dimanche 31 janvier 2010

Les commémorations de l’Holocauste sont une bénédiction pour la propagande israélienne



Dès l’aube, les grosses légumes d’Israël ont attaqué sur tous les fronts. Le président en Allemagne, le premier ministre et une délégation géante en Pologne, le ministre des affaires étrangères en Hongrie, son adjoint en Slovaquie, le ministre de la culture en France, le ministre de l’information aux Nations Unies et même Ayoob Kara, Druze du parti Likud membre de la Knesset, en Italie. Ils étaient tous de sortie pour de flamboyants discours sur l’Holocauste.

Mercredi était la Journée Internationale de Commémoration de l’Holocauste, et il y a belle lurette qu’on n’avait pas vu pareille opération de relations publiques israélienne. Le moment choisi pour cet effort exceptionnel — jamais on n’a vu un tel déploiement de ministres sur toute la planète — ce n’est pas une coïncidence : alors que le monde parle de Goldstone, nous parlons de l’Holocauste, comme à l’affût d’une occasion d’en estomper l’effet. Quand le monde parlera occupation, nous parlerons Iran comme si nous voulions qu’il oublie.

Cela ne servira pas à grand chose. La Journée Internationale de Commémoration de l’Holocauste passée, les discours seront vite oubliés, et la déprimante réalité quotidienne restera. Israël n’en sortira pas grandi, même après cette campagne de relations publiques. La veille de son départ, le premier ministre Benjamin Netanyahu a parlé à Yad Vashem. "Le mal habite le monde", a-t-il dit. "Le mal doit être extirpé à la racine." Certains "cherchent à nier la vérité". Nobles paroles, prononcées par celui-la même qui, pas plus tard que la veille, presque dans la foulée, a prononcé des mots très différents, des mots empreints du mal véritable, de ce mal qui devrait être éradiqué dès le départ, de ce mal qu’Israël tente de masquer.

Netanyahu a parlé d’une nouvelle "politique d’immigration", politique qui est le mal absolu. Il a odieusement mis dans le même sac les travailleurs migrants et les réfugiés qui fuient la misère en avertissant que tous mettent Israël en danger, font baisser nos salaires, compromettent notre sécurité, nous transforment en pays du tiers-monde et font entrer la drogue. Il a soutenu avec zèle Eli Yishaï, notre ministre de l’intérieur raciste, qui a qualifié les migrants de propagateurs de maladies comme l’hépatite, la tuberculose, le SIDA et Dieu sait quoi d’autre. Aucun discours sur l’Holocauste n’effacera ces mots d’incitation à la haine et de diffamation envers les migrants. Aucun discours de commémoration n’effacera la xénophobie qui a pris pied en Israël, non seulement à l’extrême droite comme en Europe, mais dans tout le gouvernement.

Nous avons un premier ministre qui parle du mal mais qui est en train de construire une barrière pour empêcher les réfugiés de guerre de frapper à la porte d’Israël. Un premier ministre qui parle du mal mais qui a sa part de responsabilité dans le crime du blocus de Gaza, maintenant dans sa quatrième année et qui laisse 1,5 million de personnes dans une situation scandaleuse. Un premier ministre dont les colons perpètrent des pogroms contre d’innocents Palestiniens avec "le prix à payer" pour slogan (qui a d’affreuses connotations historiques), mais contre lesquels l’État ne fait pratiquement rien. Voilà le premier ministre d’un État qui arrête des centaines de militants de gauche en manifestation contre les injustices de l’occupation et de la guerre à Gaza, alors qu’avec le temps vient l’amnistie générale pour ceux qui ont manifesté contre le désengagement. Dans son discours d’hier, Netanyahu n’a rien fait d’autre que de la propagande bon marché en assimilant Allemagne nazie et Iran fondamentaliste. "Dépréciation de l’Holocauste" : l’Iran n’est pas l’Allemagne, Ahmedinejad n’est pas Hitler, et les assimiler n’est pas moins spécieux qu’assimiler soldats israéliens et nazis.

L’Holocauste ne doit pas être oublié, et il n’est pas nécessaire de le comparer avec quoi que ce soit. Israël doit prendre part aux efforts pour en garder vivante la mémoire, mais, pour ce faire, il doit se montrer les mains propres, propres de tout mal venant d’elles. Et il ne doit pas se rendre soupçonnable d’utiliser cyniquement la mémoire de l’Holocauste pour effacer et gommer d’autres choses. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Comme ç’aurait été beau si, en cette Journée Internationale de Commémoration de l’Holocauste, Israël avait pris le temps de réfléchir sur lui-même, de chercher en lui-même et de se demander, par exemple, comment il se fait que l’antisémitisme a resurgi dans le monde précisément au cours de l’année dernière, l’année après que nous ayons bombardé Gaza au phosphore blanc. Comme ç’aurait été beau si, en cette Journée Internationale de Commémoration de l’Holocauste, Netanyahu avait annoncé de nouvelles mesures pour intégrer les réfugiés au lieu de les expulser ou s’il avait levé le blocus de Gaza.

Mille discours contre l’antisémitisme n’éteindront pas les flammes allumées par l’opération Plomb Durci, des flammes qui menacent non seulement Israël mais le monde juif tout entier. Tant que Gaza sera sous embargo et qu’Israël sombrera dans sa xénophobie institutionnalisée, les discours sur l’Holocauste resteront creux. Aussi longtemps que le mal sera endémique ici, dans le pays, ni le monde ni nous ne pourrons admettre que nous fassions la leçon aux autres, même s’ils le méritent.

Gideon Levy
29.01.10
Source: haaretz.com

samedi 30 janvier 2010

Un tableau toujours intéressant...







La part du PIB (Produit Intérieur Brut) des pays occidentaux consacrée à l'aide internationale.

(Gates Foundation)








Selon les chiffres de l'OCDE, en 2008, les principaux donneurs en volume ont été les Etats-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Japon. Seuls cinq pays ont dépassé le seuil de 0.7 % préconisé par les Nations unies pour l'aide publique au développement : le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, et la Suède.

30.01.10

Graphique : fondation Bill et Melissa Gates.
Source: rue89
- extrait -

A voir ce soir : ARTE Reportage : "Retour sur une séparation"



A voir ce samedi 30 janvier 2010 - 19h 15 :

un reportage d’Hubert Dubois et Elsa Kleinschmager


Le mur érigé par Isarël est davantage un dispositif de colonisation que de protection

À quoi sert la barrière construite par Israël en Cisjordanie? À protéger Israël et ses habitants des infiltrations de terroristes palestiniens, comme l’affirme le gouvernement israélien ? À annexer, de fait, une partie de la Cisjordanie? - là où se trouvent la plupart des colons israéliens - à Israël, comme le soupçonnent les Palestiniens? Le reportage d’Hubert Dubois et Elsa Kleinschmager apporte un début de réponse documenté et convaincant à ces questions. À travers le désarroi de la famille Rifaï, coupée en deux et coupée de ses terres agricoles, il rappelle un détail capital, trop souvent négligé par les commentateurs en chambre : la barrière sépare autant les Israéliens des Palestiniens que les Palestiniens entre eux. Pourquoi ?

Parce que cette séparation qui aurait dû suivre le tracé de la ligne d’armistice de 1949 entre la Cisjordanie et Israël - la «ligne verte, longue de 325 kilomètres» - si elle avait réellement pour but de protéger Israël des infiltrations de terroristes, mesurera en fait, plus de 700 kilomètres lorsqu’elle sera achevée. Pour une raison simple, clairement illustrée dans le reportage : les militaires israéliens qui l’ont tracée ne l’ont pas conçue comme une protection mais comme un dispositif permettant d’annexer à Israël la majeure partie des blocs de colonisation israéliens. Lorsqu’elle sera achevée, la majorité des 500.000 colons israéliens de Cisjordanie - Jérusalem-Est comprise - seront placés à l’ouest des méandres de la barrière, donc, de fait dans des territoires annexés par Israël.

En attendant de remplir officiellement cette fonction inavouable, la séparation joue déjà son rôle en disloquant impitoyablement les communautés palestiniennes qui vivent à son voisinage. Complétée par un dispositif règlementaire aussi arbitraire que tatillon, elle oblige les villageois dont les terres sont situées de l’autre côté du grillage à demander des permissions - révocables à tout instant - pour prendre soin de leurs oliviers ou de leurs serres.

Elle empêche les réunions de famille, les solidarités villageoises et claniques. Elle n’a pas permis à Nasreen et à Hannan, deux sœurs qui vivent de part et d’autre, près de Salem, au nord de la Cisjordanie, de se voir plus de trois fois en sept ans. Elle a provoqué l’effondrement de l’économie de la Cisjordanie et, comme le constate, désespéré et malade, Nidal Rifaï, «la mort lente des Palestiniens». Et cela, tout en demeurant perméable aux clandestins. C’est-à-dire éventuellement aussi aux terroristes.

René Backmann
Auteur d’«Un mur en Palestine», coll. Folio actuel, Gallimard.
30.01.10

Source: teleobs.nouvelobs.com

vendredi 29 janvier 2010

Le poids de l'Histoire...


Depuis huit jours, l’information télévisuelle qui nous vient d’Haïti est construite selon un modèle immuable : survol de Port-au-Prince, vue générale sur des amas de pierres et de tôles, sur des armatures métalliques tordues, des empilements de dalles brisées, d’où émergent parfois des restes humains ; et un peu plus loin, des alignements de cadavres jetés à la va-vite sur une chaussée défoncée. On va ensuite au-devant de secouristes (admirables médecins ou infirmiers recousant, ligaturant, pansant, amputant, dans la poussière et la crasse, opérant au milieu des cris et des suppliques) ; puis, on nous raconte une «belle» histoire, un «miracle», comme l’on dit, d’enfant ou de vieillard récupéré indemne, tout juste empoussiéré et égratigné.

Images fugitives des derniers efforts des sauveteurs et manifestations de liesse au milieu du chaos. Images qui ont une fonction évidente, et tellement humaine, celle de nous rendre l’espoir face à une réalité désespérée, et de nous faire oublier par l’anecdote l’abomination collective du bilan au moment même où on l’énonce : cent mille, deux cent mille morts. On ne sait pas. Saura-t-on un jour ? Voilà ce que nous voyons. Ces images fortes nous rassemblent. C’est leur immense mérite. Elles relativisent nos petits inconforts de vacanciers ralentis sur le chemin du retour par une route enneigée… Ou par un TGV paresseux. Elles nous renforcent dans la certitude que nous sommes semblables dans nos émotions. Et dans notre élan de solidarité.

Mais, au fond, nous sentons bien qu’il manque quelque chose. Peut-être est-ce trop tôt. Et sans doute n’est-ce pas la tâche première des reporters sur place, qui font admirablement leur métier. Mais nous ressentons un besoin d’explication. Il ne s’agit pas de nier les particularités géologiques de cette région du monde, de sous-estimer la violence du séisme, sa verticalité – un mouvement rare, paraît-il, et qui aurait fait des ravages aussi dans une ville japonaise ou californienne. Il s’agit de regarder en face cette évidence : les catastrophes naturelles sont toujours pires dans les pays de grande misère. Mais d’où vient la grande misère d’Haïti ? Les explications ont un inconvénient ; elles brisent le consensus. Parmi nous, il y a ceux qui pensent que les Haïtiens sont responsables de leur destin. Pour les tenants de cette thèse, la colonisation est histoire ancienne. Il y a en quelque sorte prescription. À tel point que «l’aventure coloniale» peut être contée sur un mode pittoresque. Depuis l’accostage de Christophe Colomb sur l’île qui deviendra Hispaniola, l’extermination des Indiens, l’esclavage – tout cela est si ancien ! – jusqu’à l’occupation par les États-Unis, de 1915 à 1934, en passant par le soulèvement de Toussaint Louverture contre la France, la défaite subie par les troupes de Bonaparte, et l’indépendance en 1804.

Et pourtant, même cette saga exotique n’est pas innocente. C’est ce que pensent les autres, ceux qui, comme nous, croient au poids de l’histoire. Car, qui a oublié que la France de Charles X, revancharde, a estimé à 150 millions de francs or le prix de l’indépendance ? Qui ne se souvient que la jeune nation noire émancipée n’a jamais pu, ensuite, se départir de son endettement ? Passons ici sur le rôle trouble joué par la France, et plus encore par les États-Unis, à l’époque des Duvalier. Il n’est qu’à voir la façon dont, en 1986, Baby Doc a été «congédié» en quelques minutes par les deux ambassadeurs [1] pour se convaincre que le colonialisme n’a pas cessé en 1804. Ceux qui se gaussent du «dernier sanglot de l’homme blanc», selon le titre du livre de Pascal Bruckner, partisans d’un post-colonialisme décomplexé, ont tort de ne pas voir dans cette omniprésence un héritage négatif, et toujours actif. Mais l’évocation historique peut aussi masquer une réalité plus actuelle.

Le colonialisme a surtout changé de forme. On le désigne par des sigles : OMC, APE [2]. Ce sont autant de contraintes commerciales que les grandes puissances font peser sur l’économie haïtienne, soumise à la tyrannie néolibérale. C’est l’interdiction faite aux paysans haïtiens de protéger leur production sur le marché mondial ; c’est l’abolition de toute barrière douanière, l’importation sauvage de riz, de sucre, de produits laitiers, de poulets et d’œufs venus de gros producteurs occidentaux ; c’est la destruction de l’élevage. Plus que tout autre, ce petit pays, dont 80 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, aurait besoin que l’on respecte sa souveraineté alimentaire. Au lieu de cela, l’OMC somme Haïti de s’ouvrir à tous les vents du commerce international.

Que vont faire les grandes puissances après la tragédie de ce mois de janvier ? Sans doute sont-elles prêtes à débloquer des moyens considérables par solidarité. Mais certainement pas à accroître leur aide au développement, et moins encore à changer les règles du commerce international. Ni à effacer une dette qu’elles gonflent par leur concurrence déloyale. C’est ce refus prévisible qui, hélas, désigne Haïti à des désastres futurs.

Denis Sieffert
27.01.10

Notes:
[1] Cité par Nicolas Jallot et Laurent Lesage, Haïti, dix ans d’histoire secrète, éditions du Félin, 1995
[2] Organisation mondiale du commerce, Accord de Partenariat Économique

Source: politis.fr

jeudi 28 janvier 2010

Il y a dix ans se préparait Porto Alegre…



Vers un tournant «post-altermondialiste» des Forums sociaux ?


Conçus en 2000 et concrétisés pour la première fois en janvier 2001 à Porto Alegre, les Forums sociaux mondiaux (FSM) sont devenus des moments de forte visibilité pour les mouvements sociaux et citoyens de la plupart des pays du monde réunis pour dénoncer les ravages du néolibéralisme et mettre en avant des propositions alternatives. Mais une bonne formule finit par s’user après avoir réussi… D’où la nécessité de jeter des passerelles avec les forces politiques et avec les gouvernements progressistes qui mettent concrètement en œuvre des mesures directement issues des débats des FSM.

Dans ce petit bureau du Monde diplomatique à Paris où, le 16 février 2000, furent jetées les bases de ce qui allait devenir le Forum social mondial (FSM), aucun des présents [1] n’aurait pu imaginer qu’allait ainsi se mettre en place un nouvel acteur de la vie politique internationale. Et tout alla très vite, puisque le premier FSM se tint moins d’un an après, à Porto Alegre, capitale de l’Etat brésilien de Rio Grande do Sul [2].

Cette rapidité dans le passage de l’idée à l’action fut un remarquable exploit dont il faut créditer le comité d’organisation brésilien qui s’était constitué pour la circonstance. Dans un article publié en août 2000 [3], et qui contribua de manière décisive à crédibiliser et à mettre en orbite internationale le futur Forum, Ignacio Ramonet écrivait : «En 2001, Davos aura un concurrent autrement plus représentatif de la planète telle qu’elle est : le Forum social mondial, qui se réunira aux mêmes dates (du 25 au 30 janvier) dans l’hémisphère sud, à Porto Alger (Brésil)». Il ajoutait, à partir des éléments dont il disposait à ce moment-là, qu’étaient attendus «entre 2 000 et 3 000 participants, porteurs des aspirations de leurs sociétés respectives». Mais, à la surprise générale, ce sont près de 20 000 délégués qui se retrouvèrent six mois plus tard dans la capitale gaucha !

La réaction anti-Davos avait joué à plein dans cette mobilisation. La proximité volontaire des intitulés des deux Forums – Forum économique mondial ou World Economic Forum (WEF) pour Davos, et Forum social mondial pour Porto Alegre – et la simultanéité, tout aussi délibérée, des dates des deux rassemblements avaient constitué des atouts médiatiques majeurs. Le fondateur et président du Forum de Davos, Klaus Schwab, en fit d’ailleurs l’amère constatation en se plaignant du «détournement négatif» de la renommée du WEF.
Symbolisant la puissance et l’arrogance de la finance, et le mépris de la démocratie et de la société, Davos constituait une cible parfaite pour les mouvements sociaux et citoyens. Déjà, en janvier 1999, en pleine session du WEF, plusieurs organisations, dont le Forum mondial des alternatives (FMA) et Attac, avaient organisé un séminaire de deux jours à Zurich, suivi d’une conférence de presse sur le thème de «L’autre Davos» dans la station de ski suisse. Toute manifestation était en effet pratiquement impossible dans ses rues étroites et enneigées en raison du quadrillage policier et militaire.
C’est donc contre tout ce que représentait Davos que se définirent les premiers FSM, dans une posture de dénonciation du néolibéralisme et de résistance à ses méfaits. Ils se situaient également dans le prolongement des combats zapatistes (en particulier de la Rencontre intergalactique du Chiapas de 1996) ; de la lutte victorieuse, en 1998, contre l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), concocté en secret par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et dont le texte avait été rendu public par Le Monde diplomatique en France ; et évidemment de la grande mobilisation de Seattle contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de décembre 1999 [4].

Dans une deuxième étape, les Forums devinrent plus propositionnels, ce qui se traduisit lexicalement par l’abandon du terme «anti-mondialisme» au profit d’«altermondialisme». Donc par le passage du refus à la proposition, ce qui correspondait mieux au mot d’ordre des Forums : «Un autre monde est possible». Cette évolution s’effectua sans aucune modification des règles de fonctionnement du FSM, codifiées dans sa Charte de principes élaborée en juin 2001. Dans ce document de référence, le Forum est défini à la fois comme un espace et un processus, et absolument pas comme une entité. Il s’agit de ménager un lieu d’échanges, de dialogue, d’élaboration de propositions, de mise en place de stratégies d’action et de constitution de coalitions de tous les acteurs sociaux qui refusent la mondialisation libérale. Mais chacune de ces démarches n’engage que les organisations qui veulent s’y impliquer, et non pas l’ensemble de celles présentes au Forum.

Le FSM ne prend donc pas de positions en tant que tel, il n’y a pas de «communiqué final» de ses réunions ; il y a seulement des textes adoptés lors du FSM, mais pas de textes du FSM ni de ses déclinaisons continentales (comme les Forums sociaux africains, européens, etc.). Cette formule ouverte a permis d’incorporer progressivement aux Forums des forces nouvelles – syndicats «réformistes», organisations non gouvernementales (ONG), mouvements indigènes, féministes, écologiques, confessionnels, etc. - qui acceptaient de faire un bout de chemin avec des éléments plus radicaux, mais qui ne voulaient pas se laisser déborder par eux.
D’un FSM à l’autre, des centaines de propositions furent ainsi avancées ( plus de 350 pour le seul Forum de Porto Alegre en 2005), mais sans aucune hiérarchie ni articulation entre elles. Tout ce qui dérogeait au principe d’ «horizontalité» (toutes les propositions ont un statut équivalent) et tout ce qui apparaissait comme «vertical» (par exemple une plate-forme mettant en cohérence différentes propositions complémentaires, mais éparpillées) fut combattu par une fraction influente des organisateurs brésiliens des Forums et de dirigeants d’ONG qui y voyaient l’amorce d’un programme politique, voire de la création d’une nouvelle Internationale !
C’est ainsi que le Manifeste de Porto Alegre, socle de 12 propositions - issues des débats, et faisant à la fois sens et projet - présenté à Porto Alegre le 29 janvier 2005 par 19 intellectuels des quatre continents (dont deux Prix Nobel) [5] fut critiqué dans son principe même par nombre de gardiens auto-proclamés de l’orthodoxie «Forum». Un sort identique fut ultérieurement réservé, par les mêmes, à l’Appel de Bamako, document programmatique à vocation planétaire, rédigé à l’issue d’une rencontre organisée par le Forum mondial des alternatives, et qui avait rassemblé 200 intellectuels et représentants de mouvements sociaux, dont une majorité d’Afrique et d’Asie, à la veille du FSM décentralisé tenu dans la capitale du Mali en janvier 2006 [6].

En application de la lecture rigoriste que font certains de la Charte de principes de 2001, les Forums sociaux seraient ainsi condamnés à présenter en ordre dispersé des myriades de propositions d’importance très inégale aux structures de l’ordre dominant qui, des gouvernements aux institutions multilatérales (Fonds monétaire international, Banque mondiale, OMC, OCDE), sans parler de la Commission européenne, font, elles, preuve d’une cohésion sans faille dans l’imposition des dogmes libéraux.
Ce refus volontaire de peser collectivement, à partir d’une plate-forme internationale commune, sur les acteurs du champ politique, tout en restant hors de la sphère électorale, explique l’usure de la formule des FSM. Et cela même s’ils continuent à rassembler des dizaines de milliers de participants locaux, souvent venus par curiosité, comme ce fut le cas à Belem en janvier 2009. Beaucoup de militants s’interrogent sur les débouchés politiques concrets de ces rencontres et sur la manière dont elles peuvent contribuer à l’avènement d’un «autre monde possible».

Les choses se sont compliquées avec l’arrivée au pouvoir, en Amérique latine (Bolivie, Equateur, Paraguay, Venezuela), de gouvernements issus de mouvements populaires, mettant concrètement en œuvre, avec évidemment des hauts et des bas, des politiques de rupture avec le néolibéralisme - tant au niveau national qu’international -, telles que celles avancées dans les Forums. Quelle attitude adopter à leur endroit ? Faut-il être solidaires d’eux, fût-ce au cas par cas ? Ou bien faut-il rester les bras croisés et regarder ailleurs, au prétexte qu’il s’agit de gouvernements, donc par essence suspects, et qu’il faut pour ces raisons tenir à distance.

Ce comportement renvoie à une idéologie libertaire diffuse, mais très présente dans de nombreuses organisations. Elle a été théorisée, notamment, par John Holloway dans un ouvrage au titre explicite : Comment changer la société sans prendre le pouvoir [7] Le mot pouvoir est d’ailleurs absent du vocabulaire de nombre de ces acteurs, sauf pour être stigmatisé, très souvent en réaction aux dérives totalitaires des États-partis. En revanche, le contre-pouvoir et la désobéissance civique sont censés être des leviers privilégiés du changement. Une telle posture devient difficilement tenable quand, par exemple, à l’occasion du Sommet de Copenhague, l’Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique (ALBA), qui regroupe 9 Etats latino-américains et caraïbes, prend des positions qui convergent avec celles des coalitions d’ONG exigeant la justice climatique, et met directement en cause le capitalisme [8].

Le nouveau contexte international va imposer, y compris dans la conception des Forums sociaux, la recherche de nouvelles formes d’articulation entre mouvements sociaux, forces politiques et gouvernements progressistes. Un mot a été proposé pour caractériser cette évolution : le post-altermondialisme [9], qui ne se substitue pas à l’altermondialisme, mais en constitue un essaimage possible. Lors du FSM de Belem, on avait pu voir une première ébauche de cette démarche post-altermondialiste dans le dialogue entre quatre présidents latino-américains - Hugo Chavez (Venezuela), Rafael Correa (Equateur), Fernando Lugo (Paraguay) et Evo Morales (Bolivie) – et les représentants de mouvements sociaux du sous-continent.

Ce dialogue va s’approfondir, avec une participation accrue de chefs d’Etat (dont celle du président Lula), à l’occasion du Forum social thématique de Bahia, prévu à Salvador du 29 au 31 janvier 2010 [10]. Elle devrait se prolonger lors du prochain FSM qui aura lieu à Dakar en 2011. Lors d’une réunion préparatoire organisée dans la capitale sénégalaise en novembre dernier, des mouvements sociaux du continent ont exprimé leur volonté de faire évoluer le FSM. Sont venues dans le débat des formulations comme la nécessité d’en faire «un espace des alliances crédibles» et non pas «un marché de la société civile» ; de «définir une relation nouvelle avec les acteurs politiques» en vue de «construire une alternative». C’est en d’Afrique que se consolidera certainement le nécessaire tournant «post-altermondialiste» des Forums sociaux.

Bernard Cassen
Secrétaire général de Mémoire des luttes
Président d’honneur d’Attac
04.01.10

Notes :
[1] Il s’agissait, outre l’auteur de ces lignes ( à l’époque directeur général du journal et président d’Attac France), de Chico Whitaker et d’Oded Grajew, respectivement secrétaire de la commission Justice et Paix de la Conférence nationale des évêques brésiliens, et dirigeant de l’Association brésilienne des entrepreneurs pour la citoyenneté (CIVES), ainsi que de Mmes Whitaker et Grajew.
[2] Sur la genèse et l’organisation de ce premier Forum et des deux suivants, lire Bernard Cassen, Tout a commencé à Porto Alegre, Editions des 1001 Nuits, Paris, 2003. Lire également le texte de Chico Whitaker sur les origines du Forum : http://www.forumsocialmundial.org.br/dinamic.php ?pagina=origem_fsm_por
[3] Ignacio Ramonet, «Davos ? Non, Porto Alegre», Le Monde diplomatique, août 2000. Cet article fut repris dans la vingtaine d’éditions en langues étrangères que comptait alors le mensuel. Il en alla de même pour l’éditorial du même auteur, publié quelques semaines avant le Forum en vue de mobiliser les participants : «Porto Alegre», Le Monde diplomatique, janvier 2001.
[4] Lire Samir Amin et François Houtart, «Trois défis pour les Forums sociaux», Le Monde diplomatique, mai 2006.
[5] http://www.medelu.org/spip.php ?article27&var_recherche=manifeste%20de%20porto%20alegre
[6] http://www.forumdesalternatives.org/FR/readarticle.php ?article_id=841
[7] Editions Syllepse, Paris, 2003.
[8] Déclaration spéciale sur le changement climatique approuvée par le Sommet de l’ALBA lors de son Sommet des 13 et 14 décembre 2009 à La Havane. Version en espagnol : http://www.medelu.org/spip.php ?article313. Version en français : http://www.medelu.org/spip.php ?article312
[9] Le 26 janvier 2008, l’association Mémoire des luttes et la revue Utopie critique ont organisé à Paris un colloque intitulé «Altermondialisme et post-altermondialisme». Lire son Appel final : http://www.medelu.org/spip.php ?article7&var_recherche=colloque%20post%20altermondialisme
[10] http://www.fsmbahia.com.br
Source : Mémoire des luttes

mercredi 27 janvier 2010

Un essai d'arme sismique américain derrière le séisme de Haïti (armée russe)




Un rapport de la flotte russe du Nord (transmis au gouvernement du Venezuela) a indiqué que le séisme qui a dévasté Haïti est
«le résultat d’un essai d'arme sismique par la US Navy».



La Flotte du Nord observe les mouvements et activités navales des Etats-Unis dans les Caraïbes depuis 2008, lorsque Washington a annoncé son intention de reconstituer la Quatrième flotte dissoute en 1950.
Depuis la fin des années 70, les Etats-Unis ont considérablement avancé leurs recherches sur les armes sismiques. Selon ce rapport, ils utilisent désormais des générateurs à plasma et à résonance combinés à des bombes à onde de choc.
Le rapport compare deux expériences conduites par la marine des Etats-Unis la semaine dernière : un tremblement de terre de magnitude 6,5 aux alentours de la ville d’Eureka en Californie, qui n’a pas fait de victimes, et celui des Caraïbes qui a fait au moins 140.000 morts.

Sur la foi de ce rapport, il est plus que probable que l’US Navy avait une pleine connaissance des dommages que cette expérience était susceptible de causer à Haïti. C’est pourquoi, la Navy avait positionné à l’avance sur l’île le général P. K. Keen, du SouthCom (Commandement du Sud), pour superviser les opérations de secours prévisibles.

Concernant l’objectif final de ces expériences, indique le rapport, il s’agit de la planification de la destruction de l’Iran par une série de tremblement de terre afin de neutraliser l’actuel gouvernement islamique.

Selon le rapport, le système expérimental des Etats-Unis (High frequency active auroral research program, dit «HAARP») permet également de créer des anomalies climatiques afin de provoquer des inondations, des sécheresses et des ouragans.
Selon un rapport précédent, les données disponibles coïncident avec celles du tremblement de terre de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter survenu au Sichuan (Chine), le 12 mai 2008, également causé par des ondes électro-magnétiques HAARP.

On observe une corrélation entre les activités sismiques et l'ionosphère, caractéristique de HAARP :
1. Les tremblements de terre dans lesquels la profondeur est linéairement identique dans la même faille, sont provoqués par une projection linéaire de fréquences induites.
2. Des satellites coordonnés permettent d’engendrer des projections concentrées de fréquences dans des points déterminés (des Hippocampes).
3. Un diagramme montre que des tremblements de terre considérés comme artificiels se propagent linéairement à la même profondeur:

Localisation Date Profondeur

Venezuela 8 janvier 2010 10 km
Honduras 11 janvier 2010 10 km
Haïti 12 janvier 2010 10 km

Les répliques ont également été observées aux environ de 10 km de profondeur.

Après le tremblement de terre, le Pentagone a annoncé que le navire hôpital USNS Comfort, qui se trouvait à Baltimore, a rappelé son équipage et fait cap vers Haïti.
L’amiral Mike Mullen, chef d’état-major interarmés, a déclaré que les Forces armées des États-Unis préparaient une réponse d’urgence au désastre.
Le général Douglas Fraser, commandant en chef du SouthCom, a indiqué que des bâtiments des Gardes-côtes et de la Navy ont été dépêchés sur place, bien qu’ils aient du matériel et des hélicoptères en nombre limité. Le porte-avions polyvalent USS Carl Vinson a été envoyé de Norfolk (Virginie) avec une dotation complète d’avions et d’hélicoptères. Il est arrivé à Haïti le 14 janvier après-midi, a ajouté Fraser. Des groupes additionnels d’hélicoptères se joindront au Carl Vinson, a t-il poursuivi.

L’Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID), intervenait déjà à Haïti avant le séisme.
Le président Obama a été informé du tremblement de terre à 17 h 52, le 12 janvier, et a ordonné au personnel de son ambassade le secours et l’aide humanitaire nécessaire à la population.

Conformément au rapport russe, le département d’État, l’USAID et le SouthCom ont débuté l’invasion humanitaire en déployant 10 000 soldats et contractants, à la place de l’ONU, pour contrôler le territoire haïtien après le «tremblement de terre dévastateur artificiel».

25.01.10
Source ViveTv (Venezuela)

mardi 26 janvier 2010

Le racisme en Italie : un programme de gouvernement




«Le racisme, le manque de tolérance caché sous l’arrogance, les guerres et leurs conséquences, marquent l’histoire de nos pays.»

Günter Grass, prix Nobel de Littérature


Il ne se passe pas de jours sans que l’on apprenne le destin tragique d’Africains tentés par l’eldorado européen. Comme on le sait, l’une des «réussites» de l’Union européenne c’est de déclarer une guerre sans merci aux candidats malheureux à l’immigration dite «clandestine» dans le jargon occidental. Chacun se rappelle les centaines de morts sans sépulture et les épaves humaines échouées sur les plages de Lampedusa et les plages espagnoles après avoir déjoué les radars sophistiqués du Sive et pu passer dans des «pateras» de fortune. Les rares survivants qui arrivent à accoster rasent les murs et rentrent dans la clandestinité. Pour survivre, ils acceptent de travailler au noir, pour un salaire de misère pour les propriétaires sans état d’âme, sous l'œil complice des autorités. Cela rappelle l’achat d’esclaves sur les places publiques, ce que faisait un certain Mora le Négrier qui venait enrôler au Maroc des travailleurs pour les mines de charbon du Nord de la France, un tampon vert était synonyme d’acceptation, un rouge de refus.

C’est donc une banalité voire on lasse à force de ressasser une détresse ordinaire, une souffrance muette. La nouveauté nous vient d’Italie, où on nous parle de la chasse à l’homme dans un petit village «tranquille». Ecoutons Sakho Jimbira en parler : «Après nous avoir une fois de plus gratifié d’un piètre spectacle de racisme, hélas ! devenu ordinaire, à l’encontre d’ouvriers agricoles originaires d’Afrique, l’Italie de Silvio Berlusconi semble persister dans son mépris, désormais assumé, et son racisme, quasi institutionnalisé, contre les immigrés africains. A l’origine de ces nouveaux incidents, des travailleurs immigrés, qui rentraient tranquillement de leur travail, se sont faits sauvagement canarder à la carabine par de jeunes Italiens en voiture. Sérieusement commotionnés, ces ouvriers agricoles ont manifesté leur dépit en brûlant des voitures pour dénoncer les actes racistes dont ils sont régulièrement les cibles. C’est en représailles à cette réaction que la population elle-même a mené de véritables expéditions punitives dans leurs rangs, faisant de nombreux blessés graves.» (1)

L’Italie aussi
«En vérité, pour bien apprécier l’ironie de cette situation, il faut avoir à l’idée les grandes vagues d’immigration de travailleurs italiens tout au long de l’histoire du siècle dernier. Déjà en 1931 la France était l’un des premiers pays d’immigration du monde, avec 2,7 millions d’étrangers pour 42 millions d’habitants, on recensait 808.000 Italiens. La première vague d’immigrants avait quitté l’Italie entre 1871 et la fin du XXe siècle, pour fuir la pauvreté, comme beaucoup d’immigrés africains actuellement. 5 millions d’Italiens immigrèrent dans le Nord de la France et surtout à Marseille, pour y trouver du travail. Cette première vague connut des conditions de vie extrêmement difficiles et la ségrégation dans des ghettos en périphérie des grandes villes comme Paris ou Marseille, sans parler de la promiscuité dans les baraques ouvrières des villes industrielles du Nord, à l’image du sort de beaucoup d’émigrés africains d’aujourd’hui. Ces travailleurs étaient surexploités, acceptant les tâches les plus rudes et des salaires dérisoires, ce qui ne les mettait pas à l’abri de rixes parfois très violentes avec les ouvriers français. (...) Ce racisme anti-italien atteindra son point culminant avec la tragédie d’Aigues-Mortes, le 17 août 1893, qui vit des altercations entre travailleurs italiens et français dégénérer en véritable émeute, durant laquelle la foule excitée poursuivit les Italiens, armée de fourches et de pioches, provoquant un véritable massacre. Mais, ce qui est inquiétant aujourd’hui en 2010, c’est le silence assourdissant des dirigeants européens, notamment de la Cour européenne des Droits de l’homme et des institutions de l’Union, dont l’Italie fait partie. (...) Les gouvernements africains, pourtant bien au fait de la situation de leurs ressortissants en Italie, sont quant à eux restés muets face à ces incidents répétitifs. Or, l’on sait tout le tollé que susciterait ce type de traitement, infligé à des ressortissants européens en terre d’Afrique !»
«Ces incidents semblent symptomatiques d’un mal beaucoup plus profond, qui ronge l’Italie et que le régime de Berlusconi n’a cessé d’aggraver. Le pays semble véritablement renouer avec ses vieux démons, exhumant de sombres pages de son histoire et actualisant le sinistre legs du Duce. (...) Dirigeant le plus populiste que l’Italie ait connu depuis Mussolini, Berlusconi n’hésite d’ailleurs pas à recourir aux recettes jadis utilisées par son funeste maître, en faisant croire à son peuple que les immigrés sont responsables de tous leurs maux. Rien d’étonnant alors si aujourd’hui dans les rue italiennes, les propos racistes et les actes xénophobes soient entrés dans l’ordinaire du quotidien.» (1)

Qu’est-ce que le racisme qui semble justement sous-tendre toute l’action du gouvernement italien ? Le racisme justement est une idéologie consistant à classifier des groupes naturels humains, désignés souvent sous le terme de races, à partir d’attributs naturels, visibles ou non (physiques, psychiques, culturels, etc.), des caractéristiques morales ou intellectuelles s’appliquant à l’ensemble de ce groupe. Cette idéologie peut entraîner une attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie déterminée de personnes. Ces actes d’hostilité se traduisent par la discrimination, une forme de xénophobie ou d’ethnocentrisme. Gaston Méry, collaborateur à La Libre Parole, le journal d’Édouard Drumont, est la première personne connue à avoir utilisé le mot «raciste» en 1894. Toutefois, l’adjectif «raciste» et le nom «racisme» s’installent dans le vocabulaire général dans les années 1930.

La question de l’antériorité ou de la postérité du racisme au développement de l’esclavage dans les colonies européennes fait l’objet de nombreux débats. Le consensus s’établit néanmoins au sujet du rôle joué par le développement de l’esclavage sur le durcissement et la diffusion de l’attitude raciale. Le «racisme scientifique», ou «racialisme» (ou «raciologie»), classifie les êtres humains d’après leurs différences morphologiques en application d’une méthode héritée de la zoologie. Les théoriciens du racialisme comptent des personnes tel que Arthur de Gobineau, célèbre pour son traité sur «l’inégalité des races». La position mixophobe radicale est le corollaire de la construction du mythe de la pureté de la race qui affirme la supériorité des races pures sur les races dites métissées. Les promoteurs du mythe de la race aryenne - Vacher de Lapouge, Chamberlain, et plus tard Adolf Hitler - voient dans la «race germanique» la survivance à l’état pur de la «race indo-européenne».

La suprématie de la race blanche ou caucasienne est un postulat sur lequel s’accordent très largement les scientifiques et hommes politiques du XIXe siècle. Combiné avec la mission civilisatrice, le suprématisme blanc est un élément fondamental de l’idéologie coloniale. Une fois opérée la conquête, il constitue aussi le principe justificatif des législations opérant des distinctions de droit sur une base raciale. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle les politiciens recourent à l’autorité des scientifiques, pour légitimer leurs décisions. Selon cette conception, la lutte que se livreraient depuis l’origine les différents groupes humains doit conduire à la domination des races les plus aptes et à la disparition inexorable des races inférieures. Après la conquête de l’Algérie par la France, les médecins français, constatant la baisse de la population «indigène», n’y verront que la confirmation d’une extinction prochaine et prévisible de la race arabe, qu’ils considèrent inadaptée aux nouvelles conditions de leur temps. (...) Le succès des zoos humains constitue pour Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, l’une des modalités de transmission du «racisme scientifique» à une large partie de la population. (2).

«Franchement racistes»
Juste retour des choses ; les Italiens font subir aux immigrés ce que leurs parents ou grands-parents ont subi. S’agissant des «ratonnades» anti-Noirs, pour Alain Morice, anthropologue, «on peut se demander si la mafia locale n’est pas derrière les premières exactions, qui ont déclenché une «chasse à l’immigré» dans le sud de l’Italie, faisant soixante-sept blessés. Dans certains pays d’immigration ancienne, comme la France, on se souvient, notamment des Belges recrutés pour la récolte des betteraves dans le nord de la France, ou des Italiens dans la région marseillaise pour le maraîchage, ou encore des Espagnols pour les vendanges. (....) L’idée est toujours que ces étrangers ne doivent pas s’installer durablement car, disent les exploitants, s’ils séjournent à l’année, alors ils deviendront des «bras cassés» sans ardeur à la tâche et surtout soucieux de toucher les aides sociales. Le racisme est ici un levier de l’exploitation de ces saisonniers migrants. (...) En Italie du Sud, le recrutement se fait surtout de façon informelle, sous le contrôle des mafias locales (par exemple la Ndranghetta, en Calabre), qui ont la haute main sur le système administratif, ce qui garantit une impunité aux employeurs. Recrutés sur des mensonges ou, parce que sans papiers, par peur d’être arrêtés, des Africains et des ressortissants des pays de l’Est sont surexploités et pratiquement emprisonnés, sous la surveillance de capos ("chefs").» (3)

Dans l’atmosphère délétère des années trente, souvenons-nous des lois raciales, en italien Leggi razziali, qui précisent les mesures prises en Italie vers la fin des années 1930 pendant la période du régime fasciste contre les personnes de religion juive mais aussi d’autres. Benito Mussolini en fait la proclamation le 18 septembre 1938 : «Il est temps que les Italiens se proclament franchement racistes.» Toute l'œuvre qui jusqu’à présent a fait le régime en Italie est au fond le racisme. Dans les discours du Chef, la référence aux concepts de la race a toujours été très fréquente. Les fondements et les prémisses sont basés sur des considérations scientifiques erronées destinées à établir l’existence de la race italienne et son appartenance au groupe des races aryennes. Le décret royal, loi du 5 septembre 1938 - qui fixe les «mesures pour la défense de la race dans les écoles fascistes» (4).
On l’aura compris, s’agissant de la politique gouvernementale actuelle par rapport à celle de l’Italie faciste, il n’y a pas de rupture, mais une continuité : l’Italie de 2010 est dans la lignée de celle de 1930. L’Italie n’aura, aucune gêne à adopter des lois drastiques contre les immigrés avec un catalogue des délits. Alain Hubler écrit : «Alors que le Cavaliere capte l’attention des médias grâce à ses frasques tout en slalomant entre les juges et la mafia, l’Italie a connu samedi dernier l’entrée en vigueur de la loi visant à lutter contre l’immigration clandestine et qui en fait un délit. Carrément. Dans le pays des belles et des bonnes choses, le decreto sicurezza met l’Italie à la pointe du racisme européen et la rejette au niveau des Leggi razziali de la fin des années 30. Et je n’exagère pas. Jugez plutôt de son contenu synthétisé par Celestissima. L’étranger qui, violant la loi, "entre ou séjourne sur le territoire italien" sera condamné à une amende allant de 5.000 à 10.000 euros (délit de clandestinité). Celui qui louera un bien immobilier à un clandestin encourra une peine de prison allant de 6 mois à 3 ans. Le séjour des clandestins dans les Centres d’identification et d’expulsion (CIE) pourra désormais durer 6 mois. L’obtention du permis de séjour sera soumis à une taxe dont le montant n’est pas encore fixé mais il sera compris entre 80 et 200 euros. L’argent obtenu sera destiné à couvrir les frais de rapatriement des migrants irréguliers. Taxe aussi, de 200 euros, pour qui voudra obtenir la citoyenneté italienne. Mais il y a bien pire : les enfants nés en Italie d’une mère clandestine ne pourront pas être déclarés sur les registres d’état civil. Ils n’auront pas d’identité. Ils seront invisibles. Si la mère n’a pas de passeport elle ne pourra même pas reconnaître son enfant qui deviendra immédiatement adoptable. Ces effroyables mesures s’accompagnent du fichage des sans-abri par la création d’un registre national et de la légalisation des rondes de citoyens destinées à assurer la sécurité des quartiers, mais surtout à traquer et à dénoncer les clandestins. Il semblerait que 60% des Italiens applaudissent ces nouvelles dispositions qui semblent pourtant parfaitement satisfaire aux caractéristiques du fascisme.» (5)

Autre trait marquant de monsieur Berlusconi, son crédo de la supériorité de la civilisation occidentale. On se souvient que le 26 septembre 2001, à Berlin, Silvio Berlusconi a à la fois exalté la «supériorité» du modèle occidental, réclamé que «l’Europe se reconstitue sur la base du christianisme». Dans Le Figaro du 28 septembre 2001, on rapporte les propos suivants du président du Conseil italien : «On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscient de notre supériorité, de la supériorité de la civilisation occidentale. L’Occident continuera à occidentaliser et à s’imposer aux peuples.» On croirait entendre Jules Ferry un autre chantre des races supérieures, «qui ne sont cependant pas valables dans nos colonies (sic)» « A peine, est-il rapporté dans un éditorial du Monde du 29 septembre 2001, commençait-on à oublier la malheureuse formule de George W.Bush appelant à la "croisade" contre le terrorisme qu’un autre dirigeant occidental, Silvio Berlusconi, tenait à son tour des propos inacceptables en affirmant la "supériorité" de la civilisation occidentale, qui tendent à idéaliser les valeurs de l’Occident tout en démonisant celles du reste du monde ; et qui relancent l’idée dangereuse d’un "choc des civilisations" dont le christianisme et l’Islam seraient deux des protagonistes.»

Est-ce que tous les Italiens sont racistes et aussi sûrs qu’ils appartiennent à une civilisation supérieure ? Non !! Cependant, on peut comprendre que la situation sociale se dégradant, les sociétés occidentales se sentant fragilisées, elles se tournent vers le maillon faible, l’allogène qui «mange le pain des Français», aurait dit Fernand Reynaud dans son fameux sketch du boulanger... étranger. De ce fait, justement, l’étranger sert de «variable d’ajustement» des politiques sociales du gouvernement pour gagner du temps, garder le pouvoir tout en flattant les pulsions les plus basses de la population. La responsabilité des gouvernants est totale.

Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
23.01.10

Notes:
1. Sakho Jimbira : Immigration en Italie : Agoravox 14 janvier 2010
2. Racisme : Wikipédia, l’encyclopédie libre.
3. Alain Morice : En Italie, «le racisme est un levier» interview. Claire Ané. Le Monde.fr 11.01.10
4. Lois raciales fascistes. Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.
5. A. Hubler : Le gouvernement italien et le racisme http://www.paperblog.fr/2199860/

Source: le grand soir

lundi 25 janvier 2010

Intervention au Forum des résistances à Beyrouth – 17 janvier 2010


L’agression sioniste contre Gaza de l’hiver 2008-2009 est la continuation de la guerre de colonisation commencée en 1947. Cette dernière guerre a été préparée politiquement, particulièrement pour le public occidental, par le placement, par les USA et l’Union européenne, du Hamas, du Jihad Islamique, du FPLP et de cinq autres organisations de résistance palestinienne sur la liste des organisations terroristes.
Or pour Dirk Marty, rapporteur au Conseil de l’Europe, «se trouver sur cette liste équivaut à une condamnation à mort». L’offensive contre GAZA avait pour but clair d’exécuter cette peine de mort : liquider la résistance palestinienne à travers la destruction du gouvernement palestinien démocratiquement élu.

Ce que l’armée sioniste réalise avec ses soldats, ses avions, ses chars, ses bombes, les gouvernements européens le réalisent avec des lois qui criminalisent la résistance et ceux qui la soutiennent. Lutter contre l’agression et la colonisation signifie donc aussi aujourd’hui concrètement en Europe lutter pour le retrait des organisations de résistance palestiniennes de la liste des organisations terroristes.
C’est pour cette raison que j’ai lancé un appel le 1er février 2009 au retrait du Hamas et des autres organisations palestiniennes de la liste européenne des organisations terroristes.
Nous partons du point de vue que la question palestinienne n’est ni une question religieuse, ni une question humanitaire. C’est une question éminemment politique. Elle consiste à dénoncer le caractère colonial d’Israël et de toute sa politique et à reconnaître et soutenir comme légitime la résistance du peuple palestinien et de toutes ses organisations de résistance.

Cet appel a reçu le soutien de centaines de personnalités européennes, américaines et canadiennes. Leur argumentation en faveur de l’appel fait apparaître cinq justifications politiques essentielles :
1. L’Union européenne, comme les Etats Unis, oblige toujours les peuples à organiser des élections sous haute surveillance occidentale. Mais quand le résultat des élections ne lui plait pas, elle organise le blocus, participe à la guerre, directement ou indirectement, soutient les agresseurs afin de renverser les représentants élus.
2.L’Union européenne doit admettre que le temps des colonies est terminé et qu’il ne reviendra plus. Elle doit renoncer à sa politique impérialiste et adopter des relations post-coloniales avec le reste du monde, qui respectent inconditionnellement sa souveraineté et sa dignité. Cela implique de renoncer à une politique internationale raciste qui traite les peuples du tiers-monde comme incapables de choisir leur système politique de façon responsable. Il est grand temps de respecter enfin la Résolution 2621 XXV, du 12.10.1970 des Nations Unies qui affirme «le droit inhérent des peuples coloniaux de lutter par tous les moyens nécessaires contre les puissances coloniales qui répriment leur aspiration à la liberté et à l'indépendance.»
3. L’Union européenne doit s’autodéterminer par rapport aux USA et cesser de suivre aveuglément toutes les aventures militaires des USA dans leur politique impériale. Retirer le Hamas de la liste des organisations terroristes peut être un pas dans ce sens, car cette liste est une liste américaine, établie en 1995 après les accords d’Oslo pour contraindre le peuple palestinien à renoncer à ses droits légitimes. Cette légitimation du droit à la résistance est confortée par l'article 1er §4 du premier protocole additionnel de Genève du 08.06.1977 aux termes duquel, parmi les conflits armés internationaux, figurent ceux «dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,…»
4. Retirer les organisations palestiniennes de la liste des terroristes, c’est reconnaître la légitimité de la résistance. Toutes les résistances dans le monde ont été étiquetées de terroristes. Au siècle passé, les résistances au fascisme étaient traitées de terroristes par les nazis. Les dirigeants nationalistes comme Nelson Mandela ont passé des dizaines d’années en prison sous l’accusation de terrorisme. Et c’est seulement en juillet 2008, quinze ans après être devenu prix Nobel de la Paix et quatorze ans après être devenu président de l’Afrique du Sud que les État-Unis se sont décidés à le retirer de leur «Terror list» ! Et en ce jour, nous commémorons la mort du dirigeant nationaliste congolais, Patrice Lumumba, assassiné pour avoir revendiqué une véritable politique d’indépendance. Les célébrations en France et en Belgique du cinquantième anniversaire de l’indépendance de nombreux Etats africains pourraient être l’occasion de dénoncer cette politique assassine.
5. Et enfin, c’est aussi reconnaître le droit à notre résistance, dans les pays de l’Union européenne et mettre fin à la politique de criminalisation des activistes, des combattants anti-guerre et anti-impérialistes. Politique de criminalisation qui touche particulièrement cette partie des peuples qui est issue de l’immigration, en particulier les populations arabophones et musulmanes d’Europe, déjà soupçonnées de vouloir recouvrir nos pays de minarets et de foulards.

Les réactions à l’Appel ont montré que malgré les difficultés qui restent grandes, il est possible de construire en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, le début d’un front de soutien aux résistances anti-coloniales et anti-impérialistes dans le monde.
La première condition pour renforcer ce front est de ne pas se laisser intimider par les mesures de criminalisation, comme l’interdiction récente en Grande-Bretagne de s’exprimer contre la présence des soldats britanniques en Afghanistan. Les démocrates européens dignes de ce nom ne peuvent en aucun cas accepter ces glissements vers des Etats fascisants.
La deuxième condition est d’imposer chez nous les points de vue mais aussi la présence physique des représentants de la résistance afin de nouer des liens directs entre les peuples en lutte de par le monde.

Le monde est en train de changer mais la plupart des forces politiques traditionnelles, en particulier dans la gauche, se refusent à l’admettre. L’époque où l’Occident dictait sa politique est terminée. Les rapports de force économiques changent aussi avec la montée en puissance de nations comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Russie. Sur le plan politique, tout le continent latino-américain bouge. Comme le déclarait le président du Venezuela Hugo Chavez à Copenhague : «Si le capitalisme s’oppose (aux changements), nous sommes dans l’obligation de livrer bataille contre le capitalisme et d’ouvrir les voies du salut de l’espèce humaine. Cette tâche nous incombe à tous, sous les bannières du Christ, de Mahomet, de l’égalité, de l’amour, de la justice et de l’humanisme véritable le plus profond».

Les peuples en lutte ont la possibilité aujourd’hui d’unir leurs résistances face à leurs gouvernements et à un impérialisme de plus en plus affaibli et décadent. S’ils s’unissent, au-delà de leurs différences, ce siècle ne sera pas celui du choc des civilisations, mais celui du choc et de la victoire des résistances contre l’impérialisme.

Nadine Rosa-Rosso
17.01.10
Membre de ÉGALITÉ

Contact : nadinerr@gmail.com
Tél : 0032484597802 /003227926913

dimanche 24 janvier 2010

Le Hezbollah et l'Iran dénoncent la position "injuste et complice"



Le Hezbollah a dénoncé, dans un communiqué publié vendredi soir, la position "complice et injuste", du ministre français des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, qui s'est dit inquiet du possible impact négatif de la situation en Iran sur la sécurité au Liban.
Le Hezbollah a affirmé qu'il voit dans les propos de Kouchner "une empreinte israélienne claire et une négligence totale de l'histoire de la France et de son héritage, dont entre autres sa résistance contre l'agression et l'occupation".
Le Hezbollah s'est dit surpris de voir le ministre français des affaires étrangères contredire dans ses propos les rapports des Forces intérimaires des Nations Unies au Sud Liban (Finul), et dont fait partie la France, qui font état d'agressions israéliennes quotidiennes contre le Liban et de violation de sa souveraineté.
Il a affirmé que Kouchner tente d'"innocenter l'ennemi israélien, et de dissimuler ses violations continues contre la souveraineté du Liban", cela équivaut "à protéger l'occupant israélien et à l'encourager à poursuivre ses agressions".
Le Hezbollah, a par ailleurs, appelé les autorités françaises à "jouer un rôle responsable en faveur du Liban et de sa souveraineté".

Kouchner qui a écarté une action israélienne contre le Liban, à l'issue d'une rencontre jeudi avec le premier ministre libanais Saad Hariri, a prétendu que "la situation en Iran pourrait conduire à une fuite en avant de certains responsables iraniens, et cela est dangereux car le Hezbollah possède des armes et il pourrait se produire des évènements regrettables et condamnables".

L'Iran dénonce les propos sans fondement de Kouchner
Les propos du responsable français ont également été dénoncés à Téhéran vendredi, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast, affirmant ces déclarations "sans fondement".
"Il est évident pour tout le monde que l'origine de la menace et de l'occupation est le régime sioniste, qui s'en prend quotidiennement aux gens innocents, et leur prive du droit le plus élémentaire qui est le droit de vivre", ajoutant que "la pensée pro-sioniste de Kouchner le pousse à négliger ces injustices."

M.Mehmanparast a assuré que "ces commentaires ne servent que les intérêts des occupants, et ne sont ni en faveur des intérêts du gouvernement d'unité nationale libanais ni en faveur des efforts des pays amis (dont l'Iran) visant à établir la paix et la stabilité au Liban."
"Ces propos visent à couvrir les agressions et les menaces continues des autorités israéliennes", a-t-il conclu.

Mariam Dimachk
23.01.10

Source : Al Manar

"Un intolérable chantage"




En soutenant l’Union des patrons juifs de France, Brice Hortefeux cautionne l’extrême droite sioniste.

Que l’Union des patrons juifs de France (UPJF), officine d’extrême droite sioniste, ait organisé le 13 décembre un colloque intitulé «Les ruses du nouvel antisémitisme contemporain : l’antisionisme» est en soi conforme à ce qu’elle est. Un des groupes communautaires affectés au soutien indéfectible d’Israël quoi qu’il fasse.

Il s’agit d’obtenir «enfin» ce que le rapport Ruffin demandait déjà en 2004, la pénalisation de l’antisionisme, qui ne serait qu’une couverture perverse de l’antisémitisme. Cela pourrait donc n’être qu’un non-événement, si la composition du large «panel d’invités» n’était, elle, pour le moins inquiétante. Placé sous l’égide d’un invité d’honneur, le ministre Hortefeux, le colloque a réuni tout ce que le gotha intellectualo-médiatique rassemble de néoconservateurs et de promoteurs de l’islamophobie [1] autour de questions telles que : «Peut-on être antisioniste sans être antijuif?» ou «La propagande antisioniste au plan mondial et ses conséquences». Un panel de juristes incluant le bâtonnier de Paris et l’inévitable Gilles-William Goldnadel examinait quant à lui la question : «L’antisionisme est-il un délit?»

Mais, ce qui en fait un réel événement, c’est qu’au cours de ce «colloque» Brice Hortefeux a annoncé à la presse l’augmentation des actes antisémites en France (antisémites seulement!), déclaré que l’antisémitisme est le poison de la République (l’antisémitisme seulement!), et informé de la décision gouvernementale de nommer un préfet chargé de l’antisémitisme.
Loin de nous l’idée de banaliser les manifestations de l’antisémitisme, pour autant que l’on ne mette pas sous cette étiquette tout et n’importe quoi. Mais qui peut nier que ce ne sont pas aujourd’hui les Juifs qui sont les plus menacés en France? Ce ne sont pas eux qui subissent prioritairement le retour de lois et de pratiques que l’on peut comparer à celles de Vichy : discriminations dans le travail et le logement, centres de rétention, contrôles au faciès, refoulement à l’entrée des boîtes, stigmatisation de pratiques religieuses...
La complicité d’une classe intellectuelle et médiatique avec la pire des politiques ultralibérales, qui pratique la chasse aux étrangers et l’islamophobie d’État, ne cache même plus son jeu. La participation d’élus de gauche à un tel rendez-vous est franchement désolante. (Le «sous réserve» devant certains noms comme celui de Bernard-Henri Lévy n’est pas sans faire sourire.) Effectivement, on ne dîne pas avec Brice Hortefeux pour parler antiracisme sans prendre de sérieux risques sur l’avenir. Ces choses-là ne s’oublient pas.
La compromission scélérate de ce clan avec cette politique est de nature profondément réactionnaire, de même que l’objet du débat : la volonté d’œuvrer à la pénalisation de l’antisionisme emprunte des directions implicites qui méritent examen. Certes, il s’agit d’abord d’obliger l’opinion française à se taire sur le sort de la Palestine, sur l’étranglement et le découpage de la Cisjordanie, sur la colonisation qui ne s’arrête pas, sur les crimes de guerre à Gaza en 2008-2009.
Mais ne nous y trompons pas, cette convergence est aussi poussée par l’inquiétude devant les premiers succès de l’appel au Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre cet Israël-là par les opinions mondiales, européenne et française en particulier. En effet, le boycott des produits israéliens, notamment issus des colonies, le désinvestissement d’entreprises liées à la colonisation, l’exigence de sanctions pour toutes les violations des droits humains et les crimes de guerre, cela ne peut que heurter ceux qui, comme l’UPJF, veulent à tout prix protéger Israël.

Il faut donc imposer le silence sur l’écrasement de la Palestine  ; en parler n’est pas seulement antisioniste, c’est aussi antisémite. Il n’est pas question de permettre un soutien actif des Palestiniens, comme on a pu le faire pour les Sud-Africains lors de l’Apartheid  ; cela aussi, c’est antisémite. L’«être sioniste» qui se dessine en négatif est celui dont la volonté explicite est l’écrasement de la Palestine, en laissant à Israël les mains libres pour poursuivre son action de destruction jusqu’à l’achèvement. Une position qui ne peut que heurter des dizaines de milliers de Français d’origine juive qui, rejetant explicitement ou non le sionisme, refusent d’être embrigadés dans un programme aussi meurtrier et dans une conception de l’avenir d’Israël liée à l’éradication de la Palestine.
À leur égard, la manœuvre politique est habile, qui commence par ne pas parler d’antisionisme mais à annoncer le doublement des actes antisémites dans l’année. Faire peur aux Juifs avec l’antisémitisme, ça marche toujours. Parce que cela empêche de penser : par exemple, comment se fait-il que l’UPJF comme le CRIF, qui ne manquent jamais d’afficher leur soutien à «Tsahal» et à Israël, même pendant la tuerie de Gaza, n’en disent pas un mot ici ?
Cette conception ne peut trouver écho non plus chez la grande majorité des citoyens français qui en ont assez de devoir se taire sur la Palestine sous peine de déclencher les foudres de leurs auditeurs, assez de la volonté politique officielle du «laisser faire Israël» tout en décernant hypocritement des prix des droits de l’homme aux victimes palestiniennes, pour se donner des allures équilibrées. Rappelons ici la misérable connivence avec le CRIF du ministre des Affaires étrangères. Obligé de remettre un des cinq prix des droits humains attribués par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) au PNGO, la plateforme des ONG palestiniennes, Bernard Kouchner a décommandé la cérémonie des prix au Quai d’Orsay pour la délocaliser en catimini à l’Institut d’études politiques.

Plus grossier encore, il a explicitement critiqué le PNGO pour sa participation à l’appel palestinien au BDS. Ainsi, à l’heure où le gouvernement pénalise le syndicalisme, pourchasse les réfugiés économiques et politiques et leurs enfants, criminalise la solidarité à leur égard, impose un débat sur l’identité nationale chargée de stigmatiser encore une fois les musulmans «non intégrables», les citoyens français, toutes origines confondues, seraient sommés de se taire sur les crimes israéliens.

Accepter un tel chantage aurait un double prix : le sacrifice de la Palestine d’abord, mais aussi le développement d’une société profondément raciste et ségrégative à l’égard de ceux que le débat sur l’identité nationale exclut d’avance de ce «nous» républicain (européen) réduit à un «Occident judéo-chrétien».

Michèle Sibony
Co-présidente de l’Union juive française pour la paix.
18.01.10

Source: investig'action

samedi 23 janvier 2010

Pourquoi la presse américaine est-elle silencieuse face au rôle joué par Israël dans le vol NW 253 ?



Il y a près d’une semaine, le 10 janvier, le journal israélien Ha’aretz publiait un article de son correspondant Yossi Melman, signalant le rôle joué par la société israélienne de sécurité, International Consultants on Targeted Security (ICTS), lors de la tentative manquée de faire exploser une bombe à bord du vol Northwest Airlines 253.

Les filiales I-SEC et PI d’ICTS sont responsables du filtrage des passagers à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam où l’inculpé de la tentative d’attentat suicide à la bombe Umar Farouk Abdulmutallab avait embarqué à bord d’un vol à destination de Detroit. La société utilise une technologie de filtrage pour le profilage des passagers et l’identification des risques de sécurité fondée sur l’expérience des services de renseignement israéliens. Le personnel de l’ancienne compagnie El Al Airlines et de Shin Bet security avait mis en place l’ICTS en 1982 dans le but de vendre leur expertise et de nombreuses compagnies aériennes américaines utilisent ses services ou sa technologie.

Selon l’Ha’aretz, Abdulmutallab a été contrôlé par l’ICTS mais les agents de sécurité n’avaient pas réussi à l’identifier comme passager à risque malgré des preuves suffisantes.

«Même si les services de renseignement américains avaient échoué et que le nom du passager nigérien ne figurait pas sur la liste des suspects pour la compagnie aérienne, il aurait dû éveiller les soupçons des agents de sécurité» a écrit le journal. «Son âge, son nom, son itinéraire de vol illogique, son billet d’avion cher et acheté en dernière minute, son embarquement sans bagage (avec seulement un bagage de cabine) et bien d’autres signes auraient dû suffire à alerter les agents de sécurité et justifier un examen plus approfondi du suspect. Toutefois, le responsable de la sécurité représentant I-SEC et PI lui a permis d’embarquer.»

Le lien israélien a été largement relayé dans la presse israélienne et européenne. Outre Ha’aretz, le Jerusalem Post a remarqué le rôle joué par ICTS à Amsterdam dans un article paru le 27 décembre et la télévision israélienne a interviewé un directeur de la société qui a confirmé qu’Abdulmutallab avait été soumis à un contrôle de sécurité.
Des articles sont parus par la suite dans les journaux et ont été mis en ligne sur le Web en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne et en Italie. Mais rien ne figurait dans les principaux journaux américains, rien dans le New York Times, le Washington Post, le Wall Street Journal ou n’importe quel autre quotidien, et rien sur aucune des chaînes de télévision ou de réseaux câblés d’information.

Le contraste entre le traitement médiatique en Europe et en Amérique est un signe que le rôle de l’ICTS n’est pas simplement un détail futile. Clairement, le mot a été donné de se taire sur le sujet soit sous forme d’ordre direct des services américains de sécurité soit indirectement par système d’autocensure des médias qui n’en est pas moins efficace pour être « volontaire ».

Quelle raison pourrait-il y avoir de dissimuler le rôle joué par l’ICTS ?
D’abord, quelques faits pertinents : l’ICTS assurait la sécurité à l’aéroport Paris Charles de Gaulle lorsque l’«homme au soulier» Richard Reid [qui avait dissimulé un explosif dans sa chaussure] était monté à bord d’un avion à destination des Etats-Unis le 22 décembre 2001. La société assurait également la sécurité du système de bus londoniens au moment des attaques suicide du 7 juillet 2005. Et l’ICTS partageait la responsabilité de la sécurité le 11 septembre 2001 à l’aéroport de Boston Logan d’où étaient partis deux des quatre détournements d’avions suicide à l’origine des attentats.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a d’étranges coïncidences, compte tenu notamment de la prétendue expertise des services israéliens de sécurité à identifier et à prévoir des attaques terroristes. Le personnel de l’ICTS était présent sur place à l’occasion de quatre des attaques terroristes les plus tristement célèbres de ces dix dernières années et, à chaque fois, ils n’avaient pas réussi à faire quelque chose pour stopper les terroristes.

En 28 ans de service, l’ICTS s’est installée dans 22 pays pour assurer la sécurité dans les aéroports en France, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Hongrie, en Roumanie et en Russie, en employant plus de 11.000 agents de sécurité. La société détenait des contrats dans plusieurs aéroports américains jusqu’au 11 septembre où le filtrage des passagers fut retiré des mains du privé pour être confié à l’Administration de la Sécurité des Transports (TSA) nouvellement créée.
Le silence sur le rôle joué par l’ICTS n’est que l'aspect le plus étrange de la décision plus générale des médias de ne pas faire de reportages sur le contexte de la tentative d'explosion à bord du vol Northwest 253. Il y avait déjà eu la volonté de se distancer d’une enquête sur l’incident survenu le jour de Noël avant que ne survienne le séisme en Haïti et qui, légitimement, est le principal sujet auquel les médias consacrent leur attention.

L’histoire officielle du vol Northwest 253, telle qu’elle a été présentée par la Maison Blanche d’Obama et les agences américaines de renseignement, est tellement incroyable qu’il semble y avoir eu un effort concerté pour laisser tomber le sujet et détourner l’attention du public dans d’autres directions. Dans ce contexte, le silence total sur le rôle de la société israélienne de sécurité soulève encore plus de questions quant au rôle joué par les agences de renseignement américaines ou autres durant la période précédant l’incident du jour de Noël et qui a failli coûter la vie à quelque 300 personnes.

Patrick Martin
21.01.10

Article original, WSWS, paru le 16 janvier 2010.
Source : Mondialisation.ca

vendredi 22 janvier 2010

La dette de la première république noire doit être totalement annulée


L’opération d’aide massive mise sur pied après le récent tremblement de terre qui a ravagé Haïti risque fort de reproduire les erreurs de celle de l’après-tsunami de décembre 2004, sauf si un modèle de reconstruction radicalement différent est adopté.

Bien sûr, une aide d’urgence est nécessaire, et tout le monde est d’accord sur ce point, mais il n’est pas possible de s’en contenter. Haïti est traditionnellement dénigré et souvent dépeint comme un pays violent, pauvre et répressif. Peu de commentaires replacent la situation haïtienne dans son contexte historique.
En 1804, la lutte victorieuse des esclaves révoltés contre les armées françaises de Napoléon a permis de proclamer l’indépendance d’Haïti, première république noire au monde. En représailles à cette double révolution, à la fois anti-esclavagiste et anti-coloniale, le pays a dû payer une rançon colossale à la France correspondant à 150 millions de francs-or (soit le budget annuel de la France de l’époque).
En 1825, la France décide que "les habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue verseront à la caisse fédérale des dépôts et consignations de France, en cinq termes égaux, d’année en année, le premier échéant au 31 décembre 1825, la somme de cent cinquante millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité". Cela équivaut à environ 21 milliards de dollars d’aujourd’hui.

Dès le départ, Haïti doit payer le prix fort, la dette devient l’instrument néocolonial pour entretenir l’accès aux multiples ressources naturelles de ce pays. Le paiement de cette rançon est l’élément fondateur de l’Etat haïtien. Elle a été reconnue par un régime despotique et utilisée contre les intérêts des populations. La France puis les Etats-Unis, dont la zone d’influence s’élargit à Haïti environ un siècle plus tard, en 1915, en sont pleinement responsables. En 2004, alors qu’il aurait été possible de faire face aux douloureuses responsabilités du passé, le rapport du comité de réflexion présidé par Régis Debray préfère écarter l’idée d’une restitution de cette somme en prétextant qu’elle n’est pas "fondée juridiquement" et que cela ouvrirait la "boîte de Pandore".

Les requêtes du gouvernement haïtien en place sont rejetées par la France : pas de réparations qui tiennent. La France ne reconnaît pas non plus son rôle dans l’ignoble cadeau qu’elle fit au dictateur Jean-Claude Duvalier en exil en lui offrant le statut de réfugié politique et l’immunité sous le dur climat de la Côte d’Azur...
Le règne de la famille Duvalier commence avec l’aide des Etats-Unis en 1957 : il durera jusqu’en 1986, date à laquelle Jean-Claude Duvalier, fils de François, le premier dictateur familial, est chassé du pouvoir par une rébellion populaire.
La violente dictature largement soutenue par les pays occidentaux a sévi près de trente ans. Elle est marquée par une croissance exponentielle de sa dette. Entre 1957 et 1986, la dette extérieure a été multipliée par 17,5, pour atteindre 750 millions de dollars en 1986. Avec le jeu des intérêts et des pénalités, elle atteint 1 884 millions de dollars en 2008. Cet endettement, loin de servir à la population qui s’est appauvrie, était destiné à enrichir le régime mis en place : il constitue donc une dette odieuse.

Une enquête récente a démontré que la fortune personnelle de la famille Duvalier (bien à l’abri sur les comptes des banques occidentales) représentait 900 millions de dollars, soit une somme plus élevée que la dette totale du pays au moment de la fuite de Duvalier. Une plainte a été déposée devant la justice suisse pour la restitution à l’Etat haïtien des avoirs et des biens mal acquis de la dictature Duvalier.
Ces avoirs sont pour l’instant gelés par la banque suisse UBS qui avance des conditions intolérables quant à la destination de ces fonds. Jean-Bertrand Aristide, élu dans l’enthousiasme populaire puis accusé de corruption avant d’être rétabli au pouvoir comme marionnette de Washington et finalement d’en être chassé par l’armée états-unienne, n’est malheureusement pas innocent en ce qui concerne l’endettement et les détournements de fonds.

Par ailleurs, selon la Banque mondiale, entre 1995 et 2001, le service de la dette, à savoir le capital et les intérêts remboursés, a atteint la somme considérable de 321 millions de dollars.
Selon les dernières estimations, plus de 80 % de la dette extérieure d’Haïti est détenue par la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement (BID) à hauteur de 40 % chacune. Sous leur houlette, le gouvernement applique des politiques d’ajustement structurel dramatiques pour la population haïtienne. En échange de la reprise des prêts, on concède à Haïti quelques timides effacements de dette qui ne changent rien à la logique aujourd’hui à l'œuvre tout en donnant une image bienveillante des créanciers. L’initiative "pays pauvres très endettés" (PPTE) qui a intégré Haïti voilà quelques années seulement est une manoeuvre typique de blanchiment de dette odieuse comme cela a été le cas avec la République démocratique du Congo.
La dette odieuse contractée par le dictateur est remplacée par de nouveaux prêts "propres". Pour le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), ces nouveaux prêts en sont partie prenante puisqu’ils servent à la payer : il y a continuité du délit. Entre-temps, les plans d’ajustements structurels ont fait des ravages, notamment dans le secteur agricole, dont les effets ont culminé lors de la crise alimentaire de 2008. L’agriculture paysanne haïtienne subit le dumping des produits agricoles états-uniens. "Les politiques macroéconomiques soutenues par Washington, l’Organisation des Nations unies (ONU), le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ne se soucient nullement de la nécessité du développement et de la protection du marché national. La seule préoccupation de ces politiques est de produire à bas coût pour l’exportation vers le marché mondial." C’est donc scandaleux d’entendre le FMI dire qu’il "se tient prêt à jouer son rôle avec le soutien approprié dans ses domaines de compétence".
Au lieu de promesses d’aide qui bien souvent ne sont pas tenues, il est urgent de comprendre qu’Haïti doit s’appuyer sur sa souveraineté nationale pour se reconstruire dignement. Une annulation totale et inconditionnelle de la dette réclamée à Haïti doit être le premier pas vers un nouveau modèle de développement alternatif aux politiques du FMI et de la Banque mondiale, et aux accords de partenariat économique (APE signé en décembre 2009, accord Hope II...), qui soumettent encore un peu plus le pays.

Les pays du Nord qui ont systématiquement exploité Haïti, à commencer par la France et les Etats-Unis, doivent verser des réparations dans un fonds de financement de la reconstruction contrôlé en totalité par les organisations populaires haïtiennes. Sinon, les dons serviront en bout de course à rembourser une dette odieuse.

Eric Toussaint , Sophie Perchellet
20.01.10

Source: cetri

Ce vendredi 22 janvier : soirée de témoignages.





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jeudi 21 janvier 2010

Lettre ouverte à Jean-Claude Gaudin


Monsieur le Maire,

Tout le monde ne parle plus que de votre dernier «dérapage», celui où vous parlez de «musulmans qui ont déferlé dans les rues de Marseille…». Je dis dernier parce que ce n’est pas le premier dans le genre et que vous avez indubitablement un mal fou à nommer une certaine catégorie de la population que vous administrez. Pour votre défense vous n’êtes pas le seul à avoir du mal à le faire et cette difficulté en dit long sur les dégâts de ce passif post colonial non soldé, qui ressurgit avec brutalité comme un non dit trop longtemps refoulé.

Depuis que Mr Besson, en bonne intelligence avec Mr Sarkozy a décidé d’instrumentaliser politiquement le débat sur l’identité nationale il ne se passe pas un jour sans que l’on entende une déclaration outrancière et stigmatisante à l’égard de la population de confession musulmane en France. Je ne souhaite pas participer à ce débat qui ressemble de plus en plus à une mise en accusation publique des musulmans de France. D’ailleurs puisque nous en sommes aux calculs, nous verrons bien si cette tactique sera payante pour vous… nous verrons bien à qui profite la manœuvre et qui se délectera de la tessiture poisseuse de tout ce débat, nous verrons bien assez vite ressurgir les remugles fétides de ces années (pas si lointaines) où le FN prospérait, nous verrons bien que les mots en politique ne sont pas sans conséquences et que des déclarations comme celles que vous avez faites sont autant d’électrochocs salutaires appliqués au corps léthargique de l’extrême droite française.

Loin de revenir sur vos propos, vous répondez au jeune homme, militant de votre parti, avec une condescendance et un paternalisme consternant, parce que évidemment il ne peut pas comprendre les subtilités de la langue française que vous maitrisez au-delà de la moyenne et qui font que lorsque vous dites une énormité, celle-ci n’en est une que dans l’oreille et dans le cœur de celles et ceux que vous blessez !

Vous dîtes, Monsieur le Maire, que Marseille a vu déferler 15 000 musulmans dans ses rues, avez-vous idée de l’imagerie d’épouvante que vous projetez dans l’inconscient collectif de vos concitoyens ? Ce sont les vagues (d’un Tsunami) qui déferlent, les hordes de barbares ou les rats qui déferlent, ce ne sont pas les «braves gens» qui déferlent !!! Vous dites dans votre réponse que Marseille subit l’immigration et que vous vous efforcer «d’assimiler» les couches successives de population qui y débarquent et là encore vous persistez et vous signez votre résolution sans équivoque à utiliser un raisonnement et une sémantique propre à la tradition réactionnaire.
Vous dites, à mots couverts, que lorsqu’on est Français depuis pas très longtemps il y a des us et des coutumes à respecter et que pour «bien s’intégrer» il faut brosser l’autochtone dans le sens du poil et user de force symboles pour «amadouer» l’hôte et on atteint là un degré de surréalisme rarement égalé depuis les Marx Brothers ou les Monty python, parce qu’au-delà de la mauvaise foi qui ne vous a fait voir que des drapeaux algériens ce soir-là, cet argument frôle l’indécence, que nous demandez-vous au juste ? De réaffirmer notre Francité quel que soit le contexte et de façon permanente, faut-il pour vous complaire se draper dans un drapeau tricolore en toute circonstance ?

J’ajoute que nous étions partie prenante de ce «déferlement» et que je m’inscris en faux contre l’affirmation que vous avez maintenue et réitérée qu’il n’y avait que des drapeaux algériens, c’était un soir de fête à la Marseillaise, plein de joie, de gouaille populaire et cosmopolite, il y avait des drapeaux algériens , français, marocains, tunisiens, des drapeaux berbères et des drapeaux turcs et des drapeaux connus et inconnus…toutes et tous étaient là dans un esprit festif avec cette folle envie de communier dans la joie. Ce que vous interprétez comme une offense à la terre d’accueil n’est pas l’expression d’un nationalisme algérien exacerbé, ni même le signe d’une double allégeance ! Ce n’est que la volonté de faire la fête et de l’exprimer dans un cadre informel et permissif que seul le sport, et en particulier le football, est capable de produire.

Mr Besson regrette que les débordements marginaux qui ont eu lieu lors de ces manifestations spontanées de joie populaire, n’aient pas subi un traitement médiatique aussi conséquent que la fameuse «main de Thierry Henri», et venant de lui peu de choses m’étonnent encore, sachant que la juxtaposition de ces deux événements est totalement incongrue et que s’il lui reste une parcelle d’honnêteté intellectuelle il sera d’accord pour analyser les exactions commises lors de cette soirée comme étant le fait d’une frange de «hooligans» qui sévissent à chaque soir de grand match à Marseille, qu’il s’agisse de l’équipe de l’OM, de la France ou de l’Algérie.

Pour en finir et vous laisser vaquer à vos occupations de 1er magistrat de notre bonne ville, je vous dirai que nous nous méfions de toutes les tentatives d’instrumentalisation du nationalisme quel qu’il soit et que la devise de la République reste encore «Liberté, Égalité, Fraternité» et qu’en conséquence nous vous demandons de continuer à débattre de l’identité nationale, si vous le souhaitez, dans le cadre que lui confère le triptyque républicain et en gardant à l’esprit que l’unité ne se fait jamais dans la polémique, la stigmatisation et l’exclusion.

Comme les interventions dans la salle vous l’ont déjà signifié, il n’y a pas eu de «déferlement de musulmans sur Marseille» ce soir là, il n’y a eu que des Marseillaises et des Marseillais, Français, pour la plupart qui ont manifesté leur joie et leur attachement à leur pays d’origine sans aucune volonté de signifier leur désamour de la France, parce qu’en Amour l’exclusive est parfois une entrave ; Oui, on peut sans problème aimer l’Algérie et la France, L’Italie et la France, l’Arménie et la France, le reste du monde et la France, comme on aime son père et sa mère…

Recevez, Monsieur le Maire, l’expression de notre indignation courroucée.

Mohamed BENSAADA
Pour Quartiers Nord/Quartiers Forts
18.01.10

Source : millebabords.org