Entrer illégalement en Italie est désormais passible de 5 à 10.000 euros d'amende. Les "rondes de citoyens" et la dénonciation sont dorénavant autorisées.
Sous l'impulsion de l'extrême-droite, les députés italiens ont adopté jeudi 14 mai une loi controversée sur la sécurité intérieure et l'immigration qui va faire de l'Italie l'un des pays les plus sévères en Europe dans la lutte contre l'immigration clandestine.
Le vote a été acquis par 297 voix contre 255 avec 3 abstentions.
La loi crée un délit "d'immigration et de séjour" clandestins, puni d'une amende de 5 à 10.000 euros et rend possible la dénonciation à la justice de tout immigrant en situation irrégulière. Elle porte de deux à six mois la durée de rétention des immigrants dans les centres d'identification et d'accueil.
"Nous fermons les portes (de l'immigration) et nous ne les entrouvrons que pour ceux qui viennent pour travailler et s'intégrer", a résumé jeudi le chef du gouvernement Silvio Berlusconi.
La position du gouvernement est soutenue par 76% des Italiens, a-t-il affirmé.
Milice
En matière de sécurité intérieure, la mesure la plus emblématique, adoptée sous la pression du parti anti-immigré de la Ligue du nord, est la possibilité pour des "associations de citoyens" d'effectuer des rondes pour signaler aux forces de l'ordre des atteintes à l'ordre public.
Ce projet de loi, qui prévoit également l'enregistrement des sans domicile fixe, devra repasser devant le Sénat prochainement, mais son approbation ne fait guère de doute car le gouvernement de Silvio Berlusconi y dispose d'une confortable majorité.
Héberger un immigrant est passible de trois ans de prison
La gauche et les associations de défense des immigrés ont dénoncé des mesures "liberticides" et même le "retour à la logique des lois raciales de l'époque de Mussolini". La Conférence des évêques italiens s'est émue en estimant que la nouvelle loi allait rendre plus difficile "l'objectif d'intégration" des immigrés dans la société italienne.
Une partie du centre-droit a été sensible à ces appels et le "paquet sécurité" a subi ces dernières semaines un parcours mouvementé au Parlement. Mais Silvio Berlusconi, qui a besoin de la Ligue du nord pour gouverner, a décidé de passer outre. Il a posé mercredi par trois fois la question de confiance sur les articles les plus controversés pour faire avancer l'examen du texte.
Désormais, le fait de louer un logement à un immigrant clandestin ou de l'héberger pourra être puni de peines allant jusqu'à trois ans de prison.
200 euros pour obtenir la citoyenneté italienne
Une première version encore plus dure du texte prévoyait que les médecins, directeurs d'école et facteurs soient obligés de dénoncer les immigrants clandestins, mais cette mesure très contestée a finalement été retirée.
Une fois le texte adopté, les immigrants réguliers devront payer 200 euros pour obtenir la citoyenneté italienne et il faudra verser entre 80 et 200 euros pour obtenir et renouveler un titre de séjour.
Toutes ces mesures ont pour but d'accélérer la comparution des immigrants en situation irrégulière devant les tribunaux pour permettre leur expulsion immédiate.
Jusqu'à présent, l'Italie ne renvoyait vers leurs pays d'origine que quelques centaines d'immigrants "économiques" par an.
Refouler les migrants vers la Libye
Elu il y a un an précisément sur les thèmes de la sécurité et de la lutte contre l'immigration clandestine, le gouvernement Berlusconi a multiplié les renvois d'immigrés vers la trentaine de pays avec lesquels l'Italie a signé des accords de réadmission. Il y a une semaine, l'Italie a pour la première fois procédé à des refoulements directs de clandestins secourus ou interceptés en mer, vers la Libye, d'où arrive une majorité des migrants.
48 migrants ont été secourus au large de la Sicile tandis que plus de 500 immigrés qui se trouvaient dans les eaux internationales ont été refoulés vers la Libye. Le ministre de l'Intérieur avait à cette occasion indiqué la mis en œuvre d'une nouvelle politique de lutte contre l'immigration consistant à refouler les migrants vers la Libye lorsqu'ils se trouvent encore dans les eaux internationales. "Nous ne faisons que les reconduire d'où ils sont venus", avait justifié le ministre, qui est l'un des responsables du parti anti-immigrés de la Ligue du Nord.
Patrouilles communes
L'Italie a remis également jeudi à la Libye un premier lot de trois vedettes qui patrouilleront au large de Tripoli pour empêcher le départ des clandestins. Six vedettes au total doivent être livrées par les autorités italiennes - qui ont également formé 41 militaires libyens pour en prendre les commandes - en vertu d'un accord de coopération entre les deux pays pour lutter contre l'immigration clandestine prévoyant notamment des patrouilles communes. Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi effectuera une visite officielle à Rome du 10 au 12 juin. "Il s'agit d'une nouvelle étape dans le processus de lutte contre l'immigration clandestine", s'est félicité Roberto Maroni, le ministre de l'Intérieur et membre de la Ligue du nord.
Polémique
Les propos du chef du gouvernement Silvio Berlusconi, qui a rejeté l'idée d'une Italie "multiethnique" pour justifier cette politique, ont continué de susciter la polémique.
Le leader de la gauche Dario Franceschini a dénoncé le risque de "retourner, 70 ans après, aux lois raciales".
"Il y a des moments où même un modéré doit hausser le ton. Il faut rappeler qu'il y a eu un moment dans l'histoire où les enfants étaient chassés de l'école en raison de leur religion et nous devons faire en sorte que cela ne puisse plus arriver", a souligné le chef du Parti démocrate (PD, centre gauche). Les lois raciales, visant principalement la communauté juive, furent promulguées par Benito Mussolini en septembre 1938.
Jeudi, Médecins sans frontières (MSF) a fait part de sa "profonde préoccupation", soulignant le risque que les "migrants, craignant d'être dénoncés, ne veuillent plus avoir à faire avec l'administration (...) renonçant notamment à faire enregistrer la naissance de leurs enfants ou à se faire soigner" dans les hôpitaux.
Droit d'asile remis en cause
A l'étranger, le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a notamment demandé à Rome de "réadmettre les personnes qui ont été renvoyées et qui ont été identifiées par le HCR comme cherchant une protection internationale", se disant "sérieusement inquiet de la politique pratiquée par l'Italie".
"La communauté internationale doit soutenir les positions du Vatican et de l'ONU pour mettre fin à l'initiative unilatérale de l'Italie, qui remet en cause le droit de demander l'asile et nie la possibilité de fuir des situations de répression et de violences", avait pour sa part déclaré le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg.
La presse souligne que ce nouveau tour de vis sur l'immigration, cheval de bataille de la droite au pouvoir, a lieu à moins d'un mois des élections européennes.
L'Italie a vu arriver 36.900 migrants par la mer en 2008 - en quasi-totalité en provenance des côtes libyennes -, un chiffre en hausse de 75% par rapport à 2007, selon le ministère de l'Intérieur.
NOUVELOBS.COM
14.05.09
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