dimanche 6 juin 2010
Avant la messe planétaire du foot-fric qu'il nous faudra subir...
L'indécent train de vie du foot européen
Alors que l'heure est à la rigueur partout sur le Vieux Continent, les grands clubs continuent à recruter des stars à coups de millions. Mais l'UEFA entend y mettre le holà.
L'heure est à l'austérité et au serrage de ceinture, mais le président du FC Barcelone, Joan Laporta, le président du Real Madrid, Florentino Pérez, le cheikh émirati Mansour, propriétaire de Manchester City, et le magnat russe Roman Abramovitch, propriétaire de Chelsea FC, ne sont visiblement pas au courant. Tandis que les gouvernements espagnol et britannique annoncent une décennie de vaches plus squelettiques que maigres, le football continue de mener grand train.
En comptant les 40 millions d'euros déboursés pour faire venir David Villa, le FC Barcelone pourrait dépenser en tout 100 millions pour la prochaine saison s'il finit pas recruter Cesc Fàbregas. Avec des salaires annuels qui peuvent avoisiner les 10 millions pour chaque nouvelle star, cela fait de nouveaux habitants en perspective pour les quartiers résidentiels de Gavà Mar et El-Vinyet, tandis que les restrictions budgétaires commencent à se faire sentir dans les rues de Barcelone.
A Madrid, où le plan de rigueur oblige à suspendre la deuxième phase du chantier du parc d'activités construit sur l'ancien terrain d'entraînement du Real Madrid, le club le plus riche du monde n'a rien changé à ses habitudes. Il a versé au moins 8 millions d'euros à l'Inter Milan pour s'attacher les services de l'entraîneur portugais José Mourinho. Ressortissant du pays le plus pauvre de la zone euro, obligé à tailler drastiquement dans ses dépenses publiques, Mourinho touchera 10 millions d'euros par an.
Tout cela est possible parce que le Real Madrid et le Barça ont une dette cumulée astronomique qui, selon les calculs de José María Gay de Liébana, de l'université de Barcelone, frôle le milliard d'euros. D'autres clubs, comme le Séville, l'Atlético de Madrid et le Valencia ont une masse salariale qui dépasse très largement leurs recettes. "Vu de l'extérieur, il est vrai que tout cela a l'air un peu bizarre, étant donné l'état actuel de l'économie espagnole et ce que l'on commence à dire de ses banques", commente Rory Miller, économiste spécialiste du football à l'université de Liverpool.
Mais la Premier League anglaise n'a rien à envier à la Liga espagnole en ce qui concerne les dépenses inconsidérées et l'endettement. Après avoir déboursé 800 millions d'euros en joueurs lorsqu'il a racheté Manchester City en 2008, le cheikh Mansour continue à puiser dans les pétrodollars d'Abou Dhabi malgré la débâcle financière de Dubaï, oasis fiscale de stars du foot comme David Beckham ou Michael Owen. Maintenant, avec une cagnotte de 140 millions d'euros de plus, il lorgne sur Touré Yaya du Barça et Fernando Torres, le dernier grand transfert d'un Liverpool mal en point et surendetté.
Pendant ce temps, dans ces deux villes du nord-ouest de l'Angleterre – la région la plus pauvre du pays qui compte trois des clubs les plus riches du monde – les gens se préparent à un programme de restrictions budgétaires plus dures que celles de Margaret Thatcher. Les avis de saisies immobilières se multiplient mais, dans les banlieues, une élite de joueurs multimillionnaires comme Wayne Rooney ou Steve Gerrards réside dans de somptueux manoirs.
A Londres, Roman Abramovitch, propriétaire de Chelsea, vient d'effacer des dettes de presque 800 millions d'euros après une décennie prodigieuse de recrutements. Et pendant que le nouveau gouvernement de David Cameron prie ses ministres de se rendre à Westminster en métro ou à pied, de nouvelles Aston Martin et Lamborghini avec plaques d'immatriculation personnalisées viendront bientôt se garer sur le parking de Stamford Bridge.
Il y a un an, le directeur général de la banque Barclays, John Varley, avait tenté de justifier les bonus exorbitants versés aux banquiers d'affaires en ces termes: "Nous devons offrir une rémunération appropriée, comme ce que touche l'entraîneur d'un grand club de football". Aujourd'hui, le football continue à vivre comme si la bulle n'avait jamais éclaté. Il est fortement inégalitaire – 10 % des clubs européens se partagent 67 % des recettes – et possède une dette de 5,5 milliards d'euros, contractée en majeure partie par les championnats anglais et espagnol. Et comme on l'a vu, il y a quelques mois, avec cette publicité Nike ambiguë où Cristiano Ronaldo avait l'air de se moquer de ses fans – "Mes attentes sont supérieures aux vôtres" – un fossé abyssal est en train de s'ouvrir entre les stars du football et le public.
Avec à leur tête le Madrid et le Barça, les 20 clubs européens qui réalisent le plus gros chiffre d'affaires – "la Football Money League", selon l'expression du cabinet d'audit Deloitte and Touche – se distancient de plus en plus des autres. L'Espagne et l'Italie ont l'honneur douteux d'être les seuls membres de ce qu'on appelle les PIGS – les quatre pays les plus touchés par la crise – dont les clubs figurent dans ce classement des superriches. Le Portugal et la Grèce, eux, sont loin derrière.
Mais l'exemple le plus criant de l'"exception footballistique" est fourni par le Royaume-Uni, dont six clubs figure dans la Money League, alors que l'endettement du pays s'emballe, et que le déficit public est tout juste inférieur à celui de la Grèce. "En ces temps d'austérité, nous allons voir s'accroître le clivage entre les grands clubs et les petits, et le ressentiment à l'égard des clubs riches", prévient Simon Chadwick, professeur en économie du sport à l'université de Coventry. Il est convaincu que le modèle du Real Madrid touche à sa fin. "Dépenser plus que tout le monde pour avoir le meilleur joueur n'est une garantie de rien", estime-t-il. Et quand l'heure est à la rigueur, les riches doivent savoir être discrets. "Un modèle de football plus naturel, plus organique, plus allemand va s'imposer", poursuit-il.
C'est ce que l'instance européenne du football, l'UEFA, entend encourager avec son nouveau règlement sur le fair-play financier adopté le 27 mai dernier. Sorte de version footballistique du plan de rigueur budgétaire dans la zone euro, la nouvelle réglementation est claire et nette: pour figurer dans les compétitions européennes, un club ne pourra pas dépenser plus d'argent qu'il n'en génère, a prévenu le président de l'UEFA, Michel Platini. Les clubs devront ramener leur déficit annuel en dessous de 5 millions d'euros avant 2018, ou bien trouver des fonds pour combler les pertes supérieures. En cas de non respect des règles, ils seront sanctionnés et/ou exclus des compétitions. Platini estimait que le marché du football – comme le secteur bancaire – avait besoin d'être réglementé pour éviter la spirale compétitive autodestructrice des transferts millionnaires, des salaires exorbitants et de l'endettement croissant. "Ce sont les clubs [...] qui m'ont demandé d'agir", avait-il précisé. "C'est une question d'éthique, une question de crédibilité, une question de survie pour notre sport". Et à en croire Rory Miller, le règlement sur le fair-play financier "peut dissuader les politiques de clubs comme Chelsea ou le Real Madrid qui consistent à s'endetter puis à entasser les superstars sur le banc de touche".
Andy Robinson
04.06.10
Source: courrier international
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Chers Amis,
RépondreSupprimerJe viens de découvrir votre site en faisant des recherches à propos de l'Egalité.
Sous réserve de le détailler davantage, j'y ai lu des articles conformes à une authentique conception de l'Egalité.
L'EGALITE EST LE FONDEMENT DE MES COMBATS, je vous invite donc à visiter mon blog et à y reprendre, pourquoi-pas, les articles qui vous intéressent ?
Amitiés.
Daniel Milan
http://lejournaldessurvivants.centerblog.net