Les travailleurs du royaume du Bahreïn du golfe persique ont répondu à la répression du régime soutenu par les USA par une vague de grèves dans presque tous les secteurs de l’économie.
Bien que les dirigeants des syndicats n’aient pas officiellement appelé à la grève générale, on estime que 70% des travailleurs du Bahreïn sont en grève et des centaines d’entre eux se joignent aux manifestations qui ont lieu dans les rues de la capitale.
Le régime du roi Hamad al-Khalifa a fait face à de nombreuses manifestations contre sa direction autoritaire depuis février. Le roi a tenté de maintenir son régime par la force en publiant la semaine dernière un décret d’urgence instituant la loi martiale, et en donnant à la police et à l’armée l’autorisation de prendre toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde du régime. Un couvre-feu qui commence à la tombée de la nuit et se termine à l’aube a été institué dans tout le Bahreïn.
Avec l’aide d’environ 1500 soldats et policiers envoyés par les monarchies voisines d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis (UAE) les forces de sécurité du Bahreïn ont déclenché une vague de répression contre les manifestants mercredi dernier.
Faisant usage des munitions de combat et avec le soutien de tanks et de véhicules blindés, la police et l’armée ont balayé les manifestants de la place Perle, le centre des manifestations de toutes ces dernières semaines dans la capitale de Manama. Au moins six personnes ont été tuées dans l’assaut et des centaines ont été blessées.
Les médias locales ont confirmé que les forces pro-monarchiques ont tué deux autres personnes depuis cet assaut, et les associations des droits de l’homme du Bahreïn ont affirmé que de nombreuses personnes avaient disparues, probablement kidnappées ou assassinées par le régime.
Les forces gouvernementales ont aussi attaqué des ambulances et des hôpitaux où l’on essayait de soigner les blessés. Une chaîne de télévision a montré des policiers qui tiraient des blessés hors des ambulances. Les forces pro-gouvernementales ont envahi l’hôpital de Salmaniya, ont arrêté 100 docteurs et les ont empêché de soigner les patients qui arrivaient de la place Perle.
Les forces de sécurité ont attaqué d’autre manifestants dans Manama et dans les quartiers environnants et, selon les témoins, les policiers et les voyous qui défendent le régime ont attaqué les gens et ont fait irruption dans les maisons de la classe laborieuse majoritairement shiite dans les banlieues. La monarchie al-Khalifa et ses forces de sécurité sont des musulmans sunnites tandis que la vaste majorité de la population est shiite. La discrimination sectaire que pratique le régime est la cause du haut niveau d’inégalité dont souffre le Bahreïn, et la famille royale et la petite élite qui l’entoure se sont enrichis spectaculairement grâce aux ressources en pétrole du pays.
La présence de forces venant des monarchies sunnites d’Arable Saoudite et des Emirats, combinée à la rhétorique enflammée du gouvernement qui met en garde contre "les gangs de Shiite" susceptibles d’attaquer des magasins sunnites, a exacerbé les tensions sectorielles dans le pays. Cependant les manifestations et les grèves ont transcendé les divisions religieuses avec les appels des travailleurs et des jeunes à l’unité de tous les habitants du Bahreïn contre la royauté.
Afin de parachever leur oeuvre d’intimidation des manifestants, les forces gouvernementales ont rasé le grand monument qui était au centre de la place Perle au bulldozer vendredi dernier. La place est actuellement occupée par les forces du régime, mais les manifestations continuent dans d’autres endroits de la ville.
La répression s’est poursuivie dimanche et 20 personnes ont été arrêtées pour avoir enfreint le couvre-feu y compris des docteurs qui soignaient des manifestants blessés.
La lutte sociale massive contre le gouvernement et pour un meilleur niveau de vie s’est étendue à presque tous les secteurs de l’économie. Les salariés du secteur de la construction, de la compagnie aérienne nationale "Gulf Air", de l’industrie énergétique et des services publics sont en grève.
Les employés en grève de la raffinerie d’état du Bahreïn, Barhain Petroleum Company, ont partiellement interrompu la production dimanche, ce qui ne manquera pas de consterner les pouvoirs impérialistes et les marchés financiers mondiaux. La raffinerie, qui peut produire jusqu’à 250 000 barils de pétrole brut par jour, tourne à seulement 10% de sa capacité, selon un porte-parole du syndicat.
Le Bahreïn est un centre financier majeur de la région du Golfe et les manifestations ont sérieusement perturbé le secteur. Des milliers de manifestants ont occupé de larges portions du district financier de Manama en élevant des barricades et en affrontant les forces de police. La bourse du Barhein n’a pas ouvert depuis le 16 mars.
La fédération générale des syndicats du Barhein (GFWTUB) a dit que les grèves continueraient jusqu’à ce que l’Arabie Saoudite et les Emirats se retirent du pays. Sayed Salman, le secrétaire général de la GFWTUB a dit au Wall Street Journal que son organisation ne voulait pas causer de dommage permanent à l’économie nationale, mais il a ajouté que la grève ne cesserait pas tant que les forces de sécurité tuaient des manifestants.
"Nous ne pouvons pas appeler nos gens à reprendre le travail" a dit Salman au Journal. "Nous espérons que cela ne durera pas trop longtemps car nos travailleurs souffrent aussi mais il faut absolument que les milices et les forces étrangères quittent nos rues."
La fédération syndicale représente 60 syndicats dans le pays et a été un soutien loyal de la monarchie al-Khalifa. Comme les officiels du syndicat, le principal parti bourgeois d’opposition, al-Wafaq, cherche à en finir le plus vite possible avec les manifestations. Ce parti qui était représenté au parlement fantoche jusqu’à ce que ses députés soient forcés de démissionner il y a quelques semaines quand la police a attaqué des manifestants pacifiques, a signifié qu’il désirait reprendre les négociations avec la monarchie.
Al-Wefaq avait d’abord soutenu les pourparlers avec le fils du roi, le prince héritier Salman, mais il s’en était retiré par crainte de l’hostilité populaire à toute espèce de négociation avec le régime honni. Cependant, après la répression de la semaine dernière et l’arrestation de plusieurs membres de l’opposition, al-Wefaq a recommencé à promouvoir le dialogue.
"Nous pensons que le dialogue est la seule solution, mais tant que des troupes étrangères se trouvent sur notre sol, rien n’est pas possible" a dit Jawad fairooz, un porte parole haut placé du parti. "Il faut que les troupes étrangères s’en aillent et que la milice dirigée par le gouvernement et le ministère de l’intérieur ainsi que l’armée du Barhein retournent dans leurs bases."
En échange, Fairooz a proposé de reprendre le contrôle des manifestations de masse. "Il faut parfois changer de tactique mais nous trouverons bien un moyen de protester."
Mais il n’est pas sûr que les responsables de al-Welfaq ou du syndicat contrôlent les manifestations et les grèves. Il semble plutôt que ces dirigeants, qui sont des associés fidèles de la monarchie depuis des dizaines d’années, aient du mal à faire face aux demandes de plus en plus grandes de la classe laborieuse. Au début des manifestations, le mois dernier, les manifestants demandaient la réforme du système politique, mais au fur et à mesure que de plus en plus de travailleurs entraient dans la lutte, l’humeur de la rue est devenue plus combative. Les slogans qui demandent l’abolition de la monarchie et une répartition plus équitable de la richesse pétrolière du pays sont désormais plus nombreux.
Le gouvernement des USA qui lance une guerre contre le régime libyen du colonel Kadhafi sous le prétexte des "droits de l’homme" continue de soutenir la dynastie al-Khalifa au Barhein.
Le secrétaire de la défense des USA Robert Gates est allé au Barhein il y a une semaine pour s’entretenir avec le roi Hamad et pendant cet entretien il félicita les al-Khalifa d’être des alliés des USA. Pour donner au régime du Barhein une excuse pour attaquer les manifestants, Gates, en surfant sur les préjugés sectaires, a dit au roi que le régime clérical shiite d’Iran allait profiter de l’agitation qui régnait au Barhein pour étendre son influence.
Washington compte sur les régimes du Barhein et d’Arabie Saoudite pour mettre fin aux manifestations et aux grèves avant que les intérêts des USA dans ces pays et dans toute la région ne soient menacés. La cinquième flotte de la marine étasunienne est stationnée au Barhein; c’est une base vitale qui appuie l’occupation de l’Irak et permet à Washington de maintenir la pression sur l’Iran. Comme la monarchie saoudienne, l’élite étasunienne est terrifiée à l’idée que le soulèvement populaire du Barhein s’étende à l’Arabie Saoudite - l’allié principal des USA dans le golfe persique et le plus grand exportateur mondial de pétrole - et spécialement aux puits de la partie orientale du pays dont la population est en majorité shiite.
Des manifestations ont eu lieu en Arabie Saoudite, au Kuwait et en Irak en solidarité avec le soulèvement du Barhein. Il y a eu aussi une manifestation de plus de 600 personnes à Londres en Angleterre dimanche dernier pour condamner la violence contre les manifestants de Manama.
700 personnes se sont réunies dans la ville de Mashhad en Arabie Saoudite, samedi, malgré l’interdiction absolue de manifester, pour protester contre la violence avec laquelle les forces du Barhein et de l’Arabie Saoudite avaient réprimé les manifestations.
Une manifestation moins importante a eu lieu dans la capitale saoudienne de Riyadh dimanche, pour exiger la relaxe des prisonniers politiques. Selon la BBC, la police anti-émeutes saoudienne a dispersé la manifestation et arrêté 12 manifestants. En réaction aux soulèvements dans tout le Moyen Orient et en Afrique du nord, la monarchie saoudienne a créé 60.000 postes supplémentaires dans ses forces de sécurité déjà démesurées, tout en essayant d’acheter l’adhésion de ses administrés en leur accordant une augmentation des allocations et du salaire minimum.
Les manifestations de masse continuent au Yémen où des milliers de membres des tribus ont rejoint les travailleurs et les jeunes dans la capitale, Sanaa, pour demander le départ du président, Ali Abdullah Saleh.
Les forces de sécurité de Saleh et les canailles qui défendent le régime ont tué 52 personnes pendant les manifestations de la semaine dernière. Les forces de répression qui avaient ciblé un large sit-in près de l’université de Sanaa, n’ont pas réussi à étouffer la protestation. Des foules estimées à plus de 100 000 personnes se sont rassemblées près de l’université de vendredi à dimanche en continuant de demander la démission de Saleh et une amélioration de leur qualité de la vie.
Devant la menace de guerre civile et voyant que, en dehors de la capitale, il perdait son autorité sur le pays, Saleh a essayé de faire des concessions à l’opposition. Le président qui est au pouvoir depuis 32 ans a renvoyé tout son cabinet dimanche. Cependant tous les ministres "renvoyés" doivent rester à leur poste jusqu’à ce qu’un nouveau cabinet soit formé, selon le porte parole du président Tareq al-Shami. Le procureur général du Yémen a aussi annoncé qu’une enquête complète sur le meurtre des manifestants serait diligentée.
Ces annonces ne tromperont personne. Les travailleurs yéménites savent que le modus operandi de Saleh est la répression brutale des opposants et aucun remaniement du régime n’apaisera leur colère.
Le Yémen est le pays arabe le plus pauvre et 40% de sa population survit avec moins de 2 dollars par jour. Le chômage est estimé à 35% de la force de travail. Le chiffre est encore plus élevé chez les jeunes travailleurs et les diplômés; plus de la moitié des jeunes entre 18 et 28 ans sont sans emploi, à ce que l’on croit.
Niall Green
22.03.11
Traduction : D. Muselet
Source: LGS
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