mercredi 8 juillet 2009

La retraite pour Guy Quaden

Guy Quaden, gouverneur de la Banque nationale, vient de rendre public son rapport sur le vieillissement. Ce rapport est dans la droite ligne de la politique qui a mené au désastre financier de 2008 et dont la poursuite conduit la majorité de la population droit dans le mur. Il explique qu’il faudra dégager 10 milliards d’euros supplémentaires entre 2008 et 2014 pour financer le système des retraites. Pour trouver l’argent, il propose d’amener les personnes âgées entre 55 et 65 ans à recommencer à travailler afin qu’elles se remettent à cotiser et qu’elles ne soient plus à la charge du système. Afin de présenter son orientation comme un moindre mal, qu’il ne faut donc pas hésiter à adopter, il indique que l’autre scénario (qu’il écarte car « cette solution n’est pas socialement acceptable ») consiste à réduire les pensions réelles versées en ne les adaptant plus à l’évolution du coût de la vie.

Guy Quaden et ses collègues écartent la possibilité d’augmenter le financement du système par l’Etat car « la dette a recommencé à augmenter pour financer le sauvetage des banques ». Le gouvernement a su trouver plus de 20 milliards pour sauver les banques, mais n’a pas la volonté de garantir les retraites. Il veut allonger la période d’activité, reporter l’âge du droit à la retraite. Afin d’y parvenir, la précédente étape était le contrat entre les générations, le terrain de la prochaine étape est préparé notamment par ce rapport de Guy Quaden (PS).

Il n’y a pas si longtemps, la caisse des pensions dégageait régulièrement d’importants surplus dans lesquels le gouvernement puisait pour rembourser la dette au lieu de consolider le système pour préparer l’avenir. Pourtant, les effets du vieillissement de la population étaient tout à fait prévisibles. Les gouvernements belges successifs ont poussé à la constitution de fonds d’épargne retraite privés. Pour convaincre les citoyens, le gouvernement a employé deux tactiques : d’une part, leur faire peur en disant que le système public de retraite ne suffirait pas éternellement pour garantir des revenus suffisants ; d’autre part, les inciter à mettre leur épargne volontaire dans les mains des banquiers et des assureurs privés en offrant une réduction d’impôt. Dans le même temps, le gouvernement vendait au grand capital privé les dernières banques publiques comme la CGER (absorbée par Fortis) et le Crédit Communal (devenu Dexia). Le gouvernement et les autorités de contrôle ont laissé les banquiers et les assureurs privés spéculer avec l’épargne des citoyens au lieu de l’investir dans des projets socialement et économiquement utiles.

Guy Quaden, son collègue Jean-Paul Servais de la CBFA et le gouvernement sont responsables d’avoir laissé les banques et assurances belges prendre des risques totalement démesurés et, circonstance aggravante, avec l’épargne des citoyens belges. Les actifs placés par Fortis, Dexia et autres KBC aux Etats-Unis et en Europe orientale, les deux épicentres de la crise actuelle, sont beaucoup plus élevés que ceux des banques françaises, allemandes, hollandaises ou espagnoles (voir Damien Millet et Eric Toussaint, Les Chiffres de la dette, 2009, p.12). C’est pourquoi la crise frappe beaucoup plus la Belgique et les autres pays européens qui ont énormément déréglementé comme l’Irlande et la Grande Bretagne.

En Belgique, les contribuables qui versent 830 euros sur leur compte épargne-pension peuvent déduire cette somme de leur revenu imposable et obtenir environ 270 euros en réduction d’impôt. Or si l’Etat n’avait pas octroyé cette réduction d’impôt, il aurait pu verser cette somme dans le système public de financement des pensions légales et garantir sa pérennité.

En bout de course, les épargnants vont faire triplement les frais de la politique de l’Etat néo-libéral et des sociétés de banque-assurance : la valeur de leur épargne placée dans l’épargne pension a chuté entre 2007 et 2009 ; l’utilisation spéculative et improductive de leur épargne conduit aujourd’hui à des pertes massives d’emplois, alors que les actionnaires ont fait de juteux profits (quand cela marchait, cela procurait un rendement qui pouvait atteindre 15% versés sous forme de dividendes) ; les épargnants sont aussi des contribuables qui doivent financer l’augmentation brutale de la dette publique due à la manière dont Fortis, Dexia, Ethias, KBC ont été sauvés.

Pour garantir l’avenir de la sécurité sociale et du système des pensions, il faut mettre en œuvre des solutions radicalement différentes à celles qui sont à l’œuvre actuellement. Primo, il s’agit de réaliser une réduction radicale du temps de travail avec embauches compensatoires et maintien intégral du revenu afin d’accroître le nombre d’actifs cotisant et de garantir l’équilibre entre recettes et dépenses pour le système des retraites et la sécurité sociale. Il s’agit de créer un grand nombre d’emplois décents pour ceux qui n’en ont pas, tout en améliorant les conditions de travail de ceux qui en ont déjà. Deuzio, les pouvoirs publics doivent créer des places de travail dans les secteurs de la rénovation de logements, l’aménagement urbain, le développement des transports collectifs, la culture, la santé et l’éducation publiques. Pour cela, il faut augmenter les recettes de l’Etat par une politique fiscale faisant contribuer davantage ceux qui en ont les moyens. Tertio : arrêter les privatisations.

Guy Quaden annonce qu’il faudra faire des sacrifices pour réunir 10 milliards d’euros sur la période 2008-2014, mais avec le gouvernement belge, il s’est précipité pour dépenser plus du double de cette somme en une dizaine de jours, début octobre 2008, pour sauver Fortis et Dexia. Guy Quaden et le gouvernement ont laissé les patrons de celles-ci partir avec des parachutes dorés. Ils ne demandent à aucun des responsables du désastre de rendre des comptes à la justice. Dans les derniers mois, ils ont engagé quelques milliards supplémentaires notamment pour sauver KBC. Or il était nécessaire de nationaliser ces sociétés en faillite en récupérant le coup de l’opération sur le patrimoine des grands actionnaires et des administrateurs responsables du désastre. L’Etat aurait ainsi à sa disposition un puissant instrument pour investir dans l’économie réelle tout en garantissant l’épargne des citoyens.

Guy Quaden, qui reconnaît que les avoirs financiers des Belges ont baissé de 150 milliards d’euros en 2008, ne risque pas d’avoir des fins de mois difficiles : son salaire dépasse 400 000 euros par an, soit davantage que celui de Barack Obama ou de Jean-Claude Trichet (président de la Banque centrale européenne), 15 fois celui du président équatorien Rafael Correa et de son homologue bolivien Evo Morales, 15 fois celui d’un employé, d’un ouvrier qualifié ou d’un enseignant, au moins 20 fois le revenu d’un ouvrier non qualifié. A combien s’élèveront la retraite de Guy Quaden et les revenus de ses placements financiers (après le prélèvement du précompte libératoire de 15%) ?

Compte tenu de tout ce qui précède, Guy Quaden doit démissionner et prendre sa retraite. Il ferait bien de verser une bonne partie de son salaire astronomique dans la caisse publique des pensions afin de contribuer, certes modestement, à la refinancer.

Le parquet devrait saisir la justice des délits commis par les dirigeants de Fortis (à commencer par son ex-président le comte Maurice Lippens et Jean-Pol Votron ainsi que Gilbert Mittler), Dexia (Axel Miller), KBC, Ethias… Lippens a présidé Fortis jusqu’à sa quasi-faillite fin septembre 2008. Avant sa démission, on le retrouvait en tant qu’administrateur dans de nombreuses sociétés. Citons en quelques-unes : Total, Suez-Tractebel, SN Brussels Airlines (il a été l’un des responsables de la faillite de la SABENA) et le Groupe Bruxelles Lambert du milliardaire belge Albert Frère (après son départ de Fortis comme président, Lippens a démissionné de plusieurs CA mais est resté administrateur de GBL). En 2004, Lippens a donné son nom au code belge de gouvernance d’entreprise censé améliorer la gestion et la transparence des entreprises belges. Le code « Lippens » est une liste de vœux pieux qu’il s’est empressé de ne pas s’appliquer. On sait ce que cela a donné. Lippens fréquente avec son ami le Vicomte Etienne Davignon la Commission Trilatérale et le groupe de Bilderberg où se retrouvent en catimini la droite et l’extrême droite du patronat et des gouvernements de la planète. Jean-Paul Votron a quitté sa fonction de CEO de Fortis le 11 juillet 2008 avec un parachute doré de 1,35 million d’euros. Gilbert Mittler, ex-directeur financier de Fortis, est parti avec une indemnité de 4 millions d’euros. Ces individus devraient restituer leurs indemnités à la collectivité, par exemple pour financer la caisse publique des retraites.

Mais surtout, il faut d’urgence une autre politique au gouvernement et à la Banque nationale de Belgique.

Eric Toussaint
28.06.09
Source: www.lcr-lagauche.be

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