samedi 16 janvier 2010

A propos de la résistance non violente en Palestine... et de ce qu’Israël en fait.



Cher Bono,

dans votre récent article du New York Times, «Dix pour la prochaine décennie», vous écriviez : «Je mettrai mes espoirs dans la possibilité – si lointaine soit-elle pour le moment – que… dans des lieux pleins de rage et de désespoir, des lieux tels que les territoires palestiniens, des gens vont à l’avenir trouver parmi eux leur Ghandi, leur Martin Luther King, leur Aunt San Suu Kyi».

Votre espérance s’est déjà réalisée dans les territoires palestiniens. Malheureusement, ces Ghandi et Martin Luther King ont été tués ou jetés en prison. Le jour même où paraissait la Tribune libre où vous formuliez l’espoir de tels leaders, ils se morfondaient dans des geôles israéliennes. Personne ne sait combien de temps ils seront détenus, ni dans quelles conditions. La torture est une pratique commune dans les prisons israéliennes.

Au cours des six dernières années seulement , au moins 19 Palestiniens ont été tués lors de manifestations non violentes contre le mur israélien de l’apartheid, qui confisque des terres agricoles palestiniennes et rend captifs les Palestiniens. Beaucoup d’autres ont été tués en d’autres endroits des territoires palestiniens tandis qu’ils prenaient part à des activités non violentes. Des centaines ont en outre été arrêtés et jetés en prison. Récemment, Israël a engagé une campagne d’incarcération contre les meneurs de divers mouvements de marches et de manifestations hebdomadaires qui ont lieu dans de petits villages palestiniens, loin de l’attention des médias.

Le premier Ghandi palestinien raflé dans cette récente entreprise de purge était le jeune Mohammad Othman, arrêté le 22 septembre tandis qu’il rentrait chez lui après une prise de parole en Norvège sur les stratégies non-violentes opposables à l’oppression israélienne et à la confiscation des terres. Voilà 107 jours qu’il est détenu sans inculpation, la plus grande partie de ce temps isolé en confinement. Le second était Abdallah Abu Rahma, instituteur et cultivateur, arraché de sa maison le 10 décembre, le seul à être inculpé d’un délit grave. Après l’avoir retenu durant plusieurs jours, Israël l’a finalement accusé de «détention illégale d’armes» - en référence à l’emblème de la paix qu’il avait façonné à partir de cartouches usagées de gaz lacrymogènes et de balles qu’Israël avait tirées contre des manifestants non violents. (C’est une de ces cartouches qui avait transpercé le crâne de Tristan Anderson, un Américain qui était en train de photographier les suites d’un défilé non violent – ce qui avait nécessité l’ablation d’une partie du lobe frontal).

Le troisième était Jamal Jumah, un vétéran de la résistance populaire, emmené par les forces d’occupation israéliennes le 16 décembre et actuellement maintenu menotté et souvent avec les yeux bandés tout au long des procédures kafkaiennes de l’armée israélienne. Les Palestiniens ont été engagés dans la non-violence depuis des décennies. (Jamal vient d'être libéré - ndlr)

La dernière fois que j’ai été à Naplouse, on m’a parlé d’une démonstration non-violente de grande ampleur qui avait eu lieu en 2001 – les estimations allant de 10.000 à 50.000 hommes, femmes et enfants palestiniens participant à une marche non-violente. Tous les secteurs de Naplouse s’étaient associés pour son organisation : personnages officiels, les divers partis, des religieux, des laïcs, des musulmans, des chrétiens. Modelant leur action sur les images de Martin Luther King, ils marchaient la main dans la main, en croyant qu’Israël ne les tuerait pas et que le monde leur prêterait attention. Ils avaient tort sur l’un et l’autre point. Les forces israéliennes ont immédiatement abattu six personnes et en ont blessé beaucoup d’autres. Et personne n’en sait rien. Pour que les Américains sachent, nous sommes en train de préparer une vidéo pour remédier au silence ; pour les morts, il n’y a rien que nous puissions faire.

Mais vous, Bono, pouvez faire beaucoup. Vous pouvez faire usage de votre talent et de votre notoriété pour faire connaître ces faits au monde. Vous pouvez écrire une tribune libre au sujet des Gandhi palestiniens emprisonnés et demander leur libération. Vous pouvez célébrer ces Martin Luther King palestiniens auxquels vous aspiriez, et en les célébrant, sauver leurs vies. Car la réalité est que la non-violence n’a de pouvoir qu’à la mesure de sa visibilité dans le monde. Quand elle est rendue invisible du fait qu’elle est passée sous silence par le New York Times, l’Associated Press, CNN, Fox News et d’autres, ceux qui la pratiquent sont en danger de mort, et leurs efforts pour recourir à la non-violence contre l’injustice sont ruinés.

Dans le New York Times, vous avez ouvertement proclamé votre foi dans la non-violence. Voici l’occasion de démontrer votre engagement.

(Suit une liste de partisans de la non violence victimes de la repression israelienne victimes avec les références précises.)

Alison Weir

12.01.10

Source : counterpunch.com
Traduit de l’anglais par Anne-Marie PERRIN pour europalestine.com

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