jeudi 17 mars 2011

Début de délire anti-musulman à Washington


Les auditions sur la radicalisation des musulmans vivant aux Etats-Unis commencent le 10 mars à la Chambre des représentants. Depuis qu’elles ont été programmées, en février 2011, elles suscitent la polémique et la colère de la communauté musulmane outre-Atlantique.



Il est souvent arrivé aux Etats-Unis qu’une religion ou un groupe ethnique soit pointé du doigt et fasse l’objet de discriminations, de diabolisation, d’incarcération ou pire. Il y a cependant toujours eu des gens pour se dresser courageusement contre cette injustice. Nous aurions bien besoin de telles personnes aujourd’hui.

Peter King, député de l’Etat de New York, semble éprouver un vif ressentiment à l’égard de la communauté musulmane des Etats-Unis. Président de la puissante commission sur la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants, il possède toute l’influence nécessaire pour transformer son mécontentement en actes. Jeudi 10 mars s’ouvre la première d’une série d’auditions destinées à étudier la menace du terrorisme islamique aux Etats-Unis et les allégations – fausses – selon lesquelles les musulmans américains ne coopèrent pas avec les forces de l’ordre dans la lutte contre le terrorisme.

“La communauté musulmane constitue une vraie menace pour le pays, affirme Peter King, et le seul moyen d’aller au fond des choses, c’est de faire une enquête sur ce qui se passe.” Ce genre de déclaration péremptoire émanant d’un haut responsable politique ne peut servir qu’à diaboliser encore un groupe d’Américains déjà victime du racisme et de stéréotypes vicieux. Le rabbin Marc Schneider, président de la Foundation for Ethnic Understanding [Fondation pour la compréhension entre les ethnies], faisait partie des 500 personnes qui se sont réunies le 6 mars à Times Square, en plein cœur de New York, pour protester contre les auditions lancées par Peter King. “Qualifier les musulmans américains de seule source du terrorisme intérieur et ne pas examiner toutes les formes de violences motivées par des convictions extrémistes, ça mes amis, c’est une injustice”, a-t-il déclaré.

Le fait qu’une enquête se concentre sur une communauté religieuse ou ethnique est en contradiction avec tout ce que les Etats-Unis représentent. Cela ne semble cependant pas préoccuper Peter King. “La menace vient de la communauté musulmane. Les tentatives de radicalisation concernent la communauté musulmane. Pourquoi devrais-je mener une enquête sur les autres communautés?” affirme-t-il. Le grand danger de ces auditions, outre qu’elles sapent les valeurs fondamentales américaines, c’est que, près de dix ans après les terribles attentats du 11 septembre 2001, elles vont intensifier le sentiment anti-musulman déjà exacerbé qui règne aux Etats-Unis. Il n’y a rien de mal à enquêter sur le terrorisme. C’est même essentiel. Ce n’est cependant pas la même chose que pointer du doigt et harceler une communauté entière.

Que sommes-nous en train de faire? Voulons-nous diaboliser des innocents et fouler aux pieds la liberté religieuse ou voulons-nous mettre un terme au terrorisme? Les attaques de Peter King contre les musulmans n’ont aucun sens. Il avait concocté sa chasse aux sorcières musulmanes dans son roman Vale of Tears [Vallée de larmes, inédit en français], paru en 2004, dans lequel la ville de New York est à nouveau frappée par un attentat terroriste et dont le héros est, ô surprise, un parlementaire de Long Island [la circonscription électorale de Peter King]. Mais là, nous sommes dans la vraie vie, et ses sinistres élucubrations ne devraient pas s’appliquer. Les Etats-Unis valent mieux que cela. Nous avons déjà connu cela avec la chasse aux sorcières du sénateur Joe McCarthy, la commission des Activités anti-américaines de la Chambre des représentants, la diabolisation des Noirs et des Juifs ou encore l’internement des Américains d’origine japonaise. Et pourtant, on nous ressort la même rengaine.

Bob Herbert
10.03.2011
Source: courrier international/the new york times

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