mercredi 16 juin 2010

A Istanbul, 55.000 cœurs chantent l'espoir et la résistance




Les hymnes antifascistes et anti-US de Grup Yorum font trembler le stade du Besiktas



Au début des années 1990, leurs chansons s’écoutaient dans la plus haute discrétion. Leurs concerts et leurs clips étaient alors totalement interdits, leurs fans étaient arrêtés pour «appartenance à une organisation terroriste», leurs instruments étaient détruits par les policiers et leurs albums, fusillés par les militaires. Lorsqu’ils étaient emprisonnés voire isolés les uns des autres, les révolutionnaires de la bande musicale légendaire «Grup Yorum» (ils se définissent d’abord comme révolutionnaires, ensuite comme musiciens) recréaient leur groupe en fabriquant des flutes pastorales (kaval) avec de vieux tuyaux rouillés, des percussions avec des poubelles cabossées, des flutes de pan avec des manches de rasoir en plastique. Ils s’échangeaient leurs ébauches de chansons, leurs partitions, leurs remarques et critiques puis enregistraient leurs compositions sur cassettes audio qu’ils envoyaient à leurs camarades encore libres.

Depuis que leurs concerts sont tolérés, davantage grâce à leur obstination et à celle de leur fans qu’à la bonne volonté des autorités, les membres du «Grup Yorum» ont écumé les plus grandes salles du pays et ils les remplissent tant et si bien que désormais, même les stades ne sont plus assez grands pour accueillir leur public.

Ce 12 juin 2010, «Grup Yorum» a célébré son 25è anniversaire devant 55.000 fans dans le stade Inönü du club sportif de Besiktas.

Un grand nombre de célébrités étaient également présentes pour rendre un hommage vibrant au courage de ces artistes-résistants. Interrogé par NTV, le cinéaste Zeki Demirkubuz a déclaré: «Dans nos moments de désespoir, ce sont les chansons de Grup Yorum qui nous aidés à tenir le coup».

Aujourd’hui, le groupe n’aligne plus un seul vétéran. La répression permanente qui pèse sur le groupe depuis 1985 et qui n’a que peu diminué, a ainsi provoqué au total, la défection de près de 50 musiciens et la mort de trois de ses collaborateurs. Mais «Grup Yorum» est une véritable institution, une école qui compte des centaines de disciples, prêts à poursuivre la lutte, saz ou guitare à la main.

Avec sa chanson culte «Haziranda Ölmek Zor» (Il est dur de mourir en juin) et «Élégie au mineur», Grup Yorum a respectivement rendu hommage au poète communiste Nâzim Hikmet, mort dans son exil soviétique le 3 juin 1963 et aux 30 ouvriers tués le mois dernier, dans un coup de grisou, au fond de la mine de Karadon à Zonguldak.

Le groupe a revisité son riche répertoire constitué de chansons d’amour, de ballades exaltant l'esprit révolutionnaire, la dignité ou la fraternité, d'élégies en hommage aux révolutionnaires assassinés ou incarcérés, d’hymnes antifascistes et ouvriers chantées en turc, mais aussi en kurde, en arabe, en laze et en tcherkesse.

Hier soir, 55.000 spectateurs ont constitué une chorale improvisée, entonnant la célèbre hymne des partisans italiens, «Bella Ciao» ou encore «Defol Amerika» (Amérique Casse-toi), un tube anti-impérialiste issu de «Basegmeden» (Sans résignation), le dernier album du groupe. Cette gigantesque chorale populaire a littéralement fait trembler le stade.

Bahar Kimyongür 
13.06.10
Sources: NTV, CNN-Türk, Halkin Sesi TV

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