samedi 13 juin 2009

Haro sur les amis des sans-papiers

Gardes à vue, fouilles au corps, menaces, le pouvoir multiplie les abus sur tous ceux qui manifestent leur solidarité envers les migrants...

Une claque. Et quelle claque ! Le rapport de la FIDH, qui doit être dévoilé aujourd'hui (voir: http://www.fidh.org/-Droits-de-l-Homme-Actualites-) et dont Le Nouvel Observateur publie l'analyse en exclusivité, risque bien de ne pas faire plaisir à Eric Besson. Déjà secoué par la polémique qui a suivi la diffusion du film "Welcome" [voir ci-dessous - NDLR], fragilisé par le bras de fer qui l'oppose aux associations de défense des étrangers - le Gisti et la Cimade notamment -, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire est à nouveau rattrapé par le fameux "délit de solidarité" dont il s'échine à nier l'existence. En soixante pages serrées, argumentées et très sérieusement documentées, le rapport expose "la suspicion, la stigmatisation et la répression" dont sont l'objet "les défenseurs des droits des migrants" en France.
"Une photographie s'est imposée à nous, expliquent les auteurs, celle d'un malaise général qui traverse l'ensemble de la société française". Malaise des pouvoirs publics englués dans une politique du chiffre, du législateur qui multiplie l'adoption de textes jusqu'au vertige, des magistrats soumis à la pression de leur hiérarchie "qui tend à les brider dans leur mission de gardien des libertés individuelles" , malaise des fonctionnaires des pôles emploi, des inspecteurs du Travail, des commandants de bord d'Air France, des policiers et, bien sûr, des citoyens qui ont de plus en plus tendance à se rebeller contre des pratiques brutales qu'ils n'acceptent pas. "Seules les statistiques sont heureuses" , ironise le rapport. Elles "grimpent allègrement" pour fixer des records - 27 000 reconduites à la frontière et 5 000 interpellations d'"aidants" pour 2009, record des accords de gestion concertée des flux migratoires avec les pays tiers. "L'amalgame qui prévaut entre immigration clandestine, terrorisme et crime organisé facilite les décisions les plus excessives."

Situations d'abus de pouvoir

L'enquête détaille un nombre impressionnant de cas "d'arrestations, voire de poursuites de personnes ayant porté assistance à des étrangers en situation irrégulière, soit dans le cadre de leur travail associatif soit à titre bénévole" . Ici - contrairement à la liste de condamnations publiée par le Gisti et dont Eric Besson a mis en cause la crédibilité - sont passées en revue des histoires qui, souvent, ne vont pas jusqu'à la condamnation pénale. Interpellations, placements en garde à vue, interrogatoires, menottages et fouilles au corps humiliantes : les témoignages sont précis et font froid dans le dos. Exemple : "Le 19 novembre 2007, deux intervenantes sociales, salariées de France Terre d'asile (où elles fournissent une aide aux mineurs isolés dans le cadre d'un dispositif financé par l'État), sont interpelées au petit matin à leur domicile parisien pour suspicion d'aide au séjour irrégulier en bande organisée." On leur reproche d'avoir fourni à de jeunes sans-papiers "une carte à en-tête de leur association" , et d'avoir donné leur numéro de téléphone à de jeunes Afghans qui les avaient appelées d'Angleterre pour leur dire qu'"ils étaient bien arrivés" . Menottées, placées en garde à vue douze heures pour l'une, vingt-quatre heures pour l'autre, elles ont finalement été libérées, le procureur ayant conclu à "une générosité mal placée" .
Ici, c'est un douanier du Calaisis qui hébergeait chez lui deux hommes suspectés d'être des passeurs: en 2006, il est condamné, avec dispense de peine. Là, en février 2007, c'est une contractuelle des Nations unies qui prend l'avion pour Bangui et ose protester contre les conditions de reconduite à la frontière de deux Centrafricaines. Elle est débarquée de l'avion par la Police de l'Air et des Frontières, placée en garde à vue pour "opposition à une mesure de reconduite et incitation à l'émeute" , et fouillée au corps. L'enquête, ouverte par le tribunal de Bobigny a finalement été classée sans suite. Interpellations d'étrangers en situation irrégulière à l'hôpital, au guichet de l'Assurance-Maladie, projet de transmission de données informatiques du Pôle Emploi au ministère de l'Intérieur... La disparition de Sangatte ne saurait faire oublier que des situations d'injustice, d'abus de pouvoir se produisent aux quatre coins du territoire. Ceux qui les dénoncent prennent des risques. "Le Nouvel Observateur" a choisi de donner la parole à quatre d'entre eux, des citoyens ordinaires poursuivis, menacés pour avoir refusé de se taire.

Agathe Logeart
NOUVELOBS.COM | 11.06.2009

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