jeudi 30 septembre 2010

Nasser, quarante ans après


Il y a quarante ans, le 28 septembre 1970, à l’issue d’épuisantes tentatives de conciliation entre le roi Hussein de Jordanie et la Résistance palestinienne qui s’étaient affrontés au cours de combats meurtriers (Septembre Noir), le président égyptien Gamal Abdel Nasser succombait à une crise cardiaque. Il avait à peine plus de cinquante ans, mais il avait profondément marqué l’histoire de l’Egypte moderne.


A l’occasion de cet anniversaire, une polémique a éclaté en Egypte. Mohammed Hassanein Heykal, un des plus proches conseillers de Nasser, a laissé entendre que, peut-être, son successeur, Anouar Al-Sadate, l’avait empoisonné. La fille de Sadate a décidé de poursuivre Heykal en justice «Sadat’s daughter sues former presidential aide over Nasser poisoning claims», Al-Masry Al-Yom, 21 septembre 2010).

Voici une courte biographie de Nasser, tirée pour l’essentiel des Cent clefs du Proche-Orient (écrit avec Dominique Vidal, Hachette, 2005), avec quelques développements.

Né le 15 janvier 1918 à Beni-Mor, dans la province d’Assiout, en Haute-Egypte, Gamal Abdel Nasser est le fils d’un fonctionnaire des postes issu de la petite paysannerie. Bachelier en 1934, il entame des études de droit et participe aux grandes manifestations de 1935 contre l’occupant britannique et le roi. Le retour du parti Wafd au pouvoir en 1936 ouvre les portes de l’Académie militaire aux enfants de la petite-bourgeoisie: une brèche dans laquelle s’engouffre le jeune Nasser. «Pour mener à bien l’œuvre de rénovation, écrira plus tard un de ses compagnons, Anouar Al-Sadate, nous avions besoin d’un corps solide et discipliné qui, mû par une volonté unique, serait capable de pallier l’absence d’autorité et de reconstruire la nation désintégrée. C’est l’armée qui fournit cet organisme.»

Sous-lieutenant, il reçoit sa première affectation, Moukabad, près de sa ville natale. Il y fait la connaissance de Sadate et esquisse, au cours de conversations passionnées sur l’avenir de l’Egypte, l’idée de la création d’une organisation d’«Officiers libres».

Mais le chemin est encore long jusqu’à la prise du pouvoir, marqué à chaque étape par des humiliations. L’Egypte est, depuis 1882, sous la coupe de Londres, et l’indépendance formelle obtenue en 1922 n’y change rien. En février 1942, les blindés britanniques encerclent le palais royal et contraignent le souverain à nommer un nouveau gouvernement pro-anglais. En 1948 éclate la guerre de Palestine. Nasser participe aux combats – il s’illustre à la bataille de Faloujah – et revient du front avec à la bouche le goût amer de la trahison. En 1951, une lutte armée se développe le long du canal de Suez, contre la présence coloniale; des milliers de jeunes volontaires – auxquels les Officiers libres fournissent armement et entraînement – partent se battre. Mais, en janvier 1952, le roi proclame la loi martiale. L’organisation de Nasser compte alors une centaine d’officiers; un comité exécutif comprend quatorze membres – un large éventail qui va des communistes aux Frères musulmans – unis par la haine du colonialisme, de la corruption, de la féodalité. L’heure de l’action a sonné: le 23 juillet 1952, un coup d’Etat les porte au pouvoir. Le général Néguib, un vieil officier patriote et respecté, sert de figure de proue au mouvement, mais Nasser, qui n’a pas encore trente-quatre ans, en est le véritable homme fort.

Il n’a pourtant pas une idée précise de son rôle, ni même de ses objectifs. Dans son livre Philosophie de la révolution (1953) – que le dirigeant socialiste français Guy Mollet osera comparer à Mein Kampf ! – le raïs rappelait que, durant la guerre de 1948, «nous nous battions au champ d’honneur alors que toutes nos pensées se portaient vers l’Egypte», et il rapportait les dernières paroles d’un camarade mort au combat: «La grande lutte est en Egypte.» Son horizon, comme celui des Officiers libres, n’était pas la libération de la Palestine, mais l’édification d’une Egypte indépendante, forte, moderne, débarrassée de toute tutelle étrangère.

En 1952, le tiers-monde n’est pas encore né, et les peuples arabes vivent sous la coupe de Londres ou de Paris. Les Officiers libres décrètent une première réforme agraire et proclament la République, le 18 juin 1953, mettant un terme à une dynastie vieille de cent cinquante ans. Mais quelle république? Après hésitations et affrontements, Nasser élimine le populaire Néguib au printemps 1954: il n’y aura pas de pluripartisme en Egypte et l’armée ne retournera pas dans ses casernes, un choix qui pèsera sur l’avenir du pays. Le pragmatisme prévaut en politique extérieure. Le 19 octobre 1954, un traité signé avec la Grande-Bretagne prévoit le retrait de toutes les troupes britanniques, mais des clauses contraignantes – en particulier le retour de ces mêmes troupes en cas de conflit – sont mal accueillies par de nombreux nationalistes.

Nasser cherche des alliés en Occident. Il est fasciné par les Etats-Unis, une puissance sans passé colonial. Mais Washington ne comprend pas le refus du nouveau maître de l’Egypte de participer à des pactes antisoviétiques. Tout va alors très vite. Nasser contribue à la fondation du non-alignement en participant au sommet de Bandoeng (Indonésie) avec Soekarno, Nehru, Chou En-lai, en avril 1955.

Les tentatives secrètes de négociations avec Israël ayant échoué, l’armée israélienne ayant attaqué la bande de Gaza sous contrôle égyptien et fait plusieurs dizaines de morts, Nasser radicalise son discours. Il achète à la Tchécoslovaquie les armes que les Etats-Unis lui refusent. Il nationalise la compagnie du canal de Suez, le 26 juillet 1956, après que les Etats-Unis ont refusé de financer la construction du barrage d’Assouan, et sort politiquement victorieux de la guerre qui s’ensuit, menée par la France, la Grande-Bretagne et Israël. Un nouveau dirigeant est né: pour les Egyptiens enfin libres, pour les Arabes dont il galvanise le combat contre le colonialisme, notamment à travers La Voix des Arabes, la radio du Caire (lire Slimane Zeghidour, «La voix des Arabes», Vie et mort du tiers-monde, Manière de voir, juin-juillet 2006).

Après l’échec de la République arabe unie (union de l’Egypte et de la Syrie, 1958-1961), Nasser radicalise sa politique intérieure: nationalisation d’une grande partie du secteur privé, nouvelle phase de la réforme agraire, adoption d’une Charte nationale résolument socialiste, et création d’un nouveau front politique, l’Union socialiste arabe (USA). Un immense effort de développement économique est entrepris avec d’indéniables succès. L’écho de ces mesures contribue à une mobilisation progressiste dans le monde arabe.

La guerre de juin 1967 sert de révélateur aux faiblesses de l’expérience nassérienne. L’effondrement de l’armée reflète la trahison de ceux qu’on surnomme la «nouvelle classe»: officiers supérieurs, technocrates, paysans enrichis, bourgeoisie d’Etat... tous ceux qui ont profité de la «révolution» et qui souhaitent en finir avec le socialisme.

« Nul mieux que Youssef Chahine n’a illustré, dans son film Le Moineau (1972), les limites du système: corruption et affairisme camouflés sous des slogans socialistes. Après la défaite de 1967, Nasser décide d’ouvrir un débat qui se focalise rapidement sur la “nouvelle classe”. La réforme agraire a fait naître d’autres inégalités et un capitalisme rural qui profite à une minorité, la grande majorité des paysans restant privés de terres. Dans les villes, les commerçants et les entrepreneurs, alliés aux administrateurs de l’économie d’Etat et aux hauts fonctionnaires, souvent des officiers – en 1964, vingt-deux des vingt-six gouverneurs provinciaux et un tiers des ministres en sont – ont contourné les lois et édifié des fortunes. Le parti unique et l’administration ont souvent servi de relais aux parvenus et les mobilisations sociales sont bridées.» (lire « Dans l’Egypte de Nasser surgit une “nouvelle classe” », Le Monde diplomatique, juin 2010).

Ces nouveaux parvenus seront les fossoyeurs du nassérisme et la base sociale qui permettra à Sadate de mener à bien, après son accession au pouvoir en 1970, la «contre-révolution». La peur de Nasser face à toute organisation autonome de la société (syndicale ou politique), le caractère bureaucratique de l’USA, ont encouragé la «nouvelle classe». Enfin, la répression politique sur une grande échelle, l’usage de la torture contre tous les opposants, des marxistes aux Frères musulmans, l’étendue du pouvoir des moukhabarat (les services secrets), marqueront le régime nassérien mais aussi ses successeurs.

Démissionnaire après la défaite de 1967, rappelé par le peuple le 9 juin, Nasser n’en est pas moins un homme brisé. Quand il meurt le 28 septembre 1970, les Egyptiens lui font des funérailles grandioses. Au-delà des errements, ils pleurent l’homme qui leur a rendu la dignité. «Lève la tête, mon frère», lisait-on sur les banderoles hissées au-dessus des villages d’Egypte après le 23 juillet 1952. Le mythe Nasser reste très prégnant, comme l’a montré l’incroyable succès du film Nasser 56, de Mohamed Fadel, en 1996, projeté sur tous les écrans égyptiens, et qui a attiré plusieurs millions de spectateurs.

Alain Gresh
27.09.10
Source: carnets du diplo

mercredi 29 septembre 2010

"Inculpez-moi !"


 

Lettre ouverte de J-Cl Lefort  
à Mme Alliot Marie,
ministre de la Justice,
Garde des Sceaux


Madame la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux,

Je m’adresse à vous à propos de la circulaire que vous avez envoyée aux Parquets afin qu’ils se fondent sur l’article 24 de la loi de 1881 réprimant l’«incitation à la haine raciale» pour poursuivre les appels au boycott et aux sanctions contre la politique israélienne.

Pour tenter de justifier cet incroyable détournement de la loi, vous avez assimilé ces actions, dans un discours devant le CRIF de Gironde, à un «boycott des produits casher». C’est mon premier point: apportez la moindre preuve du moindre appel que ce soit à un tel boycott que se livrent ces pacifistes, vous qui en aviez d’ailleurs démenti totalement l’existence à l’Assemblée nationale, dans une réponse au député Eric Raoult qui vous interrogeait précisément sur ce point.

Les actions menées dans notre pays n’ont évidemment rien à voir avec une quelconque discrimination raciale, elles en sont même à l’opposé: elles traduisent la volonté de permettre aux citoyens d’agir directement et efficacement pour mettre un terme à la politique israélienne de colonisation des territoires palestiniens qui constitue – comme l’a souvent dit le Président de la République, à l’instar de la plupart de ses homologues étrangers et d’innombrables résolutions des Nations unies ou déclarations de l’Union européenne – un «obstacle à la paix au Proche-Orient». Et pourtant celle-ci bénéficie d’une très large et insupportable impunité des autorités françaises, européennes et internationales.

J’insiste pour dire qu’en brandissant cette loi, c’est vous qui prenez le risque d’importer délibérément et dangereusement en France, sous forme de problème ethnique, voire religieux, le face à face israélo-palestinien dont la nature est essentiellement et clairement politique.

Du même coup, vous accréditez auprès des esprits les plus confus l’existence d’une «race» juive et vous amalgamez non seulement tous les Israéliens mais aussi la majorité de Juifs vivant ailleurs dans le monde, y compris les Juifs français, à la politique israélienne. Ce faisant, vous mettez en danger la cohésion nationale à laquelle vous devriez être attachée.

Mais le pire, dans votre démarche, c’est son caractère hypocrite qui ne peut manquer de vous échapper.
Pourquoi, en effet, des hommes et des femmes de toutes opinions et de toutes confessions – que personne ne peut suspecter de racisme – boycottent-ils les produits des colonies israéliennes de Cisjordanie? Parce que votre gouvernement, et notamment vos collègues Eric Woerth et François Baroin, dont nous avons officiellement et vainement attiré l’attention sur cette grave question, acceptent l’entrée frauduleuse, dans notre pays, de produits issus de ces colonies israéliennes, toutes illégales aux yeux du droit international et de tous les gouvernements français depuis 1967, et cela en contravention totale avec l’Accord d’association UE/Israël ratifié par notre Parlement. Cet accord devrait d’ailleurs être suspendu, comme nous le demandons et comme le Parlement européen l’a exigé par vote en 2002, son article 2 étant violé par les autorités israéliennes. Considérez-vous que cet accord comporte aussi une clause "coupable d’«incitation à la haine raciale»"?

Je ne vous ferai pas l’injure de croire, Madame la Ministre, que vous ignorez l’état de la politique et de la législation européennes en la matière. Comme l’a rappelé la Cour européenne de justice, en février dernier, dans son arrêt «Brita», l’Accord d’association entre l’Union européenne et Israël, accorde au titre de son article 83 des exemptions fiscales aux produits provenant du territoire de l’Etat d’Israël stricto sensu mais les refuse formellement s’agissant des produits issus des colonies de Cisjordanie, notamment de Jérusalem-Est. De surcroît, le Code français du commerce réprime sévèrement la fraude à l’origine que constitue l’étiquetage mensonger «made in Israël» apposé sur les productions des dites colonies. Or rien n’est fait contre cela et le droit est violé par cette inaction.

D’où mes deux questions :
1) Que comptez-vous faire pour poursuivre ces pratiques délictueuses, que vos collègues ministres semblent tolérer, alors qu’ils sont, jusqu’à nouvel ordre, chargés de faire respecter le droit?
2) Si vous appelez les parquets à réprimer pour «incitation à la haine raciale» des actions citoyennes s’opposant à une politique israélienne alors qu’ils ne font rien de répréhensible et qu’ils devraient être hors de toute accusation, pourquoi, par contre, ne demandez-vous pas aux parquets de poursuivre, pour ce motif, mais cette fois pertinemment, les responsables politiques français qui stigmatisent, eux, explicitement une communauté. Je pense notamment au ministre de l’Intérieur, déjà condamné pour injure raciste, et qui a couvert de son autorité la directive en date du 5 août 2010, signée de son chef de cabinet, que les juristes les plus compétents estiment contraire à l’article 1 de notre Constitution? Les Nations unies comme l’Union européenne ont condamné l’expulsion par le gouvernement français de citoyens désignés par leur appartenance ethnique et elles ont même envisagé des sanctions contre notre pays.

Qu’attendez-vous pour poursuivre, avec la même loi, les auteurs de ces discriminations raciales caractérisées, qui, de surcroît, ont placé la France au ban des nations comme jamais elle ne l’a été depuis les heures noires de la guerre coloniale en Algérie?

Madame la Ministre,
le «deux poids, deux mesures» est l’exact contraire de la justice républicaine. Juger pour «incitation à la haine raciale» des citoyens honnêtes qui luttent contre toute forme de racisme, et pour le droit international, tout en épargnant des responsables qui non seulement incitent à la discrimination raciale, mais la pratiquent sur le terrain: est-ce là votre morale? Je vous le dis franchement: en vous prêtant au jeu malsain dont l’ambassadeur d’Israël à Paris a avoué publiquement qu’il était l’inspirateur, vous flétrissez la République et aussi, permettez-moi de l’ajouter, cette «certaine idée de la France» que professait le général De Gaulle.

Madame la Ministre,
sauf à déconsidérer un peu plus notre pays dans le monde, sauf à vouloir attenter à la dignité de citoyennes et de citoyens qui mènent des actions conformes au droit international et européen en les couvrant d’infamie, je vous demande instamment de mettre un terme à ces procédures iniques dont vous êtes à l’origine.

Si tel n’est pas le cas, je vous prie, Madame la Ministre, de bien vouloir me poursuivre personnellement pour les actions de boycott des produits des colonies israéliennes que développe l’Association France Palestine Solidarité dont je suis le président.

J’attends ce moment avec impatience. Car je ferai alors le procès de tous vos amis qui incitent véritablement à la haine raciale pour mieux défendre la politique coloniale d’Israël que votre gouvernement assure pourtant condamner.

Madame la Ministre: inculpez-moi puisque j’incite et je participe à de telles actions!
Sinon il n’est qu’un autre choix pour vous: revenir sur votre circulaire et indiquer aux parquets votre volonté de défendre le droit – tout le droit mais rien que le droit. La politique et le droit font, en effet, mauvais ménage.

Avec l’assurance de mes sentiments républicains et antiracistes,

Jean-Claude Lefort
Président de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité)
Député honoraire
22.09.10

mardi 28 septembre 2010

Le conflit israélo-palestinien ne se résoudra jamais sur les bases actuelles




Quels que soient les effets d’annonces la plupart du temps surmédiatisés, le conflit israélo-palestinien ne pourra jamais être résolu sur les bases actuelles pour plusieurs raisons, dont l’une me paraît majeure et que je voudrais clarifier de façon à ce qu’elle soit bien comprise par tous ceux qui s’y intéressent, de près comme de loin. Cette raison en est que toutes les approches qui l’abordent pour y trouver une éventuelle solution en oublient un élément essentiel: l’injustice originelle. L’injustice fondamentale qui a prévalu à l’établissement du jeune Etat israélien en terres arabes, au lendemain de la guerre essentiellement européenne de 1945.

Gommer, ne pas prendre en compte ou sous-estimer la mauvaise conscience européenne – toujours d’actualité, même si au fil du temps, elle s’amenuise auprès des nouvelles générations – dans l’abord de ce conflit biaise toute analyse sérieuse du problème. Il faut rappeler qu’il y a eu un consensus entre les pays qui avaient gagné cette terrible guerre – environ 65 millions (!) de victimes civiles et militaires – pour accorder au projet sioniste, une terre où pourraient se réfugier la communauté juive, tellement pourchassée et exterminée en l’Europe si chrétienne de l’époque…

A ce jour, nul n’ignore que les pays européens ont bien du mal à s’accorder sur cet épineux conflit, tant certains d’entre eux – dont l’Allemagne en premier lieu – restent traumatisés par leur propre passé vis-à-vis de la communauté juive. Leur demander plus de sévérité à l’égard de la politique israélienne leur est un exercice périlleux, non exempt de remontées douloureuses d’un passé encore récent, et rapidement requalifié d’antisémitisme par certains, trop contents de pouvoir jouer-là leur joker préféré…

L’Histoire n’a de sens que celle que les Hommes lui donnent. Et à distance de ces évènements datant de plus de 60 ans, comment comprendre cette partition de la Palestine, sans se rappeler au préalable qu’elle s’est faite sur le dos des premiers concernés, les Palestiniens, absents de cet odieux marchandage? Les puissances coloniales de l’époque en ont décidé comme toujours, selon leurs propres intérêts et n’ont tenu aucun compte des Palestiniens qu’ils spoliaient ainsi impunément. Certes, ce n’est pas la première fois qu’un tel vol de territoires s’opère sur le dos des autochtones. Les exemples en cette matière sont innombrables. Mais c’est sans doute le dernier en date qui soit si bien relayé médiatiquement et ne peut donc être passé sous silence, comme dans le cas du pire génocide probable : celui des Amérindiens que les colons européens – encore eux! – sont allés exterminer et chasser de chez eux pour s’approprier leurs immenses étendues. Pas étonnant dès lors, que nombre d’Américains et de Canadiens soutiennent le projet sioniste, étant eux-mêmes les actuels héritiers d’un vol de terres qui ne leur appartenaient pas. Sans compter l’influence majeure des lobbies pro-israéliens, œuvrant en coulisses pour conforter cette injustice flagrante. Avec en toile de fond, les incessants rappels pseudo-religieux de l’affaire. Et c’est sans aucun doute, la modernité des moyens de communication qui permet aujourd’hui de revenir sur ces évènements que plus personne ne peut ignorer: la partition de la Palestine s’est faite sans l’accord de ses habitants de l’époque, évalués à plus d’un million d’âmes.

Ainsi, s’entêter dans des pourparlers de paix entre deux gouvernements dont l’un sait pertinemment qu’il a volé l’autre, et dont l’autre sait la spoliation dont il fait toujours l’objet, est tout simplement impossible à réaliser. Il y a là un préjudice fondamental qui n’est jamais rappelé mais qui n’en reste pas moins flagrant et toujours vif dans la mémoire collective du peuple palestinien. De la même manière qu’est toujours vive la mémoire de la communauté juive ayant vécu les atrocités des camps d’extermination. Raison pour laquelle d’ailleurs, refuser aux réfugiés palestiniens leur droit au retour, s’ils le désiraient, est sans fondement. Ainsi, toutes les injustices constatées depuis cette partition de la Palestine historique, ne sont que la résultante de cette injustice originelle, constitutive de l’Etat israélien d’aujourd’hui.

De la même manière, tous les acteurs de la question qui aimeraient voir aboutir la paix en cet endroit du monde, se trompent dans leur démarche s’ils intègrent à la base cette injustice comme étant irréversible. Parler de paix – quel que soit le qualificatif que l’on tente de lui donner pour mieux faire passer la pilule aux responsables israéliens dont on ne connaît que trop bien les objectifs funestes – sans remettre en cause la partition de départ est se faire, consciemment ou non, complice de cette injustice première. Il convient donc de regarder cet évènement de l’époque, sans se sentir obligé de l’intégrer comme nombre de nos prédécesseurs semblent l’avoir fait avec d’autant plus de facilité que cela leur donnait l’impression de se dédouaner ainsi de leurs méfaits à l’égard des juifs.

Oui, mais alors quoi, me direz-vous? La paix serait-elle définitivement hors de portée selon cette première injustice? Non, mais si l’on veut vraiment être honnête et impartial, la seule question à poser en priorité à l’ensemble des Palestiniens – et pas uniquement à ceux qui seraient les plus «modérés» selon nos critères – est de savoir:
- s’ils acceptent le règlement final de notre guerre européenne par l’établissement d’une communauté juive sur leurs terres;
- dans l’affirmative à cette première question, savoir comment ils l’envisagent : deux Etats strictement indépendants ou un Etat binational;
- et dès lors, en partenariat avec eux, établir les dommages et intérêts que la politique menée tout au long de ces années leur a occasionnés, et exiger de ceux qui l’ont soutenue de s’engager à en assumer les frais, tant pour le passé que pour la reconstruction globale;
- dans le cas d’une réponse négative à la première question, réunir l’ensemble de la Communauté internationale à travers les instances de l’ONU – et non uniquement un «quartet» dont on connaît la partialité des membres – pour reposer le problème sur de nouvelles bases, en n’imposant rien à quiconque mais en travaillant à trouver d’autres pistes si la communauté juive tient envers et contre tout à l’établissement d’un Etat «juif» en un endroit de la planète – nous verrons bien alors, quels Etats proposeront une part de leur territoire pour la réalisation de ce «divin» projet…

L’intérêt d’une telle démarche est qu’elle remettrait les compteurs à zéro – ou presque – et permettrait à chaque intervenant dans ce conflit de se positionner clairement, en premier lieu desquels les Palestiniens qui ne se verraient plus «imposer» une solution, mais seraient les premiers concernés à dire si oui ou non ils acceptent la cohabitation. Cela me semble le moins que l’on puisse faire vis-à-vis de ce peuple afin qu’il retrouve sa dignité et se relève de l’humiliation dans laquelle il a été traîné depuis si longtemps. Et si la solution s’oriente vers un Etat binational – celle de deux Etats distincts n’étant raisonnablement plus réalisable sur le terrain – les juifs désireux de rester en Palestine seraient les bienvenus comme ils l’étaient auparavant, le sont dans quantité d’autres pays, et comme le sont les chrétiens, les bouddhistes, les agnostiques ou les athées, etc… dans une société qui était un exemple en pays arabe pour la séparation entre l’appareil d’Etat qui doit rester laïc et les convictions personnelles de ses citoyens. Sans compter qu’enfin, une telle solution rétablirait la normalisation probable avec les pays avoisinant de la région.

Par ailleurs, nonobstant une décision israélienne purement «formelle» de prolonger le moratoire au sujet de la colonisation, au nom de la sauvegarde de pourparlers actuels directs avec M. Abbas, il conviendrait pour être honnête de ne pas se voiler le visage et de voir bien en face que dans les faits, la colonisation n’a jamais cessé. Il faut dire et redire, que c’est encore et toujours une histoire de dupes. Comme toutes celles que tente de nous faire avaler le gouvernement sioniste, alimentées et retransmises en cela par nos médias complices.

En d’autres mots, au-delà du fait de dénoncer cette énième supercherie des autorités de Tel-Aviv, il faut bien constater une chose, grave d’entre toutes: le bébé occidental porté sur les fonds baptismaux après la 2è guerre mondiale dans le but d’expiation des crimes commis à l’encontre de la communauté juive d’Europe a mal grandi, et il présente aujourd’hui tous les signes de crises d’une adolescence qui tourne mal et que ses parents ne parviennent plus à contrôler. Pourquoi? Interrogez donc les pédagogues qui tous, vous diront qu’un enfant à qui l’on ne signale pas ses limites, perd toute mesure. Et n’a plus conscience de ses marques, de ses repères. Ou, dit encore autrement: Israël aujourd’hui, échappe à tout contrôle! Nul ne parvient plus à lui faire entendre raison, même l’oncle Sam. Et il y a donc le risque que seule la méthode forte le ramène dans les normes acceptables, à savoir celles de Droit identique pour tous. Quelles «méthodes fortes», me direz-vous, déjà suspicieux d’entendre des relents de discours belliqueux?

Si l’on exclut tout recours à la violence à l’encontre d’Israël, après nous avoir martelés depuis plusieurs années que le marché fait loi, la seule méthode qui soit, est la privation de ses moyens financiers. Dans la «globalisation» actuelle, et avec un budget démentiel consacré à sa «Défense», il est temps d’oser l’arme de la dissuasion via la privation des soutiens divers et particulièrement ceux des versements financiers astronomiques que cet Etat d’apartheid reçoit chaque année de nos «démocraties» éclairées au premier rang desquelles les USA. La campagne de Boycott, Sanctions et Désinvestissements (BDS) est donc plus que jamais d’actualité, et devrait franchir un échelon supplémentaire par la suppression immédiate de toute aide financière à l’entité coloniale qui ne respecte rien d’autre que ses propres objectifs.

Tant que nous ne prendrons aucune mesure de cet ordre, les différents gouvernements israéliens qui se succèdent continueront d’appliquer ce que nous ne pouvons que constater après des années de discussions vaines et stériles: le vol des terres palestiniennes et l’asphyxie lente et programmée de sa population. Avec Gaza en exemple abject de ce dont cet Etat est capable.

Mais encore une fois, pour en arriver à une véritable solution, au lieu d’intégrer «d’emblée» les paramètres actuels, il nous faut reconnaître en priorité, l’injustice flagrante du départ, commise à l’encontre du peuple palestinien. Tant que nous n’aurons pas pu reconnaître cette faute-là, toute tentative vers un quelconque accord sera illusoire et d’office promise à un nouvel échec.

Daniel Vanhove
Observateur civil
Auteur
27.09.10

lundi 27 septembre 2010

Autre exemple de notre mémoire sélective...





Silence, on tue !





On vient de tuer froidement une femme de 41 ans, déficiente mentale, juste après la tombée de la nuit jeudi 23 septembre 2010. "Il n’y a pas eu de complication", a dit le porte-parole des autorités pénitentiaires. L’injection mortelle s’est très bien passée!...

Les journalistes qui ont assisté à cette exécution ont dit que Teresa Lewis «semblait effrayée»! Ils ont dit également que son dernier repas, était constitué de «poulet, haricots verts, gâteau au chocolat et tarte aux pommes»! Quel humanisme!

Cette exécution ne s’est pas passée en Iran, ni à Cuba, ni au Vénézuela etc. mais aux États-Unis, pays qui exporte la Lumière, la Civilisation, les Droits de l’Homme, la Démocratie... à travers toute la planète. C’est pour cela peut-être que Teresa Lewis n’a pas mérité les indignations de nos philosophes, artistes, hommes et femmes politiques.

Pas de mobilisation, pas de pétition, pas de lettres, pas de manifestations pour Teresa Lewis. Leur émotion et leur indignation très sincères n’ont d’égales que leur silence sur l’exécution de Teresa Lewis. Il est vrai aussi que Teresa l’américaine n’est pas Sakineh l’iranienne. L’universalité des émotions s’efface devant les intérêts de la bourgeoisie et de ses serviteurs. La grandeur de nos intellectuels, artistes etc. et leur capacité à s’émouvoir sont proportionnelles à leur degré de soumission aux puissants.

Peut être pensent-ils que l’injection létale, qui a empêché les poumons de Teresa Lewis de respirer et son cœur de battre, par des Américains civilisés est plus raffinée et plus moderne que les pierres jetées par ces grands méchants Iraniens, barbus cruels et barbares.

Mohamed Belaali
25.09.10


J’ajoute volontiers ma voix à celle de Mohamed Belaali. Ces malheureux faits décrédibilisent à l’évidence la sincérité de tout ce pseudo humanisme hypocrite et geignard de pure façade de nos intellectuels et autres "people". Leur mobilisation d’apparence n’est que duplicité ainsi que prétexte subjectif et subversif de s’en prendre à leur ennemi du moment (Quand on veut noyer son Iranien on dit qu’il a la rage!). Toutes ces fausses consciences, cette sournoise tartufferie, ce jésuitisme de mauvais aloi, cet engagement de pharisien, toutes ces simagrées de coquets sales ne trompent que les ralliés aux thèses ignobles que dissimule si mal leur fourberie. Ces malfaisants moraux dont certains poussent même le vice jusqu’à l’escroquerie philosophique, finissent en fin de compte aujourd’hui par desservir dramatiquement les causes qu’ils pensent favoriser.

Michel Berthelot
26.09.10
Source: altermonde-sans-frontières

dimanche 26 septembre 2010

Ce qu'un enlèvement d'otages ne nous dit pas...




Néo-colonialisme: 
mais que fait donc Sarkozy au Niger?


Comme les Lecteurs et Lectrices de ce blog doivent le savoir, les relations entre la France de Sarkozy et Israël sont si étroites, qu'on peut dire sans exagérer que les deux Etats ont presque fusionné, en particulier via le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France - ndlr). Au grand dam de l'indépendance nationale, bien sûr! Or, l'Etat d'Israël, ayant flairé de juteuses occasions en Afrique, comme d'ailleurs la Chine, cherche de plus en plus à s'installer sur le continent. Un continent qui, rappelons-le, possède les plus prometteuses ressources pour les décennies à venir! La France y a ses intérêts, elle est encore bien implantée, et une entreprise comme Areva la représente sur place, et tant pis pour les autochtones.

Bref, que fait Nicolas Sarkozy en Afrique? Assurément ce que l'alter ego israélien lui demande! Le CRIF, et le MEDEF (Mouvement des Entreprises de France - ndlr), sont les deux mamelles de Sarkozy. Si l'on ajoute que les Américains ne tiennent pas à voir les Chinois en Afrique, et que par contre ils tiennent à s'approprier les ressources du continent africain eux aussi, on comprend que tous ces gens se retrouvent sur des terres où ils sont mal accueillis, sauf les Chinois, plus avisés et plus portés aux concessions que les Occidentaux qui eux règlent les problèmes en faisant travailler leurs industriels de l'armement. Et d'ailleurs, les Chinois préfèrent offrir des équipements aux autochtones, plutôt que les bombarder. Les Nigériens savent reconnaître leurs amis, et surtout leurs ennemis!

Donc, le sieur Sarkozy sent qu'il peut offrir, tant à ses amis du MEDEF que d'Israël, de juteuses opportunités, et il s'intéresse de plus en plus au continent africain. Quant à Areva, qui est plus motivée par les profits que par le bien-être des populations locales, c'est le moins que l'on puisse dire - pillage, atteintes à l'environnement, mépris des autochtones,... - sa présence n'enthousiasme guère les populations de la région. Et, parfois, elles le font savoir, à leur manière, celle du pauvre (actes de piratage, attentats...). Celui qui sème le vent, très exactement le néo-colonialisme, peut s'attendre à récolter la tempête, un jour ou l'autre.

Les intérêts financiers de la France seront d'autant plus menacés, que la politique de notre pays se fera plus pressante, sous la pression tant du MEDEF que d'Israël. A plus forte raison si notre gouvernement instaure en France une sorte de Mac'carthysme, de chasse aux sorcières, non seulement envers les Roms, mais d'abord et avant tout envers les Musulmans, que les citoyens israéliens ne portent guère dans leur coeur. Lois sur la burqa, participation aux guerres de l'OTAN en Afghanistan, discriminations envers les citoyens arabes ou musulmans, tout cela a des conséquences, un jour ou l'autre. Depuis plus d'un an j'attire l'attention de mes Lecteurs sur le risque, avec un énergumène comme Sarkozy, d'attentats sur notre sol. On ne peut pas stigmatiser des individus sans s'attendre, un jour ou l'autre, à les voir réagir. Il est normal que les citoyens musulmans, et à plus forte raison islamistes, soient très remontés contre un pays qui favorise Israël et piétine leurs intérêts, au point, en sous-mains, de préparer une sale croisade contre l'Iran. Car notre "Chef" n'est pas seulement un néoconservateur bon teint, 100 % bushiste, et peut-être encore plus que l'original, mais il est comme ses amis texans, partisan des politiques les plus musclées, brutales, guerrières. Et tant pis pour les Français, opposés à toutes ces folies...

Al Quaïda n'existe pas, c'est un phantasme créé pour nous faire peur et pour nous dresser contre les musulmans, car l'organisation représente tout au plus deux mille activistes répartis un peu partout, selon des sources officielles (ancien chef de la Sécurité intérieure en France, au micro de C dans l'Air). L'armada occidentale n'a rien à craindre de ces quelques fanatiques. Mais elle sait parfaitement les instrumentaliser à des fins machiavéliques, de prédation des Etats riches en ressources, et de soumission des citoyens apeurés.

Le fait qu'un agent de la DST soit parmi les otages, au Niger, apporte un éclairage nouveau à l'affaire, éclairage évidemment peu ébruité par la Presse aux ordres. Et cela nous promet des rebondissements variés... justifiant une présence militaire toujours plus importante, et au final, en effet, la région risque de finir comme l'Irak et l'Afghanistan. Le sous-sol du pays est si riche, qu'il suscite les appétits les plus gourmands, et les moins regardants quant à l'éthique.

Alors, western à rebondissements? Sanglant, certainement. La démocratie à la sauce occidentale est décidément beaucoup moins appétissante que celle qui règne au Vénézuela, et que les médias partisans vont s'acharner à diffamer pendant les élections.
Chavez est un grand bonhomme, aimant son peuple, le dorlotant, et ce genre de dirigeant est suffisamment rare pour qu'on le salue. Alors, n'écoutons surtout pas les sirènes des médias menteurs... et réjouissons-nous de sa future victoire bien méritée.

Quant aux Nigériens, avec Areva, le MEDEF, Sarkozy et ses amis tant israéliens qu'américains, ils peuvent redouter le pire...
Les convulsions ne font hélas que commencer! Lorsque les terres sont très riches, les vautours modernes arrivent... de partout! Et ce sont les autochtones qui en font les frais... Le néo-colonialisme bien vivant !

Eva R-sistons 
25.09.10
Source: alterinfo

samedi 25 septembre 2010

Réarmement record contre le nouvel ennemi: l'Iran


 
C’est la plus grosse vente particulière d’armes jamais réalisée par les États-Unis: ils fourniront à l’Arabie Saoudite et aux autres États du Golfe des bombardiers, des hélicoptères, des missiles et d’autres armements pour une valeur de 123 milliards de dollars.

 
Boeing vend à l’Arabie Saoudite 85 nouveaux F-15 et en potentialise 70 autres: ce sont des chasseurs de combat multifonctions, en mesure de transporter des armes nucléaires, à une vitesse deux fois et demi supérieure à celle du son, et capables d’éviter les défenses ennemies. Boeing fournit en outre 70 hélicoptères de combat Apache et 36 Little Bird, utilisés par les forces pour les opérations spéciales. A cela s’ajoute plus de 70 hélicoptères de combat Black Hawk de Sikorsky (United Technologies). Le «colis» coûtera à l’Arabie Saoudite 67 milliards de dollars, à quoi s’ajouteront les dépenses pour l’entraînement du personnel, les pièces de rechange et les modernisations.

Aux Emirats Arabes Unis, les USA vendent 35-40 milliards de dollars d’armements, dont un «bouclier» formé de missiles Thaad de Lockheed Martin. Sont en outre potentialisés les missiles Patriot, fournis par Raytheon aux Emirats et aux Koweït. Ce dernier paiera 7 milliards de dollars. A Oman seront fournis 18 nouveaux chasseurs F-16 de Lockheed Martin, tandis que 12 autres seront potentialisés: la dépense se monte à 12 milliards de dollars.

Dans son annonce de la vente de 123 milliards de dollars aux Etats du Golfe, le Financial Times (21 septembre) la définit comme «une énorme impulsion à l’industrie américaine de la défense». Il ajoute ainsi que «l’achat de nouvelles armes états-uniennes survient au moment où de nombreux pays du Moyen-Orient, où se trouvent les deux tiers des réserves pétrolifères mondiales, sont en alarme à cause des ambitions nucléaires de l’Iran». La campagne sur la «menace iranienne» fonctionne donc, et bien.

Les pays du Golfe ne sont pas seuls à avoir intensifié leurs acquisitions de systèmes d’armes états-uniennes, les pays européens aussi se préparent à le faire: le secrétaire général de l’OTAN, Anders Rasmussen, leur a recommandé il y a quelques jours de réaliser avec les Etats-Unis un unique «bouclier» contre la «menace des missiles iraniens». La décision politique devrait venir du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Alliance Atlantique, à Lisbonne, en novembre. Viendra ensuite la phase opérative, avec une toute nouvelle militarisation du territoire européen et italien.

Que préfigure-t-on, dans l’administration Obama, avec cette mega vente d’armes aux pays du Golfe? Son objectif, écrit le Financial Times, va au-delà de la simple promotion de l’industrie militaire états-unienne. Si les alliés de Washington dans le Golfe achètent leurs armes aux USA, ils «sont entraînés sur des plateformes communes, en potentialisant leur capacité de combattre un adversaire commun» avec les forces états-uniennes. Sur cela, ajoute le New York Times, est aussi d’accord Israël, qui jusque là avait considéré avec suspicion toutes fournitures d’armes USA aux pays arabes.
En d’autres termes: en faisant la promotion de cette colossale vente d’armes, non seulement l’administration Obama revigore l’industrie guerrière et donc l’économie états-unienne, dans laquelle celle-ci joue un rôle important. Mais en même temps, l’administration Obama accroît l’influence états-unienne dans la zone stratégique du Golfe, en s’assurant que les armées des pays alliés soient à la totale disposition du Pentagone et bien armées, de façon à pouvoir un jour attaquer l’Iran qui a pris la place de l’Irak comme ennemi numéro un.

Est-ce ainsi que le président Obama est en train de gagner le Prix Nobel pour la paix qui lui a été conféré «pour ses efforts extraordinaires afin de renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples»? Quels sens cela a-t-il de commencer le retrait des troupes combattantes en Irak – mais en laissant un presidium de bases et environ 50 mille soldats, et en doublant le nombre des mercenaires – et d’annoncer la probable amorce d’une sortie du bourbier afghan avec une afghanisation plus importante de la guerre sur le terrain, si pendant ce temps on prépare concrètement un nouveau scénario guerrier, bien plus grave?

Il est emblématique que cette administration, tandis qu’elle accuse le gouvernement iranien de violer les principes de la démocratie et les droits de l’homme, soutienne et arme l’Arabie Saoudite, où le souverain détient le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire; où il n’existe pas de Parlement mais seulement un conseil consultatif nommé lui aussi par le souverain; où les partis politiques et les organisations syndicales sont considérées comme illégales, et les femmes exclues de la vie politique et du travail. Sans oublier les nombreux «cas Sakineh» dans les prisons des pays du Golfe. Ces «valeurs» sont défendues et renforcées par les chasseurs bombardiers et les hélicoptères de combat, fournis dans une mesure sans précédents par les Etats-Unis sous une administration démocratique.

Manlio Dinucci & Tommaso Di Francesco
21.09.10
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Source: mondialisation.ca

vendredi 24 septembre 2010

Sujet déjà évoqué sur notre blog: le régime doré de certains eurocrates




Le confortable régime des Commissaires européens




Heureux comme un ex-commissaire européen. Bénéficiant au cours de leur mandat de cinq ans d'un revenu mensuel de 20.300 euros, auxquels s'ajoutent quantité d'indemnités - de résidence, à hauteur de 15 % du traitement de base, de représentation (911 euros) -, les membres de la Commission peuvent aussi compter sur un généreux système "d'indemnités transitoires", une indemnité de chômage à faire pâlir d'envie à Pôle Emploi.

Selon le quotidien allemand Financial Times Deutschland, dix-sept anciens commissaires, qui n'ont pas été reconduits dans la deuxième équipe dirigée par José Manuel Barroso en février 2010, continuent de toucher cette indemnité, soit, au maximum, entre 40 % et 65 % de leur ancien salaire, malgré le fait qu'ils occupent actuellement de nouvelles fonctions, rémunérées. Confirmation et explications de Michael Mann, porte-parole de la Commission : "Le système a été mis en place pour faciliter le retour des commissaires sur le marché du travail et maintenir leur indépendance. L'indemnité peut être versée pendant trois ans, même si un ancien commissaire trouve un autre job. Mais, dans ce cas, le cumul des deux revenus ne peut pas excéder le montant de l'ancien salaire. L'indemnité est plafonnée."

Jacques Barrot concerné

Parmi les bénéficiaires du système, on trouve ainsi un chef d'État (Dalia Grybauskaité, actuelle présidente de Lituanie), deux ministres des Affaires étrangères (l'Italien Franco Frattini et le Chypriote Markos Kyprianou), un membre du Conseil constitutionnel (le Français Jacques Barrot) et des eurodéputés (le Belge Louis Michel, la Polonaise Danuta Hubner). Certains se sont reconvertis dans le secteur privé, dans des domaines en relation avec leur ancienne activité. C'est le cas par exemple de Meglena Kuneva. La Bulgare était chargée des droits des consommateurs.

De son poste au conseil d'administration de BNP Paribas, elle défend aujourd'hui les intérêts de la grande banque française. L'ancien commissaire chargé de la Pêche, le Maltais Joe Borg, reconnaît toucher chaque mois 11.000 euros de la Commission. Il a rejoint en juillet une société de lobbying bruxelloise, la Fipra, active notamment dans le domaine maritime. Un autre ancien commissaire est dans le collimateur de plusieurs ONG anticorruption. Autrefois chargé de la politique d'élargissement de l'Union - notamment du délicat dossier turc - puis de l'Industrie, l'Allemand Günter Verheugen a rejoint l'Union des chambres de commerce turques. Puis il a monté une entreprise de conseil spécialisée dans les politiques européennes, The European Experience Company. Contrairement au code de conduite mis en place pour et par les commissaires européens, Gunter Verheugen n'en a informé que tardivement son ancien employeur, lorsque la presse allemande s'est emparée du sujet. La plate-forme d'ONG "Alter-EU" a lancé une pétition en ligne pour réclamer l'interdiction de toute activité de lobbying pour les anciens commissaires.

Alain Franco
Correspondant de Le Point à Bxl
23.09.10

jeudi 23 septembre 2010

Ce que l'éthique communiste n'est pas



 Saisi à travers la sphère idéologique bourgeoise, le communisme se confond avec une doctrine de renoncement et un égalitarisme grossier. Le socialiste passe pour un être primitif dépourvu de tout sens gustatif ou esthétique. Le communisme prend, selon cette interprétation triviale, la forme d’un principe de contrainte absolu menant à la standardisation des esprits alors que le capitalisme est présenté comme un principe de jouissance infini.

L’argent, dans la société capitaliste, est la mesure de toutes choses devant lequel tous les hommes s’inclinent, ceux qui en manquent comme ceux qui en abondent. L’argent, principe de puissance, est devenu sa propre norme.

Le renoncement est le substrat du capitalisme et non du socialisme comme l’écrit Karl Marx dans ses Manuscrits de 1844: «Le renoncement à soi-même, le renoncement à la vie et à tous les besoins humains est sa thèse principale. Moins tu manges, tu bois, tu achètes des livres, moins tu vas au théâtre, au bal, au cabaret, moins tu penses, tu aimes, tu fais de la théorie, moins tu chantes, tu parles, tu fais de l’escrime, etc., plus tu épargnes, plus tu augmentes ton trésor que ne mangeront ni les mites ni la poussière, ton capital. Moins tu es, moins tu manifestes ta vie, plus tu possèdes, plus ta vie aliénée grandit, plus tu accumules de ton être aliéné.

Tout ce que l’économiste te prend de vie et d’humanité, il te le remplace en argent et en richesse et tout ce que tu ne peux pas, ton argent le peut: il peut manger, boire, aller au bal, au théâtre; il connaît l’art, l’érudition, les curiosités historiques, la puissance politique; il peut voyager ; il peut t’attribuer tout cela; il peut acheter tout cela; il est la vraie capacité. Mais lui qui est tout cela, il n’a d’autre possibilité que de se créer lui-même, de s’acheter lui-même, car tout le reste est son valet et si je possède l’homme, je possède aussi le valet et je n’ai pas besoin de son valet. Toutes les passions et toute activité doivent donc sombrer dans la soif de richesse. L’ouvrier doit avoir juste assez pour vouloir vivre et ne doit vouloir vivre que pour posséder».


L’ouvrier est asservi par la force des choses à ce culte de l’argent et de la possession. C’est le capitalisme qui en a fait ce qu’il est aujourd’hui. Le marxisme n’absolutise en rien cette tragique condition et il souhaite encore moins la généraliser en tant que norme universelle. Au contraire, cette condition, perçue par Marx comme la négation même de la condition humaine, ne pourra être dépassée que par une révolution sociale qui supprimera le paradigme salariat-patronat, prolétariat-bourgeoisie.

Le communisme se distingue tout autant de l’indéterminisme et de la fuite dans l’intériorité du stoïcisme que de la libération transcendante et abstraite du judéo-christianisme qui exclut les plaisirs prosaïques et érige la pauvreté en idéal. La pensée religieuse accorde à la souffrance et au dénuement une vertu salvatrice.

Friedrich Nietzsche, dans Généalogie de la morale, critiquait vigoureusement la posture ascétique comme principe contraire à la vie. Il ne s’agit pas de s’abstraire de la réalité par la force de l’imagination mais de s’y projeter corps et âme pour la transformer, pour devenir partie prenante de sa propre existence.

La servitude consumériste est l’aliénation du sujet aux choses c’est-à-dire le fait d’accorder aux objets des puissances magiques, de les personnifier: la possession de tel produit vous rendra heureux, plus libre, plus intelligent, respecté; telle marque vous correspond parfaitement,…

Le caractère bourgeois d’un produit ou d’une activité est attaché plus à son sens social qu’à son essence. Dépossédé de cette valeur distinctive ou élitiste, celui-ci perd pour la bourgeoisie son attrait. La chasse (ou l’équitation) n’est pas en soi un passe-temps bourgeois mais elle en prend la forme dans un contexte défini.

La quête ininterrompue de plaisirs immédiats, consumés dans l’acte de consommation même, ne peut que déchoir en un hédonisme nihiliste. Un désir assouvi cède ipso facto sa place à un désir inassouvi.
L’égoïsme, la fièvre acquisitive, et l’individualisme acharné ont une base matérielle; ils sont le reflet des conditions concrètes d’une matrice économico-culturelle qui prescrit, au bénéfice de sa propre rationalité, des conduites de consommation préfigurées.
Un homme est libre s’il est souverain de ses choix non pas dans leur détermination libre mais dans la compréhension de leurs causes efficientes. Une passion cesse d’être une passion sitôt qu’elle devient intelligible et transparente. Pour être à proprement parler libre, il ne s’agit pas de faire ce qu’on veut mais de gouverner sa volonté.

Pour le communiste, l’existence ne se réduit pas à l’addition de plaisirs disloqués. Les besoins et les plaisirs sont modulés par un principe d’unité et de continuité: la manifestation croissante des virtualités humaines, l’expansion des forces vitales, que seule l’émancipation collective potentialise. Marx n’a cessé de mettre l’émancipation individuelle au cœur de son projet, au point qu’il le concevait comme une association où "le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous". Autrement dit, le Je et le Nous s’engendrent dans une union dialectique. L’être s’engage dans un mouvement fédératif avec tout le dynamisme de sa subjectivité, sans renoncer à ce qui le caractérise. Le dirigisme étatique, la subordination de la créativité, la coercition intellectuelle sont donc absolument étrangers au projet marxiste.

Les valeurs éthiques du socialisme - la solidarité, le désintéressement, l’engagement, etc.- constituent la voie d’accès à une société fondée sur de nouvelles relations humaines. La vertu du prolétariat ne réside pas dans sa condition miséreuse et dans son impuissance présumée mais dans la prise de conscience collective de son dessein historique. Le prolétariat est une classe condamnée à s’émanciper par ses seules forces.

Le socialisme est l’affirmation exaltante de la vie, affirmation déconstructrice et créatrice. Il revient à l’homme de se définir et de définir un horizon de sens en construisant son avenir. De tous les biens, notre destin est certainement la chose la plus importante à s’approprier.

Emrah Kaynak
21.09.10
Source: bellacio

mercredi 22 septembre 2010

Alors que s’ouvre le Sommet des Nations unies sur les OMD, le CADTM exige l’annulation de la dette du Sud



Du 20 au 22 septembre 2010 se déroule à New-York, au siège des Nations unies, le Sommet mondial sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) dont le but annoncé est de "permettre une accélération des progrès en vue de la réalisation des OMD |1|". Car à seulement 5 ans de l’échéance, le tableau dressé par le dernier rapport de l’ONU de juin 2010 est pour le moins sombre. A ce stade, seul un OMD sur huit («réduire de moitié, de 1990 à 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à 1 dollar par jour») pourrait être atteint grâce à la Chine et l’Inde.

Certes, la crise économique mondiale est passée par là. Mais elle ne peut expliquer toute seule cette situation inacceptable où la majorité des êtres humains de la planète, très majoritairement basée au Sud, est privée de ses droits fondamentaux tels que le droit à l’eau ou à l’éducation, et plus généralement dépossédée de son droit à la vie. En effet, les «émeutes de la faim» et la crise environnementale existaient avant l’éclatement de la crise mondiale, dont l’entière responsabilité repose sur les pays riches du Nord.

Pour le réseau CADTM, les OMD étaient dès le départ voués à l’échec car ils ne sont pas contraignants pour les États, contrairement aux politiques dictées par le FMI et la Banque mondiale, dont l’application docile par les gouvernements du Sud conditionne les allègements de dettes et les nouveaux prêts. Or, ces deux Institutions financières internationales, contrôlées par les pays occidentaux du fait notamment de la répartition des droits de vote, sont utilisées comme «cheval de Troie» pour imposer les politiques néo-libérales servant en priorité les intérêts de leurs entreprises transnationales.

Plus fondamentalement, l’échec des OMD est intrinsèquement lié à la nature du système actuel: le capitalisme, incapable de satisfaire les besoins des peuples. Comment expliquer qu’en dépit de l’augmentation exponentielle des richesses mondiale, l’extrême pauvreté a doublé en Afrique subsaharienne entre 1981 et 2005? Cette question nous renvoie directement aux racines même du système actuel qui ne vise ni la réduction des inégalités ni le développement. Soulignons que l’éradication de la pauvreté est possible mais qu’elle ne peut qu’être le résultat d’un processus de développement réussi reposant sur une juste répartition des richesses.

Pour le réseau CADTM, un changement radical est donc nécessaire pour, d’une part, permettre aux États du Sud et du Nord de respecter leurs engagements de protection des droits humains tels que le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966 (ratifié par 159 États) et, d’autre part, garantir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes consacré par plusieurs textes internationaux dont la Déclaration de l’ONU sur le droit au développement de 1986. Ce changement passe inévitablement par l’annulation totale et sans conditions de la dette publique extérieure des pays en développement. La situation est d’autant plus urgente qu’une nouvelle crise de la dette du Sud est en préparation, comme conséquence de la crise économique mondiale. Le service annuel de la dette risque, par conséquent, d’accaparer une part encore plus importante des maigres budgets des pays du Sud, au détriment des dépenses publiques vitales pour le développement humain sur place.

En attendant une initiative internationale pour l’annulation totale et inconditionnelle de cette dette, les États doivent impérativement prendre des mesures de manière unilatérale. Ces mesures peuvent, en outre, s’inscrire dans le cadre du huitième OMD «Mettre en place un partenariat mondial pour le développement» qui prévoit de «Traiter globalement le problème de la dette des pays en développement par des mesures d’ordre national et international propres à rendre leur endettement viable à long terme».

Les pays du Nord doivent donc au minimum:
- suspendre immédiatement le remboursement de la dette du Sud (avec gel des intérêts)
- auditer cette dette pour annuler la part illégitime (celle qui n’a pas profité aux populations) sans inscrire, comme l’a fait le Norvège en 2006, les montants annulés dans l’aide publique au développement (APD) pour la gonfler artificiellement. Soulignons que, malgré cette pratique, les pays de l’OCDE n’ont consacré en 2009 que 97,5 milliards d’euros à l’APD, soit 0,31 % de leur revenu national cumulé, bien loin des 0,7% promis depuis des années. Les flux financiers qui partent du Sud vers le Nord sont largement supérieurs à l’«aide» des pays riches!
- verser des réparations pour la dette historique, écologique et culturelle qu’ils ont à l’égard du Sud

Ces mesures indispensables mais non suffisantes, fondées sur la justice et non sur une quelconque générosité du Nord, impliquent pour les pays du Nord de s’attaquer à leur propre dette publique en en suspendant immédiatement le remboursement pour donner la priorité à la coopération internationale et aux dépenses publiques dans les secteurs sociaux à l’échelle nationale.

CADTM 
(Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers-Monde)
20.09.10

Notes
|1| http://www.un.org/fr/mdg/summit2010/

mardi 21 septembre 2010

La bataille Venezuela



 Dans la dispute pour l’hégémonie idéologique en Amérique latine, deux épreuves décisives se déroulent les prochaines semaines: élections législatives au Venezuela, le 26 septembre, et scrutin présidentiel au Brésil, le 3 octobre. 


Si la gauche démocratique ne venait pas à l’emporter dans ce pays-géant, le pendule politique s’inclinerait, à l’échelle continentale, vers la droite qui gouverne déjà dans sept pays: Chili, Colombie, Costa Rica, Honduras, Mexique, Panama et Pérou. Mais une telle éventualité semble peu probable; José Serra, candidat du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), pourra difficilement s’imposer face à Dilma Rousseff, du Parti des travailleurs (PT), candidate soutenue par le très populaire président sortant Luiz Inacio Lula da Silva, qui, si la Constitution l’avait permis, eût été facilement réélu pour un troisième mandat.

L’affaire étant pour ainsi dire réglée au Brésil, les forces conservatrices internationales concentrent leurs attaques sur l’autre front, le Venezuela, dans l’espoir d’affaiblir le président Hugo Chavez et la Révolution bolivarienne. Ce qui s’y joue, c’est la désignation des 165 députés à l’Assemblée nationale (il n’y a pas de Sénat). Avec une particularité: les élus sortants sont presque tous «chavistes», l’opposition ayant refusé de participer au précédent scrutin de 2005. Cette fois, elle n’a pas commis la même erreur; un assemblage hétéroclite de partis et d’organisations [1], agrégés par la haine anti-Chavez, se présente sous le sigle commun du MUD (Mesa de la Unidad Democrática, Table de l’unité démocratique) contre le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) [2] du président.

Inévitablement, la majorité bolivarienne verra ses rangs diminuer dans la nouvelle Assemblée. De combien de députés? Le gouvernement pourra-t-il poursuivre son programme de grandes réformes? L’opposition aura-t-elle les moyens de freiner la révolution?

Tels sont les enjeux. En sachant que 60 % des parlementaires (soit 99 sièges) sont élus au scrutin uninominal, et les autres 40 % (soit 66 sièges) à la proportionnelle. La liste qui dépasse les 50 % des suffrages obtient automatiquement 75 % des sièges réservés au scrutin proportionnel. Ceci est fort important, car la Constitution prévoit que les lois organiques [3] doivent être votées par les deux tiers des députés, et que les grandes lois qui habilitent le président à légiférer par décret, doivent l’être par les trois cinquièmes des députés.

Cela signifie que si l’opposition obtenait 56 sièges (sur 165), elle pourrait empêcher l’adoption de toute loi organique; avec 67 sièges, elle rendrait impossible le vote de lois habilitantes. Or, jusqu’à présent, ce sont précisément les lois habilitantes qui ont permis la réalisation des principales réformes.

Voilà pourquoi la bataille Venezuela mobilise tant d’énergies et de ressources au sein des droites internationales. Cela explique aussi la hargne et l’agressivité des nouvelles campagnes de diffamation lancées, à l’échelle mondiale, contre le président Hugo Chavez. Ces derniers mois, les accusations les plus malveillantes se sont succédées. Les médias de haine ont d’abord fait grand bruit autour des problèmes de restrictions d’eau et de coupures d’électricité (aujourd’hui résolus) dont ils rendaient coupable le gouvernement, sans mentionner la seule et vraie cause: le changement climatique responsable de la sécheresse du siècle qui a frappé l’hiver dernier le pays.

Ils ont ensuite répété à satiété les accusations sans preuve avancées par l’ancien président de Colombie, Alvaro Uribe, à propos d’un supposé "Venezuela, sanctuaire des terroristes". Dénonciations aujourd’hui abandonnées par le nouveau président Juan Manuel Santos après sa rencontre du 10 août avec Hugo Chavez. Celui-ci avait, une fois encore, redit que les guérillas doivent abandonner la lutte armée: "Le monde actuel n’est pas celui des années 1960. Les conditions ne se prêtent plus, en Colombie, à une prise du pouvoir. En revanche, la lutte armée est devenue le prétexte principal de l’Empire pour pénétrer à fond en Colombie et, à partir de là, agresser le Venezuela, l’Equateur, le Nicaragua et Cuba"  [4].

Puis il y a eu les affolantes campagnes sur l’insécurité. Comme si le problème - auquel les autorités s’attaquent avec des moyens redoublés [5] - était nouveau. Voici, par exemple, ce qu’on pouvait lire - déjà en juillet 1995! - dans un reportage sur la saga de l’insécurité dans capitale vénézuélienne: "Une véritable psychose de peur hante Caracas.(...) La violence a atteint un tel degré de folie que les délinquants ne se contentent plus de voler.(...) On frappe pour le plaisir de frapper, on tue pour le plaisir de tuer. On s’acharne, on se saoule de cruauté. En une semaine, plusieurs personnalités - dont un célèbre joueur de base-ball (Gustavo Polidor), un chirurgien et un avocat - ont été assassinées sous les yeux de leur famille. L’insécurité est partout. Une cinquantaine de chauffeurs d’autobus de la capitale ont été tués depuis le début de l’année..." [6]

Contre toute évidence, les médias de haine répètent également que les libertés politiques seraient amputées et que la censure empêcherait toute liberté d’expression. Ils oublient de signaler que 80 % des stations de radio et des chaînes de télévision appartiennent au secteur privé, alors qu’à peine 9% sont publiques [7]. Ou que, depuis 1999, quinze élections démocratiques se sont tenues, et qui n’ont jamais été contestées par aucun organisme international de supervision. Comme le souligne le journaliste José Vicente Rangel: "Chaque citoyen peut adhérer à n’importe lequel des milliers de partis politiques, syndicats, organisations sociales ou associations, et se déplacer sur l’ensemble du territoire national pour débattre de ses idées et opinions sans limitation d’aucune sorte"  [8].

Depuis la première élection d’Hugo Chavez, en 1999, l’investissement social a quintuplé par rapport à la moyenne de celui réalisé entre 1988 et 1998. Cela a permis d’atteindre, avec cinq ans d’avance, presque tous les Objectifs du millénaire fixés par l’ONU pour 2015 [9]. Le taux de pauvreté a chuté de 49,4 % en 1999 à 30,2 % en 2006, et celui de misère de 21,7 % à 7,2% [10].

De résultats aussi prometteurs, méritent-ils vraiment tant de haine?

Ignacio Ramonet
01.09.10
Source: mémoire des luttes

lundi 20 septembre 2010

Des pourparlers qui tournent en rond



La vue est aussi ironique que la réalité. Debout sur le toit d’une maison en construction à Bethléem, je peux voir l’église de la Nativité, le mur israélien de séparation encerclant Bethléem, le trafic de la ville, et l’expansion ininterrompue de la colonie israélienne de Har Homa...

Les Palestiniens connaissent cette colonie sous le nom de Jabal Abu Ghneim. Israël prétend qu’il s’agit d’une partie du Grand Jérusalem-Est occupée. Les Palestiniens savent également que cette colonie illégale  [comme elles le sont toutes - ndlt] de 30 000 habitants a été construite sur leurs propriétés privées au plus fort du processus d’Oslo.

Comme nous nous préparons à passer sur les ondes, je pense à combien de fois j’ai été à Bethléem et combien de récits j’ai pu faire sur cette ville historique et spirituelle ...

La plupart de mes reportages parlaient de la façon dont Bethléem a été pressée, encerclée et diminuée sous la réalité d’un empiétement rapide des colonies israéliennes. Cette ville a littéralement changé d’apparence, d’esprit et de vie au fil des années. A tel point que cette année, une étude des Nations Unies a estimé que les politiques israéliennes ont eu pour effet la diminution de la ville même de Bethléem et la fragmentation de sa zone urbaine en différentes zones rurales.

Au cours des quatre dernières décennies d’occupation israélienne, selon le rapport, la construction de colonies israéliennes et les mesures liées ont entraîné la diminution de 87% de la ville de Bethléem, enfermant sa population en croissance sur moins de 20% de ses terres.

Ce mardi, les dirigeants palestiniens et israéliens se sont réunis à Charm Al-Cheikh en Egypte. Ils ont été rejoints par la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, le tout au milieu de beaucoup d’attention et spéculation de la part des médias.
Mais cette deuxième série de pourparlers a tourné en rond.
Palestiniens et les Israéliens ne sont pas d’accord sur un agenda pour les négociations, ou sur la façon de procéder dans ces pourparlers. Par conséquent, les cérémonies programmées dans la journée ont été annulées et la réunion [trilatérale entre Abbas, Netanyahu, et Clinton] a été retardée.

La question gluante, ou plutôt explosive, est celle de la construction par Israël de colonies en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est. Un soi-disant moratoire unilatéral et partiel sur la construction de colonies en Cisjordanie, à l’exclusion de Jérusalem, arrive à échéance à la fin de septembre. Même si les Palestiniens étaient mécontents de ce moratoire, qui, selon des rapports israéliens n’a même pas été respecté, ils affirment ne pas vouloir d’un retour à la construction effrénée de colonies.

Selon les négociateurs palestiniens, le premier ministre israélien a voulu seulement parler de la sécurité. Une telle demande, disent les officiels palestiniens, signifie qu’Israël veut que ses exigences de sécurité imposent de fait les frontières géographiques sur le terrain. «Ils veulent que la forme et la taille du futur Etat palestinien soit définie à l’aune de leurs demandes. Ce n’est tout simplement pas possible», ont-ils déclaré. Les Palestiniens voulaient au contraire parler des frontières et de sécurité en priorité. Ils font valoir qu’un accord sur ces deux principales questions relatives au statut final permettrait de jeter les bases pour d’autres questions et permettrait aux équipes techniques de se mettre au travail.
Mais parler de frontières alors que les terres sont avalées par les colonies israéliennes est une perte de temps, font valoir les Palestiniens.

Les mêmes sources m’ont affirmé que l’atmosphère était tendue à Charm Al-Cheikh, la diplomatie américaine et égyptienne travaillant jusqu’à la dernière minute pour tenter d’éviter que les pourparlers ne s’effondrent avant même d’avoir commencé. Le maximum de la tension a été le moment du refus par Netanyahu de s’engager sur tout gel de la colonisation.

Il est intéressant de noter que l’administration américaine, représentée par la secrétaire d’État, est venue à ces négociations les mains vides, sans aucune alternative à proposer, aucune mesure décisive pour assurer que toutes les parties s’acquittent de leurs obligations. Un gel complet de la colonisation israélienne en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, fait partie des obligations d’Israël selon la Feuille de route pour la paix [qui a été présentée et endossée] par l’administration Bush. Ce mardi, l’équipe de Netanyahu voulait que ce soit juste une des questions mises «sur la table».

Au milieu des multiples dépêches qui tombent, nous discutons avec nos sources et recherchons toute nouvelle information, tout fait nouveau. Sur le quotidien israélien Ha’aretz, un titre a attiré mon attention: les colons israéliens reçoivent de 22% de plus en subventions gouvernementales que les Israéliens ordinaires qui vivent à l’intérieur de la Ligne verte - ou des frontières internationalement reconnues d’Israël. Comme le vent commence à souffler fort sur le toit où je suis debout, regarder en direction de Bethléem devient plus difficile. Je me retourne et je vois Har Homa. Là, la construction se poursuit, en rien concernée par les discours sur la paix.

Mark Regev, porte-parole du gouvernement israélien, a déclaré à Al Jazeera que les Palestiniens devaient se montrer «créatifs» sur la question des colonies. Sur ce terrain-là, il est assez difficile de voir quelle genre de créativité peut changer ou améliorer la réalité des Palestiniens qui y vivent. Partout où ils peuvent vivre à Bethléem, leur vue depuis les balcons est celle de l’une des 19 colonies israéliennes entourant leur district et construites sur leurs terres occupées - et sur leurs propriétés - et s’étendant rapidement au plus près de chez eux. Ces colonies, illégales au regard du droit international, occupent maintenant environ la moitié de la Cisjordanie, isolant les communautés palestiniennes derrière des grilles gardées par des militaires, de postes de contrôle et des murs.

Et maintenant, ces Palestiniens voient des dirigeants internationaux jouer les hôtes de «pourparlers de paix» et entendent le Premier ministre israélien s’engager à faire la paix avec les Palestiniens tout en s’engageant à relancer dès le mois de mars l’expansion des colonies en Cisjordanie, devant leur porte d’entrée... Il est difficile d’imaginer, dans ce scénario, la façon dont la «créativité» pourrait changer la perspective qu’ils ont depuis chez eux, voir la rendre plus attrayante.

Le vent souffle maintenant en rafales, dures et froides - sans qu’il soit besoin de beaucoup d’imagination, il est le reflet de l’ambiance autour de moi ...

Nour Odeh 
Correspondante d’Al Jazeera en Palestine occupée,
couvre l’actualité sur le conflit israélo-palestinien depuis plusieurs années.
19.09.10
Source: info-palestine

samedi 18 septembre 2010

La mémoire sélective de l’Occident : les Juifs… et les autres.



Rappel
La semaine passée j’exprimais mes craintes que ne soit revenu en France, le «temps des rafles». Face à la discrimination avérée des Roms et à la déshumanisation dramatique avec laquelle le président Sarkozy et sa droite xénophobe les traitent – au point d’irriter les instances internationales – ne peut-on pas se demander pourquoi ceux-là n’auraient pas les mêmes droits que les Juifs? En effet, ces communautés toutes deux millénaires, ont subi les mêmes traques pendant la deuxième guerre mondiale et se sont retrouvées dans les mêmes camps d’extermination de Buchenwald, Auschwitz, Ravensbrück,… où il semble qu’au moins 500.000 Roms, appelés Tziganes à l’époque, aient été supprimés.

Une partie de l’Europe a donc bien vis-à-vis des Roms, la même responsabilité que vis-à-vis des Juifs dans la façon expéditive et assassine dont elle s’en est débarrassée sous le régime nazi. A moins d’une justice à géométrie variable, pourquoi donc avoir par la suite, opéré une différence dans la manière d’expier nos crimes d’alors?

L’honnêteté et le souci d’une justice équitable exigeraient au minimum de se poser la question. Et puisque l’on peut se féliciter des réactions des instances internationales actuelles dans la manière dont elles semblent condamner le sort réservé par la France à cette communauté discriminée, peut-être serait-ce le moment de se pencher sur la possibilité qu’auraient les populations roms de s’établir sur des terres que l’Europe de plus en plus «élargie» daignerait leur concéder… Sans rien enlever à la condamnation la plus ferme dans la manière dont ce dossier est traité en France pour le moment, le président français n’a peut-être pas tort de vouloir élargir le cadre du débat.

Allégorie
Dès lors, voyons un peu, et tentons de faire mieux qu’avec le précédent essai d’imposer en terres arabes le jeune Etat d’Israël qui se révèle être un fiasco insoluble sur les bases actuelles… En se penchant sur une carte de l’UE – puisque ce problème nous concerne collectivement – quel endroit pourrait-il convenir? Disons… la France! Excellente situation, où de vastes régions ne sont pas encore urbanisées. Certains se plaignant de la désertification des zones rurales, ce serait à coup sûr une manière de les redynamiser. L’on pourrait y dresser une sorte de «Ligne Verte» pour commencer, et on verrait ensuite les modalités pour donner à ce projet d’Etat toutes les garanties utiles que prévoit le Droit international dans ses nombreux textes. Avec la pléthore de fonctionnaires dont nous disposons, et l’expérience récente de l’établissement du Kosovo en Serbie, gageons que certains «experts» pourraient être détachés pour cette mission, comment déjà, euh… ah oui, «humanitaire», c’est ça…. Voilà un poste rêvé pour le French doctor, et une façon honorable de redorer son blason quelque peu terni ces derniers temps. Et pour ne pas précipiter les choses, établissons un plan quinquennal ayant comme horizon 2020, où pourrait être porté sur les fonds baptismaux, un 28è Etat européen, destiné à la communauté rom qui voudrait s’y établir. Etat qui servirait aussi à accueillir, cela tombe sous le sens, les nombreux réfugiés roms, tziganes, gitans, bohémiens, manouches,… régulièrement chassés de tel ou tel pays depuis des siècles d’errance.

Pour une Europe économiquement en panne, ce serait-là un chantier formidable, avec des débouchés inespérés. Par ailleurs, avec l’actuel président français, Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa qui ne devra pas remonter bien loin dans le temps pour retrouver ses origines, la France présente tous les avantages d’un tel choix. Sans compter qu’il pourrait carrément présenter sa candidature à la présidence de ce nouveau futur Etat, des fois que les élections françaises de 2012 se présentent mal…

- Oui, me répondrez-vous, mais les Roms ne veulent pas s’établir sur base de frontières fixes, ils sont nomades, tout le monde le sait, et très vite ils pourraient se retrouver en France, c’est cela le nœud du problème!


- Ce n’est pas bien grave! La France est un graaand pays – ses représentants n’ont de cesse de le trompéter partout, des fois qu’on en douterait à côté de la Russie, du Canada, des USA, de la Chine, du Brésil, de l’Australie, de l’Inde, de l’Argentine, du Kazakhstan, du Soudan,… – et donc, les familles roms qui ne voudraient pas se fixer dans les limites de cette «Ligne Verte» iront ici-et-là, avec leurs caravanes comme ils l’ont toujours fait, et s’établiront là où ils le désirent, un peu comme des postes détachés, ou des colonies, si vous préférez…

- Ho, ho, attention-là, il y a des mots dangereux à ne pas utiliser impunément! Enfin, moi je veux bien… mais si ces colonies comme vous dites, non contentes d’outrepasser cette «Ligne Verte» débordent même des anciennes frontières françaises… que fait-on!?

- Là non plus, ce n’est pas bien grave, l’UE ne va quand même pas chicaner pour si peu! Et en gros, s’ils débordent au Nord, ils se trouveront en terre wallonne qui ne sait plus si elle veut rester belge ou devenir française, donc quelques familles roms de plus ou de moins ne feront pas la différence. A l’Est, ils se retrouveront soit en Allemagne, autre grand pays de l’UE qui peut bien prendre en charge les quelques uns dont  elle a envoyé les ainés dans ses camps nazis; soit en Italie, qui à l’époque était alliée à l’Allemagne d’Hitler et qui a donc sa part de responsabilités, elle aussi. Et au Sud, ils auront le choix entre le pays basque et le pays catalan, qui ne se reconnaissent plus espagnols et réclament leur autonomie, alors… Il y a donc bien assez de place pour ces quelques égarés qui ne voudraient pas se sédentariser sur le territoire délimité que l’UE leur assignerait…

- Oui mais, il paraît aussi qu’ils sont menteurs, voleurs et de mœurs bizarres, et qu’ils s’installent où bon leur semble et mettent ainsi la sécurité de l’Etat et des communes qui les accueillent en danger!

- Mais tout cela n’est pas grave, voyons! L’on construira un mur de sécurité pour nous en protéger… Imaginez un peu le chantier, c’est une manne à ne pas rater par les temps qui courent! Et puis il y aura aussi nos policiers et nos forces de l’ordre pour surveiller ces nouvelles frontières… On pourrait même prévoir des portes d’accès dont ces forces de sécurité contrôleraient l’ouverture et la fermeture en cas d’agitation excessive ou de risques de rébellion. Ainsi, il n'y aurait aucun risque d’infiltration.

- Mais si certains d’entre eux finissaient quand même par échapper au contrôle et se mélanger alors aux populations locales! Imaginez un peu les conséquences…

- Mais puisque je vous dis que les «experts» se pencheront sur toutes ces questions! Allons, il n’est quand même pas difficile de leur donner des papiers sur lesquels ils seront clairement identifiés comme Roms! Ce ne sont-là que des détails, et vous voyez bien qu’il y a toujours une solution à tout. N’oubliez pas que nous sommes l’Europe! Nous n’allons tout de même pas nous laisser influencer pour si peu. Le cas échéant, nous enverrons l’armée et ils comprendront vite qui est le maître! Et puis, vous savez, pour faciliter ces grandes manœuvres, nous avons une ADM des plus efficaces (Arme de Décérébration Massive), incontournable: les médias habituels s’emploieront à un matraquage en bonne et due forme et publieront les envolées lyriques et les papiers dithyrambiques que ne manqueront pas de nous pondre la clique d’intellos-bien-pensants-du-tout-Paris à propos d’une telle solution; ainsi que des interviews de quelques stars «people» triées sur le volet… Je suis certain qu’on pourrait même imaginer un méga-concert européen pour récolter des fonds. On pourrait l’appeler, voyons un peu, euh… «L’Euroute du Rom»... je vois déjà les affiches, et l’impact sur le public! Vous verrez, ce sera un truc de ouf, ils ne pourront pas refuser…

Épilogue
A travers la question posée par les gens du voyage, nous vivons un moment intéressant, permettant de comptabiliser combien d’entre ceux qui sont toujours prêts à dicter leurs impératifs aux autres nations, se proposeront pour accueillir les Roms qui le désirent… Peut-être comprendront-ils enfin la résistance toute légitime des Palestiniens de qui ces mêmes discoureurs exigent pourtant depuis des décennies d’accepter les conditions… inacceptables que l’entité sioniste soutenue par eux, tentent d’imposer aux Palestiniens…

Moralité de l’histoire:
hélas pour les Roms, ils ne sont pas les Juifs…

Et avant que l’image de la France ne soit complètement dévoyée par la bêtise d’une poignée d’incultes arrogants, je voudrais rappeler ce qui a pu faire aussi sa grandeur, par ces lignes: «Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.»
Extrait d’une lettre de Gustave Flaubert à George Sand – 12 juin 1867

Concrètement
Les faits sont clairs et incontestables: une circulaire du 5 août dernier, signée par le directeur de cabinet du Ministre Hortefeux, adressée aux préfets, au directeur général de la police et de la gendarmerie nationales, est libellée ainsi: «Le Président de la République a fixé des objectifs précis, le 28 juillet dernier, pour l'évacuation des campements illicites : 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms.»
Et plus loin, la même circulaire stipule que chaque préfet doit s'assurer: «…de la réalisation minimale d'une opération importante par semaine (évacuation / démantèlement / reconduite) concernant prioritairement les Roms.»

Au cours d’un déjeuner à l’Elysée dont on ose à peine imaginer l’ambiance, incapable de se maîtriser, le président français a exprimé sa morgue, stigmatisant cette fois la Commissaire européenne à la Justice, la Luxembourgeoise Viviane Reding pour ses remontrances; et ses obséquieux courtisans n’ont pas fait mieux, détournant la forme du blâme, au détriment du fond. Or, la stigmatisation est clairement établie. Et les détours des ministres se dérobant ou tentant de minimiser les faits, à l’instar de leur mentor, ne font qu’ajouter à la gravité de leurs décisions. On savait le gouvernement Sarkozy miné par le populisme. La réalité est sans doute bien pire. Et l’arrogance du petit monarque et de ses suppôts bat tous les records de vulgarité. Quand l’on entend les réactions outrées de ces sinistres individus, réagissant aux critiques qui leur sont adressées alors que nombre d’entre eux sont empêtrés dans des dossiers plus que douteux, ceux-là devraient non seulement être démissionnés, mais dans une démocratie saine et qui se respecte, être déchus de leur droit d’éligibilité. À vie!

Daniel Vanhove 
Observateur civil
Auteur
15.09.10

vendredi 17 septembre 2010

L'entarté... en mériterait encore une !




Le scandale Sakineh 
(après l'imposture Botul - ndlr)

Le Times de Londres avait initialement publié une fausse photographie de Sakineh Mohammadi-Ashtiani. Elle y apparaissait tête nue, ce qui est considéré comme indescent dans la culture iranienne. Une seconde photo, authentique cette fois a été ultérieurement diffusée. Elle y apparaît en tchador, un vêtement que les musulmanes portent à la mosquée et qu’environ un tiers des femmes portent dans la rue.

L’annonce d’autodafés de Coran par des pasteurs états-uniens à l’occasion du neuvième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 a secoué le monde musulman. L’événement est ressenti différemment selon les cultures. Pour les Occidentaux, cette provocation doit être relativisée. Certes, il s’agit d’un livre que les musulmans considèrent comme sacré, mais, après tout, on ne fait que brûler du papier. A l’inverse, dans le monde musulman, on pense qu’en brûlant le Coran, on tente de couper les hommes de la parole divine et de leur dénier le salut. Il s’ensuit des réactions émotionnelles incontrôlables que les occidentaux perçoivent comme de l’hystérie religieuse. Jamais une telle chose pourrait survenir en Europe, et encore moins en France, pays formé par un siécle de laicité combattante. Et pourtant …

Mobilisation
Récemment, l’essayiste Bernard-Henri Levy [1] a alerté l’opinion publique sur le cas de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, une jeune femme qui aurait été condamnée en Iran à la lapidation pour adultère. Il a lancé une pétition sur internet pour faire pression sur les autorités iraniennes et leur demander de renoncer à cette barbarie.

En contact téléphonique régulier avec le fils de la victime qui réside à Tabriz (Iran), et avec son avocat, Javid Houstan Kian, qui vient de s’installer en France pour fuir le régime, M. Lévy n’a pas été avare de détails: la lapidation, dont la pratique aurait été interrompue par un moratoire, aurait reprise sous l’impulsion du président Ahmadinejad. Mme Mohammadi-Ashtiani, pourrait être exécutée à la fin du ramadan. Entre temps, le directeur de sa prison, furieux du tapage médiatique, lui aurait fait administrer 99 coups de fouet.

L’essayiste concentre ses attaques sur le mode d’exécution. Il écrit: «Pourquoi la lapidation? N’y a-t-il pas, en Iran, d’autres manières de donner la mort? Parce que c’est la plus abominable de toutes. Parce que cet attentat contre le visage, ce pilonnage de pierres sur un visage innocent et nu, ce raffinement de cruauté qui va jusqu’à codifier la taille des cailloux pour s’assurer que la victime souffre longtemps, sont un concentré rare d’inhumanité et de barbarie. Et parce qu’il y a, dans cette façon de détruire un visage, de faire exploser sa chair et de la réduire en un magma sanglant, parce qu’il y a dans ce geste de bombarder une face jusqu’à ce que bouillie s’ensuive, quelque chose de plus qu’une mise à mort. La lapidation n’est pas une peine de mort. La lapidation est plus qu’une peine de mort. La lapidation, c’est la liquidation d’une chair à qui l’on fait procès, en quelque sorte rétroactif, d’avoir été cette chair, juste cette chair: la chair d’une jeune et belle femme, peut-être aimante, peut-être aimée, et ayant peut-être joui de ce bonheur d’être aimée et d’aimer.»

Le président Sarkozy a confirmé les informations de M. Lévy lors de la conférence annuelle des ambassadeurs de France [2]. A l’issue de son discours, il a déclaré que la condamnée était désormais «sous la responsabilité de la France».
Rapidement, de nombreuses associations et personnalités se sont jointes à ce mouvement et plus de 140 000 signatures ont été réunies. Le Premier ministre François Fillon est venu sur le plateau du principal journal de la télévision publique pour manifester son émotion et sa solidarité avec Sakineh, «notre soeur à tous». Tandis que l’ex-secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, Rama Yade, affirmait que la France faisait désormais de ce cas une «affaire personnelle».

Mystification
Bien qu’ils n’en aient pas conscience, l’émotion des Français renvoie à la part religieuse de leur inconscient collectif. Qu’ils soient chrétiens ou non, ils ont été marqués par l’histoire de Jésus et de la femme adultère. Rappelons le mythe: les pharisiens, un groupe de juifs arrogants, essayent de placer Jésus en position difficile. Ils lui amènent une femme qui vient d’être prise en flagrant délit d’adultère. Selon la Loi de Moïse, elle devrait être lapidée, mais cette cruelle prescription est heureusement tombée en désuétude. Ils demandent donc à Jésus ce qu’il convient de faire. S’il préconise de la lapider, il paraîtra comme un fanatique, et s’il refuse de la sanctionner, il sera mis en accusation pour contestation de la Loi. Cependant, Jésus sauve la femme en leur répondant: «Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre». Il renverse alors le dilemme: si les pharisiens la lapident, c’est qu’ils se prennent pour des purs, s’ils ne le font pas, ce sont eux qui violent la Loi. Et le texte de préciser: «Ils se retirèrent un à un, en commençant par les plus âgés».

Ce mythe fonde dans la pensée occidentale la séparation entre loi religieuse et civile. La femme adultère a commis un péché vis-à-vis de Dieu et ne doit en rendre compte qu’à lui. Elle n’a pas commis de crime et ne peut être jugé par les hommes.

La lapidation annoncée de Sakineh est ressentie par les Français comme une terrible régression. La République islamique d’Iran doit être un régime religieux appliquant la Loi de Moïse revue par le Coran, la Sharia. Les mollahs doivent être des fanatiques phallocrates qui répriment les amours des femmes hors mariage et les maintiennent dans la soumission aux hommes. Aveuglés par leur propre obscurantisme, ils vont jusqu’à tuer et de la pire des manières.

Il s’agit bien ici d’hystérie religieuse collective car dans une telle affaire, le réflexe normal de tout un chacun aurait dû être de vérifier les imputations. Mais durant des semaines personne n’en a pris la peine.

Interrogations
Ayant à son tour signé cette pétition, le leader du Parti antisionniste, Dieudonné M’bala M’bala, de passage à Téhéran dans le cadre d’un projet cinématographique, a souhaité intercéder pour la condamnée. Il a demandé audience aux autorités compétentes et a été reçu par Ali Zadeh, vice-président du Conseil de la magistrature et porte-parole du ministère de la Justice.
L’entretien aura été un modèle du genre. M. Zadeh se demandant si son interlocuteur, humoriste de profession, ne se moquait pas de lui en lui rapportant ses craintes. Tandis que M. M’bala M’balase faisait répéter plusieurs fois les réponses à ses questions tant il avait du mal à croire avoir été manipulé à ce point.

Succédant à la dictature du Shah Reza Pahlevi, la République islamique s’est avant toute chose préoccupée de mettre fin à l’arbitraire et d’instaurer un état de droit le plus rigoureux possible. Pour ce qui concerne les crimes passibles des assises, le système judiciaire prévoit de longue date une possibilité d’appel. En tout état de cause, la Cour de cassation est automatiquement saisie pour vérifier la légalité de la procédure. Le système judiciaire offre donc des garanties bien supérieures à celles des juridictions françaises, et les erreurs y sont beaucoup moins fréquentes.

Cependant, les condamnations ont conservé une dureté particulière. Le pays applique notamment la peine de mort. Plutôt que de diminuer le quantum des peines, la République islamique a choisi d’en limiter l’application. Le pardon des victimes, ou de leurs familles, suffit à annuler l’exécution des peines. Du fait de cette disposition et de son usage massif, il n’existe pas de grâce présidentielle.

La peine capitale est souvent prononcée, mais très rarement appliquée. Le système judiciaire pose un délai d’environ cinq ans entre le prononcé du jugement et son exécution dans l’espoir que la famille de la victime accordera son pardon et que le condamné sera ainsi gracié et immédiatement libéré. Dans la pratique, les exécution concernent surtout les gros trafiquants de drogue, les terroristes et les assassins d’enfants. L’exécution est effectuée par pendaison en public.
On peut espérer que la Révolution islamique poursuivra son évolution et abolira prochainement la peine de mort.

Quoi qu’il en soit, la constitution iranienne reconnaît la séparation des pouvoirs. Le système judiciaire est indépendant et le président Ahmadinejad n’a rien à voir avec une décision de justice, quelle qu’elle soit.

Manipulations
Dans le cas Sakineh, toutes les informations diffusées par Bernard-Henry Lévy et confirmées par Nicolas Sarkozy sont fausses.
- 1. Cette dame n’a pas été jugée pour adultère, mais pour meurtre. Au demeurant, il n’est pas prononcé en Iran de condamnation pour adultère. Plutôt que d’abroger cette incrimination, la loi a stipulé des conditions d’établissement des faits qui ne peuvent être réunies. Il faut que quatre personnes en aient été témoins au même moment [3]
- 2. La République islamique ne reconnaît pas la Sharia, mais exclusivement la loi civile votée par les représentants du peuple au sein du Parlement.
- 3. Mme Mohammadi-Ashtiani a drogué son mari et l’a fait tuer durant son sommeil par son amant, Issa Tahéri. Elle et son complice ont été jugés en première et seconde instance. Les «amants diaboliques» ont été condamnés à mort en première et seconde instance. La Cour n’a pas établi de discrimination selon le sexe des accusés. Il est à noter que, dans l’acte d’accusation, le relation intime des meurtriers n’est pas évoquée, précisément parce qu’elle n’est pas prouvable en droit iranien, même si elle est rapportée comme certaine par des proches.
- 4. Le peine de mort est susceptible d’être exécutée par pendaison. La lapidation, qui était en vigueur sous le régime du Shah, et encore quelques années après son renversement, a été abolie par la Révolution islamique. Indigné par les assertions de Bernard-Henry Lévy et Nicolas Sarkozy, le vice-président du Conseil iranien de la magistrature a déclaré à Dieudonné M’bala M’bala qu’il mettait au défi ces personnalités sionistes de trouver un texte de loi iranien contemporain qui prévoit la lapidation.
- 5. Le jugement est actuellement examiné par la Cour de cassation qui doit vérifier la régularité de chaque détail de la procédure. Si celle-ci n’a pas été scrupuleusement respectée, le jugement sera annulé. Cette procédure d’examen est suspensive. Le jugement n’étant pas encore définitif, la prévenue bénéficie toujours de la présomption d’innocence et il n’a jamais été question de l’exécuter à la fin du Ramadan.
- 6. Me Javid Houstan Kian, qui est présenté comme l’avocat de Mme Mohammadi-Ashtiani, est un imposteur. Il est lié au fils de la prévenue, mais n’a jamais eu de mandat de cette dame et n’a jamais eu de contact avec elle. Il est membre des Moujahidines du Peuple, une organisation terroriste protégée par Israel et les néconservateurs [4].
- 7. Le fils de la prévenue vit normalement à Tabriz. Il peut s’exprimer sans entraves et téléphone fréquemment à M. Lévy pour maudire son pays, ce qui illustre le caractère libre et démocratique de son gouvernement.

En définitive, rien, absolument rien de la version Lévy-Sarkozy de l’histoire de Mme Sakineh Mohammadi-Ashtiani, n’est vrai. Peut-être Bernard-Henry Lévy a t-il relayé de bonne foi des imputations fausses qui servaient sa croisade anti-iranienne. Le président Nicolas Sarkozy ne peut invoquer quant à lui la négligence. Le service diplomatique français, le plus prestigieux du monde, lui a certainement adressé tous les rapports utiles. C’est donc délibérément qu’il a menti à l’opinion publique française, probablement pour justifier a posteriori les sanctions drastiques prises contre l’Iran au détriment notamment de l’économie française, pourtant déjà gravement blessée par sa politique.

Thierry Meyssan
Analyste politique français
Président-fondateur du Réseau Voltaire et de la conférence Axis for Peace.
16.09.10


Notes:
[1] Voir notre dossier Bernard-Henry Lévy, Réseau Voltaire
2] Discours à la conférence annuelle des ambassadeurs de France, par Nicolas Sarkozy, Réseau Voltaire, 25 août 2010.
[3] Sur le même type de désinformation, on lira Pour diaboliser l’Iran, «Rue 89» confond crimes pédophiles et homosexualité, Réseau Voltaire, 13 juillet 2007.
[4] Voir notre dossier Les Mujahedin-e Khalq, Réseau Voltaire.

Source: voltairenet.org