mardi 30 novembre 2010

Palestine-Israël: "Le processus de paix n'existe pas"




A l'occasion de son récent passage à Luxembourg, un entretien avec une figure incontournable du mouvement pour la paix en Israël, Michel Warschawski.



- Tageblatt: Actuellement, les discussions au Proche-Orient portent essentiellement sur la question de la colonisation. Pourquoi est-ce qu’Israël se montre si réticent par rapport à un nouveau moratoire sur la colonisation, alors que cela empêche la reprise du dialogue de paix et que cela nuit à l’image d’Israël?
- Michel Warschawski: Parce que l’objectif de ce gouvernement est une politique de colonisation, ce n’est pas un aspect secondaire. L’objectif à long terme est celui d’étendre les frontières d’Israël en colonisant, parce que le ’Grand Israël’ se fait sur le terrain. Il y a un processus de colonisation, mais il n’y a pas de processus de paix. Le processus de paix est totalement virtuel, il n’existe pas. Au moins nous avons la chance d’avoir un gouvernement qui dit ouvertement qu’il n’est pas intéressé par le processus de paix, parce que celui-ci risque précisément d’entraver la colonisation, qui est le fondement même de la politique israélienne des 20 dernières années et pour les années à vernir, à moins qu’on ne l’arrête.

- T: Est-ce que cette politique est vraiment dans l’intérêt des Israéliens?
- M.W: Toute politique qui ne favorise pas l’intégration dans la région et qui ne vise pas à l’acception d’Israël dans le monde arabe est nuisible à long terme. A court terme on n’en paie pas le prix. Cela explique précisément l’état déplorable du mouvement de la paix en Israël. Israël est en sécurité, aucun Etat arabe ne menace Israël. Il n’y a pas eu d’attentat depuis des années. Il y a aussi la prospérité malgré la crise économique mondiale. Israël est un pays riche. Les critères économiques sont au-dessus de la moyenne européenne. A côté de la sécurité et de la prospérité, le troisième facteur qui pourrait faire pression, serait un isolement international, mais on n’y est pas. Même si l’opinion publique européenne est largement scandalisée depuis la guerre de Gaza, au niveau de la politique européenne, on est en train de rehausser le statut d’Israël à l’UE et non pas de prendre des sanctions qui pourraient freiner les velléités colonisatrices.

- T: L’élection du président américain Barack Obama a suscité beaucoup d’espoir. Est-ce que vous pensez qu’il y a eu un vrai changement?
- M.W: Non. On y a cru. Moi personnellement, j’y ai cru. Obama a une autre politique telle qu’il l'a définie dans le discours du Caire. Il a dit que la clé de la stabilité au Proche-Orient, c’est la question palestinienne et la question de la colonisation. Mais il s’est heurté à une fin de non-recevoir israélienne. Obama a compris que cette politique ne se ferait pas dans la douceur. Pour obliger ce gouvernement (israélien) à s’adapter à ce que les Américains considèrent comme leur intérêt, il faudrait exercer une pression forte. Donc, Obama a tout de suite fait marche arrière. Il n’a pas été prêt à entrer dans une partie de bras de fer qui aurait affaibli Israël, car un tel affaiblissement n’est pas dans l’intérêt des USA.

- T: Les Palestiniens évoquent désormais la possibilité de proclamer un Etat de façon unilatérale. Une telle action, pourrait-elle faire avancer les choses?
- M.W: Il faut secouer Israël. La société israélienne est tellement sûre de soi. On ne peut pas continuer comme le fait de façon un peu pathétique Obama en comptant sur un processus de paix qui n’existe pas. Donc, c’est une meilleure méthode de prendre des mesures unilatérales côté palestinien. Y compris de s’adresser aux instances juridiques internationales.

-T: Le gouvernement israélien actuel regroupe la droite de Benjamin Netanyahu, l’extrême droite d’Avigdor Lieberman et les travaillistes. Le principal parti d’opposition, Kadima, est également de droite. Existe-t-il encore une gauche israélienne?
- M.W: Non. Le centre-gauche au parlement a été laminé. Il n’existe plus comme force politique. J’inclus totalement Ehud Barak (le leader des travaillistes) dans la droite. Le parlement israélien est désormais divisé entre la droite et l’extrême droite. La gauche et le centre-gauche, le Meretz par exemple, paient le prix de leur politique. Ils ont soutenu le massacre de Gaza, ils ont perdu leur âme et surtout ils ont raté l’occasion de se présenter comme une alternative. Quant au parti Kadima de Tzipi Livni, il est inexistant. Malgré une représentation parlementaire importante, il est tiraillé par les divergences politiques internes. Donc, il n’y a pas d’opposition. Le mouvement de la paix lui-même s’est suicidé en l’an 2000 et il ne s’en est pas remis. Il reste ceux qui combattent sur la base de valeurs contre la guerre, mais c’est une petite minorité qui ne peut pas avoir d’impact sur les décisions politiques.

- T: Une minorité continue à s’engager. Dans quel climat se déroule leur engagement aujourd’hui en Israël?
- M.W: L’atmosphère a radicalement changé au cours des trois dernières années. J’ai rarement utilisé le mot de fascisme, mais il y a aujourd’hui, et beaucoup de commentateurs politiques le disent, une véritable fascisation, une remise en question d’une certaine conception démocratique. Il y a surtout une atmosphère brutale. La répression est sélective, elle vise la minorité arabe, dans le but de terroriser tous les autres. Désormais, je vois des gens qui ont peur de parler dans la rue, alors que les Israéliens sont des gueulards qui parlent fort. Tout d’un coup, les gens se sentent agressés, même si c’est plus une atmosphère que de véritables attaques.

- T: La minorité arabe représente environ 20 pour cent de la population israélienne. Quelle place lui accorde la société israélienne?
- M.W: Le message adressé systématiquement à la population palestinienne en Israël c’est: ’vous n’êtes pas une minorité dans une majorité, vous êtes une minorité tolérée’. Le discours d’expulsion, les projets d’un Lieberman concernant un échange de territoires (entre Israël et les Palestiniens) terrorise la population arabe. Les Arabes israéliens ont connu 20 ans d’ouverture, de démocratisation relative, de liberté publique réelle, pas d’égalité, mais de moins d’inégalité. Tout cela est fini. Le message actuel est: ’la fête est finie’. Le résultat est qu’il y a un certain recul de la mobilisation. J’ai récemment vu un de mes amis, un député arabe, et il m’a dit que même au parlement, il rase les murs. Dès qu’il commence à parler, il est hué. On ne fait même plus semblant de jouer le jeu de la démocratie. Il y a une véritable chape de plomb qui se met en place.

- T: Est-ce qu’Israël est un Etat démocratique?

- M.W: La constitution israélienne, enfin la constitution de fait parce qu’il n’y en a pas, n’a jamais considéré Israël comme un Etat démocratique, mais comme un Etat juif et démocratique. C’est évidemment une contradiction dans les termes. Par contre, Israël a amélioré son comportement par rapport à la minorité arabe dans les années 80/90. Mais la libéralisation a été enterrée par Barak en octobre 2000. Depuis c’est la régression.

- T: Depuis l’incident de la flottille de Gaza, la Turquie a changé son attitude face à Israël. Aujourd’hui Ankara critique fortement Israël. Comment réagit-on en Israël?
- M.W: On est en train de vivre un tournant dramatique stratégique dans la région. Et je suis terrorisé non pas par ce qui se passe, mais par l’aveuglement de nos dirigeants.
Le premier ministre turc a fait une déclaration il y a quelques jours, en disant qu’Israël est un danger stratégique pour la Turquie, alors qu’auparavant c’était l’allié numéro un. J’aurais appelé à une réunion d’urgence de nuit du cabinet des ministres. Le gouvernement israélien n’a pas réagi. Comme ami des Palestiniens je suis content, mais parfois cette irresponsabilité des dirigeants me fait peur. C’est quand même le pays où vivent mes enfants. C’est comme si le capitaine était complètement ivre.

- T: Le Liban est sur la voie de la réconciliation nationale. Dans le gouvernement libanais se trouvent désormais des membres du Hezbollah. Comment voyez-vous l’avenir des relations d’Israël avec le Liban?
M.W: Je vois une guerre contre le Liban comme la plus vraisemblable des prochaines aventures militaires israéliennes. Pour deux raison: chaque fois que le Liban entre dans un processus de stabilisation, d’union nationale, on s’énerve à Tel Aviv.
Plus généralement, le discours agressif vis-à-vis de l’Iran ne se terminera pas avec une attaque contre l’Iran, parce que le gouvernement israélien est courageux, mais pas téméraire. Par contre, il pourrait attaquer l’Iran par le biais du Liban.

Michelle Cloos
Interview pour le „Tageblatt“ - Luxembourg
24.11.10

lundi 29 novembre 2010

"C'est en s'engageant qu'on devient un Homme"


Un homme, remarquable à bien des égards. Dont on regrette que l'exemplarité ne semble pas inspirer beaucoup de nos dirigeants... (ndlr)


- Stéphane Hessel, la France commémore cette semaine le 40è anniversaire de la mort du général de Gaulle, que vous avez rejoint à Londres en 1941, et que vous avez bien connu. Dans son discours, prononcé mardi 9 novembre à Colombey-les-Deux-Eglises, Nicolas Sarkozy évoque un certain nombre de principes qu'il considère comme étant les valeurs héritées du gaullisme, et notamment le devoir de «chercher sous la diversité française l'unité profonde de la Nation». Dans le contexte actuel, cette phrase ne nous interroge-t-elle pas?
- C'est tout le problème de l'accueil de l'étranger en France. Il y a les belles paroles, où l'on retrouve l'universalité des valeurs françaises. Si l'on entend par là l'universalité que l'on doit imposer, de certaines valeurs de la France profonde, de la France des vingt siècles des rois qui ont fait la nation, qui n'a rien à voir avec ce qu'apportent les Italiens, les Espagnols, les Maghrébins ou les Africains, alors c'est évidemment une absurdité. Il n'y a pas une France profonde, qui surgirait à l'encontre des apports nombreux. La France est le résultat de ces apports nombreux. Sa qualité de terre d'accueil me paraît tout à fait nécessaire. Je suis donc un ennemi juré de MM. Hortefeux et Besson, dont j'estime qu'ils ont fait de ce ministère de l'immigration, de l'identité nationale, une machine pour se permettre d'expulser à tour de bras, des gens qui; soi-disant, ne correspondent pas à ce que devrait être l'identité française.
On peut être un pays intelligent, qui profite de l'attrait qu'il exerce sur d'autres peuples, et qui profite par là de l'apport d'autres cultures. Il y a deux manières de concevoir l'immigration. L'une est la crainte sécuritaire: ils viennent, ils sont clandestins, ils vont devenir délinquants, il faut les mettre à la porte. L'autre: ils viennent, ils ont des problèmes d'adaptation, il faut en tenir compte, il faut leur donner une place honorable dans notre société, dont ils peuvent être des facteurs de progrès. 

- Sur un plan plus personnel, comment avez-vous réagi à la sortie agressive de Pierre-André Taguieff à votre endroit?
- Je connaissais cet homme, je sais que c'est quelqu'un de très, disons, juif israélien profondément sioniste, et je n'ai pas été surpris qu'il prenne position contre moi. Il l'a fait d'une manière totalement discourtoise, en parlant d'un serpent dont il faudrait écraser la tête. J'aurais préféré qu'on en reste-là. Mais, comme il ne m'attaquait pas seulement moi mais aussi tous ceux qui, comme moi, défendent l'idée qu'il faut boycotter les produits des colonies israéliennes en Cisjordanie, et que ces gens risquent d'avoir des ennuis avec la justice française, j'ai encouragé la rédaction d'un appel, en mon nom et celui d'un certain nombre d'autres personnes, dans lequel nous disons: «Cette attaque est absurde, Stéphane Hessel est un ami d'Israël, et pas du tout un antisémite, il défend les thèses des Nations unies, etc.» (Mediapart a publié ce texte que vous pouvez retrouver ici: http://forumdesdemocrates.over-blog.com/ext/http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/111010/non-aux-poursuites-contre-les-militants-bds).

Il y a eu dans Le Monde un papier, avec des signatures comme celle de Bernard-Henri Lévy, qui a mis en question la notion de boycottage de produits israéliens, en confondant un peu produits des colonies et produits d'Israël même, et en disant que ce n'était pas une bonne façon de poser le problème, ce que l'on comprend. Ils ont fait allusion à ma position, qui serait une défense de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Face à cela, un certain nombre de mes camarades ambassadeurs ont décidé de porter une réplique au Monde, qui va peut-être paraître. Personnellement, tout cela me paraît complètement absurde. Je n'ai aucun amour-propre. Qu'on m'attaque, pourquoi pas? Mais avec un minimum de courtoisie tout de même.

- Quelle est précisément votre position? Accordez-vous un soutien total à la campagne BDS?
- Non. Enfin... la campagne de BDS est duelle: il y a ceux qui disent qu'il faut boycotter les produits israéliens en général et ceux qui poussent à boycotter les produits des colonies, qui sont illégales. Je me range dans cette seconde catégorie. Mais lorsque des gens qui sont dans la première catégorie sont traînés devant la justice pour antisémitisme, je dis: «Attention. Ce n'est pas de l'antisémitisme de dire qu'il y a un pays qui se conduit mal et dont il faut boycotter les produits.» Je me porte défenseur vis-à-vis de la justice française. Je lui dis: «Vous n'avez pas à juger des gens qui prennent des positions politiques qui ne sont pas du racisme ou de l'antisémitisme, mais qui sont des positions plus ou moins fermes sur le Droit international.»

- Il a été question d'une plainte contre vous pour antisémitisme. Où en est-on?
- Elle n'a jamais vu le jour. Ce n'était pas tant une plainte pour antisémitisme que pour mon soutien à la campagne BDS. Il y a un procès qui doit se tenir à Mulhouse sur ce sujet dans quelques jours et j'apporte mon soutien à ceux qui dans ce procès défendent les partisans de BDS. Voilà où l'on en est. Y aura-t-il à un moment donné quelqu'un qui aura le «courage» de m'assigner devant un tribunal pour antisémitisme militant, ou négation de la Shoah? Évidemment, c'est absurde, d'autant que des membres de ma famille en sont morts, et que j'ai moi-même été déporté. M'attaquer là-dessus ne correspond à rien.

- D'où vous vient cet engagement pour la population palestinienne?
- À l'origine, ce sont des Israéliens, parmi les plus dissidents, qui se sont adressés à la diaspora (mon père était juif) nous considérant comme des juifs qui doivent, nous disaient-ils, se rendre compte de ce que devient l'Etat auquel ils ont donné leur appui quand il a été créé: «Vous devriez venir voir où les gouvernements israéliens successifs nous ont menés.» J'ai répondu à cet appel. J'ai été une première fois là-bas dans les années 1990. J'y suis retourné à plusieurs reprises et j'ai effectivement constaté à quel point la cause palestinienne était mal défendue, et la cause israélienne libre d'agir dans l'impunité complète. Comme je suis plutôt un homme du Droit international, j'ai voulu faire valoir que nous, les membres des Nations-unies, avions des obligations à l'égard du peuple palestinien, et j'ai commencé à défendre l'idée que laisser la politique israélienne impunie était contraire au Droit international. C'est une démarche relativement récente car il y a encore vingt ans, je m'occupais peu du problème palestinien. Mais depuis la fin des années 1990, j'y suis allé au moins six fois, et j'ai constaté que l'on comprenait certaines choses quand on était sur place. C'est seulement sur place que l'on peut comprendre comment les politiques israéliennes successives ont été néfastes pour les Palestiniens, contraires au Droit international, et à terme, contraires à l'intérêt bien compris de la population israélienne, qui ne peut espérer une véritable sécurité s'il n'y a pas enfin un Etat palestinien avec lequel elle peut avoir des relations de voisinage.

- Un dossier sur lequel la presse française est particulièrement silencieuse et pour lequel vous avez pris fait et cause, c'est celui du franco-palestinien Salah Hamouri, reconnu coupable de tentative de meurtre et condamné à la prison en Israël...
- Salah Hamouri a plaidé coupable alors qu'il était innocent. Je me suis manifesté à plusieurs reprises, j'ai écrit à Kouchner en lui disant: «Qu'est-ce que vous faites pour la libération de Hamouri, vous qui avez des amis israéliens, obtenez donc cela.» La réponse de Kouchner a toujours été de dire: «Qu'est-ce que vous voulez, il a plaidé coupable...» Donc vraiment là, je trouve que l'officialité française a été nulle. (Inculpé en 2005 pour avoir projeté de tuer le rabbin Ovadia Yossef, Salah Hamouri n’a cessé de proclamer son innocence, avant d’accepter finalement de plaider coupable après trois ans de détention administrative. Il a été condamné par le tribunal militaire israélien à une peine de sept ans de prison, qu'il purge actuellement à la prison de Guilboa.)

Alors que vis-à-vis de Guilad Shalit, qui est un problème similaire, mais de l'autre côté, on s'est beaucoup manifestés, sans obtenir de résultats d'ailleurs. Quand nous étions il y a dix jours à Gaza, la première chose que nous avons demandé à Ismail Haniyeh, c'est de pouvoir voir Guilad Shalit, en lui disant: «Montrez-le-nous, au moins, même si vous ne voulez pas le libérer, montrez-le-nous pour que nous puissions rapporter un message en France.» La réponse a été: «Je voudrais bien mais je ne peux pas: ça ne dépend pas exclusivement de moi.» Haniyeh, que je considère plutôt comme un modéré, n'a pas la main sur le Djihad islamique et d'autres factions, qui détiennent Shalit, et qui n'ont l'intention, ni de le lâcher, ni de le faire voir.

- Vous vous étiez déjà rendu à Gaza en juin 2009, cinq mois après l'opération Plomb durci...
- J'avais d'ailleurs pu constater que les éléments présents dans les rapports Goldstone étaient tout à fait véridiques. Les destructions considérables, le nombre de morts, au moins 1.400, beaucoup d'enfants traumatisés... Bref, cela a été une opération affreuse, on peut parler de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité comme le fait le rapport.

- Vous dites considérer Ismail Haniyeh comme un «modéré». Vous qui avez fait une grande partie de votre carrière dans la diplomatie, que pensez-vous du fait que lui-même et son parti, le Hamas, soient exclus des négociations de paix entamées le 2 septembre à Washington entre Israéliens et Palestiniens?
- C'est une erreur et cela m'a été confirmé par le patron de l'Unrwa (l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens), l'Irlandais John Ging, qui m'a dit: «C'est absurde de ne pas même prendre contact avec Ismail Haniyeh. Tony Blair vient à Gaza, il ne prend même pas contact avec l'homme qui dirige.» Que ce soit quelqu'un dont les thèses ne répondent pas aux nôtres, ou à celles d'Israël, bien sûr. C'est un adversaire, mais avec lequel il faut parler. Et je constate que c'est un adversaire qui cherche à retrouver le contact avec les autres Palestiniens. Ce n'est pas un obstiné, ni un radical.

- Le rapport Goldstone fait aussi mention de crimes de guerre commis par le Hamas. En outre, la presse israélienne et internationale se sont beaucoup fait l'écho ces derniers mois d'une reprise en main du Hamas, d'un climat sécuritaire très lourd pour la population de Gaza. Avez-vous ressenti cela vous-même?
- C'est la question que nous avons posée à Ismail Haniyeh: «Il y a des organisations ici qui se plaignent que vous mettiez la main sur elles, que vous les empêchiez de faire ce qu'elles ont envie de faire.» Sa réponse a été: «Non, je ne cherche pas à mettre la main dessus, et si des personnes ont cette impression, que l'on n'hésite pas à me le signaler.» C'est de la langue de bois, bien sûr. Je ne dis pas du tout que le régime de Gaza soit démocratique. Mais je dis que c'est un interlocuteur avec lequel il est possible de négocier et d'obtenir des choses.

- Quelques jours avant de partir à Gaza, vous étiez à Buchenwald, où vous avez été déporté au cours du second conflit mondial. Pourquoi y retourner, quand ce souvenir doit être particulièrement éprouvant pour vous?
- D'une part, j'ai une espèce d'attachement au souvenir de ce camp, et j'y suis retourné plusieurs fois pour des manifestations, cinquantième, soixantième anniversaire. Cette fois-ci, c'était tout à fait autre chose, et cela m'a particulièrement ému. J'étais arrivé à Buchenwald avec un groupe de 36 camarades, dont 30 ont été soit pendus, soit fusillés. Et l'organisation britannique SOI qui faisait un travail de résistance en France a décidé d'apposer au crématorium de Buchenwald une plaque avec les noms de ces 30 camarades qui ont été exécutés, les uns au croc de boucherie, les autres fusillés. Ils m'ont dit : «Vous êtes le dernier survivant de tout cela. Voulez-vous venir assister à cette cérémonie?» J'ai répondu que naturellement je serais là, que c'était mon devoir, et même de parler, pour les descendants de ces 30 camarades, dont plusieurs étaient présents eux aussi, et de leur dire comment cela s'était passé, quels avaient été les derniers jours que nous avions passé ensemble.

- Dans quelle mesure, et de quelle manière, le souvenir de cette période existe encore en vous, soixante-six années plus tard, alors que vous donnez la sensation d'avoir vécu tant de vies?
- Dès ma sortie de la Seconde Guerre mondiale, y compris Buchenwald et Dora, j'en ai tiré des conclusions sur le plan moral et psychologique. Je me suis dit: «Quand on a eu la chance de survivre à cela, et que l'on peut témoigner des horreurs qu'a été le nazisme, il faut s'engager.» Et je l'ai fait très vite, au sein des Nations-unies, qui m'apparaissaient comme la meilleure réponse à ce qu'avait été la Seconde Guerre mondiale. Par conséquent, je garde une sorte de responsabilité, quand on parle de cette période, je suis heureux d'être là pour dire: «Voilà pourquoi c'était horrible, pourquoi il ne faut pas que cela recommence.» Des choses banales, mais qui font partie de ma personnalité. Je suis le survivant des camps, de même que l'un des participants à la rédaction de cette Déclaration universelle qui a été la réponse internationale à ce que nous avions vécu. Voilà comment je considère mon engagement. Je suis un sartrien, je considère qu'il a raison quand il dit que l'on devient un homme en s'engageant, on peut ajouter: «en s'indignant», d'où le titre de la petite brochure qui paraît ces jours-ci. C'est un peu ce passage dans les camps qui a renforcé en moi ce désir de manifester.

- Dans cette brochure, "Indignez-vous", vous appelez notamment à une «insurrection pacifique». De quoi s'agit-il?
- Je cite ce que font des Palestiniens dans un village qui se situe tout près du fameux mur construit par Israël en terre palestinienne, qui en sont donc les victimes et qui, pour protester, organisent tous les vendredis une marche qu'ils veulent pacifique, puisqu'ils interdisent aux gosses de lancer des pierres. En général, ils sont accueillis par des soldats israéliens, qui n'hésitent pas à envoyer des gaz lacrymogènes, ou même des balles en caoutchouc. C'est ce que j'appelle l'insurrection pacifique. C'est cela que les Israéliens ont eu le culot d'appeler «terrorisme non-violent», comme si on pouvait être non-violent et terroriste. Toute violence appelant une violence en retour, celle-ci n'est jamais une bonne manière de résoudre un problème.

- L'un des secrets de votre vivacité intellectuelle est, paraît-il, votre goût pour la poésie. Vous vous astreignez, dit-on, à apprendre au moins un poème par jour.
- C'est un peu excessif. Mon vrai plaisir, c'est de réciter de la poésie. Pour m'endormir, je me récite parfois à moi-même quelque poème. Quand je m'ennuie, je m'en récite un autre, et je suis heureux.

Pierre Puchot
11.11.10
Source: mediapart

dimanche 28 novembre 2010

Du retour de la guillotine en France




Le degré de civilisation d'une société se mesure à la manière dont elle traite ses prisonniers



C’est un fait tristement récurrent: les suicides en prison font chaque année en France à peu près cinq fois plus de morts que n’en a fait l’usage de la guillotine du temps de la Vème République. Et, en cette fin du mois de novembre, force est de constater que l’année 2010 ne fera pas exception.

Si le «rasoir national» a fait couler autant d’encre que de sang en son temps, le chapitre de la peine de mort, touchant à sa fin sous l’action de Robert Badinter, alors garde des Sceaux, semble définitivement clos de par la consolidation constitutionnelle en date de janvier 2007, prévoyant d’inscrire l’abolition de la peine capitale dans le marbre du texte fondateur de nos institutions. Et pourtant.

Pourtant, quoique officiellement proscrit, l’usage de la guillotine que résume la capacité légale qu’a eu l’Etat français à priver un homme de sa vie, à distinguer arbitrairement parmi ses citoyens qui doit vivre de qui doit mourir, a cédé place à un mal insidieux et bien moins formel, les suicides en prison.

Car l’Etat, tant par ses silences que par ses manquements en matière de politique carcérale, se rend complice du taux affolant de suicide en milieu de détention. La guillotine d’hier a été supplée par le suicide, que l’Etat, par omission, cautionne au travers de sa passivité alourdie de lacunaires dénégations.

Les données à ce sujet sont rendues publiques: l’Hexagone est détenteur du bien peu glorieux record européen de surpopulation carcérale, expliquant pour partie cette statistique effrayante: le taux de suicide est six fois plus élevé en milieu carcéral que dans le monde libre. Quid de nos voisins européens? D’après les chiffres du Conseil de l’Europe, la France accuse de chiffres affolants: les suicides en prison sont deux fois moins nombreux en Allemagne et en Grande-Bretagne, trois fois moins en Espagne.

Régulièrement accablé par les témoignages de militants associatifs ou de proches de détenus, Paris a par ailleurs été épinglé au mois de juillet dernier par le Comité des Droits de l’Homme des Nations-unies pour les conditions de détention régissant ses prisons. Et au gouvernement, comme à l’accoutumée, de faire le dos rond.

Car si la chancellerie communique à ce sujet ponctuellement, le plus souvent en faveur de tragiques faits d’actualité, les effets d’annonce laissent place, sitôt l’étau médiatique desserré, à l’habituelle mais pernicieuse inaction.

Par l’absence d’une réelle volonté politique, l’Etat français persiste dans une logique moralement répréhensible mais politiquement peu coûteuse. Car au fond, pourquoi se soucier du suicide des détenus? Et, au-delà du suicide, des conditions de leur détention? Pourquoi donc vouloir poursuivre la folle idée d’humaniser les prisons?

Parce que le choix d’agir dans et autour de ce lieu d’exclusion qu’est la prison relève de la défense nécessaire de certaines valeurs fondamentales communes? Parce que, quel que soit l’acte qui les a conduits en prison, les détenus dont il est question demeurent des hommes? Parce que le poids de leur condamnation touche aussi leurs proches qui pourtant, eux, n’ont pas été condamnés? Parce que l’humiliation, qui empêche tout retour sur soi et donc tout changement de conduite, ne doit pas faire partie de la peine? Parce qu’il y a un "après" la prison et que celui-ci dépend beaucoup de la façon dont aura été vécu le temps d’incarcération?

S’il nous faut, à en croire Fédor Dostoïevski, prendre la mesure du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses prisonniers, que penser de la France, mère des Droits de l’Homme mais aux si nombreux orphelins?

Déjà, par une circulaire du 29 mai 1998 émise par les services de la direction pénitentiaire, était établi qu’«une politique de prévention [du suicide en prison] n’est légitime et efficace que si elle cherche, non à contraindre le détenu à ne pas mourir, mais à le restaurer dans sa dimension d’acteur et de sujet de sa vie».

Alors, oui, en réponse aux suicides, on peut toujours tenter d’humaniser les prisons. Mais parce que le plus souvent, la prison est précédée de la misère, de la précarité, de la violence subie, d’autres formes d’exclusion déjà; serait-il plus pertinent d’essayer d’humaniser la société: peut-être alors y aurait-il moins de prisonniers et donc moins d’efforts à déployer afin d’humaniser les lieux privatifs - de droits? - de liberté.

Mais coupons court à ces dangereuses divagations et retournons à la quiétude du quotidien. Jusqu’à demain.

Samuel Vasquez
25.11.10
Source: legrandsoir

samedi 27 novembre 2010

La Bolivie socialiste réforme les retraites.

Le président bolivien Evo Morales a envoyé le mardi 16 novembre au congrès, son projet de nouvelle loi sur les retraites, élaboré et approuvé avec les syndicats et a déclaré que celle-ci serait certainement adoptée par le sénat au cours des prochaines semaines.
Parallèlement aux mesures déjà acquises (comme l’abaissement de l’âge légal de départ en retraite de 65 à 58 ans) Evo Morales a annoncé mardi la nationalisation des caisses de retraites privées du pays.

Actuellement le versement des retraites est administré par deux grands groupes financiers étrangers, à savoir la banque espagnole Bilbao Vizcaya Argentaria SA (BBVA) et le groupe suisse Futuro de Zurich Financial Services SA (ZFS).
Dès 2011 ces 2 entreprises seront remplacées par une caisse nationale publique de retraites qui s’occupera d’administrer les cotisations du peuple bolivien d’un montant d’environ 3,5 milliards.

Le message du gouvernement de Evo Morales est clair: "Plus aucune entreprise ou organisme ne s’enrichira avec la gestion des caisses de retraites".

Cette nouvelle loi sur les retraites a pour principe fondamental la solidarité, et contient une série d’avancées sociales significatives pour les travailleurs boliviens: en premier lieu la création d’un fonds de solidarité destiné à améliorer le montant des retraites.

Les cotisations patronales seront augmentées de 3% contre 0,5% pour celles des travailleurs, à quoi s’ajoutera une majoration pour les Boliviens ayant des revenus 20 fois supérieurs au salaire minimum (une proposition déjà mentionnée par Jean-Luc Mélenchon et qualifiée de populiste par nos élites).

Un nouveau calcul des pensions plus favorable aux travailleurs entrera aussi en vigueur, les personnes invalides pourront désormais bénéficier d’une pension de retraite (et même d’un supplément en cas d’invalidité à 80%), de même que les travailleurs dits indépendants (eux aussi oubliés de l’actuelle législation).

La situation des femmes est également grandement améliorée, notamment avec la prise en compte des années passées à élever leurs enfants.

Les travailleurs du secteur minier ne seront pas laissés à l’abandon puisqu’ils pourront désormais partir à la retraite à 56 ans, et même 51 ans selon des critères de pénibilité. Le patronat sera amené à contribuer à hauteur de 2% à un fonds solidaire spécial pour ce secteur afin d’en améliorer les niveaux de pensions.

Le gouvernement a également annoncé que jusqu’à 5% du montant des cotisations serviront à investir dans le développement des petites et micro-entreprises, l’objectif étant que le nouvel organisme public de retraites puisse aider les entreprises qui génèrent de la production et des emplois dans le pays.

Pour finir, une anecdote des plus intéressantes, le ministre bolivien a déclaré que cette réforme des retraites était à l’avant garde en Amérique et pouvait être comparée aux systèmes de retraites en vigueur dans les pays européens.

En effet notre système de sécurité sociale est considéré comme un exemple dans les pays d’Amérique latine victimes durant des années des politiques libérales, dictées par le Fond monétaire international.
Un système pour lequel le peuple français s’est battu et qui est en train d’être mis en pièce par notre gouvernement libéral, qui vient d’entériner "sa" réforme des retraites, dont le coût est majoritairement pris en charge par les travailleurs.
Un système largement finançable pour peu que l’on sache qui doit contribuer le plus et dont le déficit - mis en lumière par nos politiques et les grands médias - est imputable aux gouvernements de droite qui n’ont eu de cesse d’appauvrir l’Etat par des privatisations massives (sans oublier la non remise en cause et la poursuite partielle de ces privatisations par les socialistes).

La Bolivie et son président Evo Morales donnent au mot progressisme toute sa signification à travers la promulgation de lois comme celle dont nous venons de parler.
Alors bien entendu, comme lors de l’annonce de l’abaissement de l’âge légal de 65 à 58 ans, nous entendrons dire que comparer la Bolivie et la France est totalement ridicule, que l’espérance de vie des deux pays est énorme, etc..

Je le répète, comme je l’avais déjà mentionné dans mon précédent article sur la Bolivie, il ne s’agit en aucune sorte d’une comparaison.
En revanche le chemin que prend la Bolivie depuis l’élection de Evo Morales en 2005 semble être un exemple à suivre: celui de la souveraineté nationale face à l’impérialisme américain, de la souveraineté populaire, de la redistribution des richesses produites dans le pays, de la socialisation des moyens de production stratégique, du bien être de la population et du respect de l’humain.
Alors remettons-en une couche: "Sarkozy plus que jamais n’est pas Morales et nous le regrettons de toutes nos forces" .

Cette révolution bolivienne (n’en déplaise aux puristes, c’en est bien une) - tout comme celles menées au Vénézuela et en Equateur - doit nous amener à réfléchir sur un certain nombre d’éléments liés au combat pour le progrès social: une révolution par les urnes est possible, faut t-il encore que celle ci soit portée par un large mouvement uni et dépassant ses vieilles querelles historiques.

Nos camarades sud-américains l’ont fait, il serait hypocrite et malhonnête intellectuellement de les soutenir dans leur combat tout en refusant chez nous, une union de la gauche de transformation sociale.

En attendant que l’union sociale et politique de type sud-américaine ne se concrétise ailleurs qu’en Limousin et en Languedoc-Roussillon, ne cessons jamais de rappeler que si nos pays ne peuvent être comparés de façon simpliste, l’union et la méthode de nos camarades bolivariens sont en revanche à prendre en exemple tout autant que leurs politiques sociales et économiques.

Frédéric André
22.11.10
Source: legrandsoir

vendredi 26 novembre 2010

Le Sommet de l’OTAN à Lisbonne consacre le militarisme du XXIè siècle




Le Sommet de l’OTAN au Portugal, réunissant les chefs d’Etats des 28 pays membres, a adopté «une nouvelle stratégie de défense et de sécurité» (OTAN 2020) pour cette organisation criminelle internationale. Une stratégie «pour le XXIè siècle adaptée aux nécessités et aux dangers de la nouvelle ère globale», qui consacre définitivement son rôle de bras armé de la globalisation capitaliste et de gendarme planétaire des intérêts des grandes puissances impérialistes, Etats-Unis en tête. L’occupation et la guerre en Afghanistan se poursuit avec des moyens renforcés. La prise de décision interne pour mener de nouvelles opérations et interventions militaires – sur base d’une définition de la « sécurité » pour le moins élastique - sera simplifiée pour être accélérée et de nouvelles bases militaires seront établies à travers le monde.

Du «péril rouge» à la «menace terroriste»: justifier la guerre permanente
Créée le 4 avril 1949, l’OTAN était alors une organisation politico-militaire dirigée contre l’URSS sur le sol européen. Après la chute du Mur de Berlin en novembre 1989, loin de se dissoudre, l’OTAN commence au contraire à étendre à la fois ses zones d’intervention et ses objectifs, qui vont de la défense des «approvisionnements en ressources vitales», à la lutte contre «la prolifération des armes de destruction massive» ou contre «le terrorisme». L’OTAN intègre également peu à peu les anciens pays membres du Pacte de Varsovie, l’ancien glacis défensif de l’URSS, reculant ses frontières jusqu’aux portes d’une Russie qui se sent ainsi encerclée et menacée. A partir de 1995, elle intervient directement dans le conflit en ex-Yougoslavie et le 24 mars 1998, elle déclenche une campagne de bombardements intensifs contre la Serbie, sans mandat de l’ONU.

En avril, 1999, le 50è sommet de l’OTAN adopte son premier «concept stratégique pour le XXIè siècle», qui transforme l’organisation initialement à vocation régionale en organisation militaire globale. Le 12 septembre 2001, suite aux attentats à New York, est mis en œuvre de l’Article 5 de la Charte de l’OTAN sur la «solidarité mutuelle entre Etats membres» et le 20 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU confie à l’OTAN la conduite des opérations militaires en Afghanistan, consacrant ainsi sa première opération militaire de grande ampleur «hors zone» et, cette fois-ci, sous mandat des Nations Unies.

Afghanistan: l’OTAN est le problème, pas la solution
L’Alliance s’embourbe dans un conflit qu’elle ne peut pas gagner et qui s’étend de plus en plus au Pakistan, constituant ainsi un foyer de déstabilisation permanente dans la région, justifiant ainsi en retour sa présence permanente, ce qui est bien son objectif. Mais en attendant, ce sont les populations civiles qui payent le prix fort de ce «Grand Jeu» pour le contrôle de la zone géostratégique essentielle de l’Asie Centrale et de ses ressources. Selon les Nations-Unies, depuis 2001, plus de 10.000 Afghans sont morts à cause de la guerre, dont 2.400 rien qu’en 2009. Près de 300.000 personnes ont quitté leur pays depuis 2001, la grande majorité survivant dans des camps de fortune au Pakistan. Une infime partie de ces exilés tente sa chance en Europe, où ces mêmes gouvernements qui détruisent leur pays se refusent à leur accorder le droit d’asile.

En dépit des farces électorales, c’est l’occupation militaire internationale qui permet, seule, la survie du régime du président fantoche Amid Kharzaï. L’OTAN impose ainsi à la population un régime despotique, réactionnaire et corrompu et une économie libérale de marché qui a totalement échoué à réduire la misère. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la situation humanitaire a empiré depuis que les opérations de l’OTAN ont débutées: 61% de la population souffre de malnutrition chronique, 65% n’a pas l’accès à l’eau potable. Quant au Droit des femmes, utilisé comme prétexte pour l’intervention militaire de 2001, leur situation s’est dégradée sous de nombreux aspects. Mais qui s’en soucie aujourd’hui?

L’Alliance militaire déclare mettre tout en œuvre pour reconstruire un pays... qu’elle détruit activement par ailleurs. Mais le déséquilibre entre l’effort militaire et l’aide civile est béant: depuis 2001, 140 milliards de dollars ont été dépensés pour la guerre et seulement 7 milliards pour «l’aide civile»… et 40% de cette aide est consacrée à payer des entreprises capitalistes étatsuniennes et européennes, qui ont remporté ainsi de juteux contrats. La technique est désormais bien rodée, ces entreprises «reconstruisent» ce que l’OTAN, qu’elles suivent comme des charognards, a détruit. La décision, prise au Sommet de Lisbonne, de renforcer les capacités «civiles» de l’Alliance n’a pas d’autre but que d’institutionnaliser ce partage des rôles.

Fer de lance de la prolifération nucléaire et de la course aux armements
L’OTAN possède aujourd’hui 480 missiles nucléaires déployés dans 5 pays (dont la Belgique). Malgré l’opposition des populations concernées, elle relance activement la course aux armements nucléaires entre les grandes puissances, avec la construction d’un bouclier antimissile en Pologne et en Tchéquie qui coûtera la bagatelle de près de 800 millions d’euros.

Les dépenses militaires cumulées des membres de l’Alliance s’élèvent quant à elles à plus de 1.000 milliards d’euros et, malgré la crise, ses 28 Etats membres se sont engagés à consacrer jusqu’à 2% de leur budget à leur machine de guerre. De plus, l’institutionnalisation du financement de l’OTAN implique que les budgets consacrés par les gouvernements des Etats membres à l’Alliance échappent à tout contrôle ou opposition des parlements nationaux.

L’Union Européenne complice
Tous les traités européens consacrent l’OTAN comme le cadre privilégié de la coopération militaire. Le Traité de Lisbonne affirme que l’OTAN «reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre».

Les Etats européens avalisent le déploiement du système antimissile US en Pologne et en République Tchèque ainsi que l’élargissement géographique de l’OTAN; ils acceptent que les définitions de ses missions soient toujours plus globalisées pour en faire l’instrument principal au service de la politique de domination économique, politique et militaire des USA et de leurs alliés. 25 des Etats membres de l’UE sur 27 ont envoyé des troupes en Afghanistan; plus de la moitié des soldats étrangers présents sont européens... et parmi eux 600 militaires belges et plusieurs avions de combat «humanitaires».

Revendiquer, comme le font la plupart des Partis Socialistes ou des partis Verts, la construction d’une «véritable politique de sécurité et de défense européenne», indépendante face à l’OTAN parce que cette dernière est dominée par les Etats-Unis, est donc absurde. En quoi l’impérialisme et le militarisme européens sont-ils plus «démocratiques», «humanitaires» et «acceptables»? Il ne s’agit pas de défendre un bloc impérialiste contre un autre, mais bien de mobiliser contre l’OTAN, «l’Europe de la défense» et le militarisme qu’ils incarnent l’un et l’autre à la perfection.

Assez d’argent pour la guerre!
L’OTAN, on le voit, constitue une menace tangible pour la paix. C’est un instrument de domination profondément non démocratique et hors de tout contrôle des institutions parlementaires des pays membres. En Belgique, comme l’a dénoncé la CNAPD, le gouvernement «en affaires courantes» a refusé de soumettre à la discussion parlementaire le contenu de sa note préparatoire au Sommet de Lisbonne, dont les décisions seront pourtant lourdes de conséquences. Vous avez dit, démocratie?

L’adoption du nouveau concept stratégique de l’OTAN intervient au moment où la crise du capitalisme accroît les tensions commerciales, sociales et guerrières dans le monde et la fuite en avant dans la course aux armements, pour le seul profit du complexe militaro-industriel. En 2009, 1.531 milliards de dollars ont été dépensés en armements dans le monde (+50% par rapport à 2000). Or, une infime partie de ces moyens suffirait à répondre aux besoins les plus criants. 15 milliards de dollars par an suffisent pour fournir de l’eau potable à tous les humains; 20 milliards pour éradiquer la faim et la malnutrition et 12 milliards pour éduquer tous les enfants. La folie et l’irrationalité du capitalisme s’illustrent de manière particulièrement tragique dans ces quelques chiffres. Le combat contre la guerre et l’impérialisme est indissociable de la lutte contre un système capitaliste qui engendre ces crises, cette misère et ces injustices criminelles.

La dissolution de l’OTAN est plus que jamais un objectif nécessaire. La sécurité des peuples ne peut être assurée que par des réponses politiques et sociales; elle doit se baser sur la solidarité, le respect des droits démocratiques les plus larges, sur la justice sociale et la satisfaction des besoins sociaux. Ce que le système actuel est bien incapable d’assurer - d’autant plus avec la crise et l’explosion de ses contradictions - ce pourquoi il maintient et renforce un instrument aussi nuisible que l’OTAN.

Portugal: les criminels de guerre sont accueillis à bras ouverts, les pacifistes sont refoulés
Le militarisme et les libertés démocratiques les plus élémentaires, comme le droit de se déplacer et de manifester, ne font pas bon ménage. Le gouvernement portugais l’a parfaitement démontré à Lisbonne en réprimant et en expulsant les activistes venus protester contre le Sommet de l’OTAN. Ayant provisoirement suspendu les Accords de Schengen sur la libre circulation des personnes au sein de l’UE, la police portugaise a refoulé au moins 150 activistes, dont un autobus venu de la lointaine Finlande, affrété par l’Union d’Objection de Conscience de ce pays, et un autre venu de Madrid, composé par nos camarades d’«Izquierda Anticapitalista» (Gauche anticapitaliste) dans l’Etat espagnol et par l’organisation «Ecologistas en Accion».

D’autres activistes, venus de France ou d’Italie, ont été refoulés et expulsés dès leur arrivée à l’aéroport de Lisbonne, la police ayant trouvé des tracts ou des appels contre l’OTAN dans leurs bagages... En outre, plusieurs blogs et pages Facebook appelant aux mobilisations contre l’OTAN ont été censurés.

Ataulfo Riera
 24.11.10
Source: mondialisation.ca

jeudi 25 novembre 2010

Khaled Mashal: "Notre premier objectif, c'est d'être libres"

Après avoir échappé à une tentative d’assassinat en 1997 et avoir été banni de la Jordanie en 1999, Khaled Mashal, responsable du Hamas, s’est établi Damas, où Manuela Paraipan l’a interrogé la semaine dernière sur le positionnement du Hamas concernant les négociations de paix en cours, sur la force du Hamas, sur son engagement dans la résistance et sur l’importance des principes en politique.



- Manuela Paraipan: Pourquoi un haut dirigeant du Hamas vit-il à Damas? Et qui est Khaled Mashal lorsqu’il se présente lui-même?
- Khaled Mashal: Pour ce qui est de votre première question, vous devriez demander aux Israéliens. Mais je peux répondre à la seconde.
Je suis un Palestinien, un Arabe, un Musulman et un être humain. Je suis à la recherche de la liberté et de l’autodétermination. J’ai deux objectifs dans la vie: servir Dieu tout-puissant et mon peuple.
Depuis que j’ai décidé de me mettre au service de mon peuple, je prends comme lumière pour me guider les valeurs humaines et religieuses.
Je suis l’un des fondateurs du mouvement Hamas et le modèle qui est le mien, comme pour les autres frères qui ont fondé ce mouvement, c’est de travailler pour notre peuple et de remplir nos objectifs nationaux.
Dans cette lutte, je suis prêt à payer n’importe quel prix afin de réaliser les objectifs de mon peuple et de la Oumma [communauté des Croyants].

Je suis la fusion de deux personnages: l’un plein d’humanité, qui aime ses semblables, leur veut du bien, respecte chacun et croit fermement aux valeurs de justice et d’égalité. Je ne fais aucune discrimination basée sur la race ou l’appartenance à un pays ou sur la religion.
Le second personnage, quant à lui, ne cédera jamais, quelque soit l’agresseur, et ne se rendra jamais aux occupants. Je n’ai pas peur des menaces ni d’aucune autre forme d’intimidation. J’ai «du souffle» et je suis persuadé que, avec mon peuple, nous allons finir par l’emporter sur nos ennemis.

Nous n’abandonnerons pas ce qui est notre destin face à la puissance militaire israélienne. Nous avons la capacité de tout supporter et nous avons la patience d’endurer les étapes de la résistance à venir. C’est tout cela, Khaled Mechaal.

- Si vous deviez démissionner de la position importante que vous occupez actuellement en tant que responsable du Bureau politique du Hamas, comment alors chercheriez-vous à servir votre peuple? - Ma force ne vient pas de mon poste. Ceux qui ont besoin de tirer leur force de leur statut ne sont pas de vrais leaders. Je resterai fort quelle que soit la position que j’occupe. Et le poste n’est pas un objectif en soi. Il s’agit d’une situation temporaire. C’est la volonté de mes frères dans le mouvement qui m’a conduit là où je suis aujourd’hui.

Comment pourrais-je servir mon peuple? Quoi de plus naturel pour tout dirigeant que d’être dans sa patrie? Je n’ai jamais eu le choix d’être à l’intérieur de la Palestine et le choix de la quitter. Depuis l’âge de 11 ans j’ai rejoint les centaines de milliers de mes compatriotes qui ont été expulsés de leur terre en 1967. Ma présence en dehors de la Palestine, dans la Diaspora, est l’un des symptômes du problème des réfugiés palestiniens. Il est temporaire et incontournable.

Les étapes du mouvement Hamas 
- Vous étiez avec le Hamas depuis le début. Quelles sont les étapes selon vous, que le mouvement a traversées depuis sa création?
- La phase initiale, la fondation, a été souterraine, pendant dix ans, de 1977 à 1987. J’étais l’un de ceux qui ont travaillé pour définir le projet national.
En 1987, le mouvement de l’Intifada est monté sur la scène de l’histoire. A partir de là a commencé la deuxième étape, le lancement du mouvement. Une des caractéristiques les plus importantes de cette époque a été l’impact obtenu par le Hamas, en faisant de la résistance un véritable mouvement.
Ce fut un moment de popularité croissante dans lequel nous étions en mesure de servir le peuple par le biais de nos institutions, nombreuses et variées.
Il a marqué le début d’un rapprochement avec d’autres factions palestiniennes et l’établissement de relations avec les pays arabes. Et dans le même temps, nous imposions une stature digne devant ces nations et devant la Oumma.

La phase suivante a été de 1994 à 2000, lorsque les premiers signes de l’échec des accords d’Oslo ont fini par produire la seconde Intifada. Pendant cette période, le Hamas a subi une forte pression sur sa sécurité, à la fois en Cisjordanie et à Gaza.

- Pression venant de qui?
- Des Israéliens et aussi du côté palestinien. Certains de nos cadres ont été arrêtés. D’autres dirigeants ont été assassinés. Il y avait une sorte de connivence entre des parties régionales et internationales pour que le Hamas soit affaibli, mais sans aller jusqu’à le briser. On a prétendu que nous sommes un obstacle au processus de paix. Nous ne sommes pas contre la paix. Nous sommes contre l’abandon des droits des Palestiniens et, en tant que mouvement, nous étions contre un accord sans consistance qui ne servirait pas à la protection des droits des Palestiniens.
Cela a été un moment très difficile. Nous avons eu à beaucoup de coups, mais nous sommes restés fermes et les plans pour nous contrer ont échoué.

De 2000 à 2006, il y a eu une autre phase. Cela a été une étape cruciale, mais elle a également été celle où nous avons perdu, comme martyrs, les plus importants membres de notre direction: le cheikh Yassine, le Dr Abd al Rantissi et d’autres. Ce fut une perte énorme, mais en même temps, nous avons aussi gagné du terrain - en particulier quand il est devenu clair que le projet d’Oslo et le processus de paix avaient dans la pratique, échoué.
Comme d’autres factions de la résistance à cette époque, nous étions en mesure d’offrir une alternative.

- Quel type d’alternative?
- Comme je le disais, étant donné l’échec sur le terrain de l’accord d’Oslo, nous avons offert une alternative.

- Une alternative qui signifie la résistance armée?
- C’est ce que j’allais dire: nous avons offert une alternative pratique pour notre peuple, qui est bien sûr la résistance, une résistance qui soit capable de défendre le peuple et capable d’atteindre ses objectifs. Ce qui n’a pas été accompli par Oslo a été réalisé grâce à notre résistance. Celle-ci a contraint Sharon à se retirer de Gaza et à démanteler les colonies.

Nous avons analysé puis produit un nouveau cadre politique pour le projet national palestinien, pour une redéfinition du pouvoir et du rôle de la direction, au niveau de l’Autorité palestinienne (AP) et de l’OLP. Notre rôle était-il d’assurer la sécurité pour le compte des Israéliens, ou devions-nous tendre vers un but national en faveur du peuple palestinien? Posant cette question, nous avons voulu réunir toutes les factions et participer à un nouveau programme pour l’avenir. Notre initiative a réussi à intensifier à l’intérieur de l’OLP l’appel pour une véritable réforme.

La dernière étape, qui a duré de 2006 jusqu’à aujourd’hui, a commencé avec la participation du Hamas dans le processus électoral, et son écrasante victoire qui a été une surprise pour le monde entier.

- Une surprise même pour vous?
- La victoire en tant que telle n’était pas si surprenante pour nous, mais l’ampleur du vote l’était peut-être. Au lendemain des élections les résultats ont été rejetés par les Américains, certains Palestiniens et des partis régionaux.

Le peuple palestinien a été depuis collectivement puni pour ce résultat, en l’assiégeant et en coupant son assistance. C’est la première fois dans l’histoire qu’un peuple a été autant puni pour avoir exercé son droit démocratique. Cela a conduit à un conflit interne palestinien d’une part, parce que le résultat des élections avait été ignoré, et d’autre part en raison de l’intervention étrangère en faveur d’un certain parti palestinien (le Fatah, auquel appartient Mahmoud Abbas, l'actuel président exerçant sans mandat - ndlr). Le support pour ce dernier était à la fois financier et militaire et a conduit à la division de 2007.

Nous sommes toujours bloqués à ce stade. Nous payons le prix fort pour cette division et nous sommes empêchés de nous unifier par cette intervention étrangère.
La guerre à Gaza a été jusqu’ici l’une des plus cruelles tentatives d’isoler et de chasser le Hamas.
Une caractéristique de cette période est la manipulation de la division palestinienne en utilisant les faiblesses du côté arabe et palestinien pour imposer un accord politique injuste. Ce que nous disons, c’est que, étant donné la position de l’administration américaine, tous les éléments les plus faibles [parmi les Palestiniens] sont sous pression pour que la question palestinienne soit retirée de l’ordre du jour.

Je vous ai donc présenté une introduction générale aux différentes étapes que le Hamas a connues depuis ses débuts.

La vision du Hamas
- Le fait même que le Hamas soit entré dans l’arène politique et s’engage dans des élections a certainement confirmé les limites de la résistance armée? Pouvez-vous poursuivre par la résistance?
- Nous avons confiance dans le travail politique dans tous ses aspects. Cependant, nous choisissons le type le plus approprié d’action pour chaque étape. Quand il y a occupation et que le peuple souffre de l’occupation, la réponse stratégique doit être la résistance - une ligne constante et sans faille de la résistance jusqu’à ce que l’occupation ait pris fin. Aucun occupant n’a jamais été chassé sans résistance. Lorsque nous discutons de notre participation ou non au cadre politique existant, ces options sont en parallèle à cette ligne de résistance, pas en alternative.

En 2006, nous avons décidé de prendre part aux élections, mais nous n’avons pas fait cela comme une alternative à la résistance. Participer au système politique est une question entre Palestiniens, et la résistance est une question entre les Palestiniens et l’occupant israélien. Il n’y a ici aucune contradiction.

- Quand la résistance prendra-t-elle fin?
- Lorsque l’occupation se terminera.

- Qu’est-ce que vous entendez par l’occupation?
- Le Hamas a une vision claire qui a été énoncée clairement dès le début. Le peuple palestinien a vécu en Palestine de plein droit: et nous ne parlons pas de l’histoire, ou même du Moyen-âge. Nous parlons d’il y a 60 ans. Il y a une terre appelée Palestine, qui appartient aux Palestiniens. Cette terre hébergeait des Chrétiens, des Musulmans et des Juifs, et parmi ces derniers, certains ne le nient pas. Ils vivaient en paix sous un régime palestinien et arabe.

Une question juive a éclaté à l’extérieur de la région. L’Europe voulait se débarrasser de ce problème, qu’il a ensuite exporté vers notre région. Elle a ainsi «tué deux oiseaux d’une seule pierre». Il n’y avait donc pour eux plus de «problème juif», et ils ont été en mesure d’exploiter un projet sioniste visant à voler les ressources de la région. Il est clair pour nous qu’Israël a été créé dans le cadre d’une offensive contre notre peuple. Israël a expulsé notre peuple de ses terres. Pour conclure: il s’agit d’une occupation illégale et nous considérons son existence dans la région comme illégale également.

- C’est votre position définitive?
- Oui, mais parce que le Hamas est réaliste, nous sommes parvenus à un accord entre les factions palestiniennes et les pays arabes pour accepter un Etat en Palestine établi sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem comme capitale, et l’application du droit au retour des réfugiés .

- Peut-être demandez-vous également des indemnisations pour les réfugiés?
- Non.

- Si vous étiez en mesure de participer directement aux négociations, il faudrait faire des compromis par rapport à cette position. Dans cette éventualité, vous ne seriez pas seulement représentant du Hamas en tant que groupe, mais aussi le représentant de ceux qui vous soutiennent en tant que parti politique.
- Le plus grand compromis a déjà été fait par les factions palestiniennes et les Etats arabes. Il a été d’accepter les frontières de 1967, nous laissant 20% de l’ensemble du territoire en litige.
Il n’est plus admissible que certaines puissance continuent à faire pression sur le côté palestinien pour lui demander d’autres compromis, parce qu’elles le considèrent comme le côté le plus faible.

Ce que nous avons offert a été le maximum. La pression doit être maintenant redirigée vers Israël. Il est immoral de maintenir la pression sur les Palestiniens tout simplement parce que les Américains et la communauté internationale ne font pas le poids face à M. Netanyahu.

Les partis qui négocient actuellement de nouveaux compromis n’ont aucune représentativité et leur action est sans valeur, car une solution qui ne concerne pas la nation dans son ensemble n’est pas une solution. Les réfugiés ne seront toujours pas de retour, alors qu’Israël adopte un décret pour que chaque Juif qui n’a jamais vu la terre de Palestine vienne s’y établir.

- Pourquoi les États-Unis ou quiconque d’autre devrait-il discuter directement avec le Hamas? Vous dites que vous avez gagné un soutien national à travers les élections. Mais y a-t-il autre chose que vous pouvez mettre dans le balance?
- C’est une autre erreur dans le traitement des affaires de la région. Il est symptomatique d’une mentalité erronée que l’on retrouve surtout en Occident, aux États-Unis. Ils perçoivent bien qu’ils doivent trouver un accord avec le côté le plus faible, mais la seule façon dont ils pensent y parvenir est en le contraignant à donner encore plus. En bref, ce peut être une ouverture, mais qui ne mènera pas à une solution.

La question est de répondre aux intérêts de notre peuple et, si un accord est accepté par la majorité, alors tout accord peut réussir. Le Hamas est un mouvement tout à fait capable de réussir à faire en sorte qu’un accord soit mis en œuvre, à la condition qu’il y ait une acceptation générale de celui-ci.

- Ce serait alors la raison d’engager le Hamas dans les négociations?
- Et ils le savent. Mais ils disent, laissez-nous conserver cette option pour l’avenir quand il n’y aura pas d’autre moyen, en espérant qu’ils peuvent réaliser quelque chose avec le statu quo existant. Je veux leur dire qu’ils perdent leur temps. Ils ne réussiront pas.

- Si un accord était trouvé, que ferait le Hamas? Respecteriez-vous l’accord signé?
- Nous utilisons une expression particulière pour décrire ce type d’accords - nous disons qu’ils sont mort-nés. Ils ne sont pas justes et ne peuvent pas être justifiés. Nous ne pouvons pas imposer un tel accord là où nous sommes en situation de responsabilité. Nous respectons la volonté de la majorité, la majorité réelle et non pas fictive.

- Comment pouvez-vous définir quel est la véritable majorité?
- Grâce à des référendums et des élections. Nous croyons en la démocratie et nous y sommes engagés. Nous respectons l’opinion de la majorité, même si elle diffère de la nôtre.

- Le Hamas protège la cause palestinienne. Mais d’autres organisations palestiniennes le font également ainsi que des pays arabes et musulmans. Quelle est exactement la cause palestinienne aujourd’hui et pourquoi a-t-elle besoin d’être protégée en particulier par le Hamas?
- Il est très facile de réclamer quelque chose: tout le monde peut tout réclamer. Mais il y a une revendication qui est prise en charge avec de bonnes cartes, et une autre qui consiste en un chèque en bois. C’est la différence entre le Hamas et les autres.

Solidarité avec le mouvement Hamas
- Considérez-vous que vous êtes dans une position de force vis-à-vis du Fatah et d’autres groupes palestiniens, même en plein siège?
- Nous avons tous subi des épreuves. Le Hamas souffre à Gaza et en Cisjordanie et évidemment nous l’admettons. Nous ne sommes pas une superpuissance. Néanmoins, nous représentons une volonté forte, notre organisation est solide et cohérente et nous respectons notre peuple.

Nous n’allons pas nous laisser intimider au détriment des droits de notre peuple. Le rôle qui nous est donné n’est pas celui de simplement lancer un appel. Si nous avions demandé à jouer un rôle important dans ces négociations nous aurions accepté les conditions fixées par le Quartet international. Mais nous avons refusé. Nos liens avec notre communauté, avec le monde arabe et la communauté internationale dans son ensemble sont notre force. Nous sommes désireux d’avoir un plus large soutien et aussi qu’un plus large soutien soit visible dans les efforts pour lever le siège de Gaza. Il faut aussi reconnaître ce soutien dans la solidarité internationale avec le peuple de Gaza.

Dans de telles circonstances, lorsque tout le monde souffre, nous sommes en meilleure position que jamais.

- Vous avez parlé de solidarité plus large. Qu’en est-il de la solidarité des pays arabes? Le passage de Rafah avec l’Egypte est encore fermé. Pourquoi?
- La solidarité n’est pas absolue, mais elle est large. Lorsque nous parlons des peuples arabes et musulmans, il y a une solidarité complète. Quand nous parlons des gouvernements, c’est une question de calcul. Certains nous soutiennent. Il y a aussi ceux qui ne nous aiment pas, et d’autres qui nous poignardent dans le dos.

- Et tous ceux-là viennent du monde arabe?
- Oui, je parle des Arabes.
C’est notre analyse réaliste de la situation sur le terrain. Même dans ces circonstances, et alors que l’Amérique utilise tout son pouvoir contre nous, et avec Israël contre nous, nous sommes soutenus financièrement, politiquement et spirituellement, et c’est une preuve de l’importance du Hamas au niveau de toute la région

Si l’administration américaine savait ce que nous disent de nombreux dirigeants de la région, derrière des portes closes, elle serait surprise.

- C’est en raison du Hamas que les habitants de Gaza sont punis. Pensez-vous que c’est juste? Peut-être vos principes islamiques pourraient-ils vous inviter dans ces circonstances, à dire: d’accord, nous allons prendre du recul et laisser les autres faire ce qui est le mieux pour notre peuple?
- Bonne question. Pensez-vous que notre peuple en Cisjordanie n’est pas puni? Ils sont punis par Israël et l’appareil de sécurité palestinien. Avant le Hamas, ils ont déjà été punis; avec le Hamas, ils sont encore punis, et après que le Hamas ils seront toujours punis. Le châtiment ne vient pas du Hamas, mais de l’occupant israélien, de ceux qui sont en faveur d’Israël et de ceux qui gardent le silence face aux nombreux crimes commis contre notre peuple.

Etait-ce un péché de la part du Hamas de remporter les élections? Mais tout résultat, même produit par des élections libres et justes, et qui ne convient pas aux objectifs de l’Amérique et d’Israël est saboté. Si vous cédez devant une telle logique, alors le message que vous envoyez est le mauvais.

- Quelles sont alors vos priorités?
- Notre priorité n'est pas de manger, boire, ni vivre dans le luxe, mais d'être libres. Après que cela soit respecté, nous devons commencer à construire, à nous développer et à devenir prospères.

- Vous avez parlé assez longuement des États-Unis. Mais permettez-moi de demander pourquoi est-il préférable pour le Hamas de se tenir aux côtés de la Syrie et de l’Iran? N’êtes-vous pas du côté de la Syrie et de l’Iran?
- Nous avons parlé de l’Amérique parce qu’ils portent une grande partie de la responsabilité de ce qui se passe.

- Contrairement à d’autres - Arabes ou non-Arabes?
- Il faut ici faire une distinction. D’une part vous avez un côté qui est tellement puissant et dont l’inclinaison est en faveur du délinquant. D’autre part, vous avez certains éléments du monde arabe qui n’ont pas autant de pouvoir et qui ne sont pas dans les meilleurs termes avec nous. C’est un cas différent. Ils ne font pas leur devoir, mais ce n’est pas un crime. Le véritable crime, c’est celui qui occupe la terre et celui qui soutient l’occupation qui le commettent.

Mais pour répondre à votre question précédente: réduire les alliances du Hamas uniquement à l’Iran et à la Syrie serait une approche erronée.

- Donc, il y a une alliance plus large?
- Certains pays sont des alliés, certains sont des amis, d’autres apportent un soutien public...

- Et les autres?
- Certains gouvernements nous soutiennent en privé. Nous remercions tous ceux qui nous aident, depuis la Syrie, l’Iran, la Turquie, qui assistent la Bande de Gaza, la Cisjordanie et soutiennent notre droit à l’autodétermination.

Je prends l’entière responsabilité de ce que je dis maintenant. Et je mets au défi quiconque de prouver que le soutien qu’on nous accorde est un appui conditionnel. Ce n’est pas le cas. Personne ne dicte une politique ou des décisions au Hamas.

- Vous avez des intérêts communs avec Damas et Téhéran. Que faire si demain, ces intérêts disparaissent? Qu’est-ce qui va se passer ensuite?
- Comme vous le dites - ce sont des intérêts communs - pas une simple réplique. Ces intérêts sont interdépendants et, en outre, tout ce qui nous lie représente un intérêt. Nous sommes également liés par de nombreux principes.

- Pensez-vous que des Etats peuvent se permettre d’avoir des principes?
- Sans aucun doute, un grand pourcentage de la prise de décision est une question d’intérêt; mais les principes importent aussi. Cela est naturel. La mauvaise chose est de n’avoir que de purs intérêts, sans valeur ou même au détriment de la morale. Cela devient alors rien de plus que de la cupidité.

- N’est-ce pas cela la définition de la politique?
- Je vais revenir sur ce point.
En plus de la question de l’intérêt, on se retrouve avec une proportion de ce qui nous motive qui peut se réduire ou augmenter à un moment donné; mais les principes sont là. Il est faux d’écarter les valeurs de la politique. L’une des erreurs qui ont été faites lorsqu’il s’agit de cette région est de négliger cet aspect. Les relations internationales sont pragmatiques, mais il y a cependant plus que cela.

Pour répondre directement à votre question, je vais prendre les États-Unis comme exemple. Écoutez les Américains eux-mêmes. Quel a été l’image des Etats-Unis il y a quarante ans? Leurs valeurs ont été respectées par beaucoup, et cela en dépit de leurs politiques erronées. Aujourd’hui, cette réputation s’est considérablement dégradée. Ce ne sont pas simplement mes paroles à moi. Les Américains en disent eux-mêmes autant.

- Y a-t-il un rôle pour la Roumanie dans la région en général - à part le dossier palestinien? [Manuela Paraipan est roumaine - ndt]
- Bien sûr. La Roumanie aux côtés d’autres Etats européens peut jouer un rôle indépendant de la politique des États-Unis, laquelle est un échec. Nous nous félicitons des contacts avec la Roumanie et d’un élargissement de nos relations internationales. La Roumanie peut être un canal pour communiquer avec d’autres pays européens. Le vide existant en matière de projets politiques pour la région peut être rempli par les Etats européens et d’autres. L’Europe a une relation historique avec la région et ils la connaissent mieux que tout autre. Alors que l’Amérique nous voit à travers son pouvoir, sa force, les Européens voient la région politiquement, en utilisant leur intelligence.

- Beaucoup disent que vous êtes une personne influente et que vous pouvez déclencher un conflit d’une seule main. Avez-vous vraiment cette influence?
- Ce n’est pas une question d’image stéréotypée et connue, que de provoquer un conflit ou une guerre.
Une personnalité influente doit faire de son mieux pour travailler pour la paix, en mettant l’accent sur les principes impliqués, la protection des libertés et la construction de relations équilibrées dans le monde. Il n’est pas juste de percevoir toute personne qui utilise son influence pour défendre les libertés de son peuple, comme la personne la mieux placée pour provoquer un chaos. Nous ne sommes pas des menteurs déclencheurs de guerre [allusion à Bush et Blair - ndt]. Nous ne sommes pas sortis de notre chemin en cherchant la guerre. Elle nous a été imposée. Lorsque nous résistons, ce que nous faisons c’est contribuer à établir la paix.

Je ne me soucie pas beaucoup ce qui se dit sur moi. Ce n’est pas important pour moi d’être loué par ceux-là même qui ne veulent pas des Palestiniens. Ce qui m’importe, c’est l’accomplissement des souhaits de mon peuple. Comme dit le proverbe: «Nous faisons la paix avec ceux qui veulent faire la paix avec nous, et nous résistons à ceux qui nous agressent.»
 
- Je vous remercie.
- Vous êtes la bienvenue.

Manuela Paraipan 
a reçu la bourse 2005 de la World Security Network Foundation.
Elle vit à Bucarest et travaille comme analyste indépendante de politique étrangère.
07.11.10
Source: http://www.qassam.ps/interview-3733...
Traduction: Abd Al-Rahim

mercredi 24 novembre 2010

Campagne des étudiants palestiniens pour le boycott universitaire d’Israël (PSCABI)




Lettre ouverte des étudiants de la Bande de Gaza à l’Union des étudiants d’Europe: opposez-vous à l’apartheid et aux crimes de guerre



OPINION:
Vous n’avez pas su vous souvenir de ces moments où il n’était pas facile de se mettre du bon côté de l’histoire et de prendre position comme seuls les mouvements étudiants le peuvent.

Bande de Gaza assiégée, le 6 novembre 2010

Nous vous écrivons en tant qu’étudiants de la bande de Gaza assiégée dont l’ensemble du système d’enseignement est paralysé à cause d’un blocus israélien de quatre années et qui se poursuit. Nous sommes profondément peinés que vous ayez tenu votre conférence annuelle de cette année à Jérusalem, conférence organisée par l’Union nationale des étudiants israéliens, par le ministère israélien de la Diplomatie publique et des Affaires de la diaspora, ainsi que par le Cabinet du Premier ministre. Cela nous attriste que vous n’ayez pu être solidaires avec nous et briser le silence que nous impose l’Etat que vous avez choisi, et prendre position contre ce que le rapporteur spécial des Nations-Unies, John Dugard, décrit comme le seul cas restant après l’Afrique du Sud «de régime rattaché à l’Occident qui refuse l’autodétermination et les droits humains à un peuple en voie de développement, et qui agit ainsi depuis si longtemps» (1).

En plein siège et occupation et pendant que nous étions massacrés au début de l’année 2009, les organismes gouvernementaux et judiciaires du monde regardaient. Pendant 22 jours nous avons été frappés d’horreur, nous avons été laissés seuls face à la quatrième armée du monde, à un Etat avec plus de 400 têtes nucléaires qui a fréquemment utilisé la totalité de sa force destructrice contre notre population civile. Nous avons été confrontés aux F16, F15, F35, aux chars d’assaut Merkava, aux hélicoptères Apache, à la marine de guerre et au phosphore blanc qui brûle la chair, avec pour résultat, plus de 1400 victimes, et parmi elles, 413 enfants. Le premier jour de ce massacre, plus de 500 avions israéliens commencèrent à bombarder toute la Bande de Gaza. Il était 11h23 du matin, le moment où les étudiants quittent leurs écoles et universités, après la période d’examens du trimestre d’hiver. Selon les principales organisations des Droits de l’Homme, et notamment B’Tselem, dans la majorité, les victimes sont des enfants de moins de 18 ans.

Au cours de l’assaut, 37 établissements scolaires primaires et secondaires ont été touchés, dont 18 étaient utilisés comme abri par tous ceux qui venaient de fuir leurs maisons. L’école internationale américaine a été détruite, et quatre bâtiments de l’université islamique de Gaza (UIG) démolis (2). L’enquête Goldstone pour les Nations-unies indique que «les opérations militaires à Gaza étaient dirigées par Israël contre la population de Gaza dans son ensemble, pour servir une politique globale visant à punir la population de la Bande de Gaza, et dans une politique délibérée de la force disproportionnée dirigée contre la population civile» (3). Pourtant, aucune action n’a été engagée par la communauté internationale.

Depuis qu’il a été créé, sur les ruines des réfugiés palestiniens, Israël a violé plus de Résolutions des Nations-unies que tout autre pays, et notamment l’article 26 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme se rapportant à l’enseignement et au respect des droits humains et des libertés fondamentales. Notre droit à l’enseignement est dénié constamment, en violation de l’article 50 de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, article qui exige que tous les établissements «consacrés aux soins et à l’éducation des enfants» aient leur fonctionnement facilité par la puissance occupante.

A Gaza, depuis quatre ans, le blocus israélien interdit même les besoins les plus élémentaires pour les élèves tels que fournitures de bureau, papier, livres, cartables – les élèves n’ont souvent même pas de bougies pour les éclairer et pouvoir étudier, en raison de la pénurie organisée de l’électricité. La pauvreté qui résulte du blocus a contraint beaucoup de ceux qui aspiraient aux études à les arrêter prématurément pour travailler et aider leur famille et, sauf pour une infime minorité, poursuivre leurs études à l’étranger est à peu près impossible.

Sans parler de l’occupation impitoyable de la Cisjordanie par Israël, de l’expansion des colonies illégales réservées aux juifs, de la construction du mur illégal d’apartheid, des restrictions aux mouvements des Palestiniens et des humiliations sur les plus de 600 check-points de Cisjordanie, et de l’annexion illégale de Jérusalem, lieu de votre conférence annuelle.

Les Palestiniens de 1948, qui se virent imposer la citoyenneté israélienne, souffrent énormément des lois et politiques discriminatoires au profit des citoyens juifs d’Israël. Notre seule faute est de ne pas être de la «bonne religion». Les propos de nombreux décideurs politiques israéliens suggèrent que d’autres Palestiniens pourraient être expulsés par la violence dans le cadre du «nettoyage ethnique rampant» qui se poursuit depuis 1948.

Nous vous demandons de ne pas céder face à cette machine de propagande israélienne impitoyable qui a pour but d’absoudre Israël de ses crimes, nous vous demandons de vous joindre à l’appel palestinien aux boycotts, désinvestissements et sanctions, afin d’isoler Israël jusqu’à ce qu’il se conforme au Droit international, qu’il mette fin à son siège illégal de la Bande de Gaza, à ses 53 années d’occupation militaire de la Cisjordanie, à ses politiques discriminatoires sur fond raciste contre les un million quatre cent mille Arabes aborigènes en Israël, et à son déni du droit au retour des millions de victimes du nettoyage ethnique d’Israël (4).

L’appel palestinien au boycott universitaire d’Israël est soutenu par des universitaires et étudiants du monde entier. Des universités et collèges tels que l’université de Californie Berkeley, l’université de Michigan (Dearborne), le Hampshire College, l’université du Sussex et bien d’autres ont tous lancé des initiatives pour le boycott et le désinvestissement des sociétés qui soutiennent l’apartheid et l’occupation israéliens. Après s’être rendu en Terre sainte, l’archevêque et militant BDS, Desmond Tutu a déclaré: «Je ne me lasse jamais de parler de la détresse si profonde dans mes visites en Terre sainte; elles me rappellent tellement ce qui nous est arrivé, à nous la population noire en Afrique du Sud. J’ai vu l’humiliation des Palestiniens sur les check-points ou sur les barrages routiers, souffrant comme nous avons souffert quand les jeunes policiers blancs nous empêchaient de nous déplacer. Mon cœur se serre. Je dis, ‘Pourquoi avons-nous une si courte mémoire?’» (5).

Quand l’Union des étudiants d’Europe s’est créée en 1982, les étudiants du bureau d’information des étudiants d’Europe occidentale et leurs unions ont pris la tête de l’opposition au régime de l’apartheid raciste sud-africain. Il n’était pas question alors de négocier avec une telle oppression à fond racial, il n’y avait qu’un mot, un seul : BOYCOTT. Les gens n’ont plus cru dans la rhétorique afrikaner tout comme aujourd’hui beaucoup dans le monde ne se laissent plus prendre par la campagne pour «une nouvelle image d’Israël». Comme aujourd’hui, le soutien des gouvernements occidentaux à une oppression de plusieurs décennies avait empêché l’action de la justice par les recours habituels pour faire rendre des comptes aux violeurs des Droits de l’Homme et aux criminels de guerre.

Tout comme les étudiants au fil des années quatre-vingt ont exclu la banque Barclays de leurs campus en raison de ses investissements dans l’apartheid, nous avions espéré de votre part la même solidarité étant donné la sauvagerie sans égale et l’emprisonnement auxquels nous, Palestiniens, sommes soumis. Vous n’avez pas su vous souvenir de ces moments où il n’était pas facile de se mettre du bon côté de l’histoire et de prendre position comme seuls les mouvements étudiants le peuvent. Au lieu de cela, vous avez décidé de normaliser vos relations avec un régime d’apartheid en participant à la rencontre de l’Union des étudiants d’Europe à Jérusalem. En outre, vous avez échoué à défendre ceux que vous n’avez pas vus pendant votre séjour, ceux dont les voix sont étouffées, ceux dont les espoirs sont constamment brisés, ceux qui toujours pleurent des êtres chers. [1]

21.11.10

Notes :
[1] http://electronicintifada.net/v2/ar... 

[2] http://jordantimes.com/?news=14035 
[3] http://www2.ohchr.org/english/bodie...
[4]http://www.pacbi.org/etemplate.php?... 

[5] http://www.timeslive.co.za/world/ar...

Approuvée par :
Clare Solomon, President, University of London Union
Arfah Farooq, Black and Ethnic Officer, Goldsmiths Students’ Union
Mark Bergfeld, National Union Students, National Executive Committee
Hanif Leylabi National Union Students, LGBT Committee
James Haywood, Campaigns and Communications Officer, Goldsmiths Students’ Union
Ashok Kumar, Education Officer, LSE Students’ Union
http://www.pacbi.org/etemplate.php?...

Traduction : JPP pour l’AFPS

mardi 23 novembre 2010

Populisme: le peuple en accusation




C'est devenu un lieu commun du commentaire des politologues: dès qu'un mouvement ou un porte parole déroge aux règles du consensus, on le qualifie de populiste. Mais les mots traduisent autant l'intention de celui qui les prononce qu'ils sont le signe de ce qu'ils sont censés décrire. Marx appelle cela l'idéologie.

Du côté des choses, «populisme» ne renvoie à aucune réalité uniforme: parti du peuple américain au XIXè siècle qui voulait défendre les intérêts des petits paysans; courant russe de socialisme; expériences très diverses de gouvernements et de mouvements sociaux en Amérique latine; mode référendaire en Suisse; en France Le Pen, Tapie, Mélenchon, tous dans le même sac. Du côté de l'intention, on remarque un très net infléchissement entre l'usage péjoratif qui en est fait et son sens littéral, donné par le Larousse: «attitude politique consistant à se réclamer du peuple, de ses aspirations profondes, de sa défense contre les divers torts qui lui sont faits.»

Pour ses détracteurs, le populiste apparaît sous la figure d'un habile démagogue qui mettrait en fait en péril la démocratie. L'accusation de populisme révèle deux problèmes. En premier lieu l'émergence historique de mouvements populistes marque une crise de la représentation politique traditionnelle qui ne sait plus répondre aux attentes du peuple. En second lieu, l'accusation de populisme masque l'idée que l'appel à une forme plus directe ou plus impliquée du peuple reste fondamentalement illégitime, car le peuple serait comme par nature incapable de se gouverner lui-même.

On voit ici l'enjeu de ce débat: il s'agit ni plus ni moins de la légitimité et de la validité des revendications populaires elles-mêmes! Accuser de populisme, c'est travestir le principe même de la démocratie, proclamé par notre constitution. Il ne s'agit plus du «gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple», mais du gouvernement du peuple par ceux-là seuls qui savent ce qui est bon pour lui. Le terme populisme constitue en effet l'un des pôles d'une triade dont les autres éléments se nomment élitisme et démocratie. Débat ancien, qui commence par la difficile reconnaissance du peuple comme acteur politique, se prolonge dans la définition des formes sociales et institutionnelles par lesquelles il se pourra se représenter. Il s'agit bien de définir le champ de la souveraineté populaire.

                                                         *     *

Le populisme: disparité des expériences, unité de symptôme
Dans la tradition de la pensée politique, parler du peuple ne va pas de soi. Déjà la pensée greco-romaine pensait le peuple sous plusieurs figures. Si l’on parle de démocratie c’est aussi parce que pour les Grecs, le peuple se dit tout à la fois demos que pléthos: la foule, la populace. On peut se réclamer des classes populaires par opposition avec les élites ou les dominants et leur pouvoir oligarchique; on peut faire du peuple une fiction qui refuse la distinction de classes pour créer un unité mythique derrière un chef, une patrie ou une histoire.

Chaque populisme renvoie donc à une vision différente du peuple. Si l'on qualifie parfois Chavez de populiste, c'est précisément parce qu'il en appelle au peuple pour que ce dernier s'approprie les enjeux politiques: c'est ici le demos en action. En revanche, les replis identitaires de Jörg Haider eux n'en appellent pas à un peuple en mouvement, mais à une idée figée, le genos. Le Pen et Berlusconi font mine de nier les différences de classes et d'en appeler à un peuple ethnique, alors que tout leur programme social est un programme de dérégulation, eux-mêmes appartenant aux classes favorisées.

Par delà la grande diversité des expériences historiques, il y a cependant un point commun à tous les usages du terme populisme. Son apparition est toujours le signe d'une crise profonde de la représentativité. Il faut interroger ce qui, sous couvert d'une défiance des élites masque peut-être une défiance du peuple.

Élitisme et haine du peuple
Dès son origine, la démocratie souffre d'un rejet, voire, comme le note Jacques Rancière dans son ouvrage du même nom, d'une Haine de la démocratie (La Fabrique). Platon refuse la démocratie dans la République. Selon lui l'homme démocratique suivrait ses penchants corporels en lieu et place de la réflexion. Pire, la démocratie ne reconnaît pas l'ordre traditionnel de l'aristocratie, car elle est fondée sur l'égalité. Égalité contre aristocratie: dès l'origine s'installe l'idée qu'en démocratie aucune compétence n'est exigée du peuple pour exercer sa souveraineté, invention grecque que salue l'historien marxiste Finley dans Démocratie antique et démocratie moderne (Payot).

La démocratie libérale se trouve aux prises à une contradiction majeure: elle se réclame du peuple, mais elle ne peut tolérer que les classes sociales populaires se mêlent de politique. Depuis les années 50, les intellectuels libéraux, comme Jones ou Lipset, encouragent l'apathie politique, l'absence d'engagement, le peuple devant se contenter de choisir entre des élites compétitives. Pour eux, un peuple investi est dangereux. Classes laborieuses, classe dangereuses. Aron, maître à penser des libéraux de tous bords, affirme aussi que «génétiquement» seule une «minorité» de la population est capable politiquement. Autrefois on justifiait le suffrage censitaire ou l'aristocratie de sang. Aujourd'hui, une oligarchie recrutée dans les mêmes grandes écoles, formée par une pensée unique en économie, s'auto-proclame digne des suffrages.

Démocratie et participation populaire
À l'encontre des libéraux, Rousseau, penseur du peuple à plus d'un titre, permet une première réponse à l'idée que le peuple ne saurait se gouverner lui-même. Certes, une démocratie directe sans médiation est impossible car il faut bien produire les lois. Toutefois le critère de compétence préalable du peuple ne se pose pas: le peuple découvre sa compétence dans le travail politique par lequel il s'agit de faire émerger la volonté générale. Je pars de mes intérêts privés, mais en pensant la loi sous la forme d'une généralité, je passe par un moment de réflexion qui me fait sortir de l'égocentrisme pour penser l'intérêt général. La révolution française a voulu mettre en œuvre ce principe.

Aujourd'hui le peuple doit retrouver sa souveraineté, qui lui est ôtée par un système qui peu à peu, dans la logique libérale, entend le convoquer à intervalles très espacées pour lui demander de se prononcer parmi un choix d'élites auto-constituées. Ainsi, être populiste en bon sens, c'est faire le pari que le peuple ne doit pas être écarté des décisions, à condition qu'on lui donne les moyens d'y réfléchir. Les mobilisations sociales sont d'importants moments de prise de conscience politique. D'où la révolution citoyenne et la référence à la République sociale. Ce travail de ré-appropriation de l'espace public suppose un travail de médiations institutionnelles qui font que le peuple est progressivement de plus en plus intéressé à s'investir dans la politique. Le référendum sur la Poste, par exemple, n'était pas une fin en soi, mais l'occasion de reposer au plus près la question des services publics. Le résultat du vote importe tout autant que la richesse de la campagne électorale et des débats citoyens.

Il y a un corrélatif absolument nécessaire: l'éducation. Saint-Just et Condorcet en faisaient une priorité: un peuple habitué à l'esclavage doit se cultiver pour gouverner. Il ne peut y avoir d'implication populaire sans éducation populaire.

Benoit Schneckenburger
15.11.10
Source: jean-luc-melenchon.com

! ! U R G E N T : communiqué de Presse



Pour la deuxième fois consécutive, des dizaines de personnes ont manifesté devant l'ambassade espagnole à Bruxelles, le lundi 22 novembre de 12h à 13h, pour protester contre la décision du Conseil des ministres espagnols d'extrader le Belgo-Marocain Ali Aarrass vers le Maroc.

Les manifestants demandent qu'une délégation de la famille et des activistes des Droits de l'Homme soit reçue par l'ambassadeur, ce qui leur est toujours refusé jusqu'à présent.

Dès lors, une manifestation sera organisée chaque jour devant l'ambassade.

Le 20 novembre, les avocats belges et espagnols d'Ali Aarrass, Maîtres Dounia Alamat, Christophe Marchand, Zouhaier Chihaoui et Mohamed Nayim, ont introduit une requête en extrême urgence contre l'extradition d'Ali Aarrass devant la Cour européenne des Droits de l'Homme.

Amnesty International Londres publiera une nouvelle déclaration contre l'extradition d'Ali Aarrass dans les jours qui viennent.

Les autorités judiciaires espagnoles ont été très claires concernant le cas d'Ali Aarrass: ils ont classé son affaire sans suite, au motif que les différentes enquêtes menées contre lui ne permettaient en rien de l'inculper ou de l'envoyer devant un tribunal pour «activités terroristes». Ce n'est que sur base d'un mandat d'arrêt international marocain demandant son extradition qu'Ali se trouve dans une prison espagnole depuis deux ans et demi et qu'il est aujourd'hui victime d'une décision d'extradition. Les manifestants dénoncent le fait que les autorités espagnoles utilisent Ali Aarrass comme monnaie d'échange pour régler leurs conflits avec le Maroc. Ils dénoncent la violation par l'Espagne de la Déclaration européenne des Droits de l'Homme, qui interdit l'extradition vers un pays qui pratique la torture.

Les manifestants dénoncent la passivité et le silence des autorités belges. Une fois de plus celles-çi abandonnent un citoyen belge quand il s'agit d'un dossier qui concerne 'le terrorisme' et quand l'accusé belge est d'origine arabe et/ou de conviction musulmane.

Troisième journée d'action: ce mardi 23 novembre de 12h à 13h, Ambassade d'Espagne, rue de la Science, 19 à 1040 Bruxelles (métro Trône).

lundi 22 novembre 2010

Le courage du discours politique se faisant rare, autant le diffuser...



 
La baronne Tonge déclare qu’Israël est la principale cause du terrorisme planétaire

    
   
Le Pair britannique (du parti démocrate) Jenny Tonge affirme qu’Israël est la cause du terrorisme au niveau mondial et que des problèmes tels ceux du Cachemire et de la Palestine sont en train de retourner les musulmans du monde entier contre l’Occident. S’exprimant devant la commission de la défense stratégique et de la sécurité, dimanche passé, à la Chambre des Lords, à Londres, Mme Tonge a dit notamment: «Les traitements brutaux d’Israël à l’encontre des Palestiniens sont un exemple de la manière dont l’Ouest traite les musulmans, et ce mauvais traitement est la principale source du terrorisme à l’échelle mondiale».

«Même l’envoyé spécial du Quartette au Moyen-Orient, Tony Blair, a reconnu cela publiquement», a-t-elle fait observer.

La baronne Tonge a dit devant la Chambre des Lords que le comportement d’Israël à l’encontre des Palestiniens continue à bénéficier d’une totale impunité, sans doute à cause de la «culpabilité de l’Holocauste» et/ou du «pouvoir du lobby pro-israélien» au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Commentant deux conflits non résolus dans le monde musulman, Mme Tonge a dit qu’il est regrettable, pour nous tous, que des problèmes tels ceux du Cachemire et de la Palestine continuent à nous aliéner les musulmans dans le monde entier.

Elle a aussi attaqué le gouvernement britannique de coalition sur sa politique hostile à l’Iran et sur ses relations extrêmement étroites avec Israël.

Elle a notamment déclaré que «des cyniques pourraient penser que la Grande-Bretagne est en état d’alerte, prête à aider Israël à attaquer militairement l’Iran».

«Pourquoi laissons-nous perdurer cette situation? Est-ce à cause de la culpabilité à propos de l’Holocauste? Nous devons nous sentir coupables; certes, nous le devrions. Est-ce la puissance du lobby pro-israélien, dans notre pays et aux Etats-Unis?
Ou bien est-ce le besoin, peut-être, d’avoir un porte-avion appelé Israël au Moyen-Orient, à partir duquel nous pouvons lancer des attaques contre des pays comme l’Iran? Un cynique pourrait penser que c’est la raison pour laquelle nous pourrions avantageusement nous débarrasser du HMS Ark Royal et des avions de combat Harrier (dans le cadre des restrictions budgétaires britanniques qui frappent y compris la défense), dès lors que nous disposons déjà d’un
«Ark Royal» situé dans une position stratégique, armé jusqu’aux dents et prêt à livrer combat, à condition que nous ne critiquions pas Israël», a-t-elle conclu.
   
18.11.10
Source : Tehran Times
Traduction : Marcel Charbonnier pour ism-france