jeudi 6 août 2009

Au Venezuela, la bataille populaire pour démocratiser le "latifundio" des ondes.

“Chavez fait fermer 34 radios et télévisions”. A en croire l’AFP, AP ou Reuters (et donc le Figaro, Rue89, le Monde....) le Venezuela s’enfonce dans la dictature (1). La Maison Blanche a fait connaitre sa “vive préoccupation” au sujet de la “nouvelle atteinte à la liberté d’expression”.

De quoi s’agit-il ? Faisons ce à quoi ces agences et leurs fidèles clients ont renoncé : une enquête.

Au Venezuela, les collectifs pour la libération des ondes (tels la Asociacion Nacional de Medios Alternativos y Comunitarios ANMCLA , la Red de medios comunitarios venezolanos ou la Red Alba TV), se plaignent de ce que la loi qui favorise depuis la révolution la création de médias libres, participatifs, gérés par les habitants, reste parfois lettre morte à cause de la saturation commerciale des ondes. Les associations les plus diverses - syndicats, mouvements de travailleurs, organisations de femmes, communautés indigènes ou afroaméricaines, etc.. désireuses de créer une radio ou une télévision associative se voient souvent lésées dans leur droit fondamental à la liberté d’expression par le quasi monopole privé des radios et télévisions. Localement et régionalement pullulent des stations commerciales ou évangélistes vivant de la pub ou du prosélytisme. Leurs autorisations d’émettre sont souvent d’origine douteuse, voire inexistantes. Un nombre croissant de citoyen(ne)s exigeaient donc d’en finir avec l’impunité et d’appliquer la loi pour libérer des fréquences associatives.

Et que dit la loi ? La même chose que partout ailleurs (2). Le propriétaire de média qui ne renouvelle pas sa demande de concession dans le délai légal ou émet sans permis, doit rendre cette fréquence à la collectivité : au service public, à d’autres opérateurs commerciaux ou aux médias associatifs. Il s’agit donc d’une banale mise à jour des ondes disponibles. Soit dit en passant, ces 34 fréquences libérées ne font qu’égratigner le quasi monopole commercial. En août 2009 quatre-vingt pour cent des ondes radio ou TV locales, régionales, nationales, satellitaires ou câblées, restent aux mains de grands groupes économiques. Seuls 9 % sont liés au service public... Courte respiration démocratique donc, que la coordination des médias associatifs veut pousser jusqu’au véritable équilibre démocratique. En revendiquant un tiers des ondes pour les médias associatifs, un tiers pour le service public, un tiers pour le privé.
Pour l’internationale du Parti de la Presse et de l’Argent (PPA) l’occasion est trop belle d’enfoncer le clou de la “dictature chaviste”. On nous refait donc les plans serrés sur une poignée de manifestants qui brandissent les cartons rédigés pour CNN, laquelle parle de “protestation populaire”. L’AFP ou Libération, réticents à condamner le coup d’État au Honduras (par obsession anti-Chavez ) (3), entrent en campagne contre le droit des Vénézueliens à démocratiser le “latifundio radioelectrico”. Pour savoir ce que dira demain la presse de France (par exemple au sujet de "Globovision" que “Chavez ne manquera pas de fermer” sous nos yeux horrifiés de démocrates), il suffit d’ailleurs de lire aujourd’hui la presse de droite, majoritaire au Venezuela (4).

Ceux qui refusent de mourir idiots préfèreront l’analyse prémonitoire de la pseudo “fermeture de RCTV par Chavez” sur le site ACRIMED

Tout effort de démocratiser les ondes est un exemple périlleux pour des populations qui comme en France subissent encore le monopole de grands groupes économiques. On trouvera un jour risible, absurde, l’idée que la communication humaine soit restée si longtemps aux mains d’une élite d’entrepreneurs. Et que la liberté d’expression ait pu être censurée si longtemps par une minorité élue par personne et responsable devant personne. Les procès en totalitarismes ne doivent pas nous faire peur : c’est l’heure d’exiger partout ce droit fondamental qu’est la démocratisation des ondes de radio et télévision.

Thierry Deronne
Caracas, 2 août 2009.
Vicepresidencia de Formación Integral
Televisión Pública VIVE , Biblioteca Nacional, Piso 4
Avenida Panteón , Caracas , República Bolivariana de Venezuela

(1) Pour les articles (interchangeables) de la presse française :
* Le Monde : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/08/01/le-venezuela-veut-se-doter-d-une-loi-punissant-les-crimes-mediatiques_1225051_3222.html#xtor=RSS-3208
* Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/international/2009/08/03/01003-20090803ARTFIG00368-chavez-fait-fermer-34-medias-d-opposition-.php

(2) Pour tout savoir sur le spectre radio-électrique vénézuélien, le cadre légal, le travail de la Commission Nationale des Telecommunications (y compris en faveur des fréquences associatives) : http://www.conatel.gob.ve/inicio.asp
... Quant a la loi francaise n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée et complétée, relative à la liberté de communication :
ARTICLE 29 : ...Le CSA accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence... ..... Le CSA veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion... Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale...

(3) Voir http://www.acrimed.org/article3178.html

(4) Par exemple, El Universal , El Nacional, Tal Cual
Source: Le Grand Soir

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