jeudi 21 octobre 2010
La parabole des mineurs
Lorsque l'humain est interpellé dans ce qu'il a de plus sain
PLAN 1: De grandes émotions
Plus ignorés que connus, plus souvent sous terre que sur terre, plus enveloppés d’obscurité que de lumière, les voilà au centre d’une émotion et d’une solidarité qui vont au-delà des frontières, des croyances, des classes sociales. Plus d’un milliard de téléspectateurs et spectatrices ont suivi les premières heures de ce sauvetage.
Les médias ont su nous les montrer au fond des entrailles de la terre avec leur courage, leur détermination, leur discipline, leur volonté de vaincre un destin de mort et d’oubli. Ils ont tout autant permis de suivre tous ces mouvements à la surface de la mine de Sant José: les familles en état de veille permanente, les secouristes aux mille talents maniant de puissantes foreuses, et ces regards, en provenance de partout à travers le monde, tournés vers ce point minuscule du désert d’Atacama.
Avec des dizaines de millions d’humains de la terre, j’ai moi aussi pleuré devant ces scènes de grandes retrouvailles du conjoint avec sa conjointe, de l’enfant avec son père, du frère, de l’ami avec celui qu’ils croyaient ne plus jamais revoir. J’ai également ressenti comme une grande sympathie pour ce Président, multimilliardaire et ancien allié de Pinochet, qui se retrouvait comme par miracle en symbiose avec ces gens humbles, mais combien nobles et dignes. J’ai pensé un instant à la magie d’une conversion qui libère des ambitions du pouvoir et de la richesse et qui ouvre à une nouvelle fraternité, faite, celle-là, de vérité, de bonté, de justice, de solidarité allant au-delà de toutes les normes.
En somme, nous avons tous et toutes ressentis des vibrations faisant de nous des "humains".
PLAN 2: Des révélations surprenantes
Dans la grande région d’Antofagasta 277 des 300 mines en opération ne sont pas conformes aux normes dont celle de San José. Cette dernières aura été fermée en 2005, suite à un accident qui aura coûté la vie à un mineur, puis rouverte, en 2009, sans qu’il y ait eu toutefois les travaux nécessaires pour la rendre conforme aux normes de sécurité. De nombreux mineurs, ayant échappé à l’effondrement du 5 août, étaient présents sur le site du sauvetage, mais les médias n’ont pas fait écho à leurs protestations comme celle qui disait: «Arrête ton show Piñera, nous sommes aussi trois cents dehors». Ou encore ce commentaire d’un des rescapés: «San José est un cauchemar. C’était dangereux, je le savais, tout le monde le savait. Il n’y a qu’un mot d’ordre: productivité.»
Au début des années 1970, Salvador Allende, nouveau Président du Chili, avait nationalisé les principales mines du Chili pour en faire une source importante de revenus au service du peuple chilien. De nouvelles normes de sécurité, de conditions de travail, de redevances avaient, alors, été fixées. Avec le coup d’État militaire de Pinochet qui mit fin abruptement au gouvernement légitime de Salvador Allende, ces normes ont été mises aux oubliettes et les concessions faites aux initiatives privées ont été plutôt généreuses en ce qui a trait aux normes de sécurité, aux conditions de travail et aux redevances. Une révolution démocratique, plaçant les intérêts du peuple avant tous les autres, venait de connaître une fin tragique. Des milliers de morts, des dizaines de milliers de torturés et de prisonniers, près de cent mille réfugiés politiques dispersés un peu partout dans le monde. Le leader des 33 mineurs, celui qui est sorti le dernier, avait perdu son père assassiné par les milices de Pinochet, tout comme le second conjoint de sa mère, assassiné, lui aussi, et enterré dans une fausse commune.
Pendant que les médias retiennent notre attention sur la situation de ces 33 mineurs que l’on s’apprête à rescaper par un trou perforé dans le roc jusqu’à une profondeur de plus de 700 mètres, une trentaine de chiliens d’origine et de culture mapuches sont détenus dans trois pénitenciers au sud du Chili. Ils y ont entamé une grève de la faim qui dure depuis près de deux mois. Ils veulent attirer l’attention du monde sur le sort réservé à la nation Mapuche, sur leurs droits ancestraux relatifs aux terres sur lesquelles ils ont toujours vécu et qui, depuis la conquête, leur ont été enlevées en grande partie. Leurs luttes dans le sud du Chili visent donc à reprendre une partie de ces terres. Leur grève de la faim vise, entre autres, l’élimination de la loi, élaborée sous le régime de Pinochet, qui fait de ces militants du peuple Mapuche des terroristes devant répondre de leurs actes devant les tribunaux militaires et non les tribunaux civils.
PLAN 3: Le regard suit les réflecteurs
Nous vivons l’ère de la globalisation et les technologies de communication dont nous disposons ont la capacité de nous transporter dans tous les coins du monde: du Nord au Sud, de l’Est en Ouest, des hauteurs du ciel aux profondeurs de la terre. Ils ont également cette capacité de nous conduire au cœur de conflits, de luttes, de nous faire partager de grandes peines tout autant que de grandes joies.
Ces réflecteurs ne se déplacent pas selon les critères d’un humanisme sans cesse à la recherche de ce qui est juste, bon et vrai, mais selon les volontés de ceux qui en ont le contrôle. Eh oui, ces réflecteurs ne sont pas autonomes. Ainsi, ceux que nous appelons les «magnats» des moyens de communication évalueront chaque situation. Pour la guerre en Irak, ils serviront la cause du Président Bush, en Afghanistan celle de l’OTAN. Il y a des causes qui se situent bien au-delà de ce que nous appelons vérité et justice. En ce sens, nous pouvons nous demander pourquoi, il n’y a pas encore si longtemps, ils ont attiré l’attention du monde sur ce prisonnier cubain de droit commun, converti pour la circonstance en «prisonnier politique», mort des suites d’une grève de la faim et non sur ces 30 prisonniers politiques chiliens mapuches (car aucun n’a encore été jugé) également en grève de la faim depuis plus de 60 jours.
PLAN 4: Le discernement s’impose, la conscience veille
Le temps où l’argument qui faisait taire tous les autres était «je l’ai lu dans un livre» ou «je l’ai entendu à la radio» ou «le curé (ou toute autre autorité) l’a dit» ne tient plus la route. Il nous faut donc ouvrir d’autres fenêtres que celles de nos téléviseurs pour y voir des choses que ces derniers ne laissent pas passer. Il y a l’information alternative qui permet l’élargissement de nos horizons tout autant que la rencontre de personnes au sens critique particulièrement développé. À la toute fin nous n’avons d’autres ressources que celles de l’humain qui nous habite et de notre conscience qui veille et nous éclaire. Lors de la toute première conférence des presse les mineurs ont tenu à rappeler: "Nous ne sommes ni des artistes, ni des terroristes, mais des mineurs".
Des références de lecture qui interpellent
Sur le sauvetage des 33 mineurs au Chili:
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=21452
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=21453
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-09-15-Mapuches
Sur la publicité des femmes contre la guerre en Afghanistan:
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=21457
Oscar Fortin
16.10.10
Source: le grand soir
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TEXTE MAGNIFIQUE, MAGNIFIQUE!!!
RépondreSupprimerJe suis né le 4-5-1950 en la "oficina salitrera José Francisco Vergara", fermée en 1963, Atacama fut mon enfance, donc la PERTINENCE CLAIRVOYANTE de cet article me touche profondement...
Jorge Tapia del Campo