service de leurs populations et qu’ils utilisent une force aveugle pour les massacrer à la moindre occasion.

Il n’y a pas si longtemps, «experts» et «spécialistes» en tous genres, se bousculant dans les stations radio et sur les plateaux télé, décrétaient du haut de leur certitude – après la chute du mur de Berlin qu’aucun d’eux n’avaient vu venir – qu’avec l’effondrement de l’URSS, nous assistions à la «fin de l’Histoire»… – rien que çà! Avec quelques années de recul, non seulement l’on a pu se rendre compte de la vanité de la déclaration, mais encore, de l’erreur absolue de tous ceux qui l’ont proférée, diffusée ou au moins adoptée comme nouvelle vérité… Tout à l’inverse, chacun peut constater que l’Histoire, loin de se terminer, se déroule sous nos yeux. Et un peu de perspicacité nous indiquerait même qu’elle pourrait bien arriver jusque sous nos fenêtres… Car l’une des  leçons que nous donne le soulèvement populaire dans les pays arabes est ce rappel: que tout dirigeant censé représenter le peuple, n’est à cette place que par la seule volonté de ce dernier. A voir les sourdes manigances, les compromissions multiples et les innombrables forfaitures de nos élus avec les dictateurs dont se débarrassent les peuples arabes, ne faudrait-il pas faire un peu le ménage chez nous, et «dégager» certain(e)s de nos enfoiré(e)s!?…

Enfin, instruits comme nous et d’après leurs récentes déclarations suite à ce qu’ils voient chaque jour sous leurs yeux depuis bientôt deux mois, comment ne pas voir l’évident parallèle entre ces situations et la brutale occupation des forces israéliennes à l’encontre de la population palestinienne, depuis des décennies? Là non plus, n’y a-t-il pas eu assez de massacres, de drames et de crimes perpétrés lâchement et avec la complicité de nos gouvernements, pour que cette situation soit pour une fois prise avec tout le sérieux nécessaire, loin des effets d’annonce qui n’aboutissent jamais!? L’autisme de nos classes politiques est-il à ce point ancré, qu’elles pensent que les choses se perpétueront de la manière actuelle en Palestine, certaines que leur allié israélien saura utiliser les méthodes abjectes dont on le sait capable pour se prémunir du tsunami qui finira par le déborder? Dans la tectonique des plaques qui secoue la région et le chaos qui risque d’en découler, qui aura le courage et la probité pour se lever et dire à l’entité sioniste, avant l’irrémédiable: «DÉGAGE»!?

Daniel Vanhove 
Observateur civil
Auteur
22.02.11

mardi 22 février 2011

Pour tenter de comprendre l'insurrection égyptienne


L'après-victoire de la révolution

Nombreuses sont les questions qui se posent aujourd’hui, à propos de la révolution égyptienne en cours. A peine Mubarak renversé, vendredi dernier, que les analystes et commentateurs se sont précipités pour lancer, souvent à la hâte, leurs points de vue, en vue d’expliquer, d’analyser ou de commenter la chute de Mubarak, mais aussi de prévoir les conséquences de cette révolution sur la région.

A présent, la coalition qui s’était constituée au cours de la révolution du 25 janvier a désigné un «conseil des garants de la révolution» en vue de représenter la révolution, au cours de la phase transitoire actuelle. Ce dernier est chargé de suivre et d’insister auprès du conseil supérieur des forces armées, qui a pris les choses en main, dès avant même la chute de Mubarak, pour poursuivre l’application des revendications révolutionnaires.

Le «conseil des garants de la révolution» a noté que jusqu’à présent, deux principales revendications populaires n’ont pas encore été appliquées, celle de la levée de l’état d’urgence et la libération de tous les prisonniers politiques, non seulement ceux qui ont été arrêtés au cours de la révolution, mais également tous les prisonniers détenus par le pouvoir du président déchu. Il est vrai que le conseil supérieur des forces armées a commencé par la dissolution des deux assemblées législatives, pensant ainsi satisfaire le peuple, comme première mesure, tout comme il a annulé la constitution et nommé une commission qui devrait y apporter des amendements dans les dix jours prochains.

Cependant, cette dernière mesure est critiquée à plus d’un niveau, et notamment par le conseil des garants, qui regroupe plusieurs personnalités connues et moins connues, mais que la coalition des révolutionnaires du 25 janvier a considéré probes et capables. Certains pensent qu’il aurait mieux valu lever l’état d’urgence avant de procéder à la modification de la constitution, car cela aurait permis d’assurer un large climat de libertés publiques où les gens pourraient discuter librement des modifications. Pour d’autres, les dix jours restent insuffisants pour modifier la constitution, à moins de s’arrêter juste à quelques articles, que le pouvoir de Mubarak avait auparavant modifiés pour renforcer son propre pouvoir et celui de son équipe.

Dans un pays en ébullition, plusieurs mouvements se déroulent encore au moment où l’administration égyptienne tente de se libérer des figures représentatives de l’ancien régime, sous les prétextes divers, que ce soit la corruption, l’accumulation illégale des richesses, le pouvoir étendu grâce aux liens avec l’équipe de Mubarak, etc… Des protestations se déroulent dans les médias, mettant en cause leur direction et leur inféodation au pouvoir: dans plusieurs journaux, des changements interviennent ou sont sur le point d’aboutir, dans la télévision, outil essentiel du pouvoir de Mubarak, les protestations et les dénonciations de la direction risquent de modifier prochainement le visage des médias égyptiens. Des grèves et protestations agitent plusieurs secteurs industriels en plus d’un lieu en Egypte, où les ouvriers et employés souhaitent obtenir quelques-unes de leurs revendications salariales dans l’immédiat.

De son côté, l’administration égyptienne a commencé à épurer le paysage, en commençant par geler des avoirs de plusieurs personnalités politiques et économiques (les deux vont ensemble, d’ailleurs) mais sans toutefois toucher aux avoirs de la famille Mubarak, d’après les informations publiées. Cependant, plusieurs juristes se sont constitués en commission et travaillent d’arrache-pied, avec des comités arabes situés à l’étranger, en Suisse notamment, pour obtenir le gel des avoirs de la famille Mubarak et de ses proches.
Ce ne sont que quelques exemples des mouvements en profondeur qui se déroulent actuellement en Egypte, après le 25 janvier et le 11 février, date de la chute de Moubarak. Mais il est vrai que sur le terrain, et dans un pays aussi vaste que l’Egypte, les choses ne sont pas toujours claires à cause précisément de ce mouvement populaire déclenché par une nébuleuse de groupes de jeunes, avant d’être rejoint par le peuple en entier.

Qui sont ces jeunes dont le rassemblement du 25 janvier a déclenché la révolution? Qu’en est-il de la participation des Frères musulmans, devenus la phobie de l’Occident en quelques jours?
La nature même de ces groupes de jeunes qui ont constitué, plusieurs jours après le début du mouvement, avec d’autres forces, la «coalition de la révolution du 25 janvier» reste difficile à cerner, parce que précisément ils n’appartiennent pas à des formations connues et aux contours précis.

D’après le chercheur Ahmad Tahami Abdel Hayy, plusieurs groupes de jeunes furent à l’initiative du rassemblement du 25 janvier. A cause de la nature policière et répressive du régime, ces jeunes avaient constitué des groupes de discussion et de mobilisation sur Facebook, notamment, à partir de faits sociaux graves qui se passaient dans le pays, notamment après les dernières élections législatives, où Mubarak avait encore plus réduit la vie politique à sa propre personne. Ces groupes, ouverts à toute discussion, ont la particularité de n’avoir aucun fondement idéologique. De plus, les jeunes qui y participent se déplacent d’un groupe à l’autre, en fonction de la nature de la mobilisation et des revendications mises en avant. C’est pourquoi des jeunes, appartenant à des mouvements politiques, se sont retrouvés, aux côtés d’autres, qui ne l’étaient pas, dans des mouvements de protestation ayant précédé le 25 janvier, unis autour des revendications immédiates: soutien aux ouvriers du textile en lutte à Mahalla, par exemple, ou dénonçant l’assassinat de Khaled Sa’ïd, jeune d’Alexandrie assassiné par la police parce qu’il avait dévoilé les accointances de la police avec les revendeurs de drogue.

En 2005 – 2006, par exemple, ces jeunes avaient gonflé les rangs de Kifaya et du Ghad, avant d’être attirés par des mouvements, comme celui du 6 avril ou par la campagne populaire de soutien à Mohammad Baradei.
Donc, la facilité avec laquelle les jeunes passent d’un groupe à l’autre et l’absence d’une idéologie marquée des groupes les ont rendus insaisissables et confus à la fois. Ce fut aussi leur point de force pour échapper au système policier de Mubarak.

Les groupes constitués sur Facebook sont: «Nous sommes tous Khaled Sa’id», auquel appartient Wael Ghnaym, le jeune ayant été enlevé par la police au troisième jour des manifestations, celui de la jeunesse du mouvement des Frères musulmans, les jeunes de «Ensemble, nous changerons» (groupe de soutien au Dr. Mohammad Baradei, ancien chef de l’agence internationale pour l’énergie), les jeunes en faveur de la justice et de la liberté, les jeunes des partis du front démocratique et de «al-Ghad (demain)» (parti fondé par l’opposant Ayman Nour).

Au cours du rassemblement sur la place Tahrir, ces groupes furent rejoints par des jeunes appartenant à des partis de l’opposition, dont les membres avaient souvent participé à des actions menées par de nouvelles formations (Kifaya, par exemple): l’union des jeunes du Tajammu (rassemblement), les jeunes nassériens, le mouvement populaire démocratique pour le changement (Hashd), les jeunes des partis ‘Amal (l’action, islamiste), Wafd (le plus ancien parti contemporain) et le front des jeunes coptes.

Les contours des mouvements nés dans les années 2000 n’étant pas clairement définis, il nous suffit de donner une brève description de certains, pour comprendre qu’il s’agit surtout d’une nébuleuse de formations ayant accumulé, tout au long de ces années, une expérience de lutte à partir de revendications qui semblent très hétérogènes.

Le mouvement du 6 avril se décrit comme «un groupe de jeunes Egyptiens qui n’appartiennent à aucun courant politique, mais qui visent à provoquer des changements politiques». Il est né en 2008, sur les pages du Facebook, en rassemblant plus de 75.000 jeunes. Il avait appelé à organiser une grève, le 6 avril 2008, lorsque les ouvriers d’al-Mahalla avaient manifesté, avec leurs familles, et que des affrontements les ont opposés aux forces de la police. Ce mouvement avait rassemblé des jeunes appartenant à des organisations, comme Kifaya, ou l’union des jeunes de Ghad, ou des nassériens ou des jeunes du parti ‘Amal.

Kifaya, formé en 2005, est une coalition de plusieurs groupes de l’opposition, un réseau lâche qui regroupe nassériens, islamistes et gauchistes. Mais les jeunes qui s’y sont rassemblés ont pensé former un cadre les représentant à l’intérieur du mouvement: les jeunes pour le changement. Kifaya fait partie des mouvements qui ont appelé à participer au mouvement déclenché le 25 janvier, affirmant son engagement envers les revendications populaires.

Contrairement à ce que pensent beaucoup d’analystes, le mouvement des Frères musulmans a participé, dès le début, au mouvement du 25 janvier, par le biais de son organisation de jeunesse, tout comme ces jeunes étaient présents dans les groupes Facebook et les groupes d’étudiants ayant appelé au rassemblement du 25 janvier.

Dans les universités, les jeunes avaient commencé, il y a quelques années, à se regrouper hors des unions inféodées au pouvoir, sous diverses appelations «apolitiques». Y participent les étudiants des Frères musulmans aux côtés des autres étudiants rattachés à des mouvements contestataires, nés au cours de la dernière décennie. L’Union libre des étudiants a été un cadre de collaboration avec les autres groupes qui existent sur le Facebook ou le mouvement du 6 avril. Les groupes parallèles se multiplient, créant un réseau qui rassemble des étudiants de toutes tendances, notamment les socialistes révolutionnaires, la gauche, le mouvement Kifaya et Ghad. En 2005, il existe plusieurs unions libres d’étudiants dans 7 universités, et en 2006, elle parvient à s’installer dans toutes les universités publiques égyptiennes.

Dans les analyses faites sur la révolution égyptienne, certains, et surtout en Occident, insistent soit sur l’absence, soit sur la présence des Frères musulmans, afin de transmettre un message précis. Pour les laïcistes forcenés, il s’agit de démontrer le caractère démocratique de mouvements dépourvus d’islamistes, mais populaires, que ce soit en Tunisie ou en Egypte, alors que pour les milieux ouvertement sionistes, il s’agit d’insister sur le danger représenté par ces révolutions, dirigées en sous-main par les islamistes, dont les Frères musulmans qui refuseraient la présence de l’Etat sioniste et qui constitueraient une menace pour la «paix» mondiale.

Comme il est devenu important, pour d’autres, d’insister sur les revendications sociales, en insistant sur la misère du peuple qui réclame «du pain», ou sur les revendications mises en avant par les médias américains, la corruption des élites dirigeantes, ou encore sur les libertés démocratiques qui furent bafouées tout au long de ces décennies.

Pour Mounir Shafiq, théoricien engagé dans le combat pour la Palestine et le monde arabo-islamique, il est important d’ordonner les priorités des causes de la révolution égyptienne en cours. Il refuse les différentes explications qui mettent sur le même plan toutes les revendications, justes toutefois, qui sont à la fois sociales, démocratiques et contre la corruption. Il ajoute cependant une dimension essentielle, qui fonde à la fois la corruption, la suppression des libertés et l’inégalité sociale criante, celle de la soumission aux puissances étrangères et la signature d’accords humiliants avec les Etats-Unis et l’ennemi sioniste. C’est pour maintenir cette soumission que le régime de Mubarak, devenu le dictateur par excellence, a progressivement supprimé toutes les libertés et qu’il a concentré tous les pouvoirs autour de lui, et qu’il s’est entouré de corrompus et corrupteurs, ayant de solides liens avec les grandes firmes internationales, qui ont dilapidé les ressources du pays, le gaz en premier lieu, vendu aux sionistes. La dilapidation des ressources naturelles, livrées aux puissances étrangères à des prix dérisoires et la destruction du patrimoine national industriel et agricole, au bénéfice d’un secteur favorisé par l’étranger, le tourisme et les services, ont privé le peuple égyptien, dans son ensemble, des bienfaits d’un soi-disant développement à l’occidentale.

C’est d’ailleurs à cause de cette mainmise étrangère, occidentale et américaine surtout, sur la politique et la vie du pays, que les interventions étrangères se font de plus en plus pressantes et que des graves menaces se profilent contre le peuple égyptien, qui cherche à se libérer de toute ingérence. Avec ses forces vives, et notamment ses jeunes, le peuple égyptien tente d’avancer avec prudence, en évitant de tenter le diable. Mais ce qui est certain, c’est que la démocratisation de la société, à tous les niveaux, et la généralisation de la liberté d’expression ne peuvent qu’entraîner la remise en cause de cette soumission humiliante, car c’est le peuple d’Egypte, un peuple qui, malgré les 35 ans des accords de Camp David, n’a pas normalisé ses relations avec l’Etat sioniste.

Fadwa Nassar
18.02.11
Source: moqawama

lundi 21 février 2011

La dette égyptienne doit prendre fin avec la chute du régime Mubarak


Les dettes égyptienne et tunisienne doivent être annulées pour que les peuples dans les rues du Caire et de Tunis puissent prendre le contrôle de leurs économies et faire en sorte que les pays occidentaux rendent des comptes. 


Dans la meilleure tradition des dictateurs, Hosni Mubarak a pillé l’économie égyptienne et est parti en ayant détourné le montant astronomique de 70 milliards de dollars pendant qu’il léguait 30 milliards de dollars de dette au peuple égyptien. Zine el Abidine Ben Ali a laissé une dette de 15 milliards au peuple tunisien alors qu’il gardait pour lui la somme plus modeste de 3 milliards de dollars. Comme d’autres régimes sont en train de vaciller, on va découvrir une multiplication d’injustices.

Les véritables créanciers de l’Egypte, de la Tunisie et d’ailleurs ne sont pas les Etats occidentaux qui ont utilisé les prêts pour mettre leurs hommes de main dans le monde arabe – mais les peuples de ces pays qui ont souffert de cette domination. L’Occident doit maintenant rembourser ces dettes en ouvrant ses livres de comptes aux yeux du public, en retournant au peuple égyptien les avoirs de Mubarak et de ses amis qui ont été placés en Europe et aux Etats-Unis et en annulant ces dettes injustes à travers le monde arabe. Le peuple égyptien ne doit pas continuer à payer la note de la complicité occidentale au travers de larges remboursements.

Il est trop simple pour des dirigeants britanniques et américains d’adresser des mots chaleureux aux peuples de ces états policiers qui ont enduré corruption, torture et violations des Droits humains pendant des décennies. En fait Tony Blair est celui qui a appréhendé la situation de la manière la plus honnête. Pendant que les leaders occidentaux laissaient si vite tomber Mubarak qu’on se demande comment son régime si impopulaire a tenu si longtemps, l’ancien premier ministre britannique a qualifié son allié d’autrefois comme «immensément courageux et une force du bien».

Pour les Etats-Unis et l’Europe, Mubarak était en effet un excellent client. L’Egypte a remboursé ses prêts indéniablement contractés dans les intérêts du régime plutôt que du peuple à un taux d’environ 3 milliards de dollars par an. Cet argent détourné aurait pu être utilisé pour améliorer la vie des Egyptiens ordinaires. Depuis 1981, l’Egypte a payé environ 80 milliards de dollars en remboursement du principal et des intérêts, une redistribution des Egyptiens pauvres vers les riches au niveau global.

Une partie de la dette du pays était indéniablement de nature militaire. L’Egypte recevait plus d’aide militaire des Etats-Unis que n’importe quel autre pays du monde à l’exclusion d’Israël – bien au-delà d’un milliard de dollars depuis que l’arrivée au pouvoir de Mubarak en 1981. Le gouvernement britannique a permis aux firmes britanniques d’approvisionner l’Egypte en matériel militaire à hauteur de 23 millions de livres en 2008 (37 millions de dollars), 16 millions de livres en 2009 (26 millions de dollars). Il n’y a pas de doute que cela a servi lorsque l’Egypte est devenue un des principaux centres du programme de kidnapping de la «guerre contre le terrorisme» menée par les Etats-Unis, des vols secrets et de la détention illégale et torture. L’Egypte doit actuellement près de 100 millions de livres (160 millions de dollars) à la Grande Bretagne. Bien que le gouvernement refuse de dire sur quoi la dette est basée, nous savons qu’elle est en rapport avec les exportations britanniques via la controversée agence de crédit à l’exportation (Export Credits Guarante Department ) et largement basée sur des ventes qui ont eu lieu au début du régime de Mubarak. Ce département du gouvernement britannique à la transparence douteuse assure les affaires britanniques dans des parties «risquées» du monde – habituellement en supportant des industries d’armement, aérospatiales et de combustibles fossiles.

Le Tunisie fait face à une situation semblable – sous Zine el Abidine Ben Ali le pays a effectué des remboursements à hauteur de 40 milliards. De même, Ben Ali a servi les intérêts occidentaux en réprimant son peuple qui s’est finalement levé contre lui en janvier.

Lorsque les peuples ont commencé à prendre le contrôle de leurs pays dans le passé – de l’Afrique du Sud de l’apartheid à la Bolivie, de l’Argentine à la Pologne – la dette a été utilisée comme un moyen clé pour imposer des politiques anti-démocratiques à ces pays. Ces politiques ont causé de grandes souffrances aux pauvres dans ces sociétés et ont bloqué toute avancée démocratique qui s’étendrait à la sphère économique. Si les révolutions en Tunisie et en Egypte déclenchent véritablement une nouvelle ère d’indépendance pour les peuples de ces pays et si comme cela parait probable, l’étincelle allumée en Afrique du Nord se répand dans le monde arabe, la prochaine étape serait de traîner en justice les responsables de décennies de domination brutale basée sur le pillage.

Cela implique de questionner la légitimité de la dette qui les a maintenus au pouvoir autant que d’essayer de récupérer l’argent volé par les anciens dirigeants. Il est temps pour les peuples d’Afrique du Nord de briser les chaînes de la dette qui ont contribué à écarter la liberté et le développement pour une génération.

Nick Dearden 
Directeur exécutif de la Campagne dette Jubilé Royaume-Uni (http://www.jubileedebtcampaign.org.uk/)
18.02.11
Source: alter-info
Traduction: Virginie de Romanet

dimanche 20 février 2011

Au P-O aussi, les choses évoluent...






La libération de la Galilée, une perspective réaliste


Au cours de son dernier discours, à l'occasion de la commémoration du martyre des dirigeants du parti, le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrullah, a menacé les dirigeants sionistes, en leur disant, en clair: si vous approchez du Liban, nous libérerons la Galilée. Cette nouvelle perspective du Hezbollah, dans sa confrontation avec l'ennemi sioniste, n'est pas chimérique, loin de là. Depuis quelque temps déjà, surtout après la victoire remportée par la résistance au Liban en juillet 2006, confirmée par la victoire remportée par la résistance palestinienne à Gaza, en 2008-2009, victoires qui ont clairement démontré que les sionistes sont incapables d'accomplir désormais leurs objectifs, sinon à massacrer, il est devenu évident que la voie de la résistance armée a ouvert des perspectives importantes dans la bataille pour la libération de la Palestine.

Malgré les énormes pressions subies par le Hezbollah sur le plan interne, où des forces politiques relayent les États-Unis, l'Europe et l'ONU (ceux qui se font appeler Communauté internationale), le Hezbollah a su maintenir et consolider sa force de frappe et personne désormais ne pourra la lui retirer, "même si le monde entier se liguait contre nous", avait récemment déclaré sayyed Hassan Nasrullah.

Cette nouvelle déclaration concernant la libération de la Galilée fait suite aux déclarations précédentes, menaçant de détruire les infrastructures sionistes si jamais celles du Liban étaient bombardées, ce qui avait déjà rabattu le caquet des sionistes, à l'époque, car la résistance a désormais établi les coordonnées de tous les sites importants israéliens: où se trouvent leurs aéroports, militaires et civils; où se trouvent leurs principales centrales électriques; où se trouvent leurs principales usines d'armements et tous leurs complexes industriels. Ces coordonnées sont clairement exposées au musée de la résistance à Mleeta, avec toute la configuration de l'armée sioniste, régulièrement mise à jour.

La déclaration de sayyed Nasrullah intervient également suite à la révolution populaire en Égypte, qui a renversé le principal allié des sionistes dans la région. Contrairement aux analyses défaitistes des pseudo-révolutionnaires européens, la révolution populaire en Égypte n'a pas encore fini de secouer l'entité sioniste ni d'ailleurs toute la région, car ses répercussions sont énormes et difficiles à cerner dans toutes ses dimensions: mais nous pouvons déjà dire qu'elle bouleverse l'Etat sioniste d'abord, qui doit revoir toutes ses stratégies militaires, qu'il avait basées depuis des décennies sur le calme du front Sud. Et les pays arabes, également, car le régime Mubarak était le principal allié des camps dit "modérés", en Palestine et au Liban, notamment.

Une nouvelle ère s'ouvre, concrétisée par la déclaration du chef de la résistance, concernant la libération de la Galilée. Désormais, la libération de la Palestine, par le Sud avec la libération du Naqab, et par le Nord, avec la libération de la Galilée, est possible, ce qui bouleverse entièrement les débats oiseux sur un État ou deux États, comme nous l'avons plusieurs fois démontré. C'est par la libération de la Palestine qu'il faut commencer, libération qui peut commencer par n'importe quelle région, lorsque le rapport de force est modifié sur le terrain.

L'Etat sioniste est encore puissant, personne ne le nie. Mais il ne peut plus faire la guerre, à moins d'être entraîné dans une bataille dont il ne peut voir la fin, ni prévoir les conséquences. Aujourd'hui, l'initiative appartient aux peuples arabes, qui se lèvent, renversent des régimes, et à la résistance, qui peut frapper, n'importe où et libérer des territoires, n'importe où.

Imaginez juste que les réfugiés palestiniens reviennent en Galilée, après sa libération.... que des milliers et des milliers de réfugiés retraversent cette ligne fictive pour retrouver leurs villages et leurs villes dans cette région de la Palestine. Qui peut nous interdire d'y rêver? Ni ONU, ni États-Unis, ni Europe, ni Communauté internationale, ni personne dans le monde. La Galilée fait partie de notre pays occupé, et elle est devenue à portée de main.

Cette nouvelle déclaration du secrétaire général du Hezbollah introduit encore, s'il fallait le démontrer, que la libération de la Palestine est l'affaire de tous les Arabes, et non seulement du peuple palestinien. Les peuples arabes ne peuvent plus se contenter de "soutenir" le peuple palestinien, mais il est de leur devoir de participer à la lutte de libération. Nous sommes en guerre, depuis plus de soixante ans, et n'avons jamais cessé de l'être.

Ne pas réaliser l'importance du changement qui se profile dans la région, d'abord sur l'état d'esprit de ces peuples, longtemps considérés comme passifs, c'est demeurer à côté de l'Histoire, c'est même se situer, confortés dans un discours figé et a-historique, contre la volonté des peuples arabes et de leur expression, la résistance armée.

Déclaration du représentant au Liban du mouvement du Jihad islamique en Palestine
Le représentant au Liban du mouvement du Jihad islamique en Palestine, hajj Abu Imad Rifa’i a déclaré ce qui suit:
- Notre peuple palestinien et la nation arabo-musulmane ont accueilli avec fierté et grandeur le message de son excellence, sayyed Hassan Nasrullah, où il a demandé aux combattants de la résistance islamique d’être prêts pour le jour où la direction de la résistance leur réclamerait de libérer la Galilée, en réponse à toute attaque sioniste contre le Liban.
Nous, au mouvement du Jihad islamique, nous proclamons à cette occasion ce qui suit:
1 – notre confiance totale en la résistance islamique et en son dirigeant, ainsi qu’en la capacité des hommes de la résistance à fidèlement concrétiser cette promesse faite par le maître de la résistance, qui est l’auteur de la promesse sincère;
2 – Notre disponibilité, au mouvement du Jihad islamique, et notre entière disposition à faire partie de toute bataille visant à libérer toute partie de notre terre spoliée, par la résistance;
3 – La disposition de tout notre peuple palestinien, dans les camps, à immédiatement retourner sur toute partie de notre terre qui serait libérée, et à la défendre par les moyens les plus chers;
4 – Nous regardons avec espoir ce jour où notre nation récupèrera sa fierté et sa dignité et la libération de sa terre par la résistance, notamment dans le cadre d’une situation de relève et de récupération des peuples arabes de leur décision, comme en témoigne les États de la région.

La victoire est proche, par la permission de Dieu.

Rim al-Khatib
19.02.11
Source: ism-france

samedi 19 février 2011

Egypte: et le soleil se leva!...


 
«Chaque matin, pour gagner mon pain, je vais au marché où l’on vend des mensonges et plein d’espoir, je me range du côté des marchands…»
Jean-Luc Godard (1)



Cette image du splendide poème chanté par l’artiste québécois Richard Desjardins ne me quittait pas face à la joie du peuple égyptien, à l’annonce de la démission du tyran qui l’opprimait dans la sauvagerie et la honte depuis plus de trente ans.

Dans sa chanson, Richard dénonce l’Empire qui surgit pour asservir un peuple. Avant de le spolier, le violenter, sous la menace, le chef de la soldatesque demande dans un mégaphone: «Qui est le chef? Et, qu’il se lève!»…
«Et, le Soleil se leva!…»

Magnifique métaphore, pleine vérité. Le Temps, l’Histoire, triomphent toujours de la violence, de l’arrogance de ceux qui pensent que l’esclavage des peuples et nations est le privilège éternel du plus Fort.

L’aveu
Obama n’est jamais paru aussi pathétique que dans sa déclaration, prenant acte du renversement de son protégé. Je le regardais en direct sur une TV: visage fermé, élocution crispée, une tête d’enterrement! En complet déphasage avec les propos qui se voulaient empreints de sympathie à l’égard de la nation égyptienne rassemblée dans une immense allégresse. Les déclarations des pantins-vassaux européens, qui suivirent, ne valaient guère mieux.

Dans ce non-dit, lugubre, du président des USA: l’aveu…
D’une immense défaite pour l’Empire.
D’abord psychologique. Remettant en cause son emprise sur la région, fissurant toutes les dictatures installées par ses soins et ses armes. Jusqu’au bout, les USA, Israël, l’Europe, les Occidentaux, ont essayé de sauver le dictateur, leur créature depuis des décennies. Souhaitant écraser la Révolution, ils voulaient faire tirer sur la foule, comme ils l’ont fait dans de multiples pays pour sauver les dictatures à leurs ordres.

Installant pour cela, en tant que vice-président, le tortionnaire de son régime sanguinaire, surnommé «Sheikh Al-Torture»… Un tueur sans état d’âme, réputé pour son “raffinement”. Se livrant, entre autres pratiques suaves pour terroriser davantage ses victimes lors d’interrogatoire qu’il lui arrivait de superviser personnellement, à l’exécution d’un détenu au préalable réduit en loque, par un coup de karaté…

Tirer sur la foule. Comme à Bangkok, il n’y a pas si longtemps. Comme ils l’avaient fait lors de la révolte des Mexicains rassemblés pacifiquement, en famille, sur la grande place de Tlatelolco. Des centaines de morts, disparus, suite à la fusillade de l’armée mexicaine, la nuit du 2 octobre 1968. (2)

En Egypte, les Occidentaux avaient à leurs bottes tout l’appareil répressif, police et services secrets, la garde présidentielle, et l’armée de l’air. Ils n’ont pas réussi à faire adhérer l’armée de terre, à part quelques généraux, à leur projet. C’est ce qui a fait basculer la décision. Gênés aussi, les temps changent, que le reste de la planète les observe “à la fenêtre”, regardant jusqu’où leur cynisme allait les mener, grâce aux liaisons Internet difficile à censurer.

Le déni
Bien sûr, perdre une bataille n’est pas perdre la guerre se disent les stratèges de l’Empire. Ils vont tout faire pour mettre en pratique ce qu’ils savent si bien faire, et qu’ils sont en train de programmer en Tunisie. Trois objectifs immédiats:
1) Conserver la politique étrangère et la défense nationale
Bloquer par tous les moyens une évolution politique similaire à celle de la Turquie, qui a réussi à conforter son régime parlementaire après avoir remis les militaires à leur juste place: celle des casernes. Leur rôle n’étant pas de gouverner. Car, ce n’est pas l’exemple iranien qui leur fait peur, mais l’exemple turc.

La Turquie, pays de 75 millions d’habitants en pleine croissance économique, s’émancipe de plus en plus. Faisant entendre sa voix et ses désaccords. Erdogan est le seul chef d’Etat à avoir, au sommet de Davos de 2009, dit publiquement ses quatre vérités à Simon Perez sur les crimes commis en Palestine…

On a vu aussi le courage des Turcs, lors du massacre de la Flottille de la Liberté apportant une aide humanitaire à la population de Gaza. Ils viennent de sortir un film sur ce crime contre l’humanité et acte de piraterie, non condamnés par l’ONU, qui connaît un succès international: Valley of the Wolves Palestine.

Une suite au célèbre film donnant lieu a une série TV, La Vallée des Loups en français, sur le comportement de la soldatesque occidentale en Irak avec, notamment, la condamnation d’une de leurs pratiques favorites, le massacre des populations lors des mariages…

Films et séries, évidemment, censurés en Occident et dans les dictatures à son service.

Le dynamisme de leur industrie cinématographique produisant Films et séries TV à gros budgets, dont l’engouement dans les pays arabes et ailleurs est colossal, inquiète beaucoup les spécialistes de la désinformation. Il est le signe de l’indépendance ultime: celui de la réappropriation de sa Culture et de son Histoire. Allant à l’encontre des schémas de propagande et d’autosatisfaction de l’Empire.

Si cette attitude à la “de Gaulle” se généralisait au Moyen-Orient, cela va faire subitement beaucoup «d’indépendances» à gérer. Et, sombre perspective, annonciateur de la fin des multiples bases et centres de tortures occidentaux dans la région, couvrant les pillages…

Il est, en conséquence, vital, prioritaire, pour l’Empire de conserver à son seul usage les privilèges d’une authentique souveraineté de l’Egypte: la politique étrangère et les forces armées. Pour cela, truquer les élections en éliminant tous ceux qui ne voudraient pas souscrire à ses directives, prétendant affirmer une volonté d’autodétermination en politique étrangère et défense nationale.

Pour ce qui est de la prétendue aide et assistance militaire, d’environ 1,5 milliard de dollars chaque année (l’aide civile n’est que de 250 millions de dollars…), rappelons qu’elle retourne à son point de départ puisque les achats d’armes bénéficient aux industries de l’armement US. De plus, dans du matériel dépassé, obsolète, ou “bridé”, et largement tourné vers la répression, les performances du matériel livré, tant des forces terrestres qu’aériennes, étant contrôlées par Israël.

2) Conserver la mainmise sur l’économie égyptienne
Le contrôle l’appropriation du système économique est un gage de servitude. L’Egypte la subit déjà. Elle va être renforcée: système bancaire et financier, services publics rentes de situation type télécoms, eau, transport, etc., investissements et industries de sous-traitance, avec interdiction d’accès aux hautes technologies dans tous les domaines, étant les principales orientations fixées.

Comme en Afrique du sud, où la chute de l’apartheid a permis la création d’une petite bourgeoisie, hormis les dignitaires politiques rapidement corrompus. Mais, le peuple Sud-Africain dans son immense majorité vivant dans la misère, encore spolié des gigantesques richesses minières du pays. Restant toujours la propriété des Occidentaux, essentiellement par l’intermédiaire de groupes miniers canadiens ou australiens.

3) Empêcher toute “épuration”
Ne pas toucher à l’infrastructure de l’appareil répressif. Eviter toute “vague” qui étalerait bien des secrets d’Etat. Imposer une ’commission de réconciliation’, comme les Occidentaux l’ont imposée en Afrique du sud. Pour étouffer toute épuration, procès publics, nationalisations des biens spoliés, et condamnations de tous les tortionnaires, profiteurs, indics et ’collabos’ de la dictature. L’essentiel, dans ce type d’opération, de mascarade, n’étant pas la réconciliation nationale mais avant tout bloquer toute fuite démontrant l’implication des Occidentaux dans la répression, son organisation, sa mise en place de moyens, ses conseils techniques et l’apport de ses spécialistes es-tortures.

Tartuferie et Torture
Evidence: aucune remise en cause de la politique de l’Occident. Les médias de l’Empire, très réactifs à la suite du discours d’Obama, déballaient sans transition leur nouvel arsenal de propagande. Chantant les louanges d’Obama et de l’Occident des Lumières, qui grâce à leur patiente sollicitude avaient conduit les pays arabes à l’âge adulte, parvenant enfin à se libérer des dictateurs, et de leurs régimes corrompus, qu’ils s’étaient choisis…

Cynisme sans borne
J’entendais sur une chaîne de TV un ’politologue-spécialiste du monde arabe” dire que cela allait faire tâche d’huile et s’étendre en Chine!... Apparemment, ce distingué ’expert-du-monde-arabe’, emporté dans sa fulgurante analyse se retrouvait en Asie, par vol sans escale, après avoir survolé la Jordanie, l’Arabie saoudite, le Yémen, les monarchies pétrolières d’opérette, les yeux fermés!... (3) Tout juste s’il n’allait pas se retrouver au Venezuela ou, encore, à Cuba.

On a beau se vouloir adepte du pacifisme et de la non-violence, sincèrement: il y a des paires de claques qui se perdent. Alors que l’écroulement de l’idéologie du Choc des Civilisations devrait emmener, immédiatement, les pays occidentaux à une profonde remise en cause de leur vision, de leur politique étrangère... C’est l’aveuglement impérial qui poursuit sa course, dans le mur. Cet obscurantisme, ce fanatisme, qui nous déconsidèrent aux yeux du reste de la planète.

Se posent en effet trois exigences, que notre tartuferie n’est plus en mesure de contourner:
1. Arrêter l’instrumentalisation des Droits de l’Homme et de La Dignité Humaine servant à couvrir nos crimes et complicités, mais en réaffirmer, en renforcer les obligations:
=> Condamner la torture. Mettre au ban des nations, les régimes et les personnes qui l’organisent, la pratiquent. Les traduire devant le Tribunal International de la Haye pour crimes contre l’Humanité. Qui sont, rappelons-le, imprescriptibles!
=> Condamner la pratique de l’internement de toute personne sans procès. Ce sont des milliers de personnes qui croupissent dans les geôles des dictatures, et entreprises coloniales occidentales de la Palestine à l’Afghanistan.
=> Condamner l’enlèvement de tout national, quel qu’en soit le prétexte, jugé par des tribunaux qui ne sont pas de son pays pour des crimes réels ou supposés commis sur le territoire de sa nationalité. Guantanamo étant l’archétype de l’abjection pour l’Occident, quant à cette pratique banalisée.
=> Interdire l’internement des enfants dans la stricte application de La protection des Enfants imposée par la charte de l’ONU. On parle des ’enfants soldats’, mais jamais des ’enfants emprisonnés’ pour fait de Résistance, aux dictatures, aux aventures coloniales, en Palestine, en Irak, en Afghanistan. Des milliers.

2. Condamner le racisme anti-arabe et l’islamophobie qui sont des instruments de propagande dans les pays occidentaux. Encouragés, bénéficiant de tous les moyens, dans tous nos médias, dans l’impunité absolue. Avec pour effet d’endoctriner les opinions publiques afin de camoufler nos soutiens aux dictatures et les pillages auxquels nous nous livrons dans leurs pays.

3. Revoir nos principes et actions diplomatiques qui soutiennent les régimes sanguinaires opprimant les populations civiles, sur tous les continents, dans des élections truquées dont toute opposition est bannie, si ce n’est sous forme de simulacre.

Mesures, principes et dispositions ne sont que chiffons de papier si nos propres dirigeants, responsables, politiques, économiques, n’ont aucune éthique.

Voir nos dirigeants, tous partis confondus, se rendre en vacances dans des dictatures, à l’invitation des tyrans pour être logés dans des palaces, en caravane, avec femme, concubines et courtisans est, non seulement, une honte, mais encore, un crime, du moins une complicité de crime. Se piquant de philosophie, de culture, d’art, de méditation, devant des monuments antiques, sachant qu’hommes, femmes, enfants, sont torturés, internés arbitrairement, pour s’être révoltés contre l’injustice dans le pays hôte.

Car, comme je ne manque pas de le répéter, à ce niveau de responsabilité:
i) Soit, on ne le sait pas et c’est inadmissible, toutes les informations étant disponibles par de multiples canaux officiels et officieux. En ce cas là: on est un nul, un incompétent, dans l’exercice de ses fonctions.
ii) Soit, on le sait et on fait semblant de ne pas le savoir et, en ce cas, on est aussi abject que les dictateurs sanguinaires qu’on cautionne.

Face à cette répugnante tartuferie, les Peuples de Tunisie, d’Egypte, viennent de nous donner une leçon de courage et d’éthique. Souhaitons qu’ils connaissent enfin la paix, la prospérité, l’épanouissement qu’ils méritent. Partageons leur joie.

Pour avoir évoqué la longe lutte du Peuple de l’Afrique du sud pour sa libération de l’apartheid, lutte se poursuivant plus souterraine pour la réappropriation de ses richesses nationales, je leur dédie l’émouvante chanson de Johnny Clegg, Asimbonanga. Dans cette chanson, il célèbre cette lutte universelle, la mémoire des principaux résistantes et résistants assassinés, souvent sous la torture: Steve Beko, Victoria Mxenge, Neil Aggett…

A la mémoire de Mohamed Bouazizi, de tous les Tunisiens, de tous les Egyptiens, et tous ces combattants de la liberté de par le monde, assassinés, torturés, humiliés, par les dictatures et les colonisateurs, avec la complicité de La Communauté Internationale.

Johnny Clegg chantant en zoulou:
Asimbonang ’umfowethu thina Laph’ekhona,
Laph’wafela khona

Notre frère n’est plus là
Là où il vivait Là où il est mort…

Georges Stanéchy
15.02.11
Notes:
(1) Phrase dite, dans son film Le Mépris, par Fritz Lang.
(2) Lire le poignant ouvrage, compilations de témoignages sur ce massacre: La Noche de Tlatelolco d’Elena Poniatowska, Ediciones Era, México D.F, 1971 (réédition 2001). Notons que son livre, extraordinaire d’émotion et de vérité historique, à ma connaissance n’a pas encore été traduit en français. Le niveau de carnage et de sauvagerie avait révolté la conscience du chef de la CIA au Mexique, Philip Agee. Pourtant, pas le genre «tendre». A tel point qu’il s’est réfugié à Cuba et à passé le reste de sa vie à dénoncer les agissements assassins de l’Empire, malgré les menaces de mort pour lui et sa famille.
(3) Perles vues et entendues, entre autres, sur la chaîne française «i-télé»

vendredi 18 février 2011

Contestation au Maroc: les anti-manif contre-attaquent

Le Maroc connaît à son tour son appel à manifester «pour le changement» qui circule sur les réseaux sociaux. Mais cette mobilisation, prévue le 20 février, suscite un débat brouillé par le contexte géopolitique et par le fait que le pays est dirigé par un roi, Mohammed VI, et pas par un général. Le Maroc peut-il lui aussi être gagné par la fièvre révolutionnaire, ou est-il «différent»?

Une vidéo a été postée lundi sur YouTube, et une page Facebook a déjà recueilli plusieurs milliers de signatures pour appeler à manifester dimanche à travers le royaume, à l'instar des mouvements qui ont déjà fait partir les présidents de Tunisie et d'Egypte, ou qui se poursuivent de l'Algérie voisine au lointain Yémen.

L'instigateur de l'appel à manifester sur Facebook, Rachid Antid, 35 ans, est un natif et habitant de Meknès, ville du Nord du pays, licencié en droit privé, formé en informatique et actuellement au chômage. Rachid Antid avance à visage découvert et affirme ne pas craindre la répression.

Pourtant, peu après la popularisation de son groupe Facebook, des policiers sont venus questionner sa mère, chez qui il vit toujours, ainsi que le concierge de l'immeuble. «C'est surtout un moyen de passer le message: “tu es surveillé”», interprète-t-il.

Et les réactions à son appel ne sont pas toutes positives. Sur le mur du groupe, les insultes pleuvent: d'espion algérien à homosexuel, rien est épargné à Rachid Antid et ses camarades.

Le ministre des Sports, dont le profil Facebook est très populaire, a aussi dit tout le mal qu'il pensait de ce genre d'initiatives, qui viseraient selon lui à «déstabiliser» le pays.

Rachid Niny, influent éditorialiste, a publié un portrait au vitriol du jeune internaute, s'attardant sur sa vie personnelle, et son prétendu penchant pour l'alcool.

Débloquer le processus politique
Parfois un peu confus, le jeune homme avance tout de même une idée claire et partagée par de nombreuses personnes: «Au début du règne, en 1999, au moment de “la nouvelle ère”, nous avons reçu des messages de grands changements [droits des femmes, retour sur les “années de plomb”, etc. ndlr] mais depuis, ce processus est bloqué.»

Contre l'immobilisme et la panne politique (63% d'abstention aux dernières législatives), face aussi au fossé social plus grand encore au Maroc que dans d'autres pays arabes, Rachid Antid en appelle à la volonté populaire et assure: «Il faut tout changer et commencer par la Constitution.»

Sur ce dernier point, il reste évasif, ne citant pas d'articles précis, notamment aucun de ceux consacrant l'autorité royale.

Dans le même temps, la parole s'est libérée; le pays a applaudi des deux mains les révolutionnaires égyptiens et suivi assidûment les événements via la chaîne Al Jazeera.

Mais tous ceux qui ont voulu inclure le Maroc dans la théorie des dominos à la suite de la Tunisie et de l'Egypte sont sévèrement attaqués.

Y compris Moulay Hicham, cousin du roi, en froid avec le palais, installé aux Etats-Unis, dénoncé pour son interview au quotidien espagnol El País, dans laquelle il estimait que le Maroc «ne fera pas exception» à cette contestation [voir articles précédents dans le présent blog]. Des propos qu'il devait reprendre, et nuancer, sur le plateau de France 2.

Autre polémique lorsque le mouvement islamiste extra parlementaire Al Adl Wal Ihsane (Justice et Spiritualité, qui compte environ 100.000 membres) a, par la voix d'un de ses cadres, Nadia Yassine, fait savoir qu'il soutiendrait tout mouvement démocratique.

Des internautes, sur Facebook, ont du coup appelé les manifestants du 20 février à la vigilance, leur conseillant de se tenir éloignés des «fascistes» et des «radicaux» de Justice et Spiritualité.

Rachid Antid, en bon démocrate affirme: «Ils peuvent participer, personne n'est exclu», mais ajoute «Ils devraient réviser leurs positions sur la liberté de culte et d'opinion.»

Pas une révolution contre le roi, mais avec lui
L'ambiguïté d'une bonne partie de l'élite marocaine vis-à-vis de la contestation du régime chérifien, contrairement à ce qui a pu se passer en Tunisie ou en Egypte, est clairement exprimée par cet éditorial très légitimiste de Karim Boukhari, directeur du magazine Tel Quel, autrefois très critique à l'égard de la monarchie: «Un chef de parti nous a dit très clairement: “Avant on avait peur de Hassan II, aujourd'hui on a peur pour Mohammed VI.” Comment le contredire? Comment ne pas voir que ce virage, ce glissement de la peur est important?
La peur nous habite encore et toujours, mais cette peur a changé d'objet, de mobile, de sens. Ce n'est plus la même peur et, pour tout vous dire, nous ne sommes plus les mêmes face à cette peur. Nous avons grandi, nous nous sommes affranchis d'un certain nombre de dogmes et nous voyons bien que cette peur nouvelle est plus humaine, plus “moderne”, c'est une peur acceptable parce que plus en rapport avec notre époque, avec ce que nous sommes. […]
Tunisiens et Egyptiens avaient ceci de commun: ils ont d'abord mené la révolution contre leurs présidents. Le Maroc a la chance d'être différent: c'est un pays qui a besoin d'une correction, pas d'une reconstruction. Ce n'est pas un pays à refaire mais à mieux faire.
En une phrase comme en mille, le Maroc n'a pas besoin de mener la révolution contre son roi mais avec lui. La bande-annonce est bonne, on n'a surtout pas envie de la changer, maintenant on attend que le film soit bon aussi… et on pense qu'il peut l'être, effectivement. Goûtez toute la différence.»


Sur les réseaux sociaux, la bataille des pro et anti-manif du 20 février fait rage et se poursuivra jusqu'à dimanche. Parfois, c'est fait avec humour, comme avec ce tweet provocateur: «Si vous n'êtes pas contents au Maroc, vous n'avez qu'à vous immoler en Tunisie.»

Pierre Haski, avec Julien Crétois au Maroc
16.02.11
Source: rue89

jeudi 17 février 2011

La révolution égyptienne et Israël

L’opinion qui prévaut en Israël est que si elles réussissent vraiment, les révolutions égyptiennes et tunisiennes sont une mauvaise chose pour Israël, une très mauvaise chose. Les arabes éduqués — qui ne sont pas tous habillés comme des "islamistes", qui pour un bon nombre d’entre eux, parlent parfaitement bien l’Anglais et qui expriment leur aspiration à la démocratie de manière tout à fait raffinée et sans recourir à la rhétorique "anti-occident" sont mauvais pour Israël.

Les images d’armées arabes qui ne tirent pas sur les manifestants sont aussi mauvaises pour Israël que toutes ces autres images qui ont ému et enthousiasmé tant de personnes dans le monde et même en Occident. Cette réaction unanime est aussi mauvaise, très mauvaise. Cela fait ressembler l’occupation israélienne en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza et sa politique intérieure d’apartheid aux actions d’un régime "arabe" typique.

Dans un premier temps, personne n’a su ce que les officiels israéliens pensaient. Dans une première déclaration pleine de bon sens à ses collègues, le 1er ministre Benjamin Netanyahu a demandé à ses ministres de ne pas commenter en public les événements en Egypte. Pendant un court instant on a pu penser qu’Israël abandonnait le rôle de voisin voyou pour redevenir ce qu’il avait toujours été: un visiteur ou un résident permanent.

Il semble que Netanyahu a été particulièrement embarrassé par les commentaires malheureux prononcés sur la situation par le Général Aviv Kochavi, le chef des Services secrets israéliens. Cet expert galonné des affaires arabes a affirmé avec force à la Knesset que le régime de Mubarak était aussi solide et fort que jamais. Mais Netanyahu n’a pas été capable de se taire longtemps. Et quand la langue du leader s’est déliée, tout le monde s’y est mis. Et en écoutant leurs remarques, on se disait que, en comparaison, les commentateurs de Fox News étaient une bande de hippies pacifiques, adeptes de l’amour libre des années 1960.

La substance du discours israélien est simple: ceci est une révolution du genre de celle d’Iran soutenue par Al Jazeera et que le président étasunien Obama, qui est une nouveau Carter, et le reste du monde sous le choc, laissent stupidement se développer. Les fers de lance de l’interprétation israélienne sont les anciens ambassadeurs israéliens en Egypte. Toute leur frustration d’avoir été enfermés dans un appartement d’une tour du Caire se répand maintenant comme la lave d’un volcan inextinguible. Leurs propos peuvent se résumer aux paroles de l’un d’entre eux, Zvi Mazael qui a dit sur la chaîne2 de la TV israélienne le 28 janvier: "Tout ceci est mauvais pour les Juifs, très mauvais."

En Israël, bien sur, quand on dit "mauvais pour les Juifs" on veut parler des Israéliens - mais on veut dire aussi que ce qui est mauvais pour Israël est aussi mauvais pour les Juifs du monde entier (bien que le contraire ait été amplement prouvé depuis la création de l’Etat).

Mais ce qui est vraiment mauvais pour Israël, c’est la comparaison. Indépendamment de la manière dont tout cela va finir, cela met en lumière les mensonges et les fausses allégations d’Israël comme jamais auparavant. Le peuple d’Egypte mène une Intifada pacifique et c’est le régime qui se livre à des violences meurtrières. L’armé n’a pas tiré sur les manifestants; et même avant le départ de Mubarak, au bout de sept jours de protestation, le ministre de l’intérieur qui envoyait ses sbires attaquer violemment les manifestants a été renvoyé et sera sans doute jugé.

Oui, ils ont fait cela pour gagner du temps et essayer de persuader les manifestants de rentrer chez eux. Mais même cet événement, qu’on a déjà oublié, ne pourrait pas arriver en Israël. Israël est un lieu où tous les généraux qui ont donné l’ordre de tirer sur les manifestants palestiniens et juifs qui protestaient contre l’occupation sont maintenant en compétition pour la promotion au poste suprême de chef d’Etat major.

L’un d’entre eux, Yair Navey a donné l’ordre en 2008 de tirer sur tous les suspects palestiniens même s’ils se laissaient arrêter sans résister. Il n’est pas en prison; mais la jeune femme, Anat Kamm, à l’origine des fuites au quotidien Haaretz qui ont révélé ces instructions encourt une peine de neuf années de prison. Aucun général israélien n’a passé un seul jour en prison pour avoir ordonné aux troupes de tirer sur des manifestants désarmés, des civils innocents, des femmes, des vieillards et des enfants. La lumière qui brille en Egypte et en Tunisie est si forte qu’elle éclaire aussi les aspects les plus sombres de la "seule démocratie du Moyen Orient."

Les Arabes pacifiques et démocratiques (qu’ils soient ou non religieux) sont mauvais pour Israël. Mais peut-être que ces Arabes étaient là tout le temps, pas seulement en Egypte mais aussi en Palestine. L’argument que les commentateurs israéliens martèlent avec insistance, comme quoi la question la plus importante serait le traité de paix avec l’Egypte, n’est qu’une diversion qui n’a quasiment rien à voir avec la puissante pulsion qui secoue le monde arabe dans sa totalité.

Les traités de paix avec Israël sont les symptômes de la corruption morale et non la maladie elle-même - c’est pourquoi le président syrien, Bashar Assad, qui est pourtant indubitablement un leader anti-israélien, n’est pas à l’abri de la vague de changement. Non, l’enjeu ici est l’idée mensongère qu’Israël est un îlot occidental, stable et civilisé perdu dans une mer de barbarisme islamique et de fanatisme arabe. Le "danger" pour Israël est que la carte ne change pas mais que la géographie change. Il demeurerait toujours un îlot mais un îlot de barbarisme et de fanatisme dans une nouvelle mer d’états démocratiques et égalitaires.

Depuis longtemps de larges sections de la société civile occidentale ne voient plus en Israël un Etat démocratique; et il semble que maintenant des politiciens occidentaux au pouvoir pourraient se mettre à penser comme eux. Quelle place tient l’ancienne image d’Israël-Etat démocratique dans le maintien de sa relation privilégiée avec les USA? Seul le temps nous le dira.

Quoiqu’il en soit, le cri qui s’élève de la place Tahrir du Caire nous prévient que la mythologie mensongère de la "seule démocratie du Moyen Orient", l’implacable fondamentalisme chrétien (beaucoup plus sinistre et corrompu que celui des Frères Musulmans), l’industrie cynique de l’armement qui profite de la guerre, le néo-conservatisme et le brutal lobbying ne garantiront pas indéfiniment la permanence de la relation privilégiée entre les USA et Israël.

Et même si cette relation se poursuit un certain temps, sa base est maintenant beaucoup plus fragile. Si on considère, à l’autre bout de l’échiquier, les persistantes puissances régionales anti-étasuniennes que constituent l’Iran, la Syrie et dans une moindre mesure la Turquie d’une part, et, de l’autre, le renversement des derniers dictateurs pro-étasuniens, on se rend compte que, même s’il dure, le soutien étasunien ne sera peut-être pas suffisant pour maintenir dans l’avenir un "état juif" raciste et ethnique au cœur d’un monde arabe en plein bouleversement.

Ce pourrait être une bonne nouvelle pour la communauté juive toute entière, et même pour les Juifs israéliens sur le long terme. Etre entouré de peuples épris de liberté, de justice sociale et de spiritualité, de peuples qui évoluent parfois sans encombres et parfois moins sereinement entre la tradition et la modernité, le nationalisme et l’humanisme, le capitalisme agressif de la globalisation et la survie au jour le jour, ne sera pas facile.

Cependant c’est une vision positive qui porte en elle l’espoir de changements similaires en Palestine. Elle peut provoquer la fin de plus d’un siècle de colonisation et de dépossession sioniste et amener une réconciliation équitable entre les victimes palestiniennes de ces politiques criminelles où qu’elles se trouvent, et la communauté juive. Cette réconciliation serait fondée sur le droit des Palestiniens au retour et tous les autres droits pour lesquels le peuple d’Egypte s’est si bravement battu au cours de ces 20 derniers jours.

Hélas, on peut faire confiance aux Israéliens pour ne pas manquer une occasion de ne pas faire la paix. Ils crieraient au loup. Ils exigeraient et obtiendraient davantage d’argent des contribuables étasuniens pour mettre en place "les nouveaux développements". Ils interviendraient secrètement pour saboter et détruire toute transition vers la démocratie (vous souvenez-vous de la violence et de la cruauté avec laquelle ils ont réagi à la démocratisation de la société palestinienne?) et ils se livreraient à une campagne islamophobe d’une envergure inégalée.

Mais qui sait, peut-être que les contribuables étasuniens ne bougeraient pas cette fois-ci. Et peut-être que les politiciens européens suivraient leurs opinions publiques et non seulement laisseraient l’Egypte se transformer radicalement, mais attendraient une évolution similaire d’Israël et de la Palestine. Dans un tel scénario, les Juifs d’Israël ont une chance de devenir partie intégrante du Moyen-Orient au lieu d’être au Moyen-Orient une pièce rapportée agressive issue de l’imagination égarée des sionistes.

Ilan Pappe
Professeur d’histoire et directeur du European Centre for Palestine Studies à l’université d’Exeter.
16.02.11
Source: info-palestine