Netanyahu se trompe en croyant que le gouvernement états-unien lui apportera un soutien illimité et inconditionnel.
Les États-Unis et Israël entretiennent une alliance stratégique, qui ne se brisera pas dans les années qui viennent; elle représente un intérêt évident pour les deux côtés, et chaque partenaire profite de cette relation. Pendant qu’Israël reçoit un soutien sécuritaire et une protection diplomatique massifs des États-Unis, ceux-ci savent qu’ils peuvent voir en Israël un fantassin capable, toujours prêt à partir en guerre contre tout ennemi menaçant les intérêts de Washington. Une dépendance réciproque existe entre les États-Unis et Israël, réciproque mais pas symétrique. Il semble que Benjamin Netanyahu ait oublié ce dernier point. Mais il a oublié également d’autres choses dans son discours en réponse à la déclaration d’Obama sur la Ligne de juin 1967: que l’ère de la guerre préventive globale de George W. Bush est passée, et qu’elle ne reviendra pas dans un proche avenir; que de nouvelles puissances menacent l’hégémonie régionale américaine et que les États-Unis vont devoir en conséquence resserrer les liens avec le plus grand nombre de régimes arabes possibles; qu’il existe un «printemps arabe» qui change d’une manière non négligeable la position d’Israël dans la stratégie états-unienne. Et Netanyahu a oublié surtout qu’Obama n’a pas oublié, lui, les anciennes et nombreuses insultes et le sabotage systématique à son encontre.
Le discours d’Obama au Caire et le néoconservatisme de Netanyahu vont nécessairement conduire à des crises. Même les mots de réconciliation prononcés devant le Congrès et par les porte-parole de la Maison-Blanche ne peuvent dissimuler ce que les médias états-uniens et israéliens définissent comme une crise. «Netanyahu nie l’existence d’une crise, mais les Américains sont toujours furieux» (titre le Ha’aretz du 23 mai 2011) et un officiel israélien a prévenu le journaliste israélien Barak Ravid que les sentiments de la secrétaire d’État, Hillary Clinton, à l’égard de Netanyahu «allaient de la répugnance à la haine».
Même de hauts représentants de la communauté juive états-unienne ont critiqué Netanyahu pour le ton qu’il a utilisé pour répondre aux positions d’Obama et pour l’exacerbation inutile des tensions avec l’Administration. Dans ce contexte, Netanyahu commet aussi une erreur, en dépit de ce que l’on considère comme son intime compréhension de la politique américaine: le niveau de dépendance du Président à l’égard des donateurs juifs est inférieur à ce qu’il pense... et à ce que les groupes antisémites prétendent. Quand les intérêts nationaux états-uniens sont en jeu, ni le lobby pro-israélien ni l’argent des donateurs ne dicteront leur politique. Leur impact est en marge de la politique, et ce n’est qu’en de rares occasions que la politique se fait mener par le bout du nez.
Il semble qu’aux yeux d’Obama, le «printemps arabe» l’autorise à s’intéresser davantage à la volonté des peuples arabes, et à chercher à en imposer au gouvernement israélien qui refuse de prendre même ses plus proches amis en considération. Le fait qu’Obama ne se soit pas plié devant la conférence de l’AIPAC témoigne de sa détermination à mettre une pression amicale sur le gouvernement israélien... lors de son prochain mandat, s’il devait être réélu. Les néoconservateurs israéliens comptent sur un retour des néoconservateurs états-uniens à la Maison-Blanche, mais pour le moment, il ne semble pas que les Républicains puissent présenter un candidat qui aurait une chance contre Obama.
Aujourd’hui, ceux qui sont les plus proches de la droite israélienne sont considérés comme de dangereux déments capables de hâter le crépuscule de l’Empire américain. Obama sait cela, et il est capable d’exploiter l’embarras du camp adverse pour faire pression sur le gouvernement israélien. Ne nous trompons pas: Obama va bien tenter d’empêcher le vote à l’Assemblée générale des Nations-Unies, ou au moins de le vider le plus possible de son contenu (pour la reconnaissance d'un Etat palestinien, ndlr), mais cette assistance à Israël sera un prêté pour un rendu dont il exigera le remboursement le moment venu. Dans les relations internationales, rien n’est gratuit, même entre partenaires stratégiques. Et surtout quand les dirigeants actuels du gouvernement américain ont quelques comptes à régler à cause d’une arrogance malveillante manifestée par plusieurs ministres importants du gouvernement israélien, et notamment son Premier ministre.
Michel Warschawski
Ecrivain, journaliste et cofondateur du Centre d’information alternative (AIC)
05.06.11
Source: infopalestine
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