mardi 26 mai 2009

Ni rire. Ni pleurer. Comprendre. ( Spinoza )

" Comment rester confiant dans un système que l’on nous présente comme exemplaire, quand il gaspille en un peu plus d’un siècle ses réserves millénaires, au profit de quelques uns ? Comment rester serein quand tout indique que ce rythme imposé à la planète la précipite vers l’abîme ? Comment concilier les contradictions de plus en plus évidentes entre une minorité de nantis qui peuvent (presque) tout se permettre, et une majorité de démunis qui s’enfoncent dans une pauvreté endémique dont on sait aujourd’hui qu’elle n’est ni le fruit du hasard, ni inéluctable, mais qu’elle résulte au contraire, d’une scandaleuse et injuste redistribution des richesses ? Comment croire encore aux boniments des discours politiques quand ceux-là mêmes qui les énoncent n’ont de cesse de se renier dans leur comportement ? Comment comprendre ce que cachent les forces et les courants qui malaxent nos sociétés, les déchirent, les écartèlent, les ébranlent jusqu’au point de non-retour, sans tomber dans des dérives idéologiques, religieuses ou sectaires ? Comment donner encore un sens à la vie quand elle paraît tellement menacée, que de plus en plus de jeunes adultes choisissent de ne plus la transmettre ? Bref, comment s'y retrouver aujourd’hui face aux gigantesques déséquilibres qui secouent le monde ?

Il semble que nous soyons de plus en plus nombreux à nous interroger, confrontés à l'information quotidienne – surinformation-désinformation ? – faisant état d'une dégradation évidente de notre environnement tant politique que social, économique, professionnel, écologique, culturel, moral… et révélant par ailleurs, pour ceux qui en doutaient encore, que tout paraît bien être lié. (...)

Alors que la « globalisation » – dans le sens, la seule loi du marché – est prônée par les plus nantis – ou en d’autres termes, les dominants – comme LA solution à tous nos problèmes, toutes nos angoisses, toutes nos peurs, le désarroi qui en résulte semble gagner de plus en plus d'individus. Au sein même de cette colossale machine que d’aucuns persistent à nous présenter comme l’unique garante du bonheur pour tous, le malaise grossit. Les classes dirigeantes qui ont tant vanté les mérites de l’ultralibéralisme (ou du néolibéralisme, comme l’on voudra) sont prises elles-mêmes à revers par l’échec de leurs politiques. Mais ne peuvent (ou ne veulent) l’admettre encore. Les « dégâts collatéraux » de leur gouvernance sont réels, à tous les niveaux. Nul besoin d’être « spécialiste » pour les constater. De plus en plus de citoyens, fragilisés, se sentent dépassés, écrasés par le projet de société qui leur est imposé à défaut de leur être proposé. Les dépressions nerveuses s’accroissent au rythme de la précarité. Les injustices s’aggravent partout. La nature est violentée de toutes parts. La biodiversité de la planète s’étiole à vive allure. La pollution touche chaque strate de la vie, tant autour de nous que dans nos cerveaux… au point même que quelques « experts » ne s’embarrassent plus, le cas échéant, d’envisager le recours à l’arme atomique « miniaturisée »… C’est dire l’état avancé de la gangrène cérébrale dont certains – et non des moindres – sont déjà atteints !

Sans risque de se tromper, l’on peut déclarer que notre monde se déshumanise lentement mais irrémédiablement. Résultat d'une brutalité inouïe s'exerçant sur nous à tous niveaux. Jusque dans les gestes anodins du quotidien, même à notre insu, et exigeant dès lors une vigilance de chaque instant. Signe patent de l’échec de notre modèle de société, le suicide – qui ne se limite plus à la sphère privée mais se manifeste désormais partout : à l’armée, sur les lieux de travail, en prison – est depuis de nombreuses années dans nos pays dits « civilisés », une cause croissante de décès, dont les jeunes meurent d’ailleurs de plus en plus tôt. Terrible réalité, soigneusement passée sous silence par nos éminences politiques et nos médias, quand elle devrait tous, nous alarmer.

Heureusement, des résistances à cette globalisation-là se manifestent. Le militantisme n’a pas disparu et revêt même plusieurs aspects nouveaux. En-dehors des arènes politiques et syndicales, de nombreux citoyens s’engagent au sein de petites associations ou d’ONG (Organisation Non Gouvernementale) plus importantes, dont l’une des formes actuelles les plus visibles se traduit par l’émergence des Forums sociaux, formidables laboratoires d’apprentissage à la rencontre et à l’échange multiculturel. Dénonçant les mécanismes souvent occultes d’un système inique, interpelant les responsables politiques, industriels et financiers, initiant des pétitions, proposant d’autres modèles de développement, ce sont des lieux de réflexion et de travail à des alternatives. Cependant, le défi est colossal. L’adversité est âpre et bénéficie de moyens puissants dont manque bien souvent le milieu associatif. Et les formidables énergies dépensées lors de ces Forums semblent souvent gaspillées, éparpillées, perdues parfois, tant le foisonnement d’idées se trouve privé de structures adéquates permettant leur application de manière probante et efficace. Avec en sus, le risque d’être elles aussi, récupérées…

L’objectif reste pourtant le même : alerter l'opinion afin qu’elle exerce les pressions nécessaires vis-à-vis des décideurs sur la dérive de notre modèle de société occidentale. Il ne s’agit pas de contester la réalité d’un monde global ! La «mondialisation» n’est pas tombée d’un coup, comme ça, un beau matin. Sur la décision d’Untel ou d’un autre. Depuis que les individus se sont mis à voyager, à se rencontrer, à échanger, à commercer, chacun a contribué peu à peu à la «mondialisation» d’aujourd’hui. Mais les solutions et les orientations que les plus puissants veulent nous imposer sont inacceptables. Sournoisement déguisées sous le fard de la «démocratie» elles ne sont rien d’autre que les lois des plus forts au détriment des plus faibles. C’est « leur mondialisation » qui est rejetée. Pas sa réalité, souhaitable et incontournable, inscrite dans le processus d’évolution de l’espèce humaine, tout à l’opposé des fausses prophéties d’un quelconque « clash » de civilisations!

Hélas, nombre de nos élus se sont révélés au fil du temps inefficaces, incompétents, et de plus en plus souvent assujettis aux multinationales, quand ils ne sont pas carrément corrompus. Si ce constat peut paraître amer à certains ou excessif à d’autres, il n’est qu’à voir l’interminable liste de politiciens et de leurs adjoints soudoyés peu ou prou, de tout bord, de tout parti, de tout âge, de tout pays pour se rendre à l’évidence : presque aucun n’échappe à cette règle déplorable… mais tous s’en défendent, bien sûr ! S’abritant au besoin, sans plus de réserve que de scrupules, derrière l’immunité que leur confère leur position. Le mensonge étrangle rarement ceux qui en (ab)usent. Leur seul souci étant de se maintenir dans les sphères du pouvoir – et des privilèges que ce dernier permet – acquis la plupart du temps par de bien sombres manœuvres… et par de scandaleuses dépenses des deniers publics. (...)
D’autres, et non des moindres, n’hésitent même plus à manipuler le résultat des élections aux fins d’accéder à la fonction présidentielle… pour donner par la suite, main sur le cœur et dans les envolées lyriques de l’hymne national, des leçons de «démocratie» à coups de bombes, à l’ensemble de la planète. Quel délire ! Et au-delà, quels coups de butoirs à l’encontre de nos acquis « démocratiques »… Ces façons de pratiquer sont finalement peu différentes de celles utilisées par des régimes que nos gouvernants ne ratent pourtant jamais l’occasion de fustiger pour leurs méthodes. Elles sont simplement plus perfides, plus sournoises… et utilisent d’autres procédés. Que le citoyen ne se méprenne plus : désormais, c’est l’économie et la finance qui font la loi. Le politique s’incline, et suit. (...)

L’idéal qui au départ anime parfois les plus dévoués a tôt fait de céder sa place aux calculs et aux plans de carrière. Ces élites – ou qui se croient telles – ne sont plus au service de la collectivité, mais strictement au leur. (...) Leur ambition n’est jamais satisfaite. Qu’ils s’autoproclament de gauche ou de droite, les menus problèmes des citoyens ne les intéressent qu’occasionnellement, quelques semaines avant les élections. Tout occupés qu’ils sont par leur ascension, ils n’ont d’yeux, d’oreilles et d’agendas que pour ceux qui pourraient y contribuer. (...) Fascinés par les apparats du pouvoir, il devient fréquent d’assister à d’obscurs retournements de vestes (jamais de portefeuilles !) où d’aucuns passent d’un camp à l’autre sans sourciller, bredouillant mille mauvaises excuses afin de justifier leurs pirouettes. (...)

L'on nous ment... depuis le début... "

Daniel Vanhove
La Démocratie Mensonge - 2008 -
Ed. Marco Pietteur - Coll. Oser dire - Extraits

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire