vendredi 31 décembre 2010

La jeunesse de Gaza vous envoie ses voeux

Manifeste de la jeunesse de Gaza

Merde au Hamas. Merde à Israël. Merde au Fatah. Merde à l’ONU et à l’Unrwa (1). Merde à l’Amérique! Nous, les jeunes de Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de l’occupation, des violations permanentes des Droits de l’homme et de l’indifférence de la Communauté internationale.

Nous voulons crier, percer le mur du silence, de l’injustice et de l’apathie de même que les F16 israéliens pètent le mur du son au-dessus de nos têtes, hurler de toute la force de nos âmes pour exprimer toute la rage que cette situation pourrie nous inspire. Nous sommes comme des poux coincés entre deux ongles, nous vivons un cauchemar au sein d’un autre cauchemar. Il n’y a pas d’espace laissé à l’espoir, ni de place pour la liberté. Nous n’en pouvons plus d’être piégés dans cette confrontation politique permanente, et des nuits plus noires que la suie sous la menace des avions de chasse qui tournent au-dessus de nos maisons, et des paysans innocents qui se font tirer dessus simplement parce qu’ils vont s’occuper de leurs champs dans la zone «de sécurité», et des barbus qui se pavanent avec leurs flingues et passent à tabac ou emprisonnent les jeunes qui ont leurs idées à eux, et du mur de la honte qui nous coupe du reste de note pays et nous enferme dans une bande de terre étriquée.

On en marre d’être présentés comme des terroristes en puissance, des fanatiques aux poches bourrées d’explosifs et aux yeux chargés de haine; marre de l’indifférence du reste du monde, des soi-disant experts qui sont toujours là pour faire des déclarations et pondre des projets de résolution mais se débinent dès qu’il s’agit d’appliquer ce qu’ils ont décidé; marre de cette vie de merde où nous sommes emprisonnés par Israël, brutalisés par le Hamas et complètement ignorés par la communauté internationale.

Il y a une révolution qui bouillonne en nous, une énorme indignation qui finira par nous démolir si nous ne trouvons pas le moyen de canaliser cette immense énergie pour remettre en cause le statu quo et nous donner un peu d’espoir. Le dernier coup qui a encore aggravé notre frustration et notre désespoir s’est produit le 30 novembre, quand des miliciens du Hamas ont débarqué au siège du Sharek Youth Forum (www.sharek.ps, une organisation de jeunesse très active à Gaza) avec leurs fusils, leurs mensonges et leur agressivité. Ils ont jeté tout le monde dehors, arrêté et emprisonné plusieurs personnes, empêché Sharek de poursuivre ses activités; quelques jours plus tard, des manifestants regroupés devant le siège de Sharek ont été agressés, battus et pour certains emprisonnés.

C’est vraiment un cauchemar au sein d’un autre cauchemar que nous vivons. Il n’est pas facile de trouver les mots pour décrire la pression qui s’exerce sur nous. Nous avons difficilement survécu à l’opération «Plomb durci» de 2008-2009, quand Israël nous a systématiquement bombardé la gueule, a détruit des milliers de logements et encore plus de vies et de rêves. Ils ne se sont pas débarrassés du Hamas comme ils en avaient l’intention mais ils nous ont fichu la trouille pour toujours, et le syndrome du «stress post-traumatique» s’est installé à jamais en chacun de nous, parce qu’il n’y avait nulle part où fuir les bombes.

Nous sommes une jeunesse au cœur lourd. Nous portons en nous un poids tellement accablant qu’il nous empêche d’admirer le coucher de soleil: comment pourrait-on, alors que des nuages menaçants bouchent l’horizon et que des souvenirs effrayants passent dans nos yeux à chaque fois que nous les fermons? Nous sourions pour cacher la douleur, nous rions pour oublier la guerre, nous gardons l’espoir pour ne pas nous suicider tout de suite.

Au cours des dernières années, Hamas a tout fait pour prendre le contrôle de nos pensées, de notre comportement et de nos attentes. Nous sommes une génération de jeunes qui se sont déjà habitués à évoluer sous la menace des missiles, à poursuivre la mission apparemment impossible qui consiste à mener une existence normale et saine, et nous sommes à peine tolérés par une organisation tentaculaire qui s’est étendue à travers notre société, tel un cancer malveillant déterminé à détruire dans sa propagation jusqu’à la dernière cellule vivante, la dernière opinion divergente, le dernier rêve possible, à paralyser chacun de nous en faisant régner la terreur. Et tout ça arrive dans la prison qu’est devenu Gaza, une prison imposée par un pays qui se prétend démocratique.

A nouveau l’histoire se répète dans toute sa cruauté et tout le monde a l’air de s’en moquer. Nous vivons dans la peur. Ici, à Gaza, nous avons peur d’être incarcérés, interrogés, battus, torturés, bombardés, tués. Nous avons peur de vivre parce que chaque pas que nous faisons doit être sérieusement considéré et préparé, parce qu’il y a des obstacles et des interdits partout, parce qu’on nous empêche d’aller où nous voulons, de parler et d’agir comme nous le voulons et même parfois de penser ce que nous voulons, parce que l’occupation colonise nos cerveaux et nos cœurs, et c’est tellement affreux que c’est une souffrance physique, que nous voulons verser des larmes de révolte et de colère intarissables.

Nous ne voulons pas avoir de haine, ressentir toute cette rage, et nous ne voulons pas être encore une fois des victimes. Assez! Nous en avons assez de la douleur, des larmes, de la souffrance, des contrôles, des limites, des justifications injustifiées, de la terreur, de la torture, des fausses excuses, des bombes, des nuits sans sommeil, des civils tués aveuglément, des souvenirs amers, d’un avenir bouché, d’un présent désespérant, des politiques insensées, des politiciens fanatiques, du baratin religieux, de l’emprisonnement. Nous disons: ASSEZ! Ce n’est pas le futur que nous voulons!

Nous avons trois exigences: nous voulons être libres, nous voulons être en mesure de vivre normalement et nous voulons la paix. Est-ce que c’est trop demander? Nous sommes un mouvement pacifiste formé par des jeunes de Gaza et des sympathisants de partout ailleurs, un mouvement qui continuera tant que la vérité sur ce qui se passe chez nous ne sera pas connue du monde entier, et à tel point que la complicité tacite et la tonitruante indifférence ne seront plus acceptables.

Ceci est le manifeste pour le changement de la jeunesse de Gaza!

Nous allons commencer par rompre l’occupation qui nous étouffe, par nous libérer de l’enfermement mental, par retrouver la dignité et le respect de soi. Nous garderons la tête haute même si nous rencontrons le refus. Nous allons travailler nuit et jour pour changer la situation lamentable dans laquelle nous nous débattons. Là où nous nous heurtons à des murs, nous construirons des rêves.

Nous espérons que vous qui lisez maintenant ces lignes, oui, vous, vous nous apporterez votre soutien. Pour savoir sous quelle forme c’est possible, écrivez sur notre mur (*) ou contactez-nous directement à freegazayouth@hotmail.com

Nous voulons être libres, nous voulons vivre, nous voulons la paix.


Gaza Youth Breaks Out 
Collectif de jeunes artistes et militants associatifs de la Bande de Gaza
29.12.10
Notes:
(1) Agence de l’ONU crée en 1948 pour prendre en charge les réfugiés palestiniens.
Traduit de l’anglais par Bernard Cohen.
Source Libération: http://www.liberation.fr/monde/01012310251-le-manifeste-de-la-jeunesse-de-gaza
(*)Le collectif est uniquement sur Facebook pour l’instant: http://www.facebook.com/pages/Gaza-Youth-Breaks-Out-GYBO/118914244840679#!/pages/Gaza-Youth-Breaks-Out-GYBO/118914244840679?v=wall

jeudi 30 décembre 2010

Le national-socialisme* du Vlaams Belang… Et les collatéraux de la NVA

La doctrine fasciste n’attend pas d’avoir pris le pouvoir pour s’étaler un peu partout. En effet, on la retrouve au préalable sous la plume de ses grands idéologues, qui la noient dans une certaine phraséologie autoproclamée «anticapitaliste».
Mais très clairement, la doctrine fasciste est, comme le soutient Daniel Guérin dans son Fascisme et Grand Capital, comme une sœur de la philosophie réactionnaire de l’Ancien Régime féodal, clérical et absolutiste.

Depuis nos législatives (belges) du 13 juin dernier, notre petit monde politico-médiatique est tétanisé face à la percée de la NVA [Nieuw-Vlaamse Alliantie - ndlr] qui s’est engouffrée dans le sillon creusé par son imposant leader. Ce dernier échappe en effet au cordon sanitaire généralement attribué aux fascistes grâce à l’alliance rondement menée avec le parti catholique. Le point commun essentiel donc, entre jeune NVA et national-socialisme d’hier et d’aujourd’hui, est bel et bien la lutte contre toute forme de socialisme et d’organisations du monde du travail qui nuit à l’évolution du taux de profit par rapport à la masse salariale. Ce point commun donc, est la raison pour laquelle le patronat flamand trouve soudainement très tendance de passer le plus clair de son temps à la NVA.

Même Barroso, garant du capitalisme européen, se rend chez Mr. De Wever pour avoir confirmation de cette «politique économique». On laisse ainsi carte blanche à la NVA sur la possibilité du démantèlement de l’Etat, sur fond maquillé de communautarisme primaire affaiblissant les organisations ouvrières pour en réduire l’impact.

Les néo-nazis du Vlaams Blok/Belang ont défriché le terrain depuis trente ans. Ces héritiers du nazisme, fers de lance de la lutte contre les organisations ouvrières, n’ont fort heureusement jamais été très loin, faute de n’avoir pu masquer intelligemment leur haine du Wallon, du Juif, de l’Arabe, de l’Africain, de l’Asiatique, de l’Indien, etc.

Avec son bagage historique, le Vlaams Belang a voulu jouer dans la continuité. Les autres partis et la bourgeoisie flamande, par la force des choses, n’ont jamais pu se compromettre en acceptant de s’allier avec un parti aussi peu fréquentable.
Le Vlaams Belang tentera alors des appels du pied pour la création d’un «syndicat» dont le but est de briser les grèves, mais en vain: là encore, faute de stratégie et grâce à la puissance des CSC et FGTB en Flandre, le projet capotera.

Une autre tentative d’un VB décidément motivé à approcher la bourgeoisie est l’élection à sa présidence de l’ancien directeur du port d’Anvers, qui de par cette fonction entretient naturellement des relations privilégiées avec le monde patronal et financier. Un énième essai qui pour la énième fois ne réussit pas à convaincre la classe dirigeante que le Vlaams Belang serait son meilleur représentant.

La NVA porte bien son nom. Cette Nouvelle Alliance est un véritable cocktail du national-socialisme et de l’ultranationalisme, mais saupoudrée cette fois de catholicisme réactionnaire qui lui ouvrit les portes du pouvoir. Comme nous l’avons dit plus haut, le Vlaams Belang a défriché, la NVA parachève.

La NVA ou le bon qualitatif
Les deux sont d’ailleurs compères. On retrouve en effet Philip de Winter du Vlaams Belang et Bart De Wever de la NVA courtisant tous deux les mouvements de jeunes nationaux-socialistes et ultranationalistes pour un ordre nouveau flamand (sic!) (KVHS-NSV-TAK…). Au sein même de la NVA, on retrouve carrément les TAK [Taal Aktie Komitee - ndlr], mais aussi les VMO (Vlaamse Militante Orden) et les Voorpost (Avant-poste). Autre exemple, l’alter ego de Mr. De Wever et président du parlement flamand, Jan Peumans, est très explicite quant à ses opinions concernant la Résistance, usant de termes tels que lâches, assassins, crapules de la rue,… La bande tend vers un Etat flamand autoritaire, radical et catholique. Bart De Wever est un nostalgique militant convaincu.

Les nostalgiques de l’histoire
Déjà durant l’Occupation, le Vlaams National Verbond, séparatiste par définition, a grossi ses troupes de cent mille têtes, passant alors à cent-trente mille sympathisants. Le VNV aspirait alors à un Etat autoritaire basé sur le Gau (Région) et le Gauleiter (Chef de Région) hitlériens. Cela dans la continuité de l’organisation politique nazie qui divisait la grande Allemagne en régions dirigées chacune par un chef absolu. La NVA ne va jamais dénoncer cette histoire puisque cette dernière est pour elle une référence incontournable à sa haine du socialisme et du régime parlementaire.

Ce que Bart De Wever ne dira pas non plus, c’est qu’Adolf Hitler a longtemps hésité à donner à la Flandre ce statut de Gau. Et pourquoi ? Simplement parce qu’un autre prétendant au pouvoir absolu, Léopold III, proposait avec sa cour un pouvoir belge absolutiste et corporatiste, et ce avec la bénédiction du Cardinal Van Roey. Pressé par les évènements du 6 juin 1944, Hitler donnera finalement à la Flandre (incluant alors le Nord de la France) son statut de Gau par l’intervention d’Himmler qui nommera un Gauleiter allemand, qui fort heureusement n’aura guère le temps de prendre ses fonctions, au vu de la percée alliée. Ceux qui ne purent suivre les nazis dans leur fuite furent naturellement arrêtés. D’où la haine de Jan Peumans à l’égard des résistants, ces empêcheurs de tourner en Reich!

Tactiques et stratégie de la NVA
Avec l’aide du VB mais aussi du CD&V, la NVA a pu s’étendre et se déployer. Le Vlaams Belang a perdu beaucoup de voix et de sièges. Mais peu importe, il peut applaudir sans retenue l’élément électoral de masse qui lui manquait et qui s’est donné à la NVA. Celle-ci a passé le cordon sanitaire, et peut mener à bien sa politique – commune avec le VB – de démantèlement de l’Etat belge et du mouvement ouvrier. Historien, Bart de Wever connaît bien la manière utilisée par le national-socialisme pour s’approprier le pouvoir: courbettes, soumission et alliances avec le Grand Capital, «populisme» pour s’appuyer sur une masse électorale importante...

Ce avant d’être à même de faire son coup d’Etat sans contrainte. Nous voyons ainsi sous nos yeux se dérouler en Belgique ce qu’il s’est passé en Allemagne dans les années 1920-1930. Le second point tactique de la NVA, à savoir la prise de distance par rapport au racisme virulent du Vlaams Belang, lui a conféré les voix d’un large électorat catholique een beetje [un petit peu - ndlr] humaniste.

Il est paradoxal de constater que les organisations nationales-socialistes se montrent dans les champs politiques et idéologiques, mais elles visent en fait à un changement économique radical. Le but des NVA et VB est de casser les reins des organisations ouvrières et du monde du travail en général. Et de fait, que ce soit le patronat flamand, la classe moyenne opulente ou la FEB [Fédération des Entreprises de Belgique - ndlr], tous voient en la NVA la possibilité de réduire la masse salariale et la sécurité sociale pour augmenter le taux de profit. La plus grotesque de ces salivations vient du patron de la FEB, Rudy Thomas, qui veut fusionner les dix-neuf communes bruxelloises, pour des contrats plus juteux par concentration des adjudications: Thomas reconnaît même la position «délicate» de sa proposition. En effet, c’était un principe nazi de 1941 qui visait à mieux contrôler la population…

Maintenant Bart De Wever enrage du réflexe de classe qu’ont les travailleurs wallons et bruxellois. D’où le fait qu’il commence à lorgner sur le VLD et le MR [respectivement partis libéral flamand et francophone, de droite - ndlr] pour faire «front» contre le monde du travail. A suivre…
En Flandre cependant, l’ultra-nationalisme a porté ses fruits et détruit par paliers la conscience de classe. Et historiquement, le poids du syndicat catholique et des organisations catholiques a toujours freiné les luttes contre le national-socialisme et l’ultranationalisme. La scission vers un Etat Flamand afin d’écarter la partie la plus combattive du monde du travail est dès lors pour le VB et la NVA l’un des objectifs centraux, et il est en phase d’être atteint.

De Wever de De Winter peuvent mener "à bien" cette politique national-socialiste sur la base d’un pouvoir fort et au service du capital. Tout dépendra d’un rapport de forces dont nous ne pouvons connaître l’évolution…

Alors oui, la NVA fait dans la continuité du Vlaams Belang.
Oui, Bart De Wever a régulièrement été présent aux manifestations nationales-socialistes, qu’elles soient conférences, enterrements, réunions ou mouvements de jeunesse.
Oui encore, il use de ses connaissances militantes pour continuer le national-socialisme.
Oui toujours, il exprime une certaine amertume lorsque la ville d’Anvers présente des excuses officielles concernant la déportation des Juifs.
Oui enfin, il joue sur la note «d’abord être flamand avant d’être travailleur».

Willy Van Hecke & Christine Pay, 
respectivement président et secrétaire politique
du FAF [Front Anti-Fasciste/Belgique]
23.12.10
(* Terme premier du fascisme et du nazisme)
L’ensemble de cet article a comme références principales les livres suivants :
L’Ordre Nouveau, de Maurice De Wilde, Ed. Duculot.
Le Chagrin des Flamands, de Hugo Gijstel et Jos Vander Velpen, Ed. EPO.
Le Vlaams Blok, de Hugo Gijstel, Ed. Luc Pire.

Source: legrandsoir

mercredi 29 décembre 2010

Les gouvernements européens se mettent à genoux devant le grand capital financier

Atilio Boron est professeur de théorie politique à la Faculté de sciences sociales de l`Université de Buenos Aires et chercheur au Conseil national d`investigations scientifiques et techniques (CONICET) d`Argentine. Il dirige le Programme latino-américain d`éducation à distance et de sciences sociales (PLED). En 2009 il obtint le Prix de l`Unesco José Martí. Auteur de nombreux ouvrages dont le plus récent est, en collaboration avec Andrea V. Vlahusic: «Le coté obscur de l`Empire. La violation des Droits Humains par les États-Unis» (Ed. Luxemburg, Buenos Aires.)  



- Fidel Castro à qui vous lie de forts liens d`amitié, vous a invité après le colloque «L`Amérique Latine et les Caribes: l´indépendance des métropoles et l`intégration émancipatoire» de La Havane (22-24 Novembre) avec d`autres intellectuels, à un déjeuner. Entre autre, vous avez parlé des changements prévus dans l`économie cubaine. Quels en seront les principaux aspects?
- Sur le plan de politique intérieure, Fidel Castro souligna l`importance des changements économiques qu`on est en train de proposer. Il signala le fait que la Révolution doit actualiser son modèle économique socialiste si elle veut survivre. Il répéta qu`il ne craignait pas tellement une agression extérieure de la part des Etats-Unis que les processus de démantèlements internes, résultant de l`incapacité économique cubaine de satisfaire les nécessités de sa population. Il réitéra que le prochain congrès du Parti Communiste Cubain approuvera un paquet de réformes qui approfondiront le socialisme, le transposant à l`époque actuelle ce qui ne sera en aucun cas une attaque contre «les conquêtes historiques de la Révolution.»

- Prenant comme point de repère des documents du Pentagone, de la CIA et du Département d`Etat nord-américain où les Etats-Unis définissent leur position belligérante pour les prochaines 30-40 années, dans votre exposé de La Havane vous avez démontré que «l`Empire est disposé à défendre bec et ongles les privilèges dont il a profité lors de la dernière moitié du XXè siècle.»
- Je faisais allusion à une série de documents dont la totalité signale les difficultés de l`Empire nord-américain à survivre sans renoncer aux privilèges dont il a profité durant ces dernières cinquante années. Tout indique que ce monde a déjà disparu et que l`actuel est pollué de rivaux et de concurrents qui peuvent interférer dans les projets des Etats-Unis. En conséquence, le pays doit se préparer à une longue période de guerres afin de préserver une part - pas toute - de l`influence qu`il a su préserver depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

La nouvelle et très forte pression sur l`Amérique Latine et les Caraïbes se manifeste par l`implémentation d`une vingtaine de bases militaires allant de l`extrême Nord de la Mer des Caraïbes jusqu`au îles des Malouines au Sud, 7 bases en Colombie, 4 au Panama, 2 au Paraguay et bien d`autres. En fait, le Venezuela est entouré de bases puisque, hormis les colombiennes, il s`y trouve 2 à peu de kilomètres de ses plages: les bases d`Aruba et du Curaçao, deux colonies de la Hollande, ancienne puissance européenne qui a facilité ses installations à la Maison Blanche afin qu`elle puisse agresser le Venezuela de façon effective et à moindre coûts. Ajoutez à cela la réactivation de la puissante IVè Flotte étatsunienne, composée de navires de toutes sortes, aptes à naviguer  dans les «eaux bleues» du littoral maritime  latino-américain et dans nos grands fleuves intérieurs. Les Etats-Unis promeuvent de nouveau des coups d`Etat militaires dans la région avec le but de contrôler totalement l`Amérique Latine. Ce fait qui est signalé depuis de nombreuses années par Noam Chomsky, divers documents du Pentagone, du Département d`Etat et de la CIA ne font que le confirmer.

- Quoique la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton demandait à ses ambassadeurs d`espionner d`importants hommes politiques, pour avoir communiqué quelques 250.000 documents à cinq journaux néolibéraux,  les Etats-Unis et leurs alliés européens accusent Wikileaks de «mettre en danger la diplomatie internationale». De quelle genre de diplomatie s`agit-il?
- Les accusations des Etats-Unis ainsi que de sa clientèle politique européenne manquent complètement de substance. Ce que Wikileaks a révélé jusqu`à présent a peu d`importance, sauf:
a) la preuve que Washington soumet le siège de l`ONU de New-York et probablement aussi le domicile privé de son Secrétaire général à un espionnage illégal, ce qui constitue une très grave violation à la sécurité et à la légalité internationale. Ce fait a été  dénoncé seulement par quelques pays d`Amérique Latine mais, au déshonneur de l`Europe, par aucun de ses gouvernements. L`Europe trahit ainsi sa condition d`héritière de l`enseignement d`Emmanuel Kant concernant l`ordre légal qui devrait régir la Planète.
Souvenons-nous que pour beaucoup moins, Richard Nixon a dû renoncer à la présidence des Etats-Unis. Le scandale du Watergate est un jeu d`enfant face aux agissements du Prix Nobel de la Paix, Obama, envers l`ONU.

b) Madame Clinton était parfaitement au courant qu`au Honduras avait eu lieu ce que son propre ambassadeur, Hugo Llorens, nomma dans ses dépêches «un coup d`État», mais elle n`accorda pas d`importance à ces informations. Elle mentit à tout le monde en affirmant que ce qui avait eu lieu était en concordance avec les préceptes constitutionnels, un fait qui souille son bureau ainsi que la Maison Blanche du péché de mensonge.

c) l`obstination de Washington afin d`empêcher l`affermissement des processus d`intégration nationale en Amérique Latine, disséminant des intrigues et créant de faux affrontements entre les pays de cette zone. De cette façon les USA prouvent leur fidélité au précepte de l`Empire Romain: «Divise et tu vaincras». Actuellement ses plans sont visibles et génèrent une réaction contraire. Il devient évident que la diplomatie des Etats-Unis n`est rien d`autre qu`une perverse combinaison de mensonges, de corruption, d`extorsions et d`agressions.

- La conférence intitulée «Danger dans les Andes» qui eut lieu au Capitole de Washington le 17 novembre, a réuni des membres du Congrès, républicains et démocrates à des terroristes latino-américains et cubains qui entre autres, financèrent des putschs au Venezuela, en Bolivie, au Honduras, en Equateur ainsi que des attaques contre Cuba. Quelle signification a cette conférence pour les pays de l`ALBA (1)?
- Cette réunion expose clairement - non seulement pour les pays de l`ALBA, mais pour tout homme ou femme de bonne volonté - la gravissime menace qui pèse sur l`Amérique Latine et les Caraïbes lorsque des terroristes avérés, ainsi que leur représentants politiques et financiers (telles les institutions d`extrême droite National Endowment for Democracy, International Republican Institut ou le Hudson Institute, MR) se réunissent au siège du Congrès des Etats-Unis pour échanger des opinions et des expériences relatives aux meilleurs moyens de mettre fin aux gouvernements démocratiques de la région. S`il y avait une justice aux USA, une bonne partie de ces personnages devraient être sous les verrous, accusée de complicité ou bien de faire l`apologie de la violence et, dans certains cas, d`homicide. Face à cette dégradation morale de l`Empire, les pays de l`ALBA ainsi que tous les autres de l`Amérique Latine doivent être extrêmement attentifs face aux tentatives de coups d`Etat, d´essais de  déstabilisation ou de séparatisme encouragés par Washington et par les secteurs de la droite la plus réactionnaire de nos pays. Attentifs aussi à la complicité de quelques pays européens préférant détourner les yeux face à des faits répugnants pour la conscience humaniste universelle, qui dans le passé a donné à la culture européenne de brillants représentants.

- Pendant que «le fléau néolibéral» - duquel vous nous faites une mordante analyse dans votre étude «Le Socialisme du XXIè Siècle» (2) - imposé par l`UE depuis la chute du Mur de Berlin, appauvrit des millions de citoyens, les gouvernements révolutionnaires du Venezuela, de  Bolivie, de l`Équateur et du Nicaragua ainsi que leurs peuples, introduisent des réformes politiques inédites dans leur histoire. Quelle feuille de route suivent-ils?
- Je crois que la clé se trouve dans le fait que ces gouvernements ont décidé de se détourner complètement des recettes économiques néolibérales qui ont semé  tragédies et misère dans les pays d`Amérique Latine et des Caraïbes. Le livre du président de l`Equateur Rafael Correa, intitulé «Equateur. D`une République Bananière à une Non-République», fait une synthèse extraordinaire de ce que ces politiques ont détruit. Elles ont anéanti nos économies, ont pillé nos ressources, ont transféré les richesses de nos pays au grand capital financier et à ses alliés et ont appauvri la classe moyenne, réduisant les secteurs populaires à l`indigence. Les leaders «bolivariens» eurent l`intelligence et l`audace de lutter contre les intérêts établis, de placer l`économie au service de la société, de recouper avec méticulosité les privilèges du marché et, surtout, de désobéir aux conseils des grandes bureaucraties internationales telles le FMI (Fond Monétaire International), la BM (Banque Mondiale), la BID (Banque Internationale de Développement), auteures intellectuelles du pillage de nos pays. En plus, ces grands leaders ont renforcé les protagonistes de masses, au lieu de renvoyer les gens chez eux. Ils perfectionnèrent les institutions démocratiques en introduisant de nombreuses consultations populaires sous forme de plébiscites, référendums, élections révocatoires du mandat. De cette façon, un président comme Rafael Correa a convoqué - et gagné - six élections nationales en quatre ans! Hugo Chávez convoqua seize élections générales en onze ans et gagna quinze d`entre elles. Le record d’Evo Morales s`apparente à celui de Correa. Quel gouvernant européen atteint actuellement un tel degré de légitimité? La grande presse qualifie toutefois ces gouvernants d`Amérique Latine de «dictateurs» ou bien, dans le meilleurs des cas, «d`autoritaires».

Nous avons vu avec surprise et gêne comment le FMI - qui des décades durant ne s`est pas mêlé des politiques publiques européennes - apparait maintenant pour dicter aux gouvernements de Grèce, d`Irlande et d`Espagne ce qu`ils doivent faire. Invariablement mise au service du grand capital financier et de leurs oligopoles transnationaux, les recettes perverses du FMI ont été appliquées en Amérique Latine avec des résultats catastrophiques. Nous avons du mal à croire que les peuples d`Europe acceptent de se soumettre au mandat du FMI. Mais leurs gouvernements ont abdiqué toute prétention de souveraineté et l`unique chose à laquelle ils sont disposés est de s`agenouiller devant les exigences du grand capital financier.

Entretien réalisé par Manola Romalo
24.12.10

Cette entrevue a été d`abord publié par HINTERGRUND :
http://www.hintergrund.de/201012101282/politik/welt/europa-hat-seinen-moralischen-anspruch-vor-dem-finanzkapital-aufgegeben.html
Et par Rebelión : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=118372   

Notes:
(1) ALBA [l`Alliance Bolivarienne pour les peuples de nos Amériques] réunit les pays nommées ci-dessus sauf le Honduras qui, à la suite du coup d´Etat militaire qui a délogé son président légitime, Manuel Zelaya, a été suspendu par les pays de l`ALBA, se retirant en janvier 2010 après des élections présidentielles truquées, ainsi que: Cuba, Nicaragua, Antigua, les Barbuda, Dominique, San Vicente et les Grenadines.
(2) Ouvrage publié en octobre 2010 en Allemagne: Atilio Boron: „Den Sozialismus neu denken. Gibt es ein Leben nach dem Neoliberalismus?“ VSA-Verlag, Hamburg, ISDN 978-3-89965-423-3
(3) Rafael Correa: “Ecuador. De banana Republic a No República.”(Random House, 2010) 

Source: mondialisation.ca

mardi 28 décembre 2010

PARTICULIER CHERCHE DÉPUTÉ CULOTTÉ





Ali Aarrass est, tout comme moi, un enfant bipatride, victime des maltraitances de deux «mères-patries» indignes. Lui et moi avons une mère-patrie commune: la Belgique. Elle ne nous aime pas et nous traite avec indifférence parce que nos têtes ne lui plaisent pas. Dans mon cas, elle s’est quelque peu ravisée. Elle me tolère mais me surveille avec malveillance. Ali, lui, a eu moins de chance. Elle a détourné son regard au moment où il se faisait enlever. Mère-Belgique a laissé faire un rapt d’enfant commis par une marâtre espagnole pour le compte de Mère-Maroc. Ali est désormais aux mains de son autre mère-patrie qui le séquestre et le bat. Pourtant, Ali est gentil et innocent. Alors que moi, je suis et je reste turbulent...

Le vendredi 16 juin 2006, j’étais en prison. Non pas en Belgique mais à Dordrecht aux Pays-Bas à cause d’un mandat d’arrêt international émis par Ankara qui voulait ma tête de prétendu «leader terroriste». Malgré ces graves accusations, ce vendredi-là, je reçus la visite de 3 parlementaires belges: Josy Dubié, à l’époque sénateur Ecolo, et deux autres figures du mouvement progressiste belge, Pierre Galand et Jean Cornil, eux aussi à l’époque sénateurs mais du Parti socialiste. Il en fallait du courage à ces 3 parlementaires pour rencontrer un «énergumène» sur lequel «il faudrait fondre comme le faucon sur sa proie» comme disait à l’époque François-Xavier de Donnéa leur collègue MR du clos des Milliardaires. Il en fallait de l’insolence à ses 3 Don Quichotte pour se préoccuper d’un étranger au nom presque inquiétant qui tel un esclave avait été vendu par son propre pays sur le marché néerlandais au pays d’origine de ses parents. Si je suis aujourd’hui libre, c’est notamment grâce à eux. Ali Arraass, lui, n’a pas eu la même chance…

Ali n’est pas comme je l’ai été, au bord du précipice. Il est au fond! Mais il vit encore. Entendez sa voix!  Maintenant que Josy, Pierre ou Jean ne jouissent plus de leur tribune politique, ne nous faites pas dire que notre démocratie a perdu. Suivez l’exemple de vos 3 prédécesseurs, prenez la relève non pas pour porter secours à un terroriste avéré comme je l'étais injustement catalogué à l'époque, mais pour sauver un innocent, un vrai, des griffes de ses tortionnaires. Une simple rencontre suffira à lui redonner vie.

Amis députés, sauver Ali, c’est sortir notre démocratie du précipice. C’est laver l’opprobre jeté sur un homme non plus à terre mais désormais sous terre! Sauver Ali, c’est en définitive sauver notre dignité à tous.

Bahar Kimyongür
24.12.10

lundi 27 décembre 2010

Ce dont Wikileaks est le révélateur



Réponse de Raoul Marc Jennar, militant altermondialiste, à Jean-Christophe Rufin, académicien.



Dans une très récente tribune (Le Monde, du 21 décembre), le romancier et ancien ambassadeur Jean-Christophe Rufin nous livre une analyse de l’évolution des mouvements citoyens depuis les années 1970. Il y voit trois âges d’une révolte: le premier est dominé par l’action humanitaire qui s’emploie à soigner partout les maux que les États infligent aux peuples; le deuxième est celui des altermondialistes qui, au-delà des effets, s’attaquent aux causes; le troisième, «fortement marqué par l’influence croissante des réseaux virtuels» est celui de la subversion virtuelle et de la radicalité écologique.

Cette mise en perspective débouche sur une conclusion qui doit retenir l’attention. «Quand la révolte citoyenne s’applique à l’État totalitaire, sa légitimité est difficilement contestable» écrit notre acamédicien. Mais il ajoute «Il en va tout autrement dans les États démocratiques.» Et de questionner «Jusqu’où le citoyen est-il fondé à aller contre l’État dans un régime démocratique? À partir de quel seuil passe-t-on de la mobilisation utile à la menace contre le contrat social?» Mais il renonce à s’interroger sur les raisons pour lesquelles «l’initiative citoyenne s’est constituée en cinquième pouvoir dans les démocraties» et préfère accuser «la dernière génération de mouvements citoyens que symbolise Wikileaks de présenter de ce cinquième pouvoir un visage extrême et inquiétant qui interroge sur ses limites.»

Pourquoi donc, en effet, depuis au moins quarante ans, des femmes et des hommes, pourvus du seul mandat que leur assigne leur conscience, se sont-ils d’abord substitués aux fautes des États, sur la scène internationale, mais aussi en interne (ex: les Restos du Coeur)? Pourquoi se sont-ils ensuite mobilisés pour dénoncer la confiscation de la souveraineté populaire au profit d’institutions supranationales (FMI, Banque Mondiale, OMC, Union européenne) aux pouvoirs contraignants dont la fonction première est de livrer les peuples et la planète à la discrétion des firmes transnationales et des banquiers? Pourquoi, aujourd’hui, se servent-ils des technologies de communication les plus performantes au moindre coût pour exprimer leur révolte contre les mensonges de ces institutions et des États qui les soutiennent, mensonges qui justifient guerres, invasions, occupations, privatisations, démantèlement des politiques publiques, atteintes aux libertés?

N’est-ce pas plutôt la dilution des principes démocratiques, le recul de l’État de droit, la professionnalisation de la démocratie représentative, le mensonge érigé en méthode de gouvernement qui expliquent la formidable perte de confiance des citoyens dans les institutions dites démocratiques et qui constituent la principale menace contre le contrat social qu’invoque Mr. Rufin? Une perte de confiance qui jusqu’ici s’est exprimée de deux manières: l’abstention lors des échéances électorales ou le soutien aux formations d’extrême-droite. Ne convient-il pas dès lors de se réjouir de ce que les citoyens les plus attachés aux idéaux démocratiques privilégient des méthodes nouvelles de transgression de l’ordre établi et parviennent à montrer à la face du monde que le mensonge ça ne prend plus, que ce qui est présenté comme motivé par l’intérêt général ne sert en fait que des intérêts particuliers, que ceux qui ont la garde du contrat social ont renoncé?

Ne convient-il pas dès lors de soutenir des vétérans en la matière comme Le Monde diplomatique et Le Canard enchaîné et leurs cadets que sont les animateurs de Fakir? Ne convient-il pas de faire en sorte que les espaces devenus ténus d’une presse libre et indépendante comme Mediapart et Wikileaks soient défendus?

Plus que jamais s’impose la formule de Montesquieu sur la nécessité d’opposer à tout pouvoir un contre-pouvoir. Et aujourd’hui face à la toute puissance du monde des affaires et de la finance, face au dévoiement de la démocratie par ceux qui devaient en être les gardiens, face au pouvoir des groupes médiatiques chargés de propager le prêt-à-penser néolibéral, un cinquième pouvoir s’impose. Celui des citoyens conscients et agissants. Ce n’est pas leur détermination qui présente un «visage extrême et inquiétant», Mr. Rufin. C’est ce à quoi ils s’opposent.

Raoul Marc Jennar
23.12.10
Source: jennar.fr

samedi 25 décembre 2010

En solidarité avec le peuple encagé de Gaza







Malgré les conditions climatiques difficiles, soyons nombreux à manifester notre solidarité avec la population de Gaza maintenue en conditions de survie, et à dénoncer la forfaiture de nos gouvernements, complices de l'abjecte occupation sioniste.





26.12.10

vendredi 24 décembre 2010

Envers et contre tout, nos voeux solidaires!


Il ne faut pas se voiler la face: aux nombreux croyants qui fantasment encore béatement sur la ville de la nativité et toute l'iconographie qui l'accompagne, il faut dire que depuis bien longtemps, Bethlehem est complètement défigurée par les décennies d'occupation israélienne féroce, doublée d'un mur immonde qui en lieu et place de promouvoir l'ouverture, l'échange et la paix que symbolise une naissance, enferme les populations dans des conditions de vie inadmissibles pour tout individu ayant un minimum de conscience humaine...

Pour ceux qui y croient, prier c'est bien, mais cela n'a jamais changé grand chose aux réalités concrètes du monde et nous pensons en tout cas, que cela n'exonère jamais du devoir d'agir. Pour notre part, nous ne pouvons pas fêter Noël sans oublier le sort du peuple palestinien, témoin du viol incessant de sa terre sur laquelle il tente de survivre, et bafoué dans son identité...

Nous n'oublions rien des injustices et des crimes multiples commis au fil du temps par l'entité sioniste, et nous vous invitons dès lors à nous rejoindre ce dimanche 26 décembre à 14h (voir l'Agenda ci-contre) pour une marche de solidarité avec la population de Gaza, victime il y a 2 ans d'une guerre meurtrière condamnée par les Nations-Unies mais cependant toujours soumise à un embargo outrageusement inhumain... rendu possible par une telle passivité de nos gouvernements qu'ils en deviennent proprement complices...

Les membres d'ÉGALITÉ
24.12.10

Témoignage d'un ex-officier de l'armée israélienne

Yehuda Shaul, 28 ans, ex-officier de l'armée israélienne, est l'auteur de «Breaking the Silence», un livre événement à paraître en janvier où les combattants de Tsahal racontent leur intolérable comportement dans les territoires occupés à Gaza. Un entretien exclusif pour Paris Match.




- Paris Match: votre livre est une bombe par ses révélations; quel effet concret en espérez-vous?
- Yehuda Shaul: j’espère pouvoir enfin susciter une vraie discussion sérieuse en Israël car, cette fois-ci, nos témoignages sont innombrables, vérifiés, incontestables: il y en a 180 et nous en tirons une analyse, ce qui est nouveau.

- Pensez-vous que l’opinion israélienne igno­re ce que signifie l’occupation militaire des territoires palestiniens?
- Le public a des clichés dans la tête qui incitent à l’approbation aveugle. Par exemple, en hébreu, la politique israélienne dans les territoires occupés se résume à quatre termes que l’on ne peut pas contester: “sikkul” (la prévention du terrorisme), “afradah” (la séparation entre la population israélienne et la population palestinienne), “mirkam hayyim” (la “fabrication” de l’existence palestinienne) et “akhifat hok” (l’application des lois dans les territoires occupés). En réalité, sous ces noms de code se cachent de terribles déviations qui vont du sadisme à l’anarchie et bafouent les plus élémentaires droits de la personne. Cela va jusqu’aux assassinats d’individus innocents dont on suppute qu’ils pourraient être des terroristes. Et je ne parle pas des arrestations arbitraires et des harcèlements en tout genre.

- Quel est le but?
- Il est clairement défini: c’est de montrer la présence permanente de l’armée, de produire le sentiment d’être traqué, contrôlé, bref, il s’agit d’imposer la peur à tous dans la société palestinienne. On opère de façon irrationnelle, imprévisible, créant un sentiment d’insécurité qui casse la routine.

- L’occupation des Territoires n’est-elle pas nécessaire pour éviter des “surprises” terroristes?
- Non! L’occupation systématique ne se justifie pas car elle recouvre une série d’interdictions et d’entraves inadmissibles. Nous souhaitons en discuter maintenant. Ni au sein de l’armée ni au sein de la société civile ou politique on ne veut affronter la vérité. Et cette vérité, c’est que nous avons créé un monstre: l’occupation.

- Peut-on espérer que de sérieuses discussions sur la paix améliorent la situation?
- Non, chercher à finir le conflit est une chose, finir l’occupation en est une autre. On est tous d’accord pour rechercher la paix, mais on oublie l’occupation. Or, il faut commencer par cela.

- Vos témoignages révèlent l’incroyable impunité dont bénéficient les colons, véritables adjoints des mili­tai­res: ils brutalisent leurs voisins palestiniens, entraînent leurs enfants à l’agressivité et à la haine des Arabes...
- En effet, mais ce ne sont pas eux le problème. C’est le mécanisme d’occupation qui leur a alloué ce pouvoir démesuré. Moi, quand j’étais militaire à Hébron, je ne pouvais pas arrêter un colon qui enfreignait ouvertement la loi sous mes yeux. Ils font partie de ce système immoral.

- Pensez-vous trouver un soutien dans l’opinion israélienne?
- Pour l’instant, nous sommes minoritaires mais optimistes! Il le faut car on vit des temps sombres, l’opinion israélienne est apathique, les gens en ont ras-le-bol. Et le prix à payer pour cette occupation n’est pas lourd. C’est pourquoi il n’y a pas de volonté politique. En revanche, le prix moral est énorme.

- C’est la première fois que de telles révélations sont faites?
- Non, il y a un an, nous avions raconté les exactions infligées dans la Bande de Gaza, et nous avions été attaqués de toutes parts: par l’armée, la société civile et la société politique. Netanyahu nous avait accusés d’avoir “osé briser le silence”. Mais quel silence? C’est un silence honteux sur un scandale tonitruant! Ils ont tout fait pour nous discréditer. Ils tombaient mal car nous sommes tous d’anciens officiers qui avons vécu ces événements pénibles.

- Justement, pas mal de soldats et d’officiers qui s’expriment semblent traumatisés par ce qu’ils ont dû accomplir. Une souffrance qui perdure.
- Oui... Enfin, ne nous trompons pas: les victimes, ce sont les Palestiniens qui endurent ce contrôle. Je me souviendrai toujours de la réponse d’un commandant de l’armée lors d’une discussion sur un plateau télé en 2004. Nous avions organisé une expo photo avec une vidéo des témoignages. Il m’a dit: “Je suis d’accord avec ce que vous montrez, mais c’est comme ça, il faut l’accepter, cela s’appelle grandir, devenir adulte.” Je suis resté sans voix.

- Certains pensent qu’Israël a intérêt à maintenir le conflit et que les Palestiniens n’auront jamais leur terre.
- C’est faux. Il est impossible d’éradiquer une population de 3,5 millions d’habitants. Le problème n’est pas de leur accorder une terre, il est dans l’obsession de vouloir les contrôler.

- Les jeunes générations de 20-30 ans sont-elles plus perméables à votre point de vue?
- Toute ma génération n’est pas d’accord avec moi, mais aucun ne peut dire que je mens. Nous sommes tous d’ex-membres de l’armée nationale, nous avons payé le prix, nous avons gagné le droit de parler. Il faut que les esprits changent de l’intérieur.

- Vous êtes juif orthodoxe et vous tenez un discours étonnamment ouvert. Votre foi vous aide-t-elle dans ce combat?
- Pas plus que ça... Mais je sais ce que signifie être un juif religieux: ne pas rester silencieux devant ce qui est mal. Et je veux apporter une solution, pas un problème. Point final

Interview Catherine Schwaab 
pour Paris Match
22.12.10

jeudi 23 décembre 2010

Combien de maisons palestiniennes détruites avant une réaction de nos gouvernements?




 
Montée en flèche du nettoyage ethnique: combien d'autres maisons palestiniennes faudra-t-il qu'Israël démolisse pour que les gouvernements occidentaux agissent?

  
Pendant que les Occidentaux s'affairent aux préparatifs de Noël, Israël accélère sa campagne de nettoyage ethnique dans les territoires palestiniens occupés et à l'intérieur de ses propres frontières (non déclarées), ce qui ne surprendra pas les connaisseurs ès gouvernements israéliens successifs, de droite comme de gauche, spécialistes de longue date en utilisation des diversions internationales pour faire progresser leurs attaques pour leur lebensraum – espace vital – en Palestine.

Pendant les fêtes de Noël, il y a deux ans, le premier ministre israélien de l'époque, Ehud Olmert, a lancé un bombardement massif d'artillerie et aérien sur la Bande de Gaza, suivi par une invasion à grande échelle. Cette année, il semble qu'une offensive pré-Noël a commencé avec une série insidieuse de démolitions de maisons.

A ce jour, il n'y a pas eu le moindre mot de condamnation de Bruxelles, New-York ou Washington; tout le monde est trop occupé, semble-t-il, à se préparer pour la soi-disant "saison de paix et de bonne volonté des hommes". La censure des actions israéliennes pourrait bien devoir attendre que les poules aient des dents (à moins que les bombes israéliennes n'arrivent les premières et les tuent dans les champs).

Pendant ce temps, la campagne d'Israël se déploie à une telle vitesse époustouflante qu'il est presque impossible de suivre. Aujourd'hui, 20 décembre, les forces israéliennes ont détruit cinq magasins dans la ville d'Hébron, au sud de la Cisjordanie. Un peu plus au nord, elles ont donné aux résidents de Khirbet Tana, minuscule village palestinien à l'est de Naplouse, 24h pour évacuer leurs maisons. Khirbet Tana est situé à deux kilomètres à peine de la colonie israélienne illégale de Mekhora, et ceci explique en partie l'ultimatum. La "sécurité" et le confort des colons juifs illégaux doivent être préservés, par tous les moyens, peu importe le droit et les conventions internationales.

Menacer de démolir les maisons de villageois pauvres est déjà assez infect, mais menacer de confisquer leurs biens, y compris leur bétail, une fois l'échéance passée, est au-delà du mépris. Wasif Abu Sa'ud, résident de Tana, a dit que l'armée a menacé de confisquer ses brebis et autres animaux s'ils ratent la date limite imposée arbitrairement. Et pour bien remuer le couteau dans la plaie, les propriétaires devront payer les frais engagés par la confiscation.

Ce torrent de mauvaises nouvelles n'a pas été concocté par une officine de propagande médiatique palestinienne. Un rapport diffusé hier par l'OCHA (Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires) confirme que 47 maisons ont été démolies en Cisjordanie occupée au cours des deux premières semaines de décembre 2010:
- le 1er décembre, la municipalité de Jérusalem a détruit des bâtiments dans les quartiers d'Issawiyah et Sheikh Jarrah;
- le 14 décembre, la municipalité a à nouveau mené des démolitions de maisons en deux endroits de Jérusalem-Est. A Ras al-Amoud (sur l'ancienne route de Bethléem), ils ont démoli une maison palestinienne appartenant à une famille de sept personnes, dont 5 enfants. Depuis 2007, le quartier a été pris pour cible, après que le maire ait cyniquement approuvé la construction de la colonie Ma'ale Hazeitim, construite sur la terre palestinienne.

Autre scandale, à Sur Baher, un quartier au sud-est de Jérusalem et juste au nord de la colonie Har Homa, la municipalité a démoli une maison palestinienne. Il faut rappeler que le gouvernement israélien a confisqué plus de 2.000 dunums (2 ha) des terres de Sur Baher pour construire la colonie Talpiot Est en 1970, et près de 900 dunums en 1997 pour la colonie Har Homa.

En "Israël", le traitement des citoyens palestiniens est tout aussi épouvantable. Dans la ville d'Al-Lid, 50 enfants sont rentrés de l'école la semaine dernière pour trouver leurs mères en pleurs au milieu des décombres de leurs maisons. Même les palmiers des cours avaient été déracinés et écrasés à côté des meubles brisés.

Ces bâtiments n'ont pas été détruits par le mauvais temps qui a balayé la région à ce moment-là. Les sept maisons ont été démolies par des entrepreneurs de l'Etat israélien agissant sous les ordres de sa Cour suprême. Leur motivation, c'est la judaïsation d'Al-Lid, la même proclamation tristement célèbre qui est utilisée pour la judaïsation de Jérusalem.

Certains diront qu'Israël fait tout ça pour provoquer une confrontation violente ou une réaction des Palestiniens de manière à pouvoir alors "répondre" d'une manière ridiculement disproportionnée, les châtier et les expulser, poursuivant ainsi le nettoyage ethnique que les sionistes ont commencé en 1948 avant même que l'Etat d'Israël soit inventé. Le fait est, cependant, qu'Israël n'a pas besoin de telles excuses pour perpétrer ses actions illégales; il ne rencontre aucune sanction, aucun reproche, aucune critique. C'est l'Etat "juif démocratique", et ceci seul l'habilite à traiter avec mépris le droit international et agir en toute impunité cynique.

Il est clair que si de tels crimes avaient lieu n'importe où ailleurs dans le monde, y compris en Europe, ils seraient condamnés, à juste titre, pour ce qu'ils sont, un nettoyage ethnique. Ils seraient suivis d'une action punitive, avec ou sans l'accord du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, pour stopper les auteurs dans leur élan destructeur. Ceux qui manifestent, souvent de pure forme, un intérêt pour les droits légitimes du peuple palestinien doivent maintenant agir et aller au-delà des vaines déclarations de condamnation. Aucune parole doucereuse et habile n'apportera un abri, du confort ou de la chaleur aux centaines d'enfants dont l'inhumanité cruelle et barbare d'Israël a fait des sans-abris.

Si ce nettoyage ethnique ne suffit pas à avertir du pire à venir, alors les gardiens des droits de l'homme et du droit international ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes pour leur inaction lorsque ce "pire" arrivera. Les signaux d'alerte du nettoyage ethnique dans les Balkans étaient écrits en grosses lettres; les indications d'un génocide au Rwanda étaient encore plus grandes. La complaisance combinée à la couardise y ont mené à la mort des centaines de milliers d'innocents. La situation en Palestine est encore plus évidente; il n'y a pas un seul homme politique en Occident qui ne soit au courant de ce qui se passe, malgré l'approche lâche de beaucoup de médias dans le traitement de ces scandales. Dans un monde où on ne traite pas les animaux de cette manière, pourquoi acceptons-nous qu'Israël traite ainsi les Palestiniens? Leur protection, en vertu des Droits humains et du Droit international, n'est-elle qu'une chimère?

A ce moment de l'année où tant de monde célèbre la naissance de Jésus le Palestinien dans la petite ville de Bethléem, rappelons-nous que les Chrétiens palestiniens, dans ce lieu unique, souffrent avec leurs voisins musulmans. Le nettoyage ethnique est un crime contre l'humanité. L'absence d'action fait de nos gouvernements les complices de ce crime, et personne ne pourra dire qu'il n'avait pas été averti.

22.12.10   
Source : Middle East Monitor      
Traduction : MR pour ISM

mercredi 22 décembre 2010

Les ravages des dictatures soutenues par l'Occident








De l’Algérie révoltée à l’Irak explosé en passant par l’Afrique dévastée





Les dictatures, c’est connu, ne tolèrent pas la liberté de pensée et d’expression. Et cette liberté, nous le savons aussi, est essentielle à l’évolution des individus et partant des sociétés qu’ils composent. À partir de là, il est aisé de constater que sous la gouverne des dictatures, les individus, au lieu de progresser et s’épanouir dans une citoyenneté valorisante, tournée vers l’avenir, ils sombrent sous l’effet de la peur et de la menace dans une condition de dépendance vis-à-vis de leurs persécuteurs, autrement dit les pouvoirs totalitaires qui les gouvernent, essentiellement à travers un puissant dispositif d’essence répressive. Ce sentiment de peur est inoculé dans les esprits à travers, d’une part, l’omniprésence de la toute puissance du pouvoir dans les médias sous contrôle, et d’autre part, cette perception, pour ne pas dire conviction, qu’ont les gens d’être constamment surveillés par d’invisibles mais impitoyables agents infiltrés dans tous les rouages de la société. À terme, ce processus de pression dont use le pouvoir et qui comprend tout un éventail de mesures répressives, allant de la violence morale à la liquidation physique des individus indociles, finit par user les velléités de résistance chez une société au profit de sa soumission à l’ordre établi, tandis que s’opère progressivement dans l’ensemble du corps social un état d’esprit démissionnaire et, par conséquent, fatal à la cohésion d’une nation. 

Le résultat de cette politique répressive et corrompue s’affiche de façon flagrante dans l’état de délabrement de nombreux pays africains et arabes, dont le sous-développement ne concerne pas seulement les infrastructures et autres réalisations d’ordre socio-économique et culturel, mais affecte également les mentalités, continuellement confrontées aux conséquences de la gestion chaotique des gouvernants. Cette confrontation, inégale et omniprésente, mine le potentiel de l’opposition et pousse à la division de ses forces, de même qu’elle favorise la désertion de tout esprit pouvant remettre en cause la légitimité des tenants de la dictature. La stratégie semble avoir réussi jusque-là en Algérie, puisque tous les observateurs s’accordent sur l’absence d’une opposition (intellectuelle et politique) suffisamment crédible et rassembleuse pour renverser la dictature militaire qui écrase le peuple.

Dès lors que ce constat est fait, on s’interroge, et à juste titre, sur l’incapacité des Algériens, à se rebeller massivement contre cette dictature pour se donner un État de droit, d’autant plus que le pays est riche en ressources matérielles et humaines, même si une importante partie a fui le pays pour vivre dans les démocraties occidentales. Du point de vue des citoyens libres, cela paraît incompréhensible que des gens aussi renseignés que les Algériens sur les droits et libertés, et même au fait des moyens de les atteindre, ne résistent pas mieux à l’arbitraire, et acceptent le diktat de la soumission ou de l’exil, que leur impose un pouvoir, non seulement illégitime, mais réputé mondialement pour sa corruption et sa mauvaise gouvernance. Comment admettre, en effet, que des masses de lettrés qui ont usé leurs frocs sur les bancs d’université afin d’apprendre leurs droits d’humains et acquérir les moyens de les défendre, en arrivent à tolérer l’outrage de se laisser opprimer, humilier et dévaliser de ces mêmes droits? Cela va à contre sens de ce qu’un individu doué d’esprit et de raison puisse admettre, et plus encore, à comprendre. À plus forte raison, lorsqu’on voit ces mêmes Algériens exceller à l’étranger, et même se démener diablement (certains d’entre eux) pour se porter au «secours» de la démocratie dans son propre sanctuaire, là où elle est enracinée autant dans la terre que dans l’esprit des gens. 

Pour ceux qui connaissent les mécanismes de la dictature, cette machine dévoreuse de la dignité humaine, c’est aussi cela sa grande réussite! Bafouer impunément les valeurs universelles et promouvoir la culture du
non-sens où l’arbitraire, l’aberration et l’absurde se partagent le quotidien des gens et finissent par s’imposer comme des normes de fonctionnement de la société. Après quoi, le chaos peut s’installer durablement en s’abreuvant de tout ce qui est négatif chez les gens, haine, méfiance et violence, annihilant tout esprit d’appartenance commune. C’est le pire résultat que peut produire une dictature chez un peuple. J’ai pu avec
une grande tristesse mesurer les conséquences désastreuses de cette absence d’appartenance commune à une histoire, à un groupe, à une nation. Il se manifeste par ce reniement de soi que j’ai constaté chez des compatriotes, tout comme j’ai eu à le faire chez des Irakiens rencontrés lors de l’invasion de leur pays par des forces étrangères. Dans les deux cas, la haine du pouvoir est telle que certains sont prêts à pactiser avec le diable pour assouvir leur vengeance envers les persécuteurs, qu’importe le prix à payer, et qui le paiera. Même s’ils n’y gagnent rien à l’échange, l’important pour ces gens, longtemps opprimés, c’est que les responsables sombrent dans l’embrasement général, qu’importe si cet embrasement est l’œuvre d’une puissance étrangère, dont l’intérêt est aux antipodes des leurs. 

En tant qu’Algérienne, j’ai plusieurs fois entendu des réflexions blessantes du genre: «Beaucoup d’Algériens souhaiteraient que la France revienne en Algérie». Tout ce que cette remarque provoque en moi c’est d’abord, l’écoeurement envers ceux des miens qui osent tenir ces propos abominables et qui renient avec une telle désinvolture le douloureux passé de leur peuple soumis à l’esclavage du colonialisme français. C’est tellement indécent d’en arriver là, à magnifier le bourreau des siens, à regretter cette Algérie française où l’Algérienne était «la Fatma» de service, et l’Algérien «le Mohamed» l’homme de peine, voué au bien être des colons. Voilà ce que qu’on veut ressusciter, au lieu d’emprunter leur courage aux peuples qui se sont dressés pour renverser les dictatures et se donner des États de droit comme en Argentine, Chili, Venezuela, etc. 

Ensuite, ma colère se dirige naturellement vers ce pouvoir criminel qui a détruit le tissu social de l’Algérianité en disséminant partout le poison du désamour; ce sentiment qui conduit à haïr ce que nous sommes et à
dévaloriser tout ce qui nous représente aux yeux des autres. En fait, on peut dire que le pouvoir algérien a surpassé le colonialisme dans l’œuvre de désintégration de l’estime de soi chez les Algériens. 

Mais malgré ma colère et mon désappointement sur cette question d’appartenance commune, battue en brèche par certains Algériens, je ne puis, cependant, condamner ces millions de jeunes Algériens qui ont froissé la fierté nationale devant les caméras du monde, en célébrant si fort le président français, Jacques Chirac, lors de sa visite en Algérie, notamment en lui criant «on veut des visas pour aller en France!» Les condamner revient à dédouaner les seuls responsables de cette débâcle, à savoir le régime totalitaire qui a vidé ces jeunes, non seulement de leur fierté, mais de tout espoir d’avenir. C’est sa gouvernance maffieuse qui en fait des harragas, quêteurs d’asile chez ceux-là mêmes, que leurs parents avaient combattus pour construire une Algérie libre et démocratique. 

Aujourd’hui, si le modèle de gouvernance algérienne est triomphant malgré ses crimes et aberrations, c’est en partie, à cause de la déroute de ses opposants qui ne parviennent pas à se regrouper pour le combattre efficacement. Pourtant, il y a matière pour agir et raison de croire en la victoire du peuple de la Révolution exemplaire contre le colonialisme. Le seul fait d’abuser des lois de l’état d’urgence pour enchaîner un peuple, comme c’est le cas en Algérie, et le priver de ses droits fondamentaux est en soi un crime. Le
cautionner l’est aussi. Car, s’il est vrai, qu’il est du devoir des Algériens de se libérer des tyrans qui les gouvernent, il ne faut pas occulter le rôle actif que jouent les grandes puissances dans le maintien des dictatures au mépris du droit des peuples à la démocratie. Il s’agit d’une collusion d’intérêts, dont les victimes se comptent par centaines de millions, notamment en Afrique, connue pour son éventail de dictateurs criminels qui violent droits et constitutions pour rester indéfiniment au pouvoir. Cette collusion est encore plus flagrante dans les pays producteurs de pétrole, entre les despotes locaux et les multinationales intéressées. C’est notamment le cas en Algérie, dont les gouvernants, bien que déclarés parmi les plus répressifs et corrompus de la planète, continuent de jouir du soutien inconditionnel du gouvernement français, en particulier, mais aussi américain et britannique, qui participent ainsi au pillage d’un peuple, qu’ils savent muselé par la terreur et enchaîné par l’état d’urgence. 

Aussi, le discours des grandes démocraties sur les droits humains, les principes démocratiques et les autres sornettes, qu’on ne cesse de débiter sur les tribunes des Nations unies, ne trompent plus personnes, car elles
n’ont plus le monopole de l’information. Désormais les peuples peuvent communiquer sans l’aval de ceux, qui se sont érigés en mentors, et leur marche solidaire pour le respect des droits n’aura jamais été aussi prometteuse, qu’en cette époque, où l’Internet et les réseaux sociaux, sont en train de changer le monde. N’en déplaise aux tenants de la mondialisation du marché (parrains du capitalisme sauvage) au détriment de
l’humain; leur époque semble sur le point d’être révolue. Tout comme les dictatures nationales. Et en Algérie, le message est déjà passé, puisque le mouvement pour le changement démocratique se prépare activement à mettre fin au pouvoir totalitaire qui a détourné la révolution et trône sur le pays depuis un demi-siècle, avec la bénédiction de l’ancienne puissance coloniale

Zehira Houfani Berfas
19.12.10
Source: alterinfo

mardi 21 décembre 2010

HA,HA,HA... la démocratie à l'occidentale!








Le Hamas, Laurent Gbagbo et l’Occident: l’insupportable deux poids, deux mesures


Décembre 2010: crise politique en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo refuse de céder le pouvoir malgré sa défaite à l’élection présidentielle du 28 novembre. Son adversaire et vainqueur du scrutin, Alassane Ouattara, crie au scandale. Toute la communauté internationale s’insurge contre ce coup de force du président sortant. L’ONU, les Etats-Unis, l’Union Européenne et bientôt l’Union Africaine menacent Laurent Gbagbo de sanctions s’il ne reconnaît pas le résultat du vote. L’Occident exige le respect d’une élection qui s’est déroulée dans des conditions relativement correctes en invoquant le respect de la démocratie et de la volonté populaire des Ivoiriens.

Retour en arrière. C’était un 26 janvier 2006. Autre région mais une situation similaire. Ce jour-là, les Territoires palestiniens votent pour des élections législatives. Deux grands partis représentant l’essentiel du mouvement national palestinien s’affrontent. Le scrutin, que supervisent des centaines d’observateurs internationaux, se déroule dans des conditions exemplaires de transparence. Le résultat est sans appel. Le Hamas remporte haut-la-main l’élection en raflant la majorité absolue des sièges. Mais ici, c’est le contraire de la situation ivoirienne qui va prévaloir. Les Etats-Unis, Israël et l’Union Européenne se refusent de considérer l’issue du scrutin. Le parti sorti vainqueur des urnes se voit mis au ban des accusés.

L’Occident décidera de sanctionner le peuple palestinien pour avoir mal voté et très vite, les soutiens financiers des organismes internationaux se tarissent. A l’inverse du cas ivoirien, les perdants (le Fatah) se voient confortés dans leur refus d’honorer l’issue du suffrage. Dans la foulée, des dizaines de députés élus démocratiquement vont être jetés en prison par Israël pendant que les effets du boycott international vont finir d’accentuer la détresse d’un peuple palestinien (surtout à Gaza) qui ajoutera à son malheur le déshonneur.

Des condamnations sélectives
Ce traitement à géométrie variable démontre la grande incapacité des Occidentaux d’être à la hauteur des valeurs qu’ils sont censés incarner. Leur attitude est ici proche de l’hypocrisie. Comment peut-on exiger le respect des règles démocratiques dans un cas quand on les piétine allègrement dans un autre? Ce deux poids, deux mesures laisse un goût amer et pose de sérieuses questions sur les intentions d’un Occident visiblement davantage guidé par ses intérêts que par le respect de valeurs qui se veulent pourtant au fondement de son identité. Car somme toute cette politique est dangereuse, stérile et contre-productive. Dangereuse car elle renvoie de l’Occident une image désastreuse.

En invoquant la démocratie et les droits de l’Homme pour la Côte-d’Ivoire ou le Darfour et en se taisant devant les crimes de guerre commis en Irak ou à Gaza, le message de l’Occident se voit discrédité et rejeté par une grande partie des peuples du Sud, notamment dans le monde musulman. Absurde car censurer un parti sorti vainqueur des urnes est le meilleur moyen de le conforter dans sa posture de victime, de renforcer sa popularité et même de le pousser à la radicalisation. Enfin contre productive car elle fournit du grain à moudre à tous ceux (et ils sont nombreux) qui fustigent la domination occidentale en prenant justement prétexte de cette hypocrisie lucrative. Et rien n’éclaire plus ce comportement troublant que la situation palestinienne.

Durcir le ton face à Israël
La crise ivoirienne nous permet en effet d’appréhender en miroir le problème palestinien. Pratiquement deux ans après la sanglante opération "Plomb durci" menée par l’armée israélienne à Gaza, la situation demeure bloquée et la perspective d’aboutir à un accord de paix s’éloigne chaque jour davantage. Et pour cause. A la tête d’un gouvernement de droite dure (dans lequel figurent des représentants de l’extrême-droite israélienne) Benyamin Netanyahu persiste dans une politique intransigeante: poursuite de la colonisation, de l’édification du Mur (que la Cour Internationale de Justice a estimé illégale), promulgation de lois scélérates légalisant une discrimination à l’endroit des Palestiniens d’Israël, judaïsation à marche forcée de Jérusalem-Est, poursuite du siège infâme de la Bande de Gaza, etc.

Ce qui est ici surprenant c’est le silence complice des pays occidentaux qui, au mieux, se contentent de lâcher de timides condamnations. Mais penser à des sanctions envers un gouvernement coupable de fouler au pied les Résolutions internationales et sur lequel plane des accusations de crimes de guerre (1), ça jamais.

De l’autre côté, le million et demi d’habitants de la Bande de Gaza continue de croupir dans des conditions "indignes et épouvantables" comme le rappelait récemment l’ancien ambassadeur français Stéphane Hessel. Considéré comme "terroriste" par les Américains et l’Union Européenne, le Hamas qui gouverne à Gaza continue pourtant de bénéficier de la confiance d’une majorité de Palestiniens. Seulement, l’opprobre international est ici de mise sous le prétexte que le Hamas ne reconnaît pas Israël.

Ce lieu commun réducteur est loin de refléter une réalité plus complexe, de nombreux responsables du Hamas ayant à plusieurs reprises rappelé qu’ils accepteraient un plan de paix qui octroierait au peuple palestinien un Etat dans les territoires occupés en 1967 – ce qui vaut une reconnaissance de facto d’Israël. La Ligue arabe a réitéré plus d’une fois la même proposition. Mais la réponse israélienne a toujours été un refus catégorique. Il est vrai que la charte du Likoud (parti de M. Netanyahou) ne reconnaît pas la Palestine (2) et que nul n’est plus sourd que celui qui ne veut entendre.

Une seule solution: l’application du droit international
Pour sortir de ce deux poids, deux mesures insupportable pour beaucoup, l’Occident devra renouer avec ses principes et maintenir une même position sous toutes les latitudes. Celle-ci signifie de mettre un terme à la complaisance et de parler le langage de la fermeté lorsqu’il s’agit du respect du Droit. Car les condamnations sélectives ne règleront pas le problème ni au Proche-Orient ni en Côte d’Ivoire. Le plus regrettable est que le véritable perdant dans cette histoire est la foi en l’idéal démocratique. En l’invoquant au gré de ses intérêts, l’Occident perd de son âme et s’expose de son plein gré aux critiques les plus acerbes.

Nabil Ennasri
19.12.10

Notes:
(1) http://blog.mondediplo.net/2010-05-31-Israel-l-impunite-jusqu-a-quand
(2) http://www.protection-palestine.org/spip.php ?article9230

lundi 20 décembre 2010

"De Beyrouth à Gaza: nous ne reconnaîtrons jamais Israël"

   
Par deux fois, au cours du discours de la dixième nuit et celui du dixième jour d’Achoura, Sayyed Hassan Nasrullah, secrétaire général du Hezbollah, a rendu hommage au rassemblement gigantesque qui a eu lieu à Gaza, le 14 décembre dernier, pour célébrer le 23è anniversaire du déclenchement du Hamas, mouvement de la résistance islamique en Palestine. Le dixième jour de Achoura, dans la banlieue sud, Sayyed Nasrullah a voulu insister sur la similarité, complémentarité et liaison entre les deux rassemblements populaires immenses, celui du 14 décembre à Gaza et celui du 16 décembre dans la banlieue sud de Beyrouth, rassemblements placés sous le signe de la poursuite de la résistance contre l’entité sioniste, l’impérialisme américain et toutes les oppressions coloniales et tyranniques dans le monde.

Au cours du rassemblement populaire qui a réuni plusieurs centaines de milliers de Palestiniens sur la place la plus vaste de Gaza, rassemblement qui fut, selon de nombreux commentateurs, le plus gigantesque dans l’histoire de la Palestine, le premier ministre Isma’il Haniyye a déclaré que la résistance ne reconnaît pas et ne reconnaîtra pas l’entité sioniste et qu’elle se poursuivra jusqu’à la libération de toute la Palestine. C’est de même ce qu’a affirmé Sayyed Hassan Nasrullah, devant la foule immense rassemblée dans la place Raya, disant que tant que le sang coule dans nos veines, «nous ne reconnaîtrons jamais "Israël"» et que personne n’a le droit de céder même un grain de son sol.

Le dirigeant du Hamas a expliqué le programme de lutte que son mouvement poursuit, disant qu’il continuera à protéger les droits et les constantes du peuple palestinien, à consacrer des efforts pour lever le siège contre Gaza, revenir à l’unité nationale et protéger le projet de la résistance. Il a de même affirmé que les préoccupations qui hantent la Bande de Gaza ne doivent pas «nous faire oublier celles d’al-Qods et des réfugiés». Il a salué la libération de sheikh Raed Salah et la lutte des Palestiniens de 48, tout comme il a dénoncé la déportation du député Mohammad Abou Tayr et les menaces de déportation des personnalités maqdisies par les sionistes.

Défiant les régimes arabes qui participent à la répression et au siège, il a affirmé que cet immense rassemblement est un message clair de soutien à la résistance et que ni le siège ni les guerres ne peuvent modifier la conviction de la population, qui n’abandonnera jamais la voie de la résistance.

Dans son discours, Sayyed Hassan Nasrullah a rejeté les complots qui se tissent contre la résistance islamique au Liban, et notamment le dernier, le TSL [Tribunal Spécial pour le Liban, dans le cadre de l'assassinat de Rafiq Hariri-ndlr], conçu spécialement pour la briser, selon les vœux américano-sionistes, tout comme il a invité les dirigeants arabes à abandonner la voie de la compromission pour diriger leur soutien au peuple palestinien et l’aider à revenir à son unité.

Alors que Sayyed Nasrullah avait expliqué, dans son discours, que la résistance actuelle n’est que la poursuite historique de la lutte contre l’oppression et pour lever haut le message libérateur mohammadien qu’a porté l’imam martyr Hussayn, Isma’il Haniyyé a insisté sur le fait que le mouvement Hamas est non seulement né de la continuité de la résistance en Palestine depuis l’occupation, mais que ses sources véritables se trouvent dans l’islam libérateur de tous les jougs et de toutes les oppressions.

Revenant sur l’histoire du Hamas, il en a expliqué les différentes étapes depuis ces trois dernières décennies: la 1è Intifada en 1987, le déclenchement du Hamas, la déportation des combattants vers Marj Zouhour en 1992 et la récente guerre «israélienne» sur Gaza, en 2008, considérant que chacune de ces étapes a constitué une victoire sur l’ennemi. De son côté, Sayyed Hassan Nasrullah a également insisté sur les victoires successives de la résistance, contre l’ennemi sioniste, qui continue à menacer, énumérant les étapes victorieuses: juillet 1993, avril 1996, mai 2000 puis la guerre criminelle de juillet 2006. Ces étapes, en Palestine et au Liban, sont celles qui ont permis la consolidation de la voie de la résistance et du refus de l’occupation et au cours desquelles les peuples ont remporté des victoires décisives, puisqu’elles ont abouti au recul de ce qui était considéré comme l’Etat le plus puissant dans la région.

C’est d’ailleurs le thème de la défaite du projet sioniste qui a également été le point commun entre ces deux discours, à deux jours d’intervalle. Sayyed Nasrullah a souligné comment est mort, après la victoire de mai 2000, le projet du «Grand Israël» et comment les guerres déclenchées par les sionistes en 2006 et 2008 ont mis fin à «l’Israël le plus puissant». Isma’il Haniyyé, quant à lui, a insisté sur le fait que l’occupation recule alors que le peuple palestinien s’étend et que la nation demeure vivante, affirmant qu’il n’y a pas d’avenir pour l’occupation sur la terre historique de la Palestine, du fleuve à la mer et de Naqura à Rafah.

De Beyrouth à Gaza, deux discours prononcés devant des foules immenses, mobilisées autour de la résistance à l’occupation. Bien que les occasions ne soient pas les mêmes, en surface, elles sont cependant identiques quant à leur profonde signification et leur objectif: la résistance actuelle, qui s’appuie sur le message libérateur de l’Islam, est une résistance qui a pour objectif la libération de toute la Palestine.

Du Nord et du Sud de la Palestine occupée, et en quelques jours, deux messages ont été envoyés à l’ennemi sioniste: nous sommes des millions, nous refusons ta présence, nous poursuivrons notre lutte et tes menaces ne nous effrayent pas.

Fadwa Nassar
18.12.10   
Source : French Moqawama / ism

dimanche 19 décembre 2010

Entretien avec Gideon Spiro, fondateur du Comité Israélien de Soutien à Mordechai Vanunu...






Hommage de Berlin à Mordechaï Vanunu, rendu par la Ligue internationale des Droits de l'Homme



Black-out de la presse française sur le prix Carl von Ossietzky décerné à Mordechaï Vanunu

La presse française est une des pires qui soient si on la compare à celle qu’on trouve dans des pays comparables. Sa couverture de l’actualité le montre tous les jours, et on ne s’étonnera pas de constater l’existence d’un assez large consensus de cette presse pour éreinter le travail de WikiLeaks.

Et je ne peux que souscrire aux observations très désobligeantes sur cette presse faites par l’ambassade des Etats-Unis à Paris et qui ont fuité sur WikiLeaks: en quelques lignes, tout est dit, pas besoin d’en rajouter comme disait une certaine publicité. Une belle critique de medias aux ordres du fric et du pouvoir formulée par la mission diplomatique du pays qui incarne le capitalisme!

Tiens, la presse espagnole par exemple est bien meilleure que la presse française avec ses journaux soi-disant de qualité. Ce n’est en effet pas par la presse française, en dehors de la presse internet militante et d’une brève sur Rue 89, que vous pourrez savoir que Mordechaï Vanunu devait recevoir un prix pour la paix à Berlin, le prix Carl von Ossietzky, mais qu’il n’a pas pu être présent car il est toujours sous étroite surveillance dans l’entité sioniste après avoir purgé une longue peine de prison.

Il y a eu de fait un black-out des journaux français sur cette information et on peut se demander pourquoi.

Le journal espagnol La Vanguardia en parle cependant et pas sous la forme d’une brève puisqu’il nous gratifie d’une belle interview de Gideon Spiro, un militant antinucléaire de l’entité sioniste et qui anime un comité de soutien à Mordechaï Vanunu. Je dois dire que le discours de Gideon Spiro,d’une grande qualité et d’une grande lucidité mérite d’être porté à la connaissance des lecteurs francophones. C’est donc chose faite.

Gideon Spiro: «La ténacité de Vanunu les rend fous»
Entretien avec Gideon Spiro, fondateur du Comité Israélien de Soutien à Mordechaï Vanunu et pour un Moyen-Orient sans armes nucléaires

La Ligue Internationale des Droits de l’Homme, une organisation des plus vénérables, a tenu hier à Berlin la cérémonie annuelle de remise de prix, une tradition vieille d’un demi-siècle, décerné cette année au pacifiste et dissident israélien Mordechaï Vanunu. A l’instar du dissident et prix Nobel de la paix Chinois Liu Xiaobo, Vanunu n’a pas été en mesure de recevoir à Berlin son prix qui porte le nom de Carl von Ossietzky, un journaliste pacifiste Allemand des années 1930.

Von Ossietzky fut condamné pour ‘trahison’ pour avoir divulgué en 1931 dans la revue Die Weltbuhne, le réarmement secret de l’Allemagne. En 1936, il se vit décerner le prix Nobel de la paix mais les nazis ne permirent pas à Ossietzky, d’aller le chercher: il était enfermé dans un camp de concentration où il mourra deux ans plus tard de la tuberculose. De même, Mordechaï Vanunu a été condamné en 1986 à 18 ans de prison pour trahison et ‘espionnage’. Son crime fit de révéler que les Israéliens disposaient secrètement de l’arme nucléaire. Libéré en 2004, il reste interdit de tout contact avec la presse et n’est pas libre de ses mouvements. A la cérémonie berlinoise, où le nom de Julian Assange, autre divulgateur de secrets, était sur toutes les lèvres, était présente Mairead Corrigan-Maguire, prix Nobel de la paix 1976, qui a qualifiée de «honte» l’absence imposée à Vanunu.

Corrigan-Maguire et cinq autres prix Nobel, dont l’Allemand Gunter Grass, avaient demandé que Vanunu soit autorisé à venir à Berlin, sans obtenir aucune réponse. En son absence, des pacifistes israéliens proches de Vanunu ont participé à la cérémonie, dont le journaliste Gideon Spiro, fondateur du Comité de soutien à Vanunu.

Spiro, 75 ans, est né à Berlin en 1935, dans une famille juive allemande. Son père, Shmuel, était un médecin Berlinois bien connu et sa mère était photographe «comme quoi s’il n’y avait pas eu le nazisme, peut-être aurai-je continué à vivre dans cette ville et j’aurais même pu être député ou même chancelier fédéral», plaisante-t-il. Au lieu de quoi, sa famille émigra en Palestine et participa à la création d’Israël. Gideon Spiro fut éduqué dans un kibboutz, puis servit son pays comme parachutiste. Bien plus tard, il fondera le mouvement pacifiste «Yesh Gvul» ("Il y a une limite" - ndlr) et, en 1986, le «Comité de soutien à Mordechaï Vanunu et pour un Moyen Orient sans armes nucléaires, chimiques et biologiques.» Il réside aujourd’hui à Tel Aviv mais il parle couramment l’Allemand.

- Comment avez-vous connu Mordechaï Vanunu?
- C’est quand le Mossad l’a enlevé à Rome en 1986 pour l’emmener en Israël et le mettre en prison. Quand j’ai entendu parler de lui, j’ai pris son parti, parce qu’avant de connaître son affaire, je militais déjà contre le nucléaire militaire.

- Quel type de travail effectuait Vanunu à la centrale nucléaire israélienne de Dimona?
- Il travaillait comme technicien sur le réacteur qui a servi à la production des armes atomiques israéliennes. Il avait une bonne connaissance de ce qui se passait là bas. En neuf ans de travail, il a eu le temps de savoir ce qui s’y faisait et ce qu’on y entreposait. Quand il s’est rendu compte qu’il participait de la machine nucléaire militaire et que c’était contraire à sa conscience, il a décidé de révéler ce qu’il savait au Sunday Times de Londres.

- La possession d’armes nucléaires par Israël était un secret de Polichinelle en 1986, en qui était-ce une révélation?
- Tout le monde le savait, le supposait. Toutes les institutions internationales concernées par le problème, les centres de recherches etc. partaient du fait qu’Israël était une puissance nucléaire, mais personne n’en avait la preuve. Vanunu a apporté la «preuve flagrante», il a brisé l’ambigüité. Ce qu’Israël disait, c’était seulement que Dimona était prête à la production d’armes nucléaires en cas de nécessité, mais ce n’était pas la vérité. Vanunu l’a dit: il avait vu les armes de ses propres yeux et les avait photographiées.

- Il a passé 18 années en prison…
- … dont 11 années en régime d’isolement…

- Qu’est-ce que cela signifie?
- Quelque chose qu’Amnesty International décrit comme «inhumain». Le but était de le rendre fou pour qu’il finisse sa vie dans un asile. Ils étaient sur le point d’y arriver parce qu’à un moment donné Vanunu a commencé à perdre le sens de la réalité. Une des plus grandes réussites de notre comité, la seule en fait, fut d’obtenir qu’il soit mis fin à son régime d’isolement. Ce fut toute une campagne internationale. Mordechaï est une personnalité très intéressante. Très tenace. Inébranlable. Les autorités ne peuvent pas lui pardonner que, après 13 ans de détention, il soit sorti de prison avec les mêmes idées qu’au début de son incarcération: l’abolition des armes atomiques. Sa position n’a pas bougé d’un centimètre. Ca les rend fous et ils continuent à le harceler et à le maltraiter.

- Aujourd’hui, Vanunu est chrétien.
- Il est né dans une famille juive convaincue. Son père était rabbin. Il s’est converti au christianisme en Australie lorsqu’il avait quitté Israël avec tous les secrets dans sa mallette. Là bas, il a connu une communauté anglicane. Elle l’a attiré parce qu’elle était très internationale et ouverte, tout le contraire de la situation en Israël où il n’y a pas de séparation entre religion et Etats. Son adhésion à l’église anglicane était surtout une forme de protestation parce que cette église est libérale et ouverte à toutes les races et nationalités, elle est aux antipodes de la situation en Israël avec le chauvinisme et la discrimination religieuse à l’égard des non-juifs. A la base, Vanunu est quelqu’un de laïc. Ce qu’Israël ne pardonne pas non plus. Un juif qui s’est converti au christianisme et qui en plus connaît l’histoire de Dimona devient la personne la plus détestée. Cet esprit indépendant, qui ne s’est pas laissé laver le cerveau, est une provocation.

- Quelle portée a son origine marocaine dans l’Israël d’aujourd’hui?
- Les juifs du Maroc sont discriminés par l’establishment israélien d’origine européenne. Ils sont à la périphérie du pays et de la société, avec les emplois les plus ingrats et généralement subalternes et faiblement qualifiés et c’est pour toutes ces raisons qu’ils connaissent un taux élevé de délinquance. L’origine du problème est qu’en Israël, on n’a pas le minimum de respect pour tout ce qui vient du monde arabe Ce qu’a fait Vanunu a été pour eux une surprise à double titre en raison de tout ce contexte. Prenons le cas d’un colonel qui avait espionné pour l’Union Soviétique, ils l’avaient condamné à quinze ans de prison en Cour martiale pour le laisser en liberté huit ans après. C’était un juif européen. Vanunu, au contraire, est méprisé en tant qu’oriental par l’establishment. «Comment a-t-il osé, ce juif marocain?» C’est cette mentalité. Et il a accompli l’intégralité de sa peine…

- Vous accuse-t-on d’antisémitisme en Israël?
- C’est la bombe atomique de leur propagande. Par exemple, si quelqu’un en Espagne condamne le système israélien d’apartheid, on vous rétorquera que vous perpétuez la tradition espagnole qui avait abouti, à une époque, à l’expulsion des juifs. Si vous êtes un véritable antisémite, c’est sans importance pour vous, mais si vous êtes un humaniste, un défenseur des Droits de l’Homme et un pacifiste, ils vous obligent à vous défendre, à vous expliquer, ils vous mettent sur la défensive. C’est une arme efficace, surtout en Allemagne, pays qui offre à Israël des sous-marins capables de porter des missiles nucléaires, une folie qui contribue au prochain holocauste par honte du précédent, une stupidité. Mais cette arme perd de sa puissance, parce que la génération des victimes comme celle de ceux qui organisèrent le massacre des juifs en Europe est en train de s’éteindre. Dans une vingtaine d’années, son utilisation disparaîtra. La politique de l’Allemagne n’est pas un soutien à Israël mais à son militarisme. C’est une folie, ils contribuent au prochain holocauste nucléaire, en introduisant la technologie des armes de destruction massive dans la région la plus instable du monde, au nom de l’holocauste précédent. Et la fourniture de sous-marins a commencé avec Joshka Fischer, un politicien pacifiste du parti des Verts… Nous devons empêcher l’Iran d’avoir la bombe, mais si nous ne nous centrons que sur l’Iran, et permettons à Israël de la posséder, n’importe quel autre pays arabe voudra l’avoir. Nous sommes pour une dénucléarisation du Moyen Orient parce que c’est une question de survie pour tous, Israéliens compris.

- Vous êtes très marginaux dans la société israélienne.
- En ce qui concerne la question du nucléaire, nous sommes très marginaux et nous dépendons beaucoup du soutien international. Même dans le camp pacifiste, nombreux sont ceux qui préfèrent ne pas toucher au thème du nucléaire parce qu’il y a l’idée que la bombe est une garantie pour l’existence de l’Etat, pourtant ce n’est pas une garantie mais au contraire une menace. Pour Israël et pour tous les autres.

par Rafael Poch
La Vanguardia (Espagne) 12 décembre 2010 traduit de l’espagnol par Mounadil Al Djazaïri
Source: legrandsoir

samedi 18 décembre 2010

Georges Corm: «Face au déni international, il n’y a que la résistance»




Économiste et historien libanais, Georges Corm est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés au Proche-Orient et à la question religieuse. Il vient de publier le Nouveau Gouvernement du monde. Idéologies, structures, contre-pouvoirs, aux Éditions La Découverte. 

Rencontre autour de la question palestinienne.
Beyrouth (Liban), envoyé spécial pour l'Humanité, Pierre Barbancey


- P B: des négociations directes avaient débuté entre Palestiniens et Israéliens. Elles sont maintenant stoppées en raison de la poursuite de la colonisation. Quel est le contexte politique, notamment dans le cadre de la stratégie américaine?
- G C: cette histoire de négociations de paix est un mauvais théâtre. C’est ce que j’ai appelé un «processus de paix qui vient remplacer la paix qui ne viendra jamais». À chaque fois, ces processus permettent à l’État d’Israël de continuer la colonisation, d’affaiblir et de marginaliser encore plus les Palestiniens et, à chaque fois qu’on redémarre des négociations, d’avoir de nouvelles exigences qui sont, en général, inacceptables au regard du Droit international et au regard des droits légitimes du peuple palestinien sur sa terre. Rappelons-nous: le président Clinton avait, en 2000, refait des négociations à Camp David qui avaient fait couler beaucoup d’encre puisque les Israéliens avaient accusé la partie palestinienne d’avoir refusé une offre extrêmement généreuse. Heureusement que Robert Malley, alors conseiller de Clinton, a rétabli la vérité en montrant que rien de sérieux n’avait été offert aux Palestiniens. George W. Bush refait le coup à Annapolis, en novembre 2007. Il est en fin de mandat et tout le monde sait que ça ne peut déboucher sur rien. Un grand spectacle médiatique.

- P B: l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche n’a-t-elle pas représenté une rupture?
- G C: Qu’a fait Barack Obama? Il a changé le ton de George W. Bush. Il a prononcé un discours au Caire en juin 2009, lequel confirme le cadre culturel et intellectuel: «Je parle à tous les musulmans du monde.» Ce qui confirmerait une thèse un peu Huntington (auteur du Choc des civilisations – ndlr) qui serait qu’il y a un problème avec des musulmans, donc un Occident judéo-chrétien, comme il se définit maintenant, qui a un problème avec un Orient arabo-musulman. Entre parenthèses, quand vous mettez vos valeurs démocratiques sous un chapeau religieux, les valeurs judéo-chrétiennes, on est dans l’incohérence la plus totale. D’autant que le christianisme s’est bâti contre le judaïsme. Parler de valeurs judéo-chrétiennes ne me paraît pas très sérieux. On m’avait appris que les racines de l’Europe étaient gréco-romaines. Elles le sont restées jusqu’à la fin des années soixante-dix! J’ai appelé ça un «coup d’État culturel». Pour revenir à Obama, le fond de son discours était fort aimable, la rhétorique est très belle. Il a en plus appuyé son propos avec des sourates du Coran, ce qui lui a valu beaucoup d’applaudissements. Mais quand vous analysez le discours, vous vous rendez compte que, sur le fond, par rapport aux gouvernements américains précédents, il n’a rien cédé. Il a dit qu’il compatissait aux souffrances palestiniennes. Mais il n’a rien dit de plus. Comme d’habitude, il a appuyé les revendications de l’État d’Israël. Et comme d’habitude, on demande aux Palestiniens de ne pas tirer un seul coup de feu sur qui que ce soit. Ni sur l’armée occupante, ni sur les colons. Ce qui est une logique qui ne débouche sur rien. Le discours en lui-même n’a rien apporté de nouveau. Au contraire. Il a confirmé une politique américaine devenue traditionnelle: soutien sans limite à l’État d’Israël. Bush faisait cela avec un mépris très fort des Arabes, avec une rhétorique islamophobe. Barack Obama a rectifié le ton, un ton poli, gentil, mais sur le fond, rien n’a changé. Il a bien un envoyé spécial pour le Proche-Orient, George Mitchell. Mais si vous faites l’historique des envoyés spéciaux au Moyen-Orient, qu’ils aient été des Nations unies, de l’Union européenne ou des États-Unis, je crois que trente volumes ne suffiraient pas. Tout ça n’a pas fait avancer d’un pas un quelconque respect des droits palestiniens. Rien n’a dissuadé Israël de poursuivre sa colonisation ou, plus récemment, de continuer d’encercler Gaza, en dépit de toutes les lois humanitaires.

On a d’abord parlé de négociations indirectes. Autant dire qu’on est dans le surréalisme complet. Et puis, grande victoire, enfin on arrache à Mahmoud Abbas – dont le mandat comme président de l’Autorité palestinienne est échu – le fait qu’il retourne négocier directement et sans condition alors que lui parle de l’arrêt de la colonisation. Donc, une nouvelle fois, on a eu droit au théâtre. De Washington, la scène se transporte à Charm el-Cheikh puis, comble de l’horreur, à Jérusalem. Car il s’agit d’abord de faire accepter le fait accompli d’Israël à Jérusalem, côté Palestiniens, alors qu’eux-mêmes ne peuvent pratiquement plus y accéder ou y résider! Alors que les saisies de propriétés palestiniennes à Jérusalem n’ont jamais été aussi importantes, l’expansion des colonies de peuplement autour de Jérusalem continue. Ces négociations sont très payantes, électoralement, aussi bien pour M. Obama que pour M. Netanyahou, dont le gouvernement boite un peu et qui reçoit un appui américain, ce qui lui permet de survivre. Pour les deux partenaires concubins, l’opération est extrêmement payante. Pour les Palestiniens, absolument rien n’est changé. Il est absolument évident que ça ne va déboucher sur rien. Les Européens sont absents. Et puis, «business as usual». Une fois les négociations échouées, on refera des campagnes médiatiques pour dire que les Palestiniens ont, une fois de plus, loupé le coche, ou on mettra ça sur le compte de la division interpalestinienne… Cela dure depuis 1948.

- P B: les Palestiniens ont-ils vraiment les moyens de s’opposer à cela 
et de refuser de retourner à la table des négociations?
- G C: bien sûr! Ils n’ont qu’à dire: «On va négocier pour quoi?» Aujourd’hui, tout le monde le dit: il y a eu des rapports des Nations unies, de l’Union européenne, mis dans des tiroirs, des articles comme ceux de Régis Debray, qui le montrent: il n’y a pas de possibilité de créer un État palestinien en Cisjordanie. On sait très bien qu’un échange de territoires, s’il a lieu, ce sera quelques arpents de désert pour les Palestiniens contre des superficies très importantes de la Cisjordanie pour les Israéliens où l’agriculture est possible et où se trouvent les nappes phréatiques qu’Israël pille déjà et qui diminuent rapidement. Il est illogique de demander à un peuple occupé de négocier avec son occupant, de protéger l’armée de l’occupant et les implantations que l’occupant développe en violation du Droit international. Dès le départ, nous sommes dans une situation complètement viciée. C’était déjà le problème des accords d’Oslo. Avec Edward Saïd et d’autres, je les avais dénoncés à l’époque, en faisant remarquer que les Palestiniens se mettent la corde autour du cou. Un occupant, on le chasse. Et quand il n’obéit pas aux résolutions des Nations unies et aux principes du Droit international, il n’y a que la résistance armée. Il n’y a pas autre chose.

- P B: les implications régionales sont évidemment multiples : l’Irak, l’Afghanistan, l’Iran…
- G C: tout ça nous éloigne du problème principal. Les intellectuels admirateurs d’Israël essaient de tout lier ensemble ou parfois de tout séparer, en disant que les dossiers n’ont rien à voir les uns avec les autres. Il est certain que lorsqu’il y a un mouvement de résistance à une occupation, ce mouvement de résistance a besoin d’appuis extérieurs. Le FLN algérien était soutenu par l’Égypte, les Palestiniens ont utilisé le territoire jordanien quelques mois, puis le territoire libanais. Puis ils ont reçu des moyens financiers venus d’un peu tous les États arabes, c’était la belle époque de l’OLP au Liban. Aujourd’hui, l’aide arabe ne va plus au Hamas, qui continue la lutte armée, et donc l’Iran a rempli un vide. Ça fait crier mais moi, en tant que Libanais, je ne peux pas en vouloir à l’Iran d’avoir aidé le Hezbollah à libérer un territoire occupé. Si les Européens et les Américains ont un problème avec l’Iran, ce n’est pas le mien.

- P B: comment sortir de l’impasse?
- G C: cela prendra des décennies. Si on regarde la carte de la Palestine, il est bien évident qu’à long terme, quand les choses auront mûri dans la psychologie israélienne et chez les décideurs européens et américains, la seule porte de sortie pour tout le monde est une solution à la sud-africaine. Continuer à parler de deux États est surréaliste. Plus la situation traîne, plus vous aurez des opinions publiques arabes et, comme on dit, musulmanes ou islamiques, qui vont devenir «anti-occidentales». Parce que cette politique de deux poids deux mesures depuis 1947 en faveur d’Israël et à l’encontre des droits des peuples de la région, des Palestiniens mais autrefois aussi des Libanais, n’est pas supportable. Tout le monde oublie le nombre d’années où le Liban a été occupé. Par rapport aux 30.000 morts qu’Israël a fait l’été 1982 à Beyrouth, les choses sont presque meilleures aujourd’hui. 2006, attaque du Sud Liban, il y a eu 1.400 victimes, plus de 3.000 blessés et de nombreuses destructions. À Gaza, il y a eu plus de 1.500 morts. En tant que Libanais, je me souviens des 30.000 morts et des trois mois pendant lesquels Beyrouth-Ouest a été assoiffée, encerclée, bombardée par terre, par mer et par air, sans interruption. Dans un certain sens, la machine de guerre israélienne n’a plus les capacités de faire ce qui a été fait au Liban en 1982. Et en 2006, cette machine a dû s’arrêter. Elle n’a pas pu continuer. L’État d’Israël est entrain de trouver les limites de sa puissance. Évidemment, l’élément iranien est présent. On joue beaucoup dessus en disant que si l’Iran a la bombe atomique, l’existence d’Israël est menacée. Le raisonnement est très spécieux. Vous avez un État ultra-islamique, le Pakistan, dont on pense tous les jours qu’il va s’effondrer dans les quarante-huit heures qui suivent, qui a la bombe atomique et ça n’empêche personne de dormir.

- P B: vous avez noté que l’Union européenne était singulièrement absente des discussions. Comment expliquez-vous cela?
- G C: cela arrange beaucoup l’Europe. Parce qu’il y a la mauvaise conscience européenne et les Européens préfèrent laisser faire les Américains. Quant à la France, si vous enlevez l’épisode du général de Gaulle… Tant qu’Israël est un espace sacré de nature eschatologique par rapport aux Européens, il n’y a pas de solution. Si l’Europe ne revient pas à un républicanisme laïc dans l’approche du conflit, il n’y a pas de solution. L’approche du conflit ne peut être que profane.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey
15.12.10
Source: l'humanité.fr