samedi 16 avril 2011

Syrie: du souffle...



Iran-Syrie: mêmes procédés, même scénario, un mimétisme flagrant qui n’est que le résultat de longues années de coordination sécuritaire, de complicité politique, de conseils réciproques au niveau des services de renseignements. Une intimité contre-nature entre une théocratie qui gouverne quasiment au nom de Dieu et une dictature qui se veut laïque, mais qui ne se pérennise que dans un communautarisme flagrant.


Manifestations-répression-arrestations: de Téhéran à Damas, le triptyque infernal a été bien huilé, la leçon bien retenue sur fond d’une terreur étatique qui s’abat sur les gens comme une chape de plomb forcément «protectrice». Et, tout naturellement, ce qui est «révolte légitime» ailleurs, ce qui est «cri du peuple» à Tunis, au Caire ou à Sanaa devient «conspiration sioniste» en Iran, complot de «forces étrangères» en Syrie.

Les contestataires jetés en prison, les enfants de Deraa brutalisés pour avoir dessiné des graffitis «subversifs», les défenseurs des Droits de l’homme traités comme de vulgaires malfrats, tout cela, bien sûr, est effectué dans l’intérêt supérieur de la nation, pour empêcher les ennemis du peuple d’exécuter leurs noirs desseins.

L’ordre règne donc à Damas et les jeunes contestataires ensanglantés vus sur toutes les chaînes télévisées ne sont que de fieffés menteurs: «Ils ont badigeonné leurs vêtements de peinture rouge pour faire croire aux médias occidentaux qu’ils sont blessés», a annoncé la télévision syrienne le plus sérieusement du monde. Difficile, évidemment, de ne pas prêter foi aux affirmations d’un média connu pour sa légendaire liberté d’expression! Mais, trêve d’ironie: à Lattaquié, à Homs, à Douma, à Deraa et dans d’autres villes syriennes, des hommes tombent sous les balles de forces sécuritaires pour avoir clamé tout haut leur soif de liberté, pour avoir, tout simplement, brisé le mur de la peur. Scènes tragiques déjà vécues, plus d’une fois, à Téhéran, toujours ramenées à la proportion d’incidents isolés, au statut de manipulations d’origine subversive.

Si en Iran le feu couve toujours sous la cendre, pour la simple raison que la jeunesse iranienne est à l’écoute de ce qui se passe dans le monde arabe et qu’elle n’en peut plus de la mainmise du clergé sur son propre devenir, en Syrie la contestation a pris sa vitesse de croisière et se déplace de localité en localité, comme pour narguer un pouvoir qui ne veut toujours pas comprendre que les temps ont changé.

Et maintenant? Croire que le pouvoir baassiste finira par s’engager sur la voie de réformes réelles et non de façade, c’est méconnaître la nature même du régime, imperméable à tout changement, hostile à toute ouverture démocratique qui sonnerait le glas du parti unique et des privilèges qui lui sont afférents.

Croire que Bachar el-Assad a les coudées franches et qu’il peut, en toute souveraineté, décider de mesures libérales, dont il serait peut-être lui-même convaincu, c’est oublier qu’il est pris à la gorge par un entourage familial et sécuritaire, une nomenklatura qui lui avait signifié, il y a plus de dix ans déjà, qu’il n’est pas seul maître à bord et qu’il gagnerait à modérer ses éventuelles ardeurs réformistes.

Le relais, aujourd’hui, c’est le peuple qui l’a pris en main et il n’entend nullement s’en dessaisir, dut-il s’engager dans le marathon de tous les écueils, de tous les sacrifices. Les révolutions ont leur prix, c’est celui du sang qui a déjà été versé à Lattaquié, à Deraa et à Douma. Les jalons ont été posés, il s’agit maintenant d’avoir le souffle long, bien long...

Nagib Aoun   
08.04.11
Source: cetri.be

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