vendredi 31 juillet 2009

De "la responsabilité de protéger"...

La « responsabilité de protéger » est une notion adoptée par les chefs d’états lors d’un sommet mondial en 2005, qui rend les Etats responsables de la protection de leur propres populations à l’encontre de génocides, crimes de guerre, nettoyages ethniques et autres crimes contre l’humanité. Elle exige que la communauté internationale intervienne si cette obligation n’est pas remplie. Ce dernier point est relié au « droit d’ingérence humanitaire » et a suscité de nombreux débats. La discussion a eu lieu à l’initiative du Président de l’Assemblée Générale, Manuel D’Escoto (du Nicaragua) et a réuni Noam Chomsky, Gareth Evans, qui soutient la responsabilité de protéger et a été ministre des Affaires Etrangères d’Australie et, jusque récemment, président de l’International Crisis Group, Ngugi wa Thiong’o, célèbre écrivain africain et défenseur des droits de l’homme, et moi-même. Voici le texte de mon intervention :

Le but de mon exposé sera de mettre en question les hypothèses sur lesquelles reposent l’idée et la rhétorique de la responsabilité de protéger.

En résumé, je voudrais montrer que les principaux obstacles qui empêchent la mise en œuvre d’une véritable responsabilité de protéger sont précisément les politiques et les attitudes des pays qui en sont les plus enthousiastes partisans, à savoir les pays occidentaux et en particulier les Etats-Unis.

Au cours de la dernière décennie, le monde a assisté, impuissant, au bombardement, par les Etats-Unis, de civils innocents en Irak, en Afghanistan et au Pakistan. Il est demeuré spectateur lors de l’attaque israélienne meurtrière au Liban et à Gaza. Nous avons précédemment assisté au massacre, sous la puissance de feu américaine, de millions de gens au Vietnam, au Cambodge et au Laos ; et bien d’autres sont morts en Amérique Centrale et en Afrique australe lors de guerres appuyées par les Etats-Unis. Allons-nous crier, au nom de toutes ces victimes : Plus jamais ! Dorénavant, le monde, la communauté internationale, vous protègera !

Notre réponse humanitaire est oui, nous voulons protéger toutes les victimes. Mais comment, et avec quelles forces ? Comment le faible sera-t-il jamais défendu contre le fort ? La réponse à cette question n’est pas seulement humanitaire ou juridique, mais avant tout politique. La protection des faibles dépend toujours de la limitation du pouvoir des forts. Le règne de la loi permet une telle limitation, pourvu que la loi soit la même pour tous. Tendre vers ce but nécessite une combinaison de principes idéalistes et d’une évaluation réaliste des rapports de force existant dans le monde.

Avant de rentrer dans une discussion politique de la responsabilité de protéger, je voudrais souligner que le problème qui se pose ne porte pas sur les aspects diplomatiques ou préventifs de cette doctrine, mais sur l’aspect militaire de la « réponse rapide et décisive » et sur le défi que cela pose au principe de la souveraineté nationale.

La responsabilité de protéger est une doctrine ambigüe. D’une part, elle est vendue aux Nations Unies comme étant fort différente du « droit d’ingérence humanitaire », notion qui a été développée en Occident après la chute des empires coloniaux et la défaite des Etats-Unis en Indochine. Cette idéologie se fondait sur les tragédies se produisant dans les pays décolonisés, afin de fournir une base morale aux anciennes politiques d’intervention et de contrôle des pays occidentaux sur le reste du monde.

Cela est parfaitement compris dans la majeure partie du monde. Le « droit » d’ingérence humanitaire a été universellement rejeté par le Sud, par exemple lors de son sommet à La Havane en 2000 ou lors de la réunion des pays non alignés à Kuala Lumpur en février 2003, peu avant l’attaque américaine contre l’Irak. La responsabilité de protéger tente de faire entrer ce droit dans le cadre de la Charte des Nations Unies, de façon à le rendre acceptable, en insistant sur le fait que l’option militaire doit intervenir en dernier recours et doit être approuvée par le Conseil de Sécurité. Mais alors, il n’y a rien de légalement neuf sous le soleil.

D’autre part, la responsabilité de protéger est présentée au public occidental comme une nouvelle norme dans les relations internationales, norme qui autorise l’usage de la force sur des bases humanitaires. Il y a une grande différence entre la responsabilité de protéger, envisagée purement comme doctrine juridique et sa réception idéologique dans les médias occidentaux.

Lorsque l’on envisage l’histoire américaine de l’après-guerre, histoire qui inclut les guerres d’Indochine, les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan, du Panama et même de la petite Grenade, il est difficile de croire que c’est le droit international ou le respect pour la souveraineté nationale qui empêche les Etats-Unis d’arrêter des génocides. Si les Etats-Unis avaient eu les moyens et le désir d’intervenir au Ruanda, ils l’auraient fait, et aucun droit international ne les en aurait empêché. Et si une « nouvelle norme » est introduite, elle ne sauvera personne nulle part, dans le contexte des rapports de force politiques et militaires existants, à moins que les Etats-Unis ne décident d’intervenir, pour des raisons qui leur sont propres.

De plus, il est assez incroyable de voir que les partisans de la responsabilité de protéger parler d’une obligation de reconstruire (après une intervention militaire). Combien d’argent les Etats-Unis ont-ils versé comme réparations pour les destructions infligées en Indochine et en Irak, ou infligées à Gaza et au Liban par un pays qu’ils soutiennent et arment ? Ou au Nicaragua, auquel des réparations pour les destructions des Contras sont toujours impayées, malgré la condamnation des Etats-Unis par la Cour Internationale de Justice ? Pourquoi espérer que la responsabilité de protéger force à l’avenir les Etats puissants à payer pour ce qu’ils détruisent, s’ils ne le font pas en vertu du droit existant actuellement ?

Il est vrai que le 21ème siècle a besoin de Nations Unies rénovées, mais pas de Nations Unies qui justifient les interventions unilatérales avec de nouveaux arguments, mais plutôt de Nations Unies qui offrent un support moral à ceux qui cherchent à construire un monde moins dominé par les Etats-Unis et leurs alliés. Le but original des Nations Unies était de sauver l’humanité du « fléau de la guerre », en référence aux deux guerres mondiales. Cela devait être accompli par un respect strict de la souveraineté nationale, de façon à empêcher les grandes puissances d’intervenir militairement contre les plus faibles, quel qu’en soit le prétexte. Les guerres menées par les Etats-Unis et l’Otan montrent que, malgré des progrès substantiels, les Nations Unies n’ont pas encore atteint leur but originel. Les Nations Unies doivent continuer leurs efforts en direction de ce but, avant de s’assigner une nouvelle priorité, soi-disant humanitaire, qui en réalité peut être utilisée par les grandes puissances pour justifier leurs guerres futures, en affaiblissant le principe de la souveraineté nationale.

Quand l’Otan a exercé son droit auto-proclamé d’intervention au Kosovo, où les efforts diplomatiques étaient loin d’avoir été épuisés, il a été applaudi dans les médias occidentaux. Quand la Russie a exercé ce qu’elle considérait comme sa responsabilité de protéger en Ossétie du sud, elle a été universellement condamnée par les mêmes médias occidentaux. Quand le Vietnam est intervenu au Cambodge (mettant fin au régime des Khmers Rouges) ou quand l’Inde est intervenue dans ce qui est aujourd’hui le Bangladesh, leurs actions ont été sévèrement condamnées en Occident.

Tout cela indique que les gouvernements, médias et ONG occidentaux, s’autoproclamant « communauté internationale », évalueront la responsabilité de tragédies humaines très différemment, selon qu’elle se produit dans un pays dont le gouvernement est, pour une raison ou une autre, jugé hostile par l’Occident, ou dans un pays ami. En particulier, les Etats-Unis feront pression sur l’ONU pour faire adopter leur propre vision des évènements. Les Etats-Unis ne choisiront pas toujours d’intervenir, mais ils utiliseront néanmoins la non-intervention pour dénoncer les Nations Unies et pour suggérer que celles-ci devraient être remplacées par l’Otan comme arbitre international.

La souveraineté nationale est parfois stigmatisée par les promoteurs de la responsabilité de protéger comme étant une « autorisation de tuer ». Il est bon de se rappeler pourquoi la souveraineté nationale doit être défendue contre de telles accusations.

Tout d’abord, la souveraineté nationale est une protection partielle des faibles contre les forts. Personne ne s’attend à ce que le Bangladesh intervienne dans les affaires intérieures des Etats-Unis pour les forcer à réduire leurs émissions de CO2, en invoquant les conséquences catastrophiques que celles-ci peuvent avoir pour le Bangladesh. L’ingérence est toujours unilatérale.

L’ingérence américaine dans les affaires intérieures des autres états prend des formes multiples mais est constante et viole toujours l’esprit et souvent la lettre de la charte des Nations Unies. Bien qu’ils prétendent agir en fonction de principes tels que la liberté et la démocratie, les interventions des Etats-Unis ont eu des conséquences désastreuses : non seulement les millions de morts causés directement ou indirectement par les guerres, mais aussi le fait d’avoir « tué l’espoir » de centaines de millions de gens qui auraient pu bénéficier des politiques sociales progressistes initiées par des personnes telles que Arbenz au Guatemala, Goulart au Brésil, Allende au Chili, Lumumba au Congo, Mossadegh en Iran, les Sandinistes au Nicaragua ou le Président Chavez au Venezuela, qui ont tous été systématiquement subvertis, renversés, ou tués avec le soutien plein et entier de l’Occident.

Mais ce n’est pas tout. Chaque action agressive des Etats-Unis provoque une réaction. Le déploiement d’un bouclier anti-missile produit plus de missiles, pas moins. Bombarder des civils- que ce soit délibérément ou par dommage collatéraux- produit plus de résistance armée, pas moins. Chercher à renverser ou à subvertir des gouvernements produit plus de répression interne, pas moins. Encourager les minorités à faire sécession, en leur donnant l’impression, souvent fausse, que la « seule superpuissance » viendra à leur secours si elles sont réprimées, produit plus de violence et de haine, pas moins. La possession par Israël d’armes nucléaires encourage d’autres états du Moyen-Orient à posséder de telles armes. Les tragédies en Somalie et dans l’est du Congo sont dues en grande partie à des interventions étrangères, pas à leur absence. Pour prendre un exemple extrême, qui est un des exemples préférés d’atrocités citées par les partisans de la responsabilité de protéger, il est très peu probable que les Khmers Rouges auraient pris le pouvoir au Cambodge, sans les bombardements états-uniens massifs et « secrets », suivis par un changement de régime organisé par les Etats-Unis qui déstabilisa complètement ce malheureux pays.

L’idéologie de l’ingérence humanitaire fait partie d’une longue histoire d’attitudes occidentales par rapport au reste du monde. Quand les colons ont débarqué sur les côtes des Amériques, de l’Afrique ou de l’Asie orientale, ils ont été horrifiés de découvrir ce que nous appellerions des violations des droits de l’homme et qu’ils appelaient des « moeurs barbares » : sacrifices humains, cannibalisme ou femmes aux pieds bandés. Ces indignations, sincères ou calculées, ont, de façon répétée, été utilisées pour couvrir les crimes des pays occidentaux : esclavage, exterminations des populations indigènes et pillage systématique des terres et des ressources. Cette attitude d’indignation vertueuse continue à ce jour et est à la base de l’idée que l’Occident a un « droit d’intervenir » et un « droit de protéger », tout en ignorant les régimes oppressifs considérés comme « amis », la militarisation et les guerres sans fin, ainsi que l’exploitation massive de la force de travail et des matières premières.

L’Occident devrait tirer des leçons de sa propre histoire. Concrètement, qu’est-ce que cela voudrait dire ? D’abord, garantir un respect strict du droit international de la part des puissances occidentales, implémenter les résolutions de l’ONU concernant Israël, démanteler l’empire des bases américaines ainsi que l’Otan, cesser toutes les menaces concernant l’usage unilatéral de la force, lever les sanctions unilatérales, en particulier l’embargo contre Cuba, arrêter toutes les formes d’ingérences dans les affaires intérieures des autres Etats, en particulier toutes les opérations des « promotions de la démocratie », de « révolutions colorées » ainsi que l’exploitation de la politique des minorités. Ce respect nécessaire pour la souveraineté nationale signifie que le souverain ultime de chaque Etat-nation est le peuple de cet Etat, dont le droit à remplacer des gouvernements injustes ne peut pas être usurpé par des puissances étrangères supposées bienveillantes.

Ensuite, nous pourrions utiliser nos budgets militaires disproportionnés (les pays de l’Otan couvrant 70% des dépenses militaires mondiales) pour mettre en place une forme de keynésianisme global : au lieu de demander des « budgets équilibrés » dans les pays en développement, nous devrions utiliser les ressources gaspillées en dépenses militaires pour financer des investissements massifs dans l’éducation, la santé et le développement. Si cela semble utopique, ce ne l’est pas plus que l’idée selon laquelle un monde stable sera produit par la façon dont la « guerre à la terreur » est poursuivie actuellement.

Les défenseurs de la responsabilité de protéger peuvent répondre que ce que je dis ici est à côté de la question et « politise » inutilement le débat, puisque, d’après eux, c’est la communauté internationale qui interviendra, avec, en plus, l’approbation du Conseil de Sécurité. Mais, en réalité, il n’existe pas de communauté internationale. L’intervention de l’Otan au Kosovo n’a pas été approuvée par la Russie et l’intervention russe en Ossétie du Sud a été condamnée en Occident. Aucune de ces interventions n’aurait été approuvée par le Conseil de Sécurité. Récemment, l’Union africaine a rejeté l’inculpation par la Cour Pénale Internationale du président du Soudan. Aucun système de justice ou de police internationale, qu’il s’agisse de la responsabilité de protéger ou de la CPI, ne peut fonctionner sans un climat de confiance et d’égalité. Aujourd’hui, il n’y a ni égalité ni confiance entre l’Ouest et l’Est, ou entre le Nord et le Sud, en grande partie à cause des politiques américaines récentes. Si nous voulons qu’une version de la responsabilité de protéger fonctionne dans le futur, nous devons d’abord construire une relation d’égalité et de confiance, et ce que je dis ici aborde le fond du problème. Le monde ne peut devenir plus sûr que s’il devient d’abord plus juste.

Il est important de comprendre que la critique faite ici de la responsabilité de protéger ne se base pas sur une défense « absolutiste » de la souveraineté nationale, mais sur une réflexion à propos des politiques des pays puissants qui forcent les pays faibles à utiliser la souveraineté comme bouclier.

Les promoteurs de la responsabilité de protéger présentent celle-ci comme le début d’une ère nouvelle. Mais, en réalité, elle signale la fin d’une ère ancienne. D’un point de vue interventionniste, la responsabilité de protéger est un recul, au moins en parole, par rapport au droit d’ingérence, et celui-ci était un recul par rapport au colonialisme classique. La principale transformation sociale du 20ème siècle a été la décolonisation. Ce mouvement continue aujourd’hui dans l’élaboration d’un monde réellement démocratique, dans lequel le soleil se sera couché sur l’empire américain, comme il l’a fait sur les empires européens du passé. Il y a quelques indications que le président Obama comprend cette réalité et il faut espérer que ses actions suivent ses paroles.

Je veux terminer par un message pour les représentants et les populations du « Sud ». Les vues exprimées ici sont partagées par des millions de gens en « Occident ». Cela n’est malheureusement pas reflété par nos médias. Des millions de gens, y compris des Américains, rejettent la guerre comme moyen de résoudre les conflits internationaux et s’opposent au soutien aveugle de leurs gouvernements à l’apartheid israélien. Ils adhèrent aux principes du mouvement des pays non alignés de coopération internationale, dans le respect strict de la souveraineté de chaque état, et de l ’égalité des peuples. Ils risquent d’être dénoncés par les médias de leurs pays comme anti-occidentaux, anti-américains ou antisémites. Mais, en ouvrant leurs esprits aux inspirations du reste du monde, ce sont eux qui incarnent ce qu’il y a de véritablement valable dans la tradition humaniste occidentale.

Jean Bricmont
Professeur à l'UCL
23.07.09

jeudi 30 juillet 2009

« Elections régionales 2009 : des programmes de gouvernement décevants en ce qui concerne la diversité ethnique et emploi des minorités »

Bruxelles, 21 juillet 2009 - AFRICAGORA BELGIUM se dit déçu de l’absence de mesures ambitieuses et concrètes pour la promotion de la diversité ethnique dans les programmes et accords de gouvernement issus de l’élection régionale du 7 juin 2009.

Africagora Belgium, membre du réseau paneuropéen du Club AFRICAGORA, association de cadres et de décideurs engagés dans la promotion sociale et l'intégration professionnelle, économique et politique des Noirs de France et en Europe et trait d’union de la diaspora pour le développement du secteur privé en Afrique, invite , à constater l’absence de traduction de leur expression politique dans les programmes et accords de gouvernement bruxellois, wallon et de la Communauté française de Belgique.

Lors du colloque du 13 septembre 2008, Dogad Dogui, Président du Club Africagora reconnait que « la diversité est une chance pour l’Europe », « Il est en effet de l'intérêt de l’Europe d'aujourd'hui, de la Nouvelle Europe, plurielle et métissée, de porter aux responsabilités des hommes et des femmes qui représentent sa diversité et reflètent le concentré du monde qu'elle compte sur son sol parmi ses concitoyens, tous égaux en droits ».

Au cours des élections législatives de juin 2007, comme lors des élections régionales et européennes du 7 juin 2009, Africagora Belgium a constaté l’engouement des partis politiques pour la présence massive des candidats issus de populations d’origine étrangère dans les listes et affiches de campagne. La question de la diversité ethnique et de la lutte contre le racisme à l’emploi, au logement… semblaient faire l’objet d’un enjeu important. Le résultat est DECEVANT : aucun africain noir parmi les membres du Gouvernement des différentes régions du pays.

Décevant aussi la traduction des engagements de campagne en programmes politiques. On constatera la minoration des mesures destinées à la promotion de la diversité ethnique et de l’emploi des personnes d’origine étrangère. Ceci est le fait d’une absence de consultations et une marginalisation accrue volontaire des populations d’origine étrangère des espaces de délibération et de prise de décisions politiques. Or, comme le rappelle justement le prix Nobel de la Paix Nelson Mandela, parlant du régime d'Apartheid en Afrique du Sud, "Faire pour nous, sans nous, c'est faire contre nous".

Si tout le monde s’accorde sur la richesse de la diversité, les moyens pour y parvenir sont timorés dès lors qu’il s’agit de la diversité ethnique.

Africagora Belgium, partage les visions globales des rédacteurs des programmes de Gouvernement, en particulier, l’accent mis sur l’emploi et l’environnement comme moteurs du développement durable et stratégies de sortie de la crise actuelle. Il trouve cependant que les mesures proposées dans les programmes régionaux pour la promotion de la diversité ethnique, contrairement aux mesures pour la promotion de la diversité des femmes, des handicapés et des gays et lesbiennes, sont timorées, très générales, peu audacieuses, non mesurables/quantifiables et peu contraignantes.

En effet, les analyses sérieuses reconnaissent l’inefficacité de des approches préventives, volontaristes et humanistes qui y sont encore proposées : les résultats de ces approches qui datent de plusieurs années déjà, ne sont pas probants, les actions de sensibilisation/information en matière de racisme à l’emploi des populations d’origine étrangère étant insuffisantes. La jurisprudence française récente dans les affaire de racisme à l’emploi, qui condamne un peu plus sévèrement les entreprises Daytona et Adecco/Garnier (juin et juillet 2009), tracent certainement la voie à suivre pour un changement des mentalités véritables et durables.

Si comme disait le sociologue français Michel Crozier, "on ne gouverne pas la société par décrets », en matière de lutte contre les discriminations, le lois sont un grand vecteur de changement des mentalités, surtout quand elles sont assorties de sanctions dissuasives. Ainsi, par exemple, l’engouement des entreprises françaises actuellement pour les formations en diversité, semble déterminé par la « peur des sanctions » : en effet, l'amende pour le non-respect du quota de travailleurs handicapés va augmenter en 2010 et une nouvelle amende sur l'emploi des seniors va être mise en place... Pourquoi pas de telles mesures en Belgique ?

Mobilisé pour l’expression politique par les urnes des minorités ethniques et des exclus du monde de l’emploi, Africagora Belgium lors de son échange avec les représentants des partis politiques désignés à Bruxelles le 22 mai dernier, a permis de constater que la question de la diversité est encadrée au niveau européen du point de vue législatif, réglementaire et jurisprudentiel. L’Union européenne reconnaît « l’action positive », c'est-à-dire, un éventail de mesures prises en vue de « compenser les désavantages actuels et passés provoqués par la discrimination » ; Mesures visant à assurer “concrètement une pleine égalité” ou une “égalité substantielle” / “réelle”; “effective”.

Les participants à cette rencontre ont également reconnu l’importance de la représentativité/visibilité des cas de réussite des personnes d’origine étrangère : ici, les partis politiques doivent montrer l’exemple, en s’engageant à mieux représenter la société belge dans sa composition plurielle, en particulier, à désigner des personnes d’origine étrangère issues d’Afrique Noire, en particulier au sein de leurs instances dirigeantes. En effet, s’identifier à une personne ou un modèle qui vous ressemble (femmes,, handicapés, noirs…), constitue sans aucun doute un facteur de motivation et d’espoir de promotion sociale. C’est à ce titre que l’absence de NOIRS au sein des exécutifs de l’ensemble des gouvernements belges constitue mauvais un signal en direction de la Communauté noire africaine et afro caribéenne de Belgique, qui fait face à la montée de violences au sein de gangs de jeunes déboussolées.

Africagora Belgium en profite, pour rappeler que dans l’histoire de la Belgique, c’est un parti de droite, le Mouvement réformateur, qui nommera pour la première fois une personne d’origine africaine NOIRE dans un Exécutif, et lequel, l’EXECUTIF FEDERAL. Doit-on donc retenir de cette leçon d’histoire que ce sont ceux qui parlent plus de diversité qui en font moins ? Personne ne nous convaincra de ce que Bertin Mampaka au cdH ou Joëlle Kapompole et Béa Diallo pour le PS, et bien d’autres, avec leur bon score électoral, leur compétence et la qualité de leur travail sur le terrain, ne sont pas à la hauteur ?

Africagora Belgium appelle donc les enfants d'immigrés, les NOIRS, en particulier, à se mobiliser davantage pour conquérir une place dans la cité et dans les instances de décision, afin que leur parole et leur avis puissent réellement compter. Il encourage tout le tissu des associations citoyennes à se joindre à se combat et à travailler en synergie avec le réseau du Club AFRICAGORA, réseau d’acteurs indépendants, non partisans, déterminés à mener un combat acharné contre toutes les formes de racisme à l’emploi, en vue de la promotion des « talents de la diversité » pour une intégration réussie de la jeunesse.

Africagora Belgium est convaincu que seul un dialogue constructif permanent contribuera à la mise en œuvre de politiques de diversité efficaces et équitables. Le Club reste ouvert à toute possibilité de collaboration avec les nouveaux Ministres qui sont en charge de l’égalité des chances et de promotion de la diversité.

Contact : Dr. Maximin EMAGNA,
docteur en science politique,
Délégué national d’Africagora Belgium (GSM : 0489.29.00.42)

mercredi 29 juillet 2009

La spirale de l'histoire et les rendez-vous manqués

La démocratie participative en Amérique Latine plonge ses racines dans la soif de dignité et d’égalité qui poussa des esclaves à rejoindre les armées émancipatrices de Bolivar, de Sucre, de Morazan. Ce n’est donc pas une mode postmoderne mais le retour de la modernité, ou si on préfère, de l’Histoire. Comment reprendre aujourd’hui les rêves de liberté, d’une seconde indépendance avortée lorsque l’empire espagnol fut relayé par des oligarchies locales alliées d’un autre Empire ? Ce besoin d’égalité politique des "pardos, morenos, negros..." dont Simon Rodriguez, le philosophe-professeur de Simon Bolivar, revendiquait déjà l’inclusion scolaire, devient une demande de participation et de droits économiques et sociaux.

Pourquoi un peuple hier désuni comme celui du Honduras s’est-il mis en mouvement après le notre, le bolivien, l’équatorien ? L’indigène hondurien que manipula au 19ème siècle un clergé terrien pour le lancer, comme chair à canon, contre le projet d’unité centramericaine incarnée par le libéral Morazan, est aujourd’hui entré en résistance au coup d’Etat, loin des pools journalistiques. Ce sont des gens pauvres qui dorment dans la rue, qui ont à peine de quoi se nourrir, qui se mobilisent pour recevoir "leur" président Zelaya, et revendiquer une nouvelle constitution. Le problème pour l’Empire est que même en assassinant Chavez, Correa, Morales ou Zelaya, le génie refuserait de rentrer dans sa bouteille. Quelle force dans ces mains nues ! Ce n’est pas par la médiation de la gauche, mais par ces mouvements à la fois sociaux et nationalistes qu’avance cette démocratie participative en Amérique Latine. Qu’on peut baptiser, comme l’a fait un jour Chavez, "démocratie révolutionnaire". Pourquoi ? Parce que les deux termes sont conséquence mutuelle. Les visages bruns qui ont envahi la rue, les mains brunes des électeurs, veulent remettre l’Etat sur ses pieds. Celui-ci à son tour réalise le besoin républicain d’une élévation du sens critique, de l’éducation et de la culture comme outils d’émancipation. Le remake tardif de la National Security (bases militaires US en Colombie, coup d’Etat au Honduras) renforce ce mouvement qu’elle prétend détruire. L’Opération Condor a presque anéanti une génération révolutionnaire. Il lui faudrait aujourd’hui liquider les peuples eux-mêmes.

Que sont deux siècles au regard de cette ascension collective initiée par Bolivar, et les résistances indigènes ou afroamericaines ? Un battement d’aile. Au Venezuela en 2009, la démocratie participative atteint son niveau idéal, celui de la commune, dépassant le localisme participatif des conseils communaux, débattant, élaborant des solutions en commun, à une échelle plus efficace. Alors que la plupart des gouvernements ont tablé sur l’austérité comme réponse à la crise mondiale du capitalisme, le gouvernement bolivarien au contraire multiplie les budgets sociaux pour concrétiser des projets conçus par les habitants. De nombreux problèmes nouveaux se posent : comment réaliser de nouvelles relations de pouvoir, en sachant que l’homme est mauvais par nature ? Qu’il aime le pouvoir, l’argent et qu’au Venezuela comme ailleurs reste largement dominante la culture capitaliste ? Une révolution qui ne se fixe pas comme stratégie la création de son imaginaire se condamne à perdre la bataille des idées et à se faire balayer par l’idéologie dominante.

Il y a dix ans la gauche altermondialiste vantait l’expérience du budget participatif de Porto Alegre (Bresil). Aujourd’hui au Venezuela ce sont des dizaines de milliers de Porto Alegre, ou la participation citoyenne déborde le simple examen du budget. C’est alors qu’en France, on "se méfie", on parle "d’autoritarisme". Alors que la démocratie a plus avancé ici que partout ailleurs. Alors que la population participe de plus en plus, la méfiance domine.

Il y a deux raisons à ce découplage, à cet abîme croissant. La première, c’est qu’une révolution sera fêtée et mise en images tant qu’elle restera locale, donc relativement inoffensive, et prolongera sans frais la liberté ontologique des pistes cyclables à Paris (voir la mode que fut le zapatisme). Que la révolution se réalise à l’échelle d’un pays, qu’elle transforme en profondeur les structures sociales, économiques, voici qu’aussitôt l’inconscient se réveille. "Attention danger". L’Occident sent, il n’a pas tout à fait tort d’ailleurs, que sa domination est menacée. La raison la plus progressiste cède doucement à l’instinct de conservation sous le couvert d’une critique "de gauche" qui permet de s’éloigner d’abord, puis de se retourner contre ces processus au nom de la liberté. L’autre raison tient, mais c’est la même chose au fond, au lavage de cerveau médiatique, qui s’appuie sur cette peur de l’autre. Les médias, acteurs de la globalisation, doivent à tout prix faire de ces révolutions des totalitarismes. Même et surtout a gauche la désinformation quotidienne de France-Inter, Libé, TF1, etc.. qui tètent au même pis (Reuters, AFP, AP..) a fini par sédimenter jusqu’au point de non-retour des catégories obligées ("pour ou contre Chavez", "dérive autoritaire ou pas", "base contre bureaucratie", "Chavez-Iran", etc...) entraînant une "critique pavlovienne" pétrie de bonnes intentions mais finalement non pertinente pour 90 % des vénézuéliens et des latinoamericains. Alors que la plupart des européens sont tombés dans le piége de la personnalisation médiatique sur Chavez, ce fou, ce clown, cet ex-putschiste, cet antisémite, cette menace militaire, ce populiste, ce fils de Castro, cet ami de Ahmadinejad, ce pouvoir éternel, etc..., les citoyens votent pour son programme socialiste (quinze suffrages validés par les observateurs internationaux) et les sondages privés confirment que sa popularité croît en fonction des avancées démocratiques et sociales. Comment une critique pertinente pourrait-elle s’opérer sérieusement à quinze mille kilomètres des millions d’acteurs populaires, qui n’écrivent pas sur Internet mais pensent différemment ? Que dirait-on d’un vénézuélien jugeant la société française à distance et par procuration médiatique ?

Ceci nous amène à parler de la relation entre démocratie participative et médias. Il est politiquement significatif que la gauche en Europe reste incapable de formuler un projet aussi essentiel pour la démocratie que la démocratisation de la communication, alors que plusieurs pays d’Amérique Latine - Venezuela, Equateur, Bolivie, Brésil, Uruguay, etc... légifèrent déjà en ce sens. Pourquoi la gauche européenne reste-t-elle muette face au problème du "latifundio" médiatique ? Au Venezuela, grâce à la révolution, ont déjà pu naître légalement 500 médias associatifs, gérés par les habitants, libres de leur parole. Le reste du continent emboîte le pas et avance peu à peu dans la démocratisation d’un spectre radioélectrique vendu hier par les gouvernements néolibéraux à des entreprises privées qu’on appelle "médias". On a dans le même temps assisté à la disparition des fréquences associatives en France, où les Bouygues entrent en force, grâce au numérique, dans le "local". Toute avancée démocratique en Amérique Latine est logiquement transmise par ces mêmes médias comme une atteinte à la liberté d’expression. Comment les grandes entreprises accepteraient-elles de partager les ondes avec le service public ou le tiers-secteur audiovisuel ? En France la population croit que Chavez a fermé RCTV, chaîne privée et pro-putschiste, alors que son public continue à la regarder sur le câble et par satellite. Il s’agissait en fait de la fin légale de ses vingt ans de concession publique et de la libération de sa fréquence en faveur d’une nouvelle chaîne de service public.

Une démocratie participative (et soit dit en passant l’existence d’une gauche digne de ce nom) a-t-elle un avenir en dehors de la démocratisation générale et radicale du droit de communiquer ? Comment expliquer qu’aucun parti ne le propose ? Comment parler de démocratie ou de république la ou (comme en France) le spectre radioélectrique reste monopolisé par de grands groupes économiques ? Comme l’eau, l’air ou la terre, les ondes hertziennes de la radio et de la télévision sont un patrimoine public et la constitution d’une démocratie participative en rupture avec la société de marché signifie évidemment l’octroi direct aux citoyen(ne)s des moyens concrets d’exercer une communication libre, critique, souveraine, la seule qui selon le mot de Sartre permettra "au peuple de communiquer avec le peuple". On pourra pendant mille ans, jour après jour, critiquer l’image grimaçante que les médias donnent des mouvements sociaux, des conflits du travail, des révolutions ou rebellions du Sud. Mais comment desserrer l’étau tant que les ondes resteront la propriété privée d’une élite transnationale ? Le déclin de la gauche en Europe et le refus de comprendre l’Amérique Latine sont donc les deux faces du même mouvement historique.

Thierry Deronne
Caracas, 29.07.09

Vicepresidencia de Formación Integral
Televisión Publica VIVE , Biblioteca Nacional, Piso 4
Avenida Panteón , Caracas , República Bolivariana de Venezuela

Source: Le Grand Soir

mardi 28 juillet 2009

Rappel: avis aux étudiant(e)s du secondaire...

Réussir ses examens de passage ?

Ateliers de néerlandais – français
(pour les étudiant(e)s du secondaire)

ÉGALITÉ peut vous aider à réussir un ou des examens de passage en néerlandais ou en français.
Une semaine d’atelier d’études-exercices-explications sera organisée :
du vendredi 21 août au vendredi 28 août

Fonctionnement

Chaque atelier regroupe maximum dix étudiants et un enseignant. Pour chaque matière, un atelier d’une heure est organisé chaque matin du vendredi au vendredi. L’atelier est suivi d’une heure trente d’études et d’exercices, avec correction par un enseignant.

Horaire

09h00 – 10h00 Révision de la matière
10h15 – 11h45 Etude et exercices individuels

Inscription

Le formulaire d’inscription doit être obligatoirement rentré pour le lundi 20 juillet 2009.
Par mail : info.egalite@gmail.com (mentionner comme objet : ateliers de rattrapage)
Par la poste : Nadine Rosa-Rosso, rue Van Artevelde, 161/19 – 1000 Bruxelles

Conditions

- vous êtes très motivé(e) à réussir votre examen
- vous vous engagez à suivre sérieusement les ateliers (arriver à l’heure, respecter la discipline du groupe, les autres étudiants, les enseignants, les locaux)
- vous apportez votre cours en ordre
- vous revoyez la matière de votre cours seul(e) avant de commencer l’atelier

Participation aux frais

ÉGALITÉ demande à chaque participant une contribution libre, à fixer lors de l’inscription.
Cette contribution peut être financière, matérielle, humaine…

Le nombre d’ateliers et les locaux seront fixés en fonction des inscriptions.

Chaque étudiant(e) sera contacté(e) après réception de son inscription.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Formulaire d’inscription par étudiant(e)

Nom………………………………………....................Prénom………………………………….................................

Adresse…………………………………………………………………………………………………………………………………….

Commune………………………………………………………………………………………………………………………………..

N° GSM…………………………………………………………… N° Téléphone……………………………………………

Je m’inscris pour l’atelier de

- Néerlandais

- Français

Je m’engage à respecter les quatre conditions.

Signature de l’étudiant(e)

lundi 27 juillet 2009

L'abstention électorale : espoir ou désespoir ?

Les lendemains d’élection, les experts viennent nous expliquer pourquoi nous avons voté ainsi et ce que signifient nos votes : nous apprenons ainsi que « nous » soutenons majoritairement le président de la République, tout en ayant une sensibilité écologique, voire que « nous » sommes divisés… Le « nous » dont il s’agit est supposé représenter chaque Français. Je le dit tout net, je ne suis pas divisé quand il s’agit de choisir entre le libéralisme et l’antilibéralisme. D’ailleurs, ceux qui se sont abstenus aux dernières élections européennes savent pourquoi, et ce qu’ils savent ne coïncide pas avec l’avis des experts. Certains, autour de moi, assument en toute conscience un « geste » politique (pas de même sens, certes, chez tel étudiant que chez un tel que je suppose très « à droite ») - même si les politiques préfèrent y lire une marque d’indifférence. Cette ambiguïté de l’abstention pose une question que je souhaite partager.

Depuis des mois, la réaction tant à la crise financière qu’à ses conséquences économico-sociales, la mobilisation sociale dont témoignent les manifestations et les grèves, les convergences des luttes et l’Appel des Appels, pouvaient et peuvent laisser croire à un courant fort de protestation contre le capitalisme. Pour certains, du coup, les élections européennes devaient refléter cette situation. Et, en écho, nous arrive les presque 60% d’abstention : faut-il seulement entendre que les luttes et la réflexion anticapitaliste n’ont pas de traduction politique, ou bien que, justement, cette abstention, quelque part, est un juste reflet de la situation qui suscite les mêmes luttes ? Bref, et si l’abstention masquait également une résistance à ce qui tend à nous détruire ? Loin d’y lire (pour ceux qui ont choisi la voix de l’expression politique) une raison de désespérer, il faudrait alors y déceler, quoique nous en pensions, une raison d’espérer ! Evidemment, à condition d’extraire « l’effet révolutionnaire » de ce symptôme…

D’abord un bilan. Après la lutte vaine (si l’on excepte la sortie de Rachida Dati) des magistrats pourtant jamais autant mobilisés, l’université s’est battue presque quatre mois pour rien apparemment, sinon déjà des représailles (…et l’exit de la ministre). Une des caractéristiques de cette dernière lutte me paraît résider dans l’absence de discussion finalement entre les étudiants (mais aussi les personnels grévistes) et l’Etat, voire certaines directions locales qui ont joué l’épreuve de force chaque fois qu’elles l’ont pu. Je mets en regard le fait que les mêmes « autorités » relayée par les médias ont contribué au mythe de la poignée d’étudiants bloqueurs (et minorité de personnels) qui manipulerait l’ensemble de leurs camarades (et collègues).

Première remarque, pourquoi ne pas appliquer à cette situation le raisonnement qui prévaut pour l’analyse du résultat des européennes : 28% en faveur de la liste arrivée en tête sur 40% des inscrits équivalent à moins de 12% des électeurs qui figurent sur les listes ; si ce résultat est démocratiquement acceptable et constitue un succès, alors on appréciera le fait que, dans mon université, ce soit souvent près de 90% des votants - parfois jusqu’à près de 1000 étudiants (pour m’en tenir à eux) sur 20 000 - qui ont décidé du mouvement !

Pourtant, l’essentiel est ailleurs. Malgré la présence des personnels et des enseignants en grève, la lutte a alimenté la pente à considérer qu’il existe une guerre entre ceux qui occupent les postes de responsabilités et les étudiants, voire entre les vieux et les jeunes. Rajoutez à cela l’ensemble des lois qui désignent les enfants et les adolescents comme des ennemis qu’il convient de punir à l’instar des adultes ou dont il convient de se prémunir, ainsi que la précarisation accrue de l’emploi pour eux, et je me demande si nous ne tenons pas l’une des explications au fait que 70% des 18-24 ans et 72% des 25-34 ans se sont abstenus - plus que la moyenne nationale. Lorsque, dans mon université, les étudiants ont été invités à voter contre le blocage de l’université, afin de ne pas compromettre leur année en interdisant les examens, ils ont adopté une position politique significativement et émotionnellement forte : ils n’ont pas pris part au vote - ils se sont abstenus. Au-delà du factuel, n’el’antagonisme des âges ne constitue-t-il pas un signe grave du fait que la génération à venir ne reconnaît pas la légitimité de la génération qui la précède - quand c’est toujours (il y a plus qu’une analogie) de leurs enfants que les parents tiennent leur autorité et d’aucun pouvoir ? Première raison d’une abstention. Il convient de mentionner une seconde remarque au moment où nous apprenons que l’administration européenne a décidé de faire revoter les Irlandais concernant le traité de Lisbonne : sans doute devront-ils voter et revoter jusqu’à ce que leurs « non » s’équivalent enfin à un « oui ».

C’est déjà ce qui est arrivé aux Français : le « non » à la constitution s’est transformé en « oui » au même traité, et ce avec l’appui du parti socialiste. La question n’est pas de savoir immédiatement si ici nous sommes pour ou contre un tel traité, mais de s’interroger sur une politique qui bafoue l’expression populaire au point que si un « non » équivaut » à un « oui », c’est toute la politique qui devient inconsistante : est-ce que alors s’abstenir n’interprète pas de fait, et quelle que soit l’intention de chaque électeur, ladite inconsistance ? S’abstenir devient pour certains la seule façon de conserver la possibilité d’un oui qui soit un oui, et d’un non qui soit un non. Deuxième raison.

À cela j’ajoute une note, plus ambiguë. Si l’on se penche sur les capacités d’analyse des uns et des autres, on ne peut qu’être frappé par la justesse, la nouveauté, la férocité des critiques que l’on peut lire - et notamment, j’y ai souvent fait allusion, ces jours-ci, dans les textes des RAP et SLAM. Jacques Broda a relevé combien les plus jeunes connaissent même ces textes par cœur, alors qu’ils sont parfois jugés inaptes à la chose scolaire. Mais entre l’analyse politique d’un côté, et, de l’autre, l’acte politique et la gestion de la cité, il y a un saut que les mêmes jeunes ne font pas et où s’inscrit l’abstention. Et là, il faut se demander si celle-ci n’est pas également un indice de l’impact de la représentation de soi, de l’anthropologie idéologique suscitée par le capitalisme, qui invite chacun à se penser comme une machine utile, efficace, durable et performante jusque dans ses analyses politiques : mais débarrassée de la responsabilité de sa position rendue impensable. Troisième raison.

Ces trois raisons de l’abstention fournissent du grain à moudre à l’action politique : déconstruire l’anthropologie capitaliste en inventant les mots qui rendent nos propres analyses opérantes, contribuer à restituer à chacun la responsabilité de sa position en assumant la notre, donner à l’abstention son expression politique, et multiplier les dispositifs qui luttent contre la ségrégation entre les générations - car là il s’agit ni plus ni moins que de la transmission d’un monde dont le refus conduirait la génération à venir à se priver de quoi construire, réinventer le sien. S’il est bien exact que nous recevons la légitimité de notre autorité ’est de la génération qui nous suit et pas de celle qui précède, en obligeant les plus jeunes à récuser cette autorité (arbitraire, intéressée, capricieuse, voleuse, menteuse…), nous les privons de cette fonction d’autorité, essentielle à la construction tant de sa subjectivité que du « vivre ensemble » : et le pire c’est qu’alors on retient cette privation contre eux en engageant des mesures répressives à tous les plans dont éducatifs, judiciaires, législatifs, etc.

Est-ce sans espoir ? Le hasard m’a permis d’entendre un paysan bolivien expliquer que pendant des années, ils n’ont rien obtenu des négociations. La parole en a été disqualifiée. Rien, comme les magistrats ou les étudiants, et peut-être les enseignants « désobéisseurs » et d’autres. Ce rien ne constitue-t-il pas chez nous un fait nouveau ? A un moment donné, expliquait ce paysan, il est apparu nettement qu’il ne restait plus qu’une solution : porter l’un des leurs au pouvoir, quoiqu’il ne se compte pas dans leur rang de spécialiste de la politique. Et ils l’ont fait, avec Evo Morales, se réappropriation d’un coup l’autorité (et non le pouvoir), la parole, la politique….

Il dépend donc de chacun de nous que le processus profite également de l’abstention et aux abstentionnistes ! Ce qui pourrait signifier que la victoire n’est pas exactement là où elle paraît être, et que, pour ne parler que du mouvement universitaire, non, nous n’avons pas perdu sur toute la ligne, et le « rien » obtenu à quoi répond l’abstention pourraient maintenir en réserve quelques unes des conditions nécessaires pour le changement que nous appelons Comment les sortir de la réserve ?

Marie-Jean Sauret
psychanalyste, professeur à l’université de Toulouse-Le Mirail
Signataire de l’Appel des appels. (Dernier livre publié : L’Effet révolutionnaire du symptôme, Éd. Érès, 2008.)

L’Humanité des débats (11 juillet 2009)
Source: Le Grand Soir

dimanche 26 juillet 2009

La "responsabilité de protéger", entre concept et réalité

Le philosophe et linguiste américain, M. Noam Chomsky a donné jeudi une conférence de presse sur le concept « délicat », selon les mots du président de l'Assemblée générale, de la « responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité ».

Accompagné de Jean Bricmont, (professeur belge à l'UCL - NDLR); de Gareth Evans, politicien australien et membre du Comité exécutif d'International Crisis Group; et de Ngugi wa Thiong'o, écrivain kenyan, Noam Chomsky venait de participer avec les trois autres au dialogue interactif informel que l'Assemblée générale a organisé sur le rapport du Secrétaire général relatif aux stratégies, aux normes, aux procédures, aux instruments et aux pratiques de l'ONU pour mettre en œuvre cette responsabilité, indique un communiqué.

Le concept de responsabilité de protéger est « un changement fondamental » dans la notion de souveraineté nationale, s'est encore aujourd'hui félicité le Coprésident de la Commission internationale sur l'intervention et la souveraineté nationale de l'International Crisis Group qui n'a cessé de défendre ce concept qui a été consacré par les chefs d'État et de gouvernement en 2005, lors du Sommet mondial.

Le Document final du Sommet stipule que « lorsqu'un État n'assure manifestement pas la protection de sa population contre les crimes retenus, la communauté internationale est prête à mener, en temps voulu, une action collective résolue par l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte de l'ONU ».

C'est précisément l'implication du Conseil de sécurité qui a fait naître des doutes dans l'esprit de Noam Chomsky et de Jean Bricmont. Les deux hommes ont argué que dans l'état actuel des rapports de force entre les grandes puissances et les autres pays, il est tout à fait légitime de craindre une « manipulation du concept » qui ne constituerait « rien de nouveau ».

N'oublions pas, a rappelé Noam Chomsky, que le Japon a invoqué la responsabilité de protéger pour envahir la Manchourie et qu'Hitler a fait de même pour la Pologne. Et aujourd'hui, a-t-il dénoncé, cette notion pourrait être légitimement invoquée pour la Somalie ou la République démocratique du Congo (RDC) mais, dans le cas de cette dernière, les intérêts des entreprises multinationales occidentales sont en jeu, a souligné le philosophe.

Il faut être réaliste, a renchéri Jean Bricmont, lorsque l'on voit les multiples violations de la souveraineté des pays sous couvert de protection des populations, comme cela a été le cas en Iraq et en Afghanistan alors, qu'Israël peut poursuivre tranquillement ses attaques contre le Territoire palestinien occupé.

L'ONU est faite d'une bonne chose, l'esprit de sa Charte, et d'une mauvaise chose, le droit de veto que les États puissants exercent dès que l'on touche à leur pouvoir, a insisté le professeur belge, en craignant que l'exercice de la responsabilité de protéger ne serve qu'à couvrir les visées interventionnistes des grandes puissances. Comme toujours à l'ONU, tout finit en dichotomie entre « le papier et le pouvoir », à savoir entre les bonnes intentions et leur matérialisation.

Les États-Unis, chantre de la responsabilité de protéger, ne sont pas parties au Statut de la Cour pénale internationale (CPI). On peut se demander, a dit Noam Chomsky, pourquoi ils défendent avec autant d'acharnement ce concept aujourd'hui.

Gareth Evans, Coprésident de la Commission internationale sur l'intervention et la souveraineté nationale d'International Crisis Group, a admis que l'élargissement de la composition du Conseil est peut-être un des moyens de faire taire les suspicions, tout comme une définition très stricte du champ d'application du concept de responsabilité de protéger.

L'écrivain kényan, Ngugi wa Thiong'o, a regretté que le rapport du Secrétaire général n'aille pas assez loin. Ce qu'il faut, a-t-il dit, ce sont des solutions à long terme pour éliminer les causes des éventuelles interventions que sont les inégalités et les déséquilibres socio-économiques.

Centre de Presse de l'ONU
24.07.09

samedi 25 juillet 2009

L'Arabie saoudite, "plus grande prison pour femmes au monde"

Dans un article paru sur le site progressiste Minbar Al-Hiwar Wal-Ibra (http://www.menber-alhewar1.info), la journaliste réformiste saoudienne et militante pour les droits de l'Homme Wajeha Al-Huweidar qualifie l'Arabie saoudite de "plus grande prison pour femmes au monde". Elle ajoute que contrairement aux prisonniers officiels, les Saoudiennes n'ont aucun espoir d'être libérées : elles passent toute leur vie sous la tutelle d'un tuteur : leur mari, père, grand-père, frère ou fils.

Huweidar et d'autres militantes ont dernièrement lancé une campagne contre la loi du Mahram en Arabie saoudite (1), qui interdit aux femmes de quitter leur domicile sans tuteur. Elle rapporte au quotidien koweïtien Awan que la campagne, dont le mot d'ordre est "traitez-nous comme des citoyens adultes ou nous quitterons le pays", a été officiellement lancée sur le pont du Roi Fahd, reliant l'Arabie saoudite à Bahreïn, que ces Saoudiennes ont demandé à traverser sans tuteur. (2)

Ci-dessous des extraits de l'article de Huweidar : (3)

Les prisonniers peuvent être libérés, les femmes non

"Les lois relatives à l'emprisonnement sont connues dans le monde entier. Ceux qui commettent un crime ou une offense sont placés dans une cellule de prison… où ils purgent leur peine. Quand ils la terminent, ou la voient raccourcie pour bonne conduite, ils sont relâchés… sauf dans les cas de condamnation à la prison à vie ou à la peine de mort. En Arabie saoudite, il existe deux façons supplémentaires de faire raccourcir son temps de prison : apprendre le Coran par cœur, entièrement ou partiellement… ou obtenir le pardon du roi à l'occasion d'une festivité religieuse ou d'un couronnement. Le prisonnier se retrouve alors libre et peut profiter de la vie auprès de sa famille et de ses êtres chers.

Toutefois, les Saoudiennes ne peuvent profiter d'aucune de ces possibilités : ni celles qui vivent derrière les barreaux, ni celles qui vivent loin des murs de prison. Nulle d'entre elles n'est jamais libérée, sauf avec la permission de son tuteur homme. Une Saoudienne qui a commis un crime ne quittera pas sa cellule à la fin de sa peine si son tuteur ne vient pas la chercher. En conséquence, il est fréquent que des Saoudiennes demeurent en prison uniquement parce que leurs tuteurs refusent de venir les chercher. L'Etat leur pardonne, mais leurs tuteurs tiennent à prolonger leur châtiment.

Toutefois, les femmes 'libres' ont également besoin de la permission de leur tuteur pour quitter leurs domiciles, leurs villes ou leurs pays. De sorte que dans tous les cas, la liberté des femmes dépend de leurs tuteurs."

Les détenus sont privés du contrôle de leurs propres vies… de même que les Saoudiennes

"Dans toutes les prisons du monde, les détenus sont privés du contrôle de leurs propres vies : tous leurs mouvements sont surveillés et contrôlés par le geôlier. Les autorités carcérales décident de leur sort et pourvoient à leurs besoins, jusqu'au jour de leur libération. C'est également le lot des Saoudiennes. Elles n'ont pas le droit de prendre des décisions, de faire un seul pas sans la permission de leur geôlier, c'est-à-dire de leur tuteur. Mais dans leur cas, il s'agit d'un emprisonnement à vie."

"La police religieuse saoudienne poursuit les femmes en tout lieu comme s'il s'agissait de fugitives"

"La loi saoudienne du Mahram fait des femmes des prisonnières le jour de leur naissance, ce qu'elles demeurent jusqu'au jour de leur mort. Elles ne peuvent quitter leurs cellules, c'est-à-dire leurs domiciles, ni la grande prison, c'est-à-dire l'Etat, sans autorisation signée… Bien que les Saoudiennes soient plus que toutes les autres femmes du monde privées de liberté et de dignité, elles subissent toutes ces formes d'oppression et d'injustice dans un silence amer, réprimant leur colère et affichant un découragement qui ressemble à la mort. Les Saoudiennes sont paisibles au sens fort, mais jusqu'à présent l'Etat saoudien n'a pas su apprécier la noblesse de leurs âmes, leur patience, leur résistance tranquille…

Les dignitaires religieux, qui ont reçu l'autorisation de l'État d'opprimer les femmes, considèrent le silence et la patience de ces dernières comme la marque d'un esprit arriéré et de leur faiblesse émotionnelle… C'est ainsi qu'ils se sont permis d'accroître le 'sommeil' de l'oppression au fil des décennies… Ils étouffent les femmes dans tous les domaines au moyen de lois opprimantes appliquées par la police religieuse, qui les poursuit partout comme s'il s'agissait de fugitives. Les lois relatives aux femmes ont fait d'elles des objets sur lesquels des malades peuvent libérer leurs instincts sexuels et leur violence.

Ces dignitaires religieux saoudiens privent les Saoudiennes de toute occasion de trouver du travail, recevoir une instruction, voyager, recevoir un traitement médical ou d'exercer tout autre droit, aussi minimaliste soit-il, sans l'autorisation de leur geôlier, c'est-à-dire de leur tuteur – tout cela sur la base de fatwas opprimantes sanctionnées par les hommes qui dirigent l'Etat."

Les mères et les grand-mères des Saoudiennes d'aujourd'hui avaient tous ces droits et jouissaient d'une liberté beaucoup plus importante que les femmes d'aujourd'hui.

"Les mères et les grand-mères des Saoudiennes d'aujourd'hui avaient tous ces droits et jouissaient d'une liberté beaucoup plus importante que les femmes d'aujourd'hui – de même que toutes les musulmanes appartenant aux époques révolues, telles que les épouses du Prophète. Elles n'étaient pas sujettes à la répression née de la loi du Mahram, qui n'est pas basée sur les principes de l'islam et qui n'a en fait rien à voir avec l'islam.

Combien bénie est l'Arabie saoudite, le royaume humain qui est devenu la plus grande prison pour femmes au monde. C'est un pays qui permet à n'importe quel homme, sans conditions, de jouer le rôle de geôlier, et qui a transformé ses femmes en prisonnières à vie, alors qu'elles n'ont rien fait pour le mériter."

(1) Le Mahram ("interdit") est un parent qu'une femme ne peut légalement épouser et qui peut donc lui servir de tuteur.

(2) Awan (Koweït), 6 juillet 2009. Le cheikh Abdel-Muhsin Al-Obikan, conseiller du roi et membre du Conseil de la Shura, a dernièrement émis une fatwa autorisant les femmes à voyager à l'étranger sans accompagnateur, www.islamonline.net, 25 décembre 2008.

(3) http://www.menber-alhewar1.info/news.php?action=view&id=4364, 24 juin 2009.

Source: http://www.memri.org/bin/french/latestnews.cgi?ID=SD245209

vendredi 24 juillet 2009

A propos de démocratie, toujours...

"Ceux qui ont crevé les yeux du peuple lui reprochent d'être aveugle".
John Milton, 1642

(...) "On rentre du boulot, on est crevé...
Pas question de se creuser les méninges.
On ouvre la télé, et puis, bof, on y croit.
On lit le journal, on écoute les sports.
C'est ainsi qu'on se fait endoctriner.
Pour avoir l'heure juste, il faut trimer.
La civilisation industrielle s'est développée dans le cadre de certains mythes commodes.
Le moteur de la société industrielle moderne c'est le gain personnel qu'on juge légitime, et même méritoire car les vices de l'un font la prospérité de tous comme le dit l'expression. On sait depuis longtemps qu'une société fondée sur ce principe finira pas se détruire.
Cette société durera, avec ses souffrances et ses injustices, tant et aussi longtemps qu'on prétendra que les engins de mort créés par les hommes sont limités, que la Terre est inépuisable et que le monde est une poubelle sans fond.
A ce stade de l'histoire, il n'y a plus qu'une alternative.
Ou bien la population prend sa destinée en main et se préoccupe de l'intérêt général, guidée en cela par des valeurs de solidarité et d'altruisme, ou bien c'en sera fait de sa destinée tout court.
Aussi longtemps qu'un groupe dominera dans la société, il mettra en avant des politiques qui serviront ses intérêts.
Mais les conditions de la survie, sans parler de la justice, nécessitent une planification dans l'intérêt de l'ensemble c'est-à-dire de la communauté globale.
L'élite doit-elle asservir les médias comme elle prétend devoir le faire pour imposer des illusions nécessaires pour tromper la bête majorité et la tenir à l'écart? Bref, il faut se demander si la démocratie est un bienfait ou une menace à écarter.
Dans cette phase critique de l'existence humaine la démocratie est plus qu'une valeur à chérir, elle est peut-être la clé de la survie." (...)

Noam Chomsky
Les médias et les illusions nécessaires - 1993 - K Films Editions - Extrait

jeudi 23 juillet 2009

LE PRÉAU D’UN SEUL

"Ce que l'Europe fait aux étrangers, elle ne le peut que dans une disqualification majeure de l'humanité de l'étranger, et cette disqualification est coloniale".

Excellente réflexion dont vous pourrez lire l'intégralité au lien suivant:
http://www.migreurop.org/IMG/pdf/Preau.pdf

et dont vous trouverez un aperçu du contenu ci-dessous...

LE PRÉAU D’UN SEUL

de LFKs - création 2008 - 2009
HKW Berlin, deSingel Antwerpen, Marseille-Provence 2013
Festival d’Avignon 09, EZK Hellerau Dresden
Linz 09 / Capitale Européenne de la Culture 2009

I. LE SUJET page 8 à 29

page 8 : A. LA DÉCOLONISATION MANQUÉE DE L’EUROPE
page 12 : B. LE CAMP D’INTERNEMENT ADMINISTRATIF COMME VICTOIRE COLONIALE SUR LE PRÉSENT
page 13 : C. ORIGINE COLONIALE DES CAMPS ET CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DES ÉTRANGERS MULTIPLIÉS PAR L’EUROPE À L’INTÉRIEUR ET AUTOUR DE SES FRONTIÈRES AU DÉBUT DU XXIè SIÈCLE
page 17 : D. CAMPS ET CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE ACTUELS, LEUR MULTIPLICATION EN EUROPE ET AUTOUR DE SES FRONTIÈRES AU XXIè SIÈCLE
page 24 : E. BREF APERÇU DU CONTEXTE IDÉOLOGIQUE DE LA NAISSANCE ET DU DÉVELOPPEMENT DES CAMPS D’INTERNEMENT ADMINISTRATIF EN AFRIQUE COLONIALE
page 26 : F. BREF APERÇU DU CONTEXTE IDÉOLOGIQUE DE LA MULTIPLICATION DES CAMPS ET CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DES ÉTRANGERS DÉMUNIS, À L’INTÉRIEUR ET AUTOUR DES FRONTIÈRES EUROPÉENNES, AU DÉBUT DU XXIè SIÈCLE
page 27 : G. BREF APERÇU DU CONTEXTE IDÉOLOGIQUE D’UNE RÉACTIVATION DES CAMPS DE RÉTENTION EN EUROPE AU XXIè SIÈCLE
page 27 : H. BREF APERÇU DES CAMPS ADMINISTRATIFS RÉACTIVÉS AU XXIè SIÈCLE

mardi 21 juillet 2009

« La politique migratoire est un bloc de granit »

Le 13 juin, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, rendait son rapport sur la Belgique. Il y dénonçait le flou et l’arbitraire qui règnent dans les centres fermés pour demandeurs d’asile et appelait à mettre fin à la détention systématique de certains d’entre eux. Deux semaines plus tard, c’est le Collège des Médiateurs fédéraux qui remettait au président de la Chambre les résultats de leur enquête dans les centres fermés. Avec des constats similaires. Au même moment, la ministre de l’Asile, Annemie Turtelboom, a fait publier deux arrêtés royaux qui renforcent encore l’aspect sécuritaire des centres fermés. Cela fait des années que des instances internationales et nationales dénoncent les atteintes aux droits des demandeurs d’asile enfermés en centres fermés. Pour rien ? Nous avons posé la question à Edouard Delruelle, directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances, qui depuis des années également publie des recommandations, peu suivies.

Pourquoi les ministres de l’Intérieur successifs ne réagissent-ils pas à ces critiques ?

Il faut distinguer deux choses : la volonté politique d’un ministre et d’un gouvernement et si rien ne bouge, c’est le résultat d’un rapport de forces politiques. Et la logique d’État. Le contrôle des frontières est un des piliers de l’État souverain. Avec les centres fermés, on est dans le noyau dur de ce qui fait la violence légale d’un Etat. Le problème, c’est que cette violence doit être équilibrée par le respect des droits fondamentaux comme la liberté, les garanties procédurales, la transparence. C’est cela qui fait l’Etat de droit. Or, dans ce domaine, il y a beaucoup à faire et je rejoins votre constat : l’Etat belge peut mieux faire et sur des choses qui peuvent paraître comme des points de détail.

Par exemple ?

Les statistiques des centres fermés sont incomplètes. On n’a aucune vision claire de ce qui se passe dans ces centres ; or, c’est fondamental sur le principe de la transparence. La commission des plaintes ne fonctionne pas. La critique est unanime et constante ; or, les arrêtés royaux que vient de prendre la ministre n’y ont rien changé. La Commission est chargée, par la loi, de nous informer sur ce qui se passe. En réalité, nous ne pouvons pas exercer notre mission de contrôle. Cela fait des années que nous le disons ; et, c’est vrai, rien ne bouge. Idem pour l’aide juridique aux demandeurs d’asile, le droit de visite des ONG qui semble soumis à un certain arbitraire. Ou l’isolement disciplinaire. On a des soucis à se faire sur ce qu’un Etat de droit doit assurer. Rien de ce que nous avons énuméré ne nécessite un changement de la loi. Ce sont des points concrets sur lesquels on pourrait progresser…

Mais cela ne se fait pas…

Mme Turtelboom répond que tous les garde-fous n’empêcheront pas que le fait d’être privé de liberté reste vécu comme une violence en soi. C’est vrai, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire.

Comment le Centre vit-il le fait de voir ses avis ignorés ?

Parfois, nous avons nos petites victoires. Parfois, nous sommes un peu découragés, que ce soit pour les centres fermés ou pour la circulaire régularisation. Notre mission est de défendre les droits fondamentaux des étrangers dans un esprit de service public. C’est notre noblesse et notre limite. Nous devons continuer à défendre ces droits, de rapports en rapports, de communiqué de presse en communiqué de presse.

Les critiques internationales ne mettent-elles pas à mal l’image de notre pays ?

La Belgique est tout de même un pays qui, globalement, se défend bien en matière de respect des droits de l’homme. Mais les gouvernements et les administrations vivent peut-être sur ces acquis ; et cela a un effet pervers. On est devenu moins sensible aux critiques qu’on peut nous faire. Voyez le rapport du commissaire européen Hammarberg. Quand on voit à quel point ce qu’il décrit correspond à la réalité, on ne peut qu’appeler le gouvernement à le prendre au sérieux. Même remarque pour le Collège des Médiateurs fédéraux : ce ne sont tout de même pas de dangereux révolutionnaires !

Nous avions fait des propositions très concrètes pour les arrêtés royaux sur les centres fermés. On les a ignorées. Cela donne le sentiment que la politique migratoire belge est un bloc de granit et que rien ne peut bouger. Voyez cette incroyable réticence à transcrire dans des textes de lois et donc à donner une force juridique à toute décision dans ce domaine. Tout se fait par circulaire. La Belgique vit sur sa bonne réputation en matière de respect du droit, mais elle risque de la perdre.

Les considérations électorales ne jouent-elles pas un rôle dans cet immobilisme ?

Le blocage n’est effectivement pas seulement celui des politiques, c’est aussi celui de l’opinion publique. L’opinion belge est en retard sur la réalité migratoire du XXIe siècle. On reste avec l’illusion qu’on peut ouvrir et fermer les frontières, mais on ne vit plus dans ce monde-là. Les gens veulent qu’on ferme les frontières mais se mobilisent pour régulariser leur voisin. On doit sortir de ces réactions émotives. La sensibilité à la discrimination a progressé au cours de ces vingt dernières années d’une manière considérable. La même transformation ne s’est pas produite sur les droits fondamentaux des étrangers. Tant qu’elle n’aura pas lieu, la politique migratoire belge ne bougera pas, ou peu.


Edouard Delruelle
Directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances
14.07.09 - Propos recueillis par M. Vandemeulebroucke
Source: lesoir.be

lundi 20 juillet 2009

Pourquoi la démocratie ?

Reprendre le flambeau démocratique ? Il y a mille raisons d’y être réticent, c’est-à-dire mille raisons d’en vouloir à la démocratie, au point de n’être plus tout à fait sûr de la vouloir vraiment. La démocratie, alternative à la tyrannie ? L’histoire a montré qu’elle peut fort bien porter des tyrans au pouvoir, en toute légalité. La démocratie, affirmation d’égalité ? L’égalité juridique frappée à son fronton s’accommode fort bien d’inégalités économiques et sociales profondes, auxquelles ses institutions contribuent, ainsi l’École, machine à produire des hiérarchies et à les justifier. La démocratie, institution de la liberté ? Peut-être, mais d’une liberté de plus en plus conforme aux exigences du libéralisme économique — une liberté sans puissance, sinon celle de choisir, parfaitement congruente aux besoins du marché — et de moins en moins aux principes du libéralisme politique : depuis le 11 septembre 2001, pas un régime démocratique qui n’ait raboté les libertés publiques. La démocratie, promesse de fraternité ? C’est pourtant en son nom qu’on a mené la guerre en Irak, ou qu’on ferme les frontières du Nord à ces barbares du Sud. La démocratie, ou le pouvoir du peuple ? La mise sous le boisseau des référendums sur le traité constitutionnel européen, en Irlande ou en France, ridiculise la proposition. La démocratie, « lieu vide du pouvoir » ? L’homogénéité sociologique des élites politiques et la lenteur de leur renouvellement le démentent. Démocrate sert ainsi aujourd’hui d’épithète aux gauches tièdes et centres mous en quête de gouvernement. Et ce sont des partis politiques de tout bord qui invoquent la démocratie pour étouffer la contestation, la figure du citoyen s’avérant infiniment moins menaçante que celle du prolétaire, la belle unité de la Cité infiniment préférable à sa division en classes.

Et pourtant. S’il faut indiscutablement cultiver la méfiance envers tout ce qui, sous le nom de démocratie, consiste en réalité en une saine et sage gestion de la polis, tout entière consacrée à contenir ses désordres, à tracer ses frontières, s’il faut en d’autres termes faire la critique de la démocratie telle qu’elle est — ce sera un point de passage du dossier —, il nous semble que tous ceux à qui l’émancipation importe auraient tort de laisser purement et simplement tomber une idée qui en a accompagné l’histoire, et le mot qui la désigne. Pourquoi ?
critique de la critique

Tout d’abord parce qu’aucun des griefs faits à la démocratie n’est pleinement fondé.

Primo, que des gouvernements brandissent l’argument démocratique pour justifier une guerre, murer les frontières, briser un mouvement social ou maquiller une politique de classe, cela prouve non pas que la démocratie est l’instrument d’une tromperie des masses entre les mains des gouvernants, mais qu’elle pèse sur eux comme un impératif de justification : un hommage contraint du vice à la vertu, ou pour le dire dans un vocabulaire moins moral, une preuve de la difficulté à gouverner le demos sans son consentement.

Secundo, que déclarer des droits ne suffise pas à réaliser l’égalité et la liberté — c’est-à-dire l’égale liberté —, c’est là une évidence : ils n’ont de force qu’à l’usage. Or ils servent, avec une efficacité politique certaine. Ils ont servi aux colonisés pour conquérir l’indépendance, aux femmes pour menacer les privilèges masculins, aux noirs d’Amérique ou d’Afrique du Sud pour dénoncer la ségrégation, aux gays et aux lesbiennes pour réclamer et parfois obtenir la reconnaissance de leurs couples, etc. Ils serviront encore : la démocratie offre à tous ceux qui oeuvrent à dénaturaliser les dominations un argument massue, et dont les champs d’utilisation n’ont cessé de s’étendre depuis. À cet égard, on a tort d’objecter la lutte des classes à la démocratie « bourgeoise », ou de cantonner l’usage de l’argument démocratique aux « nouveaux mouvements sociaux » : le mouvement ouvrier peut être lu, lui aussi, comme une extension de la révolution démocratique — en l’occurrence, à la sphère du travail, même si le bout du chemin est encore loin.

Tertio, que les régimes démocratiques soient à l’occasion indignes d’eux-mêmes, c’est-à-dire de leurs principes et de leur histoire, que des dirigeants élus puissent passer outre aux résultats d’un référendum constitutionnel, qu’un Conseil constitutionnel puisse approuver la conformité d’une loi sur la rétention dite de « sûreté », inversion historique spectaculaire d’un terme qui désignait le droit, hautement démocratique, à la protection contre l’arbitraire, que les étrangers non communautaires résidant en France n’aient toujours pas le droit de vote, là même où la Révolution française envisageait de l’accorder sans considération de nationalité, que des groupes sociaux entiers restent durablement exclus des lieux où l’on produit les lois, et que tout cela soit scandaleux, cela doit donner le désir, non pas d’en finir avec une démocratie décidément trop décevante, ni d’en regretter les grandes heures (la démocratie n’a jamais été pleinement adéquate à l’image qu’elle dessinait d’elle-même, pas plus à Athènes qu’en 1792), mais de la pousser plus avant : l’écart de la démocratie à elle-même n’est pas son mensonge constitutif, qu’il s’agirait de révéler, mais sa dynamique même, qu’il s’agit de prolonger.

Quarto, reprocher à la société démocratique d’avoir accouché d’un individu narcissique, indifférent à la chose publique, éternel adolescent, accroché à des désirs médiocres, vieille crainte tocquevillienne remise au goût du jour par les Cassandre de la post-modernité, c’est rater la réjouissante démocratisation de l’individualisme et non moins réjouissante dé-domestication du privé. La démocratie moderne s’est en effet constituée sur la valorisation de l’autonomie individuelle et sur la sanctuarisation corrélative d’une sphère privée, protégée des intrusions de l’État. Mais pour être un individu, encore faut-il en avoir les moyens matériels : l’individualisme fut longtemps un privilège de propriétaires. Quant à l’enceinte privée, elle a principalement servi de rempart à ceux — les mêmes, souvent — qui souhaitaient soustraire les domaines du travail et de la famille à l’exigence démocratique d’égalité, pour en maintenir une gestion hiérarchique. Fable pour fable, à celle d’un affaissement des vertus civiques et des grandeurs privées, on préférera celle-ci : le « je fais ce que je veux » multiforme a démocratisé l’individualisme et peuplé le privé, désormais rempli d’affirmations de subjectivité tous azimuts et de désirs multiples qui — quoi qu’on pense de leur consistance — l’ont rendu moins aisément hiérarchisable.
puissance de la démocratie

Au fond, si aucune des critiques contemporaines de la démocratie n’est tout à fait convaincante, c’est parce qu’elles en présupposent toutes une définition étroite, qui la réduit à ses institutions, électorales en particulier. Il y a une tout autre manière de la concevoir. La voici en quelques mots. D’une part, le « peuple » de la démocratie est politique et non sociologique : il ne s’agit pas d’un groupe social a priori, défini par ses caractéristiques objectives, mais de n’importe quel ensemble d’individus venant opposer l’évidence de l’égalité à la contingence de la domination, débordant ainsi la place qui lui est assignée, désassemblant du même coup un ordre tenu pour naturel (la domination masculine, la supériorité de l’homme blanc, etc.) ou fonctionnel (le gouvernement des meilleurs, la division verticale du travail, etc.). D’autre part, le « pouvoir » du peuple, avant d’être une arkhé, pouvoir réglé et régulateur des constitutions légitimes et des régimes stables, est un kratos, soit une « victoire » qui donne de la force, du courage, un courage pour vaincre bien sûr (« we shall overcome »), mais aussi celui que l’on trouve en soi-même et qui revient décuplé, lorsqu’on se constitue en sujets, ensemble. À cet égard, « démocratie » est sans doute la meilleure traduction du terme empowerment, forgé par les luttes minoritaires — noires et gaies notamment — pour dire ce processus.

Il n’y a donc ni à guetter un renouveau de la démocratie, ni à en craindre le déclin. C’est là toute la faiblesse des efforts déployés pour la rendre « participative ». Participative, la démocratie l’est déjà, pour peu qu’on y inclue de plein droit la politique non gouvernementale et extra-électorale : il y a un million d’associations en France, et rien qu’à Paris, la Préfecture de police a compté 1241 manifestations les quatre premiers mois de 2009. Quant à la désaffection supposée des urnes, baromètre commun aux détracteurs et aux défenseurs de la démocratie électorale, elle n’est en rien linéaire, et périodiquement démentie par des poussées massives de participation — voir les derniers scrutins présidentiels français et américains. Outre qu’il suggère un âge d’or (mais lequel au juste ? l’élection de Charles de Gaulle ? le suffrage censitaire ?), le discours du désamour démocratique révèle surtout le point de vue et le point aveugle de ceux qui le tiennent : une conception de gouvernant, guettant les signes de la venue du peuple à soi un matin d’élection, déplorant son absence, incapable de voir qu’il a d’autres lieux d’expression, d’autres modes d’existence.

Certes, s’il faut compter comme démocratiques des formes d’activité qui excèdent la politique instituée, ne rejetons pas pour autant l’institution hors de la démocratie. C’est la limite d’une opposition trop tranchée entre kratos et arkhé. Il y a des usages possibles de la démocratie instituée, en particulier de son droit, y compris européen, même si celui-ci reste clivé entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, entre un libéralisme politique vigoureux, notamment sur la question des prisons, et un libéralisme économique obtus, en particulier dans le domaine des droits du travail. Il y a aussi de la démocratie au sens où nous l’entendons au coeur de ses formes les plus conventionnelles : l’élection d’un homme noir à la présidence des États-Unis a sans doute suscité un peuple. Il y a également de l’institution, même sur le mode mineur, du côté des luttes démocratiques, et on a tort de n’y voir que les prémisses d’une sclérose bureaucratique — vouloir durer un peu n’est pas honteux quand c’est pour changer le monde. Il y a enfin beaucoup d’aplomb à juger comme illusoire et aliéné le désir d’institutions démocratiques là où elles sont absentes : des élections disputées, des scrutins transparents, des contre-pouvoirs au sein et à l’extérieur de l’État, une presse indépendante, des libertés publiques, c’est mieux qu’un cadre minimal et vide de la démocratie — c’est pleinement désirable.

Reste que, là où la démocratie est conquise sous sa forme constitutionnelle, elle reste inachevée. Parmi les nombreux domaines où « l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui » n’est pas encore reconnue, retenons-en deux, décisifs selon nous : l’immigration et le travail. On sent bien, sur ces deux fronts, l’énormité de la contradiction : refusé aux étrangers non-communautaires, le suffrage n’est toujours pas universel en France ; encore explicitement organisée sur un mode hiérarchique, la production reste profondément anti-démocratique. On mesure, évidemment, la solidité des cadenas à forcer : l’État-nation dans un cas, le capital dans l’autre, rien que cela. Mais on sent mieux, du coup, le formidable potentiel de libération que la démocratie porte en elle : seul l’argument d’égalité est à même de faire sauter de tels verrous. C’est en tout cas le pari stratégique de ce dossier. La démocratie conserve une faculté incomparable à mettre le pouvoir hors de ses gonds. « Nous sommes vos égaux » : il y a dans cette réponse à la domination une évidence têtue. Un big-bang politique qui n’a pas fini de produire ses effets.

Vincent Casanova , Stany Grelet
16.07.09
Source: cetri

dimanche 19 juillet 2009

Régularisation des sans-papiers: appel à l'action !

Urgent! Merci de faire suivre à tous vos contacts!

Chers militants,

comme vous le savez surement, le dossier migration arrive enfin à l’ordre du jour ! Les négociations sur les critères de régularisation commenceront ce vendredi. Une déclaration sur l’accord pris entre les différentes parties devrait être faite ce lundi 20 juillet.

Nous sommes nombreux à craindre une circulaire trop restrictive. L’accord gouvernemental du 18 mars visait des critères de régularisation larges et humains. Cela fait plus de 15 mois que nous agissons pour son application, nous n’accepterons pas que l’on se moque de nous une fois de plus en sortant une circulaire visant plus à l’expulsion qu’à la régularisation. C’est pourquoi il est urgent de préparer une action forte, dans le cas où la décision ne respecterait pas l’accord gouvernemental.

Les occupations de sans-papiers se multiplient et commencent à être banalisées. C’est pourquoi nous appelons aujourd’hui les belges à entrer en action ! Occupons, nous aussi, durant une semaine, pour montrer à ce gouvernement notre détermination à nous battre jusqu’au bout ! Nous avons déjà un bâtiment d’où nous pourrons mener diverses actions de sensibilisation et de pression. Dénonçons les raisons qui obligent de nombreuses personnes à mener un parcours extrêmement dangereux pour rejoindre l’Europe, dénonçons l’atrocité dans laquelle agit la Communauté Européenne via l’organisme FRONTEX alors qu’elle se dit vouloir participer à « l’aide au développement », pointons du doigt l’esclavage moderne exercé sur les sans-papiers, enfin, disons « NON » à ce système immonde et destructeur. Nous exigeons que le gouvernement respecte ses engagements et crée une commission indépendante pour traiter le dossier migration.

PLUS QUE PARLER, AGISSONS ! IL EST TEMPS DE MONTRER QUE L’ON N’EST PAS JUSTE DE BONS PENSEURS, MAIS BIEN DES ACTEURS DU CHANGEMENT !

Pour toutes les personnes intéressées, veuillez adressez un mail à :
udep-bruxelles@hotmail.com

samedi 18 juillet 2009

Des soldats de l'armée israélienne parlent d'une guerre sans retenue à Gaza

Accusé par Amnesty International, Human Rights Watch et l’Onu d’avoir causé des pertes civiles et des destructions injustifiables en décembre et janvier dans la bande de Gaza, l’Etat d’Israël a toujours rejeté ces mises en cause.

Plusieurs soldats de l’armée israélienne ayant participé à cette opération affirment à présent que leurs chefs militaires les ont incités à tirer d’abord et à se préoccuper ensuite de distinguer les combattants des civils. En conséquence, témoignent-ils, leurs forces se sont ruées dans le territoire enclavé sans retenir leurs tirs.

Selon ces trente soldats, dont les témoignages anonymes ont été recueillis par l’ONG "Breaking the Silence", la priorité de l’armée était de minimiser ses pertes afin de s’assurer du soutien populaire israélien à l’opération.

"Mieux vaut atteindre un innocent qu’hésiter à viser un ennemi" : c’est en ces termes qu’un soldat résume la façon dont il a compris les instructions répétées durant les briefings préliminaires et durant l’intervention, qui a duré 22 jours, du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009.

"Dans le doute, tuez. La puissance de feu était insensée. On arrivait et les explosions étaient hallucinantes. Dès l’instant où on arrivait à nos positions, on commençait à tirer sur tout ce qui était suspect", raconte un autre.

L’objectif annoncé de l’opération "Plomb Durci" était de mettre fin aux tirs de roquettes des activistes islamistes du Hamas vers le sud d’Israël. Selon une ONG palestinienne, le bilan des combats côté palestinien s’établit à 1.417 tués, dont 926 civils. L’armée israélienne parle de 1.166 morts dont 295 civils. Côté israélien, dix soldats et trois civils ont péri. Des rues entières de Gaza ont été rasées pour réduire le risque des tireurs embusqués et des pièges explosifs. Selon les Nations unies, les quelque 600.000 tonnes de gravats commencent à peine à être déblayées, six mois après la fin de l’opération.

L’armée israélienne, qui repose essentiellement sur la conscription, interdit formellement à ses soldats de parler aux médias. Le rapport de 112 pages de "Breaking the Silence" contient le témoignage de trente soldats "ayant servi dans tous les services impliqués dans l’intervention".

"La majorité (...) sont encore en service dans leurs unités et, profondément alarmés par la dégradation morale des Forces de défense israéliennes (FDI), se sont tournés vers nous. (Leurs témoignages) suffisent à mettre en doute la crédibilité de la version officielle de l’armée", peut-on lire dans ce document.

Dans un communiqué, l’armée israélienne rejette ces critiques, qu’elle estime "basées sur des on-dit", mais s’engage à enquêter en cas de plainte formelle pour exactions, tout en assurant que ses soldats ont respecté le droit international durant "des combats complexes et difficiles". A l’exception d’un sergent prénommé Amir, l’ensemble des soldats parlent sous anonymat, et leurs visages sont floutés dans les témoignages filmés. La transcription des propos est disponible sur le site breakingthesilence.

L’ONG indique disposer de financements de la part d’associations israéliennes de défense des droits de l’homme ainsi que des gouvernements britannique, néerlandais et espagnol et de l’Union européenne.

Plusieurs soldats décrivent une procédure de fouille de maisons où des civils étaient forcés à entrer dans des bâtiments suspects devant les soldats. Ils citent plusieurs cas dans lesquels des civils devaient s’avancer tandis qu’un militaire, derrière eux, reposait son fusil sur leur épaule.

Le rapport évoque également l’emploi sans discernement de munitions incendiaires au phosphore blanc dans les rues de Gaza - ce que Tsahal dément-, des "destructions massives ne répondant à aucune menace directe" et des règles d’engagement "permissives".

"On ne nous disait pas de tirer sur tout ce qui bouge. Mais la consigne générale était : si vous vous sentez menacés, tirez. Ils n’arrêtaient pas de nous dire que c’était la guerre et qu’à la guerre, on fait feu à volonté", se souvient un soldat.

Pour priver les combattants du Hamas d’abris, des secteurs entiers, comprenant parfois des jardins et des vergers, ont été rasés par bombardements, tirs d’artillerie, explosifs et bulldozers.

"Nous n’avons pas vu une seule maison intacte (...). Les infrastructures, les chemins, les champs, les routes, tout était en ruines. Les (bulldozers) D-9 avaient tout écrasé", raconte un militaire.

Dans le préambule du rapport, "Breaking the Silence" affirme que l’armée israélienne s’efforce de prouver que si des exactions ont été commises à Gaza, elles étaient le fait de "soldats isolés".

Mais ce témoignage suggère que "le coup violent et sans précédent porté aux infrastructures et aux civils de la bande de Gaza est le résultat direct de la politique des FDI".

17.07.09
Source: www.aloufok.net

vendredi 17 juillet 2009

Appel urgent contre la politique d’extradition du gouvernement belge

Le 3 juillet dernier, ÉGALITÉ a organisé une conférence intitulée : «Extradition et lois antiterroristes : deux femmes parlent!». ÉGALITÉ s’est ainsi joint au mouvement international en cours contre les extraditions.

Ces dix dernières années, au nom de « la guerre internationale contre la terreur », les États-Unis et l’Europe ont développé un système de justice parallèle à celui d’un État de droit.

Cette justice parallèle introduit une série de nouveaux crimes, un système de détention spéciale pour les détenus soupçonnés de terrorisme et la menace d’extradition ou de déportation vers des pays pratiquant la torture et/ou la peine de mort. Cette justice parallèle et ces pratiques constituent une violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme, du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques et de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le gouvernement belge s’est non seulement pleinement engagé dans la guerre en Afghanistan mais a aussi adopté une politique d’extradition de détenus soupçonnés de terrorisme, y compris de nationalité belge, vers des pays qui bafouent les conventions déjà mentionnées.

ÉGALITÉ demande la non-extradition vers le Maroc d’Ali Aarrass, Belge détenu en Espagne, et sa libération immédiate.

Ali Aarrass, de nationalité belge et marocaine, a été arrêté dans la ville espagnole de Melilla, dans le cadre d’un mandat d’arrêt international demandé par le Maroc. Il se trouve depuis le 1er avril 2008 en détention en Espagne sous l’accusation de faire partie d’un réseau terroriste. Huit mois plus tard, en novembre 2008, la justice espagnole a approuvé son extradition vers le Maroc. Il ne manque plus que le feu vert du Conseil des ministres de l’Espagne, qui peut venir à tout moment, pour qu’Ali Aarrass puisse être extradé.

Pendant sa détention, Ali Aarrass a mené une grève de la faim pendant deux mois pour clamer son innocence et s’opposer à son extradition.

En 2006, la justice espagnole avait ouvert une enquête judiciaire contre Ali Aarrass pour association avec le terrorisme. Le 16 mars 2009, un tribunal espagnol a prononcé la fermeture provisoire de cette enquête par manque de preuves. Malgré ce non-lieu, Ali Aarrass reste en prison : il fait partie de ces 1500 personnes qui ont été recherchées et arrêtées par le Maroc après les attentats de Casablanca de mai 2003. Selon Amnesty International « des centaines d"entre elles auraient été torturées en détention… ». Le président de Melilla, Juan José Imbroda, et son gouvernement local, conduit par le Parti Populaire (PP), la Coalition pour Melilla (CPM, le principal parti de l'opposition), la Commission Islamique (CI) et Amnesty International d’Espagne se sont unis contre l’extradition de Ali Aarrass. Abderraman Benyahya, porte-parole de la Commission Islamique (CI), a estimé que les autorités espagnoles n'auraient jamais accepté l'extradition "si les accusés n'avaient pas été des musulmans". Eva Suárez-Llanos, la présidente espagnole d’Amnesty International a déclaré : "Les autorités espagnoles ne peuvent pas extrader des détenus vers un pays où ceux-ci risquent d’être torturés." Devant la cour, Ali Aarrass s’est revendiqué de sa nationalité belge pour empêcher son extradition, mais le tribunal a réfuté cet argument. Ni le gouvernement belge ni un seul parlementaire belge n’est jusqu’à présent venu en aide à ce ressortissant !

ÉGALITÉ demande le retrait de la Convention entre le Royaume du Maroc et le Royaume de Belgique sur l’extradition.

Depuis le 1er mai 2005, une Convention sur l’extradition entre le Maroc et la Belgique est entrée en vigueur, après avoir été votée à l’unanimité (!) par la Chambre et le Sénat belges. Bien que la Constitution belge proclame l’égalité de tous les Belges devant la loi, il y a une exception pour les Belges d’origine marocaine : les Belgo-Marocains (double nationalité) peuvent à présent et à tout moment être extradés vers le Maroc, s’ils ont commis une infraction punissable d’une peine de prison de plus de deux ans ! Le gouvernement et la justice belges ont donc le droit et la possibilité d’extrader tout citoyen belge d’origine marocaine vers le Maroc sans devoir pour cela lui retirer sa carte d’identité belge.

Cette convention existe uniquement pour les Belges d’origine marocaine. Elle n’existe pour aucune autre catégorie de citoyens belges, originaires de quelque pays que ce soit.

ÉGALITÉ appelle tous les élus à tous les niveaux à demander le retrait immédiat de cette convention.


De même, ÉGALITÉ demande la non-extradition de Nizar Trabelsi vers les Etats-Unis.


Le 13 septembre 2001, le ressortissant tunisien et ancien footballeur professionnel, Nizar Trabelsi, a été arrêté à Uccle. Pour la principale prévention retenue contre lui : «Tentative de destruction d’édifice à l’explosif», Nizar Trabelsi a été condamné en juin 2004 à la peine maximale de dix ans de prison, pour la préparation d’un attentat contre la base militaire de Kleine-Brogel. Cette année, il aura passé huit ans de détention dans des conditions d’incarcération les plus extrêmes des sections de haute sécurité des prisons belges. La justice belge vient maintenant d'accepter la demande de son extradition vers les Etats-Unis, dès qu’il aura purgé sa peine en Belgique. Cette extradition accordée à la justice antiterroriste des Etats-Unis signifie une mort certaine pour Trabelsi, qui peut être considéré par les États-Unis comme un des «combattants ennemis» enfermés à Guantanamo, ou peut être enfermé à vie et sans appel dans une prison de haute sécurité, une des fameuses « surpermax prisons ». Ceci se passe au moment où la section américaine d’Amnesty International vient de lancer une campagne contre la torture aux États-Unis (‘Ten against torture letters’) et en particulier contre l’introduction de la « détention illimitée », à laquelle peuvent être soumises des personnes innocentes acquittées par la justice après un procès, ou en détention sans inculpation, parce qu’elles sont considérées comme étant « un danger pour les États-Unis ». Ceci se passe au moment où la Cour européenne des Droits de l’homme s’est déjà opposée à plusieurs tentatives d’extradition vers les Etats-Unis de la part de pays européens.

ÉGALITÉ – Familles et Ami-e-s des personnes incarcérées

Vous voulez nous rejoindre dans notre campagne contre l’extradition ?
Contactez-nous en envoyant un mail à vervaetluk@gmail.com

jeudi 16 juillet 2009

"Pour sauver la planète, sortez du capitalisme" de Hervé Kempf

Le titre claque comme un slogan que l’on clamerait volontiers avec allégresse. Quel immense dommage que si peu de Vert(e)s adhèrent à ce crédo radical, préférant, à l’image de Dominique Voynet, Daniel Cohn-Bendit ou Alain Lipietz, quelques commodes replâtrages !

Les déprédations gravissimes de l’environnement découlent d’un mode de production uniquement mû par « la maximisation du profit ». La crise économique actuelle, corollaire des turbulences qui ont frappé la bulle des hedge funds et des subprimes, l’auteur l’avait prédite dans son précédent essai (1).

Il préconise d’inscrire « l’urgence écologique et la justice sociale au cœur du projet politique ». Oui, mais qui pour promouvoir ce dernier ? Comment, insiste Hervé Kempf, qui rejette également les éoliennes et les agro-carburants, oser estampiller le nucléaire « d’énergie du futur », alors qu’il demeure éminemment dangereux et génère des volumes colossaux de déchets fortement radioactifs ? Nos dirigeants, que la collusion avec les lobbies les plus influents et les grands groupes industriels n’ont jamais rebutés, excluent sciemment une réduction drastique de la consommation. Celles et ceux qui préconisent des solutions viables, aux antipodes de la doxa dominante, comme par exemple une redistribution équitable des richesses, les pseudo-« penseurs » choyés par les médias les raillent à tout va. Ainsi, l’inénarrable Jacques Attali avait postillonné, le 16 octobre 2007, sur France Inter, « la meilleure façon de ne pas polluer est de revenir à l’âge de pierre ». Crétinisme d’un de ces « intouchables », qui ne risquent guère une confrontation avec des contradicteurs sur les ondes et plateaux de télévision !...

Si l’on se contente de rehausser la grisaille du statu quo d’une touche de chlorophylle, le boostage des énergies renouvelables n’apparaît que comme une mesurette-alibi. Le fondateur de Reporterre (2) n’hésite pas à réclamer la taxation des hauts revenus, voire le ponctionnement du patrimoine détenu par les plus fortuné(e)s, afin de financer des activités socialement utiles et à faible impact environnemental. Il conviendrait, ajoute-t-il, de tendre vers davantage de « sobriété », de « frugalité », « une adaptation de la demande aux ressources », de « goûter la lenteur », de s’engager sur la voie de « la décroissance ».

Une telle révolution des us et coutumes supposerait que nous démontions au préalable « des archétypes culturels » et que nous nous départissions impérativement du « conditionnement psychique » propagé notamment par la publicité. Et « l’acmé de l’aliénation capitaliste intervient quand l’humain lui-même devient marchandise ». Le journaliste met en garde : attention de ne pas tarder, « hébétés », jusqu’à ce que ce système délétère « se transmue en despotisme » !...

Il doit se sentir assez isolé au sein de la rédaction du Monde, « le quotidien vespéral des marchés », comme l’ont baptisé les sardons de Pour lire pas lu, devenu, depuis mars 2006, Le Plan B, lequel paraît bimestriellement.

Éditions du Seuil, Paris, janvier 2009, 167 pages, 14 euros.

(1) Comment les riches détruisent la planète, Le Seuil, janvier 2007, 147 pages, 14 euros.
(2) Magazine lancé en 1989, uniquement disponible en ligne depuis 2006.

René HAMM
16.04.09