mardi 19 janvier 2010

En serait-il autrement ici, en Belgique, en Europe, et ailleurs ? Pas sûr...


Partis et médias au plus bas du «baromètre de la confiance»
Voici une étude qui devrait provoquer une sérieuse introspection en France, mais qui est sortie récemment dans une grande discrétion.
Il s'agit du «Baromètre de la confiance politique», désormais annuel, du Centre d'étude de la vie politique française (Cevipof), un groupe de recherche de Sciences Po.
Ses indications sont accablantes pour la classe politique, mais aussi pour les médias, et elles sont pessimistes sur l'avenir du pays.

Trois chiffres résument l'état d'esprit des Français d'aujourd'hui, selon cette étude réalisée par l'institut TNS Sofres pour le Cevipof, auprès d'un échantillon représentatif des Français de plus de 18 ans :

* 73% des sondés (soit près des trois quart) pensent que les jeunes d'aujourd'hui auront «moins de chances» de réussir que leurs parents dans la France de l'avenir. Ils ne sont que 5% à penser qu'ils auront plus de chances, et 21% les mêmes chances. L'idée du déclin a donc fait son chemin ;
* 23% seulement des personnes interrogées font confiance aux partis politiques, ce qui les place tout au bas de l'échelle. 71% ne leur font pas confiance, un score désastreux pour un des éléments centraux de la vie démocratique. Les médias ne font guère mieux : 27%, soit moins bien que les banques (37%), ce qui, après la crise financière, est significatif.
* 70% des sondés, à la question «Pour la défense de vos intérêts, en qui avez-vous le plus confiance ?», répondent eux-mêmes, loin devant toute autre possibilité : les associations (15%), les syndicats (7%), et là encore, les partis politiques qui ne recueillent qu'1 tout petit pour cent.

C'est donc un climat de défiance qui caractérise l'état d'esprit des Français, défiance vis-à-vis du pouvoir (les élus locaux conservent toutefois un certain crédit, tout comme l'administration), vis-à-vis des corps prétendument représentatifs (partis, syndicats…), et enfin vis-à-vis des médias qui ont perdu depuis longtemps la bataille de la confiance de leurs lecteurs.

Le miroir tendu aux hommes politiques
Ce constat sombre dans une démocratie devrait d'abord interpeller les hommes et les femmes politiques, les dirigeants de partis et de syndicats, les élus et les gouvernants, qui voient dans le miroir tendu par cette étude leur échec absolu.
Si les Français pensent que leur pays est en grande difficulté au point que, pour la première fois depuis plus d'un siècle, ils pensent que les jeunes vivront moins bien que leurs parents, ils ne croient plus en la capacité de l'action politique pour y remédier. En tout cas, pas telle qu'elle s'incarne aujourd'hui dans les partis politiques.
C'est accablant pour Nicolas Sarkozy, qui a dilapidé en deux ans et demi le crédit de sa «rupture» annoncée, et jamais mise en œuvre. Au passage, il a sérieusement sapé le regain de citoyenneté active que la participation record à l'élection présidentielle de 2007 avait signifié.

Ça l'est tout autant pour une opposition qui n'est pas jugée crédible pour incarner autre chose, et, sans doute plus grave, pour le réaliser. C'est la porte ouverte à toutes les dérives populistes ou nihilistes si cette absence de perspective devait s'installer durablement dans l'opinion.

C'est aussi accablant, enfin, pour les journalistes qui négligent bien souvent leur perte de crédibilité aux yeux de leurs lecteurs dans l'analyse de la «crise de la presse». Le rétablissement du lien de confiance entre les journalistes et leurs lecteurs apparaît pourtant aussi important que tous les plans de restructuration qui évitent de s'attaquer à cet aspect du problème.

La crise a noirci le tableau
La crise économique, et le sentiment de fragilité et de perte de contrôle qu'elle implique dans la vie économique et sociale des gens, a sans doute noirci le tableau. Mais le doute général qui s'exprime dans cette étude n'est pas nouveau.
A ce constat pessimiste, il faut ajouter un extraordinaire paradoxe : quand TNS Sofres demande aux Français si, «tout bien considéré», ils sont heureux, ils répondent massivement OUI : 91%, contre seulement 1% de Français qui se disent «pas du tout» heureux et 8% «pas très» heureux.
Mais ce bonheur individuel dans un pays dont on pense qu'il va mal est à rapprocher du fait qu'on ne fait plus confiance qu'à soi-même pour s'en sortir, pas aux institutions ou aux corps intermédiaires.

A méditer au moment où la machine à discours politiques va se remettre en route pour les élections régionales. Candidats, lisez d'abord le baromètre de la confiance politique avant de faire vos discours, il s'adresse à vous.

Pierre Haski
17.01.10

(Enquête réalisée du 9 au 19 décembre 2009, par téléphone sur fixe et mobile, auprès d'un échantillon de 1 500 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus, inscrite sur les listes électorales.)
Source : Rue89

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