mardi 29 juin 2010

Amérique centrale: Honduras 2009, retour sur un anniversaire à ne pas oublier...



Tentative de coup d’État en République du Honduras


Alerte ! Les pouvoirs publics et l’armée de la République du Honduras se rebellent contre l’exécutif pour faire avorter une consultation populaire qui vise - à moyen terme - à remplacer la démocratie représentative par une démocratie directe et participative !

Dans une république d’Amérique Centrale qui depuis son indépendance de l’ex-Empire espagnol en 1844 a souvent vécu sous la dictature militaire (la dernière couvrant la période 1973-1980), une république qui a servi de base d’opérations dans les années 80 pour les actions d’ingérence dans le Nicaragua sandiniste et le Salvador, une république où seuls deux partis politiques se disputent le pouvoir depuis trente ans, dont l’oligarchie n’est composée que de cinq familles, qui a un million de jeunes ressortissants vivant aux États-Unis et où 6 personnes sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté … les pouvoirs publics et l’armée se rebellent contre l’exécutif pour faire avorter une consultation populaire qui vise - à moyen terme - à remplacer la démocratie représentative par une démocratie directe et participative !

Dès le début de son mandat en janvier 2006, le président, Manuel Zelaya, élu en tant que conservateur et membre du Parti Libéral, avait pris ses distances avec les groupes de pouvoir économique. Il a supprimé les subsides étatiques aux grandes entreprises, combattu l’évasion fiscale, la vente d’armes, celle de médicaments aux mains d’un potentat de la presse, aboli le monopole d’importation de combustibles, supprimé des subventions présidentielles millionnaires aux grands médias, décrété une augmentation substantielle du salaire minimum, et, pour répondre aux revendications des populations, ouvert une sorte d’audit social au Palais Présidentiel.

Dès le début de son investiture il a fait adopter une loi appelée «Loi de la Transparence» qui annule le secret frappant les documents dits “privés”, permettant ainsi aux citoyens d'avoir accès à tous les documents les concernant.
En même temps, il a fait adopter une loi, appelée «Loi de participation citoyenne», sur la participation citoyenne concernant les questions qui préoccupent les peuples, leur donnant la possibilité de manifester leurs opinions, de participer aux enquêtes et d'être consultés.

L’article 5 de cette Loi dit : «L'initiative citoyenne est un mécanisme de participation au moyen duquel le citoyen pourra présenter les demandes suivantes : solliciter aux membres officiels de l'État qu'ils convoquent la citoyenneté pour que celle-ci fasse connaître son opinion, formuler des propositions et des solutions aux problèmes qu'elle rencontre».

Sur la base de cette loi, et après la collecte de presque 500.000 signatures citoyennes, il était question d'installer des urnes dans les 15 000 bureaux de vote pour une consultation populaire le dimanche 28 juin 2009. Cette consultation populaire porte sur l'installation d'une quatrième urne lors des élections générales de novembre 2009 pour le vote positif ou négatif à propos de la convocation d’une nouvelle Assemblée Constituante, ce qui permettrait une participation populaire directe, une réforme de la Constitution.

La question qui sera présentée aux votants lors de cette consultation citoyenne est la suivante : «Êtes-vous d’accord pour que l’on installe une quatrième urne aux prochaines élections présidentielles afin de convoquer à l’élection d’une Assemblée Constituante?»

Cette consultation n’est pas de nature référendaire, plébiscitaire ou électorale. Il s’agit d’un acte d’évaluation statistique. En d’autres termes, il s’agit d’une enquête nationale d’opinion. La compétence du Tribunal national électoral n’est pas requise et l’enquête peut même être conduite par un organisme privé.

À quatre jours de cette enquête nationale, le mardi 24 juin, le chef d'état-major général des forces armées, le général Romeo Vasquez, responsable de la logistique et de la distribution des urnes a informé le président Zelaya, son supérieur direct et chef de l’État, de son intention de ne pas accomplir cette fonction présentant l'argument pseudo-légaliste de la soi-disant illégalité de l’enquête.

Pour l’essentiel, cet argument est fondé d’une part sur le fait que la Constitution actuelle, rédigée sur mesure pour préserver les intérêts des puissants, interdit tout changement substantiel du texte constitutionnel. Or, la question qui sera formulée lors de ladite enquête porte en soi la possibilité d’un changement radical.

Le lendemain, le Président Zelaya a annoncé publiquement sa décision de limoger Romeo Vásquez et le surlendemain — sans avoir reçu aucun document de la part de l’exécutif confirmant sa décision de limogeage — la Cour suprême de justice, qui ne fait justice qu'aux riches, aux banquiers et aux puissants de ce pays, a déclaré la destitution de Romeo et la consultation comme illégales, et, pour ce qui est de la consultation, sans jamais avoir officiellement questionné cet acte par voie légale.

De leur côté, le Procureur de la République et le Parlement — qui s’est réuni le même jour en session permanente pour évaluer la possible destitution du président — se sont immédiatement rallié à la décision de la Cour suprême de justice. Et pour cause! Zelaya avait également pris ses distances à plusieurs reprises avec ces dignes représentants de la démocratie bourgeoise au point de ne pas transmettre au Parlement le budget de l’année en cours (2009) pour empêcher que les impôts des citoyens ne financent la campagne des partis traditionnels, alliés contre l’intérêt des peuples et contre l’exécutif, qui, du coup, s’est retrouvé sans presque aucun représentant au Parlement.

Quant aux médias, qui ont orchestré une campagne médiatique (donc psychologique) millionnaire pour déclarer la consultation illégale et discréditer l’exécutif au moyen d’arguments obsolètes (suppression de la propriété privée) et des fantasmes (enfants enlevés à leur famille par l’État) qui rappellent ceux de la Guerre Froide, désinforment, terrorisent et œuvrent dans le sens de la sédition. Ils ont même proposé d'arrêter la guerre médiatique contre Zelaya si celui-ci annulait la consultation.

De toute évidence, les trois grands pouvoirs du Honduras  - les grands entrepreneurs industriels, les médias et les forces armées - ne veulent surtout pas que le peuple s’organise.

À un autre niveau, dans cette République, lorsque le peuple fait montre de son intention et de son esprit républicains, le pouvoir judiciaire (allié de l'oligarchie) intervient et oppose un déni des volontés du peuple en boycottant le pouvoir exécutif qui le soutient …

Ces récents événements en Honduras ressemblent à une triste et macabre «répétition» que l'Amérique Latine connaît si bien : tentative de coup d'État de la part des pouvoirs réactionnaires publics, privés et militaires contre un gouvernement qui s'est progressivement placé du côté des laissés-pour-compte dans le cadre du Socialisme du XXIe siècle en Amérique Latine!

Les huit pays membres de l’ALBA (Alliance Bolivarienne pour les Amériques et la Caraïbe), dont le Honduras fait partie depuis août 2008, ont manifesté leur soutien dans un communiqué officiel : «Nous déclarons que nous nous mobiliserons aux côtés du digne peuple du Honduras devant toute tentative de l’oligarchie de briser l’ordre constitutionnel et démocratique dans cette République, notre sœur de l’Amérique Centrale».

L’OEA (Organisation des États Américains), organisme à la longue trajectoire pro-étatsunienne, a publié un communiqué en faveur de l’état de droit en Honduras soutenant implicitement la consultation. Elle enverra ses chargés de mission en Honduras et ce, même après que ces représentants de l’OEA aient été déclarées persona non grata par le Parlement hondurien.

La Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme et de nombreux présidents et premiers ministres latino-américains ont également fait connaître leur soutien au peuple hondurien et au président Zelaya.

Mercredi 24 juin dernier (2009), le président de l’Équateur, Rafael Correa, déclare : «L’oligarchie a recours à des formalismes légaux qu’elle respecte au maximum lorsque cela lui convient et piétine allègrement lorsqu’ils ne servent pas ses propres intérêts».

Jeudi 25 juin (2009), le président du Venezuela, Hugo Chávez, signale dans une déclaration télévisée que toute ressemblance entre ce qui se passe en Honduras et les événements survenus au Venezuela en 2002 ne relèvent pas de la pure coïncidence.
Le même jour, Fidel Castro écrit : « Zelaya n'a absolument pas violé la loi, il n'a fait aucun coup de force. […] Ce qui se passe dans ce pays sera un test pour l'OEA et pour l'administration étasunienne».
Le président Zelaya, accompagné par une foule nombreuse, se rend à l’aéroport de Toncontin, près de la capitale Tegucigalpa, pour récupérer le matériel électoral réquisitionné dans les installations des Forces Aériennes. Le soir même, ce matériel commençait à être distribué par les citoyens, venus en renfort avec leurs véhicules, dans les 18 départements du pays.

Vendredi 26 juin (2009), informé des menaces proférées par les patrons aux travailleurs qui participeraient à la consultation et au regard du vaste terrorisme médiatique déployé, le Palais Présidentiel annonce l’ouverture, dans diverses villes du pays, des bureaux de plaintes tenus par la COFADE (Comité des détenus et des disparus) et la CODE (Comité de défense des droits de l’Homme).

Samedi 27 juin (2009) au soir, toutes les urnes étaient distribuées, certaines à dos de mule, grâce à la participation volontaire de 45 000 citoyens. À la demande de l’exécutif, elles sont gardées jalousement par le peuple et la police alors que les militaires sont tenus, par ordre du Président, de ne pas sortir de leurs casernes le jour de la consultation.

Dimanche 28 juin (2009), les urnes sont installées dans tous les parcs des villes principales où devront se rendre les citoyens pour exercer leur droit de participation.
Le directeur des Opérations électorales de l’OEA, Raúl Alconada, qui est déjà arrivé en Honduras a déclaré : «Espérons que cette participation se déroulera de manière pacifique et que les groupes politiques qui s’y sont opposés sauront faire une lecture appropriée de ce que signifie une participation politique citoyenne».

Mais en ce jour de consultation populaire, à l’aube, 200 militaires cagoulés ont pénétré par effraction dans la résidence du président Zelaya à Tegucigalpa. Il a été frappé et séquestré puis emmené au Costa Rica. De la tentative de coup d’état technique on est passé au coup d’état militaire effectif.
On a également violenté et séquestré la Premier Ministre, Patricia Rodas, qui sera expulsée du pays. Les ambassadeurs du Venezuela, du Nicaragua et de Cuba qui l’accompagnaient ont également été frappés par les militaires.
Le peuple s’est réuni autour du Palais présidentiel et chose intéressante : les gens ont déposé des urnes sur les toits des voitures et votent tout de même.
Dans le pays on a coupé l’électricité, les lignes téléphoniques et les télévisions et radios ont cessé d‘émettre. Seule la communication satellisée est possible.

Marina Almeida
28.06.09
Source: netoyens info


... 1 an après le coup d'Etat, le Honduras résiste...

« Nous devons vaincre le coup d'État, l'impunité et  la terreur ». 
Manuel Zelaya, président légitime du Honduras depuis janvier 2006, a été dérogé le 28 juin 2009 par un coup d'État. Depuis le 27 janvier 2010, il se trouve avec son épouse et sa cadette en République Dominicaine.
Entretien réalisé par Manola Romalo.

Ce 28 juin le peuple hondurien sort protester dans tout le pays contre le coup d`État perpétré il y a un an par une clique d’oligarques, parrainé par Washington. Sous l’hospice d’un gouvernement fantoche mis en place en juillet 2009 -  suivi par les élections présidentielles manipulées  de  janvier 2010 -  des  paramilitaires ont assassiné à ce jour des dizaines de membres de la Résistance, des syndicalistes, des enseignants, des journalistes. Protégeant ses  intérêts économiques, l’Union Européenne n’y voit que du feu.

Manola Romalo: Monsieur le Président, cela fait un an aujourd’hui qu’une clique d'entrepreneurs envoyèrent des militaires vous kidnapper dans votre maison sous le feu des balles. Que signifie cet acte pour l’avenir du Honduras?
Manuel Zelaya: En ce moment, ils ont plus de problèmes qu’auparavant : ils ont fait prendre conscience, non seulement au peuple hondurien mais aussi  aux peuples d’Amérique Latine,  de la menace que représente l’ambition économique pour les démocraties.  Avec cette attaque, ils ont réussi à accélérer les processus de transformation à travers lesquels sont nées de nouvelles forces d’opposition.
L’influence des grandes multinationales s’étend à la politique étrangère des Etats Unis,  preuve que l'administration d’Obama - de même que celle de son prédécesseur - est tombée dans l’effrayante erreur d’appuyer le terrorisme d’État. Ils ont recommencé à faire des coups d’État, méthode pratiquée déjà dans le passé par une extrême droite acharnée à semer la barbarie à travers le monde.

M R: Quoique les putschistes,  parrainés par Washington, essayèrent de maquiller en démocratie les élections présidentielles de novembre 2009,  une grande partie de la communauté internationale n’a pas reconnu la légitimité du gouvernement  en place.  Quelles transformations  démocratiques veut le peuple hondurien?  
M Z: J'ai présenté un plan de réconciliation en 6 points qui passent par le respect des Droits Humains et la fin de l’impunité. C'est le chemin correct pour annuler le putsch et retourner à l’Etat de droit. Avec leur position inflexible et extrémiste de laisser impuni ce putsch au Honduras, les États-Unis et leurs alliés créoles n'appuient pas ce plan et n’aident en rien la réconciliation du peuple hondurien.
Contrairement à ce que nous avons espéré, avec ses déclarations, le Département d’État ignore le crime qu’il condamna antérieurement et nomme «crise politique» des faits qu’il occulte: l'immunité et les privilèges des putschistes.

M R: Le Ministère allemand des Affaires Extérieures informe sur son site Internet , qu’«après le coup d`État», le gouvernement allemand ne reprendra pas de nouveaux  projets d’aide pour le Honduras, mettant également court aux «consultances gouvernementales». Quelle est la situation économique du pays?
M Z: Les chiffres sont plus éloquents que les mots. En trois ans nous avions réalisé les meilleurs indices de croissance de l’histoire du Honduras: 6,5 et 6, 7 %. Pour la première fois en trente ans, la pauvreté avait été réduite à plus de 10 %.
Par contre, depuis le coup d'État, le pays est entré dans une récession économique,  le nombre de pauvres a augmenté,  les investissements de l’Etat et ceux des particuliers ont été réduits de façon significative. Les dommages causés par le coup d'État dans le processus de développement économique du pays vont durer au moins dix ans avant d’être réparés.

M R: Ce 28 juin, il y aura de grandes manifestations dans tout le pays, le peuple va débattre les principaux articles de la Déclaration Souveraine. La Résistance veut  «refondre le Honduras». Quelles sont les étapes nécessaires?
M Z: Nous devons vaincre le coup d'État, l'impunité et la terreur. L'Assemblée National Constituante, avec la participation de tous les secteurs, est l’instrument légitime pour reconstruire la démocratie, l’ordre constitutionnel et l’Etat de droit.
L’organisation, la conscience et la mobilisation sont nécessaires pour renforcer le Front National de Résistance Populaire (FNRP) qui est la force sociale et politique de la Résistance contre le coup d’État.  Nous avons la responsabilité de la reconstruction, le peuple doit reprendre les affaires en cours pour transformer le pays.

M R: Monsieur le Président, dans le contexte politique du Honduras, le peuple réclame énergiquement votre retour. Quels sont vos projets?
M Z: Le futur n'est pas très loin. Toutefois je fais des projets pour le présent: je veux réussir à vaincre les espaces d'impunité avec lesquels les putschistes prétendent couvrir les crimes contre la démocratie et contre l'humanité.  
Mon retour devra être immédiat, il n´existe aucun prétexte ni justification qui expliquerait l'absence absolue de garanties pour mon retour. Il n’est pas possible que quelqu’un prétende voir les victimes soumises à la justice de leurs bourreaux.
Mon retour est lié à la  reprise de l’Etat de droit au Honduras. Le propre président Porfirio Lobo affirme être menacé, ajoutant en même temps qu’il garantit ma sécurité.
Évidemment, ils utilisent les Honduriens comme des cobayes, les putschistes font de ce pays un laboratoire de violence. Ils recourent aux castes militaires pour réprimer le peuple et créer le chaos afin de maintenir le contrôle sur la société. Peu leur importent les conséquences du processus d'intégration régionale et la confrontation, doublement éprouvés, avec les organismes multilatéraux.
Les preuves sont sous nos yeux: ils ont créé un nouveau régime de terreur et de persécution. Et les Etats-Unis ont beaucoup perdu de leur prestige en Amérique Latine.

27.06.10
Source: michel collon

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