La Syrie s’enfonce chaque jour davantage dans la violence. Un dirigeant - Bachar El Assad - décevant, une mosaïque de communautés, les fruits d’une modernisation économique confisqués par le pouvoir: tout est en place pour l’explosion.
En Syrie, on «entre dans le dur», estiment les observateurs. Dans les deux camps - celui du pouvoir et celui de la rue - les plus radicaux prennent la main et un point de non-retour semble avoir été franchi. Mais on n’a peut-être encore rien vu: «Jusqu’ici, la répression s’est montrée plus impressionnante qu’efficace! Or les moyens du pouvoir syrien sont extrêmement efficaces», rappelle Elizabeth Picard, directrice de recherche émérite au CNRS (Iremam d’Aix-en-Provence). Ils peuvent même être féroces. Qu’on s’en souvienne: le soulèvement d’Hama en 1982, à l’instigation des Frères musulmans, s’est terminé dans un bain de sang jamais égalé dans la région. Il a fait environ 20.000 morts. Comme hier, l’enjeu est aujourd’hui de taille pour le régime syrien: le clan alaouite minoritaire des Assad garde depuis quarante ans une main de fer sur un pays devenu avec Bachar une simple possession dynastique. Il est complexe, aussi, tant s’entremêlent pouvoir, argent, histoire, communautés et relations internationales. Il mérite quelques clefs pour le comprendre.
Bachar ou le pouvoir partagé
Inconscient, impuissant ou cynique? Roi du discours immédiatement suivi d’un contre-discours, adepte du «oui-mais» perpétuel et spécialiste des promesses sans résultats, le jeune ophtalmologue rapatrié en urgence de Londres pour succéder à son père, Hafez, en 2000, n’a fait, depuis onze ans, que décevoir les attentes réformatrices syriennes ou étrangères. Bachar el-Assad ne semble jamais avoir dominé sa fonction et imposé son pouvoir. On l’a souvent excusé en le présentant comme un «réformiste empêché ou contraint», «engoncé dans une structure», car entouré par la vieille garde de son père et les proches de son clan. Et par beaucoup de «durs». Mais il a lui-même consciencieusement recentré le pouvoir dans les mains de sa famille et fortement resserré la base de son régime, explique-t-on, pour former à l’arrivée un «système néo-patrimonial» témoignant d’une grande «tribalisation du pouvoir», affirme Caroline Donati, auteur de «L’Exception syrienne» (Editions La Découverte). Son frère Maher est à la tête de la garde républicaine, son beau-frère Assaf Shawkat était jusqu’à il y a peu chef des services secrets, et son cousin germain Rami Makhlouf a la haute main sur le monde des affaires. «Il y a eu chez lui un souci de modernisation, sur le plan économique notamment, mais pas de volonté de réforme du système», ajoute Elizabeth Picard. Qui est vraiment Bachar? «On n’en est plus là aujourd’hui!», proteste le politologue libanais Joseph Bahout, professeur à Sciences po Paris: «Le problème est le système dont il est le produit et le représentant, car il est là pour faire fonctionner un système qu’il n’a pas construit. Même s’il sait à quel point de délabrement en est arrivé la Syrie, il ne peut pas aller au-delà.» En passant de Hafez à Bachar, la Syrie serait toutefois bien passée de l’autoritaire à l’arbitraire. Officiellement, le parti Baas gouverne le pays, mais pour la majorité des Syriens ce sont tout simplement les services de renseignement. Il y en aurait 17 différents et ces «moukhabarat» contrôlent tout: vie publique comme vie privée.
Un mille-feuille ethnique et religieux
«La Syrie est dans la situation du Liban en 1975 et de l’Irak en 2003: c’est une mosaïque de communautés tenue par un ciment autoritaire et sous la domination d’un groupe», explique un sociologue à Damas, «le problème, c’est que ces deux pays ont déjà fait l’expérience de guerres sectaires!». Le terrain est donc miné. Témoins du creuset de civilisation que fut la région, une grande majorité de sunnites (près des trois quarts de la population), chrétiens (10%), Kurdes (6%), druzes, ismaéliens, Tcherkesses, juifs, constituent la société syrienne, le tout sous la domination des alaouites, une minorité chiite très déclassée (dont étaient historiquement issus les personnels de maison) comptant pour seulement 10% de la population du pays. Sans compter 1,5 million de réfugiés irakiens. Une situation potentiellement explosive dont le pouvoir syrien ne se prive pas de jouer. «Le pouvoir confessionnalise à outrance pour attiser les craintes et diviser», souligne-t-on à Damas, et il récupère laïcs ou petites communautés: «La minorité chrétienne est très heureuse du régime baasiste qui les protège», souligne Denis Bauchard, conseiller Moyen-Orient à l’IFRI. «Vu les exemples libanais et irakien, la société syrienne est très soucieuse de stabilité et elle vit dans l’acceptation de l’autorité pour l’obtenir», rappelle Joseph Bahout. Cette société aux ressorts très identitaires sait pourtant se montrer plurale, ouverte aux compromis - la grande bourgeoisie sunnite de Damas soutient le régime -, sa classe moyenne laïque est éduquée et autonome, et elle fait au total preuve d’une grande sophistication, relèvent les experts. Jusqu’ici, les affrontements ethniques ou religieux ne font pas partie du paysage syrien. Pour combien de temps?
Opposition laminée
Mais où est l’opposition syrienne? Sans surprise, cette société si peu homogène peut difficilement se rassembler autour de revendications communes. Comment le ferait-elle, d’ailleurs? «Le prix de toute activité politique exercée en-dehors du cadre fixé ou tacite est la prison, l’exil, ou la mort», rappelle Caroline Donati. «Il n’y a pas de structure alternative crédible», affirme Denis Bauchard. «Il n’y a même pas en Syrie une petite dizaine de personnalités correspondant au Conseil de transition libyen. Le pays est politiquement désertifié depuis des décennies», poursuit Joseph Bahout. «Il y a des élites, dans l’Etat, l’administration ou l’économie, mais elles vivent sous la chape de plomb des services de sécurité. L’opposition est un point aveugle de cette révolution multi-locale: il est difficile de voir apparaître des leaders moraux, politiques, religieux ou intellectuels, et qui se mettent en réseau, car le pouvoir frappe immédiatement», insiste Elizabeth Picard. Pour la chercheuse, «les Frères musulmans sont la structure la plus solide qui puisse quadriller une société à 75% sunnite et être au cœur d’un projet politique». Toute la Syrie, d’ailleurs, n’est pas dans la rue... Quelques points positifs surnagent tout de même. D’abord parce qu’«il y a dans toute classe politique de grandes capacités de reconversion. Voyez l’Egypte! Plusieurs centres de pouvoir existent en Syrie et les démissions qui se multiplient en son sein montrent que le parti Baas n’est pas homogène», avance Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. Ensuite, parce que des mobilisations démocratiques (comme la «Déclaration des 99», en 2000, ou la «Déclaration de Damas», en 2005) «ont prouvé l’existence de traces de mouvements supra-confessionnels. Et on trouve aujourd’hui dans la rue des protestations politiques unitaires», affirme-t-on à Damas.
Une économie dynamisée mais «privatisée»
Peu de pays peuvent se targuer d’avoir plus que doublé leur PIB en cinq ans. La Syrie l’a fait entre 2003 et 2008. Sur le papier, les «années Bachar» correspondent bien à une véritable embellie de l’économie dont témoigne une forme de «gentryfication» de Damas et des grandes villes syriennes. Longtemps réputée comme une des plus fermées et centralisées de la région, et alors que la production pétrolière s’asséchait, elle s’est ouverte à marche forcée à partir de 2004, avec l’irruption de banques privées et des investissements étrangers sur le marché, des privatisations, la libéralisation commerciale extérieure et l’abandon progressif des prix administrés. Par habitant, le revenu reste toutefois très inférieur à la moyenne du Proche-Orient, l’économie est toujours «en développement», l’Etat-providence a disparu, la pauvreté touche un tiers de la population et la Syrie a encore reculé dans le dernier classement «Doing Business» de la Banque mondiale (au 144è rang, sur 183 pays). Extrêmement tertiarisée, cette économie ne crée pas assez d’emplois. A la chinoise, «on a assisté à une ouverture économique avec maintien d’une fermeture sur le plan politique et sécuritaire. Mais si cette ouverture a généré beaucoup de richesses, l’absence de partage a créé beaucoup de frustrations», constate Barah Mikaïl, directeur de recherche à la Fride, thinkthank européen basé à Madrid. Destinée à calmer la rue, elle n’a de fait profité qu’à une minorité de privilégiés et creusé le fossé entre riches et pauvres. Autour de Rami Makhlouf, propriétaire de l’opérateur téléphonique Syriatel, le cercle restreint de la famille Assad, du clan et des services sécuritaires concentre les acteurs de cette nouvelle économie. «Ce ne sont pas les Trabelsi de Tunisie, mais quand même...», s’amuse une haute figure diplomatique de la région. «Leurs aînés pillaient le service public, la génération de Bachar monopolise le secteur privé, s’emparant des principaux leviers de la puissance économique», résume Caroline Donati.
Un «pion» essentiel du Proche-Orient
Le moins que l’on puisse dire est que la Communauté internationale se montre très prudente vis-à-vis d’une Syrie explosive. Une intervention militaire sur le mode libyen «ne va pas se produire, parce que je ne pense pas que nous sachions exactement ce qui se passerait, ce que cela déclencherait», estimait ainsi Hillary Clinton, fin mars. Car si tant de capitales l’approchent avec des précautions de démineurs, c’est que ce berceau du nationalisme arabe, apôtre de la «résistance» à l’Occident, constitue le principal allié de l’Iran, le soutien du Hezbollah au Liban et du Hamas à Gaza, et le perpétuel «meilleur ennemi» d’Israël, tous deux en guerre depuis l’occupation israélienne du Golan en 1974. Sa capacité de nuisance - directe ou indirecte - reste importante et y toucher est l’assurance de provoquer des réactions en chaîne peu contrôlables, sait-on partout. La stabilité s’impose donc... D’autant qu’au moment où s’annoncent des échéances importantes sur la question palestinienne et le conflit israélo-arabe, l’engagement de la Syrie, depuis toujours partisan d’une approche globale, apparaît comme une nécessité stratégique. Signe de cette urgence: en février dernier, Washington a nommé un ambassadeur à Damas. Le poste était vacant... depuis 2005.
Daniel Bastien , Elizabeth Picard
16.06.11
Source: cetri
En Syrie, on «entre dans le dur», estiment les observateurs. Dans les deux camps - celui du pouvoir et celui de la rue - les plus radicaux prennent la main et un point de non-retour semble avoir été franchi. Mais on n’a peut-être encore rien vu: «Jusqu’ici, la répression s’est montrée plus impressionnante qu’efficace! Or les moyens du pouvoir syrien sont extrêmement efficaces», rappelle Elizabeth Picard, directrice de recherche émérite au CNRS (Iremam d’Aix-en-Provence). Ils peuvent même être féroces. Qu’on s’en souvienne: le soulèvement d’Hama en 1982, à l’instigation des Frères musulmans, s’est terminé dans un bain de sang jamais égalé dans la région. Il a fait environ 20.000 morts. Comme hier, l’enjeu est aujourd’hui de taille pour le régime syrien: le clan alaouite minoritaire des Assad garde depuis quarante ans une main de fer sur un pays devenu avec Bachar une simple possession dynastique. Il est complexe, aussi, tant s’entremêlent pouvoir, argent, histoire, communautés et relations internationales. Il mérite quelques clefs pour le comprendre.
Bachar ou le pouvoir partagé
Inconscient, impuissant ou cynique? Roi du discours immédiatement suivi d’un contre-discours, adepte du «oui-mais» perpétuel et spécialiste des promesses sans résultats, le jeune ophtalmologue rapatrié en urgence de Londres pour succéder à son père, Hafez, en 2000, n’a fait, depuis onze ans, que décevoir les attentes réformatrices syriennes ou étrangères. Bachar el-Assad ne semble jamais avoir dominé sa fonction et imposé son pouvoir. On l’a souvent excusé en le présentant comme un «réformiste empêché ou contraint», «engoncé dans une structure», car entouré par la vieille garde de son père et les proches de son clan. Et par beaucoup de «durs». Mais il a lui-même consciencieusement recentré le pouvoir dans les mains de sa famille et fortement resserré la base de son régime, explique-t-on, pour former à l’arrivée un «système néo-patrimonial» témoignant d’une grande «tribalisation du pouvoir», affirme Caroline Donati, auteur de «L’Exception syrienne» (Editions La Découverte). Son frère Maher est à la tête de la garde républicaine, son beau-frère Assaf Shawkat était jusqu’à il y a peu chef des services secrets, et son cousin germain Rami Makhlouf a la haute main sur le monde des affaires. «Il y a eu chez lui un souci de modernisation, sur le plan économique notamment, mais pas de volonté de réforme du système», ajoute Elizabeth Picard. Qui est vraiment Bachar? «On n’en est plus là aujourd’hui!», proteste le politologue libanais Joseph Bahout, professeur à Sciences po Paris: «Le problème est le système dont il est le produit et le représentant, car il est là pour faire fonctionner un système qu’il n’a pas construit. Même s’il sait à quel point de délabrement en est arrivé la Syrie, il ne peut pas aller au-delà.» En passant de Hafez à Bachar, la Syrie serait toutefois bien passée de l’autoritaire à l’arbitraire. Officiellement, le parti Baas gouverne le pays, mais pour la majorité des Syriens ce sont tout simplement les services de renseignement. Il y en aurait 17 différents et ces «moukhabarat» contrôlent tout: vie publique comme vie privée.
Un mille-feuille ethnique et religieux
«La Syrie est dans la situation du Liban en 1975 et de l’Irak en 2003: c’est une mosaïque de communautés tenue par un ciment autoritaire et sous la domination d’un groupe», explique un sociologue à Damas, «le problème, c’est que ces deux pays ont déjà fait l’expérience de guerres sectaires!». Le terrain est donc miné. Témoins du creuset de civilisation que fut la région, une grande majorité de sunnites (près des trois quarts de la population), chrétiens (10%), Kurdes (6%), druzes, ismaéliens, Tcherkesses, juifs, constituent la société syrienne, le tout sous la domination des alaouites, une minorité chiite très déclassée (dont étaient historiquement issus les personnels de maison) comptant pour seulement 10% de la population du pays. Sans compter 1,5 million de réfugiés irakiens. Une situation potentiellement explosive dont le pouvoir syrien ne se prive pas de jouer. «Le pouvoir confessionnalise à outrance pour attiser les craintes et diviser», souligne-t-on à Damas, et il récupère laïcs ou petites communautés: «La minorité chrétienne est très heureuse du régime baasiste qui les protège», souligne Denis Bauchard, conseiller Moyen-Orient à l’IFRI. «Vu les exemples libanais et irakien, la société syrienne est très soucieuse de stabilité et elle vit dans l’acceptation de l’autorité pour l’obtenir», rappelle Joseph Bahout. Cette société aux ressorts très identitaires sait pourtant se montrer plurale, ouverte aux compromis - la grande bourgeoisie sunnite de Damas soutient le régime -, sa classe moyenne laïque est éduquée et autonome, et elle fait au total preuve d’une grande sophistication, relèvent les experts. Jusqu’ici, les affrontements ethniques ou religieux ne font pas partie du paysage syrien. Pour combien de temps?
Opposition laminée
Mais où est l’opposition syrienne? Sans surprise, cette société si peu homogène peut difficilement se rassembler autour de revendications communes. Comment le ferait-elle, d’ailleurs? «Le prix de toute activité politique exercée en-dehors du cadre fixé ou tacite est la prison, l’exil, ou la mort», rappelle Caroline Donati. «Il n’y a pas de structure alternative crédible», affirme Denis Bauchard. «Il n’y a même pas en Syrie une petite dizaine de personnalités correspondant au Conseil de transition libyen. Le pays est politiquement désertifié depuis des décennies», poursuit Joseph Bahout. «Il y a des élites, dans l’Etat, l’administration ou l’économie, mais elles vivent sous la chape de plomb des services de sécurité. L’opposition est un point aveugle de cette révolution multi-locale: il est difficile de voir apparaître des leaders moraux, politiques, religieux ou intellectuels, et qui se mettent en réseau, car le pouvoir frappe immédiatement», insiste Elizabeth Picard. Pour la chercheuse, «les Frères musulmans sont la structure la plus solide qui puisse quadriller une société à 75% sunnite et être au cœur d’un projet politique». Toute la Syrie, d’ailleurs, n’est pas dans la rue... Quelques points positifs surnagent tout de même. D’abord parce qu’«il y a dans toute classe politique de grandes capacités de reconversion. Voyez l’Egypte! Plusieurs centres de pouvoir existent en Syrie et les démissions qui se multiplient en son sein montrent que le parti Baas n’est pas homogène», avance Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. Ensuite, parce que des mobilisations démocratiques (comme la «Déclaration des 99», en 2000, ou la «Déclaration de Damas», en 2005) «ont prouvé l’existence de traces de mouvements supra-confessionnels. Et on trouve aujourd’hui dans la rue des protestations politiques unitaires», affirme-t-on à Damas.
Une économie dynamisée mais «privatisée»
Peu de pays peuvent se targuer d’avoir plus que doublé leur PIB en cinq ans. La Syrie l’a fait entre 2003 et 2008. Sur le papier, les «années Bachar» correspondent bien à une véritable embellie de l’économie dont témoigne une forme de «gentryfication» de Damas et des grandes villes syriennes. Longtemps réputée comme une des plus fermées et centralisées de la région, et alors que la production pétrolière s’asséchait, elle s’est ouverte à marche forcée à partir de 2004, avec l’irruption de banques privées et des investissements étrangers sur le marché, des privatisations, la libéralisation commerciale extérieure et l’abandon progressif des prix administrés. Par habitant, le revenu reste toutefois très inférieur à la moyenne du Proche-Orient, l’économie est toujours «en développement», l’Etat-providence a disparu, la pauvreté touche un tiers de la population et la Syrie a encore reculé dans le dernier classement «Doing Business» de la Banque mondiale (au 144è rang, sur 183 pays). Extrêmement tertiarisée, cette économie ne crée pas assez d’emplois. A la chinoise, «on a assisté à une ouverture économique avec maintien d’une fermeture sur le plan politique et sécuritaire. Mais si cette ouverture a généré beaucoup de richesses, l’absence de partage a créé beaucoup de frustrations», constate Barah Mikaïl, directeur de recherche à la Fride, thinkthank européen basé à Madrid. Destinée à calmer la rue, elle n’a de fait profité qu’à une minorité de privilégiés et creusé le fossé entre riches et pauvres. Autour de Rami Makhlouf, propriétaire de l’opérateur téléphonique Syriatel, le cercle restreint de la famille Assad, du clan et des services sécuritaires concentre les acteurs de cette nouvelle économie. «Ce ne sont pas les Trabelsi de Tunisie, mais quand même...», s’amuse une haute figure diplomatique de la région. «Leurs aînés pillaient le service public, la génération de Bachar monopolise le secteur privé, s’emparant des principaux leviers de la puissance économique», résume Caroline Donati.
Un «pion» essentiel du Proche-Orient
Le moins que l’on puisse dire est que la Communauté internationale se montre très prudente vis-à-vis d’une Syrie explosive. Une intervention militaire sur le mode libyen «ne va pas se produire, parce que je ne pense pas que nous sachions exactement ce qui se passerait, ce que cela déclencherait», estimait ainsi Hillary Clinton, fin mars. Car si tant de capitales l’approchent avec des précautions de démineurs, c’est que ce berceau du nationalisme arabe, apôtre de la «résistance» à l’Occident, constitue le principal allié de l’Iran, le soutien du Hezbollah au Liban et du Hamas à Gaza, et le perpétuel «meilleur ennemi» d’Israël, tous deux en guerre depuis l’occupation israélienne du Golan en 1974. Sa capacité de nuisance - directe ou indirecte - reste importante et y toucher est l’assurance de provoquer des réactions en chaîne peu contrôlables, sait-on partout. La stabilité s’impose donc... D’autant qu’au moment où s’annoncent des échéances importantes sur la question palestinienne et le conflit israélo-arabe, l’engagement de la Syrie, depuis toujours partisan d’une approche globale, apparaît comme une nécessité stratégique. Signe de cette urgence: en février dernier, Washington a nommé un ambassadeur à Damas. Le poste était vacant... depuis 2005.
Daniel Bastien , Elizabeth Picard
16.06.11
Source: cetri
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