vendredi 21 mai 2010

«L'arme de destruction massive la plus puissante, c'est la pauvreté»



 Mohamed El Baradei, prix Nobel de la Paix et candidat à la présidentielle en Egypte, était invité à la conférence internationale «Africa 21» sur l'avenir de l’Afrique, organisée à Yaoundé à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance du Cameroun, célébré ce jeudi. Il a accordé une interview exclusive à 20minutes.fr

- Que représente à vos yeux le cinquantenaire des indépendances africaines?

- C’est l’occasion de faire le bilan. Il y a encore beaucoup à faire. Il y a beaucoup de contradictions en Afrique car c’est un continent riche, notamment en ressources naturelles et énergétiques, et pourtant c’est le plus pauvre. Le défi majeur, c’est celui de la bonne gouvernance. Il n’y a que quatre à cinq démocraties en Afrique. Peut-être dix, maximum. C’est peu, sur les 53 pays que compte le continent. Outre la corruption, le respect des Droits de l’homme, l’éducation, la santé sont aussi des problèmes importants. Sous la colonisation, l’éducation était meilleure. Aujourd’hui, les gens n’ont pas les moyens d’envoyer des étudiants à l’étranger, donc ils ne peuvent pas être très compétitifs.

- Quel avenir envisagez-vous pour le continent?
- Avec la globalisation, il y a de l’espoir. Car désormais, l’Afrique est connectée. De nouveaux investisseurs arrivent, comme la Chine ou l’Inde. L’Internet et les nouvelles technologies de l’information changent aussi la donne: les gens ont plus conscience de leurs droits qu’avant. J’ai aussi l’espoir que cela évolue grâce aux ressources naturelles dont dispose l’Afrique et l’intérêt que manifestent les pays de l’Ouest pour investir. Mais il y a beaucoup de défis à relever.

- Sur quoi portent vos inquiétudes?
- La pauvreté. L’arme de destruction massive la plus puissante, c’est elle. Elle va souvent de pair avec le manque de bonne gouvernance et la violence – et pas seulement en Afrique. Il faut s’attaquer à ses racines. Cela passe par une bonne gouvernance. Ce qui est positif, c’est que les gens sont conscients que cela doit changer.

- La population, oui. Mais est-ce le cas des dirigeants?
- La population doit faire de plus en plus pression sur les dirigeants pour que cela change. C’est ce que je vois à l’oeuvre, progressivement. Il y a certes beaucoup de peur. Mais il y a aussi plus de courage, maintenant.

Recueilli à Yaoundé, au Cameroun, par Faustine Vincent
20.05.10

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