lundi 3 janvier 2011

La "haine contre l'islam", un fourre-tout


Après les Assises internationales contre l'islamisation, organisées à Paris le 18 décembre, la journaliste du quotidien Al-Hayat dénonce le climat antimusulman en France. Dans un texte virulent, elle estime que le débat est instrumentalisé par plusieurs organisations.



Le samedi 18 décembre se tenait à Paris un rassemblement contre "l'islamisation de la France". Le communiqué qui annonçait ces Assises internationales contre l'islamisation de nos pays comporte tout ce qu'on peut imaginer en phrases chocs et discours primaires. Il met en garde contre une Europe dominée par la charia et appelle les Européens en général et les Français en particulier à défendre leur "identité" et leur "civilisation". Lors des pauses, les buffets étaient composés exclusivement et symboliquement de vin et de jambon. Ce rassemblement a attiré des visiteurs du monde entier, notamment des Danois et des Suisses. Ils ont confronté leurs expériences dans la lutte contre la propagation et la domination de l'islam.

Récemment, Marine Le Pen [probable présidente du Front national à la mi-janvier] a parlé de "l'occupation musulmane" de la France, comparant la prière sur le trottoir autour des mosquées au défilé de soldats allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale. On lui a objecté que ces prières dans la rue étaient dues à l'exiguïté des mosquées et à leur nombre insuffisant. Madame n'en a cure: elle voudrait qu'il y ait moins de mosquées encore. Il s'agit de la fille du chef du parti d'extrême droite, celui-là même qui avait accédé au second tour [en devançant le candidat socialiste] de la présidentielle de 2002 et avait obtenu 20 % des voix. Elle se bat pour hériter du parti de son père et ainsi se présenter à la présidentielle de 2012. Certains affirment qu'il faut prendre ses déclarations pour de la démagogie électorale, ce qui serait, selon eux, une circonstance atténuante.

La première chose à noter est que les organisateurs du rassemblement contre "l'islamisation de la France" ont confié le service d'ordre à la Ligue de défense juive (LDJ). La LDJ est une organisation quasi militaire qui fait acte d'allégeance à Israël. Généralement, elle s'occupe de perturber les rassemblements de soutien à la Palestine et à s'en prendre à certains de ses participants. Elle est interdite aux Etats-Unis [où elle a été créée en 1968 à l'initiative de Meir Kahane] en raison de sa violence et de son extrémisme. Voici qu'elle réapparaît comme protectrice d'un rassemblement de nature et d'inspiration fascistes. Car le dénominateur commun entre les deux, c'est l'hostilité bruyante à l'islam et l'appel à chasser les musulmans du pays. Il faudrait leur demander s'ils ne comptent pas les chasser en... Palestine.

La confusion intellectuelle est un exercice auquel s'est également adonnée la ministre des Affaires étrangères française, Michèle Alliot-Marie. Lors de la conférence du Conseil européen des communautés juives, le 12 décembre dernier, elle a déclaré que la France était l'amie d'Israël, qu'elle était engagée derrière sa sécurité et son intégration dans la région (mais en quoi un ministre français peut-il décider à la place des peuples de la région!). La même ministre, oh combien éloquente, a des antécédents. Quand elle était encore ministre de la Justice, elle avait considéré que la campagne de boycott des produits israéliens était une campagne contre les produits casher et tombait donc sous le coup de la loi sur l'antiracisme. Comment, dans ce contexte, les fascistes pourraient ne pas se sentir encouragés à se rassembler pour parler du "danger de l'islam pour l'Europe"? Comment ne pas s'étonner de voir des alliances contre nature?

La seconde chose qu'il faut noter est la présence de certains membres d'extrême gauche parmi les organisateurs. Leur laïcisme sans concession les a aveuglés au point de se joindre à des groupes fascistes dont certains ne sont pas si laïques que cela, puisqu'ils se réclament du christianisme. Ainsi, en fin de compte, le seul point commun entre eux est la "lutte contre l'islam". En font partie également des féministes qui considèrent le voile comme leur principal ennemi. Bref, cette réunion est fréquentée par des gens auxquels on ne s'attendait pas et dont la présence suscite des interrogations sérieuses. Les principales organisations des droits de l'homme, les grands partis de gauche, les Verts ainsi que les syndicats ont condamné la réunion et ont demandé son interdiction. N'ayant pas obtenu gain de cause, ils ont appelé à une contre-manifestation. Il s'agit là d'un combat qui se déroule en Europe et dans le monde.

Nahla Chahal
21.12.2010
Source: courrier international

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