mercredi 23 décembre 2009

«Affaire DHKP-C» : camouflet pour le Parquet fédéral

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : «AFFAIRE DHKP-C»
Les juges de la Cour d’Appel de Bruxelles ont rendu leur verdict dans le procès, recommencé pour la quatrième fois, contre six membres présumés de l’organisation turque.

CAMOUFLET POUR LE PARQUET FÉDÉRAL… ACQUITTEMENT POUR BAHAR KIMYONGÜR !

D’abord annoncé pour le 14 juillet 2009, puis postposé au 16 décembre, l’Arrêt – que devaient rendre les juges de la 13ème Chambre de la Cour d’Appel de Bruxelles – a finalement été prononcé ce mercredi 23 décembre 2009.

«Trois acquittements, trois condamnations avec sursis»: tel a été l’ultime coup de théâtre asséné ce jour – dans une affaire pénale, policière et politique, qui aura été secouée depuis ses débuts (en 1999) par d’incroyables et incessants rebondissements [1].

Dehors : 25 membres de la police fédérale chargés de filtrer les entrées et de vérifier les titres d’identité.
Dedans : 150 sympathisants, journalistes et cameramen. Autant dire que la salle d’audience est pleine.
Carl Alexander, Paul Beckaert, Jan Fermon, Nadia Lorenzetti et Raf Jespers (pour la défense) ; Johan Delmulle et sa «partenaire» An Franssen (au nom du Ministère public) ; Kris Vinck, pour l’Etat turc…
A 9 heures 5 tapantes, le Président Boyen entame la lecture d’un Arrêt assurément dispendieux – si on se réfère aux verdicts précédents (lors du jugement rendu, en novembre 2006 par la Cour d’Appel de Gand par exemple, cette lecture avait pris pas moins de 11 heures…). Toutes les parties se mettent à prendre des notes fébriles.
9 heures 20, un ange passe. Un jeune noir traverse le prétoire d’un pas assuré et, devant les trois juges éberlués, transmet une pièce d’identité au greffier. Interrompu une fraction de seconde, le prononcé de l’Arrêt se reprend.
A 9 heures 58, surprise. Antoon Boyen (d’une voix toujours aussi monocorde) en est déjà arrivé… aux sentences. Ni cassantes, ni fracassantes : inattendues. Seuls les trois prévenus appréhendés à Knokke le 26 septembre 1999 font l’objet de condamnations, avec sursis (la Cour d’Appel de Bruxelles reprenant ici presque telles quelles, les sanctions édictées par
la Cour d’Appel d’Anvers en février 2008)…

Musa Asoglu (condamné, avec sursis, à une peine de 3 ans d’emprisonnement par la Cour anversoise) : même peine.
Fehriye Erdal (condamnée, avec sursis, à une peine de 2 ans d’emprisonnement par la Cour d’Appel d’Anvers) : même peine.
Et Kaya Saz (condamné, avec sursis, à une peine de 21 mois d’emprisonnement par la Cour d’Appel d’Anvers) : 24 mois…

Seuls changements par rapport aux décisions des juges d’Anvers, concernant les trois personnes précitées… : la Cour d’Appel de Bruxelles considère qu’elles formaient bien, entre elles, une «association de malfaiteurs» – compte-tenu des armes et des faux papiers qui avaient été retrouvés en leur possession à Knokke-Duinbergen (toutefois, les juges bruxellois ne s’aventurent pas à expliciter un lien quelconque entre cette «association délictueuse» et le DHKP-C en tant que tel)… Par contre, le tribunal reconnaît (pour cette imputation pénale) l’Etat turc comme partie lésée, lui accordant… un euro de dommages et intérêts.

Qui plus est, arrivent enfin les plus confondantes des «sentences» prononcées ce jour. La Cour d’Appel ne reconnaît nullement la seconde des incriminations portées par le Parquet fédéral contre l’ensemble des six inculpés : une prétendue appartenance à une soi-disant structure «criminelle». En effet, rien dans le dossier d’instruction (à part les affabulations du Procureur fédéral J. Delmulle) ne laisse supposer (de quelque manière que ce soit) une quelconque intention de s'enrichir en commettant des délits. De même, les trois juges de la 13ème Chambre flamande de la Cour d’Appel de Bruxelles déclarent non constituée la troisième des infractions avancées par le Ministère public : avoir, dans le chef de Musa Asoglu et Bahar Kimyongür, participé à une entreprise terroriste. D’une part, les activités menées par le Bureau d’Information du DHKC (dont Bahar et Musa étaient les porte-paroles) ont toujours ressorti de la liberté d’expression ; d’autre part, la conférence de presse donnée le 24 juin 2004 aussi, car elle procède clairement, selon les juges, du même droit constitutionnel. Pour le surplus, la Cour d’Appel réaffirme explicitement que rien dans le dossier à charge ne peut laisser supposer des liens entre les inculpés et des «attentats» commis en Turquie.

Faut-il le dire : ce jugement-éclair, expédié en 62 minutes, a été salué par des applaudissements rassérénés. En la circonstance (ce mercredi 23 décembre 2009), une certaine magistrature «assise» aura fait preuve de courage et de ténacité, en refusant d’accréditer les thèses poisseuses du Ministère public [2].

Utile précision cependant : le Parquet fédéral a maintenant quinze jours pour éventuellement se pourvoir (une nouvelle fois) en Cassation. Ce mercredi, c’était donc le temps des conclusions provisionnées mais (encore et) toujours provisoires.

Jean FLINKER
membre du Comité pour la Liberté d’Expression et d’Association (CLEA)
23.12.09

==> Demain jeudi 24 décembre à 10 heures 30,
au café El Metteko (88 bd Anspach, près de la Bourse), le Comité pour la Liberté d'Expression et d'Association (CLEA) vous invite à une conférence de presse relative au verdict prononcé ce jour par la Cour d'Appel de Bruxelles dans le procès "DHKP-C".

Seront présents :
Bahar Kimyongür
l'avocat Jan Fermon,
Lieven De Cauter (Platform voor Vrije Meningsuiting)
Benoît Van Der Meerschen (président de la Ligue des Droits de l'Homme)

Notes:
[1] : Voir «Quatre procès, deux Cassations»
http://www.leclea.be/pdf/4-proces_2-cassations_mai-2009.pdf
[2] : «Un moment de vérité pour nos libertés» (Carte Blanche publiée dans La Libre, le 11 décembre 2009, cosignée par Jean-Claude Paye, Jean Cornil, Josy Dubié, Jean-Marie Dermagne, Dan Van Raemdonck, Jean-Marie Klinkenberg, Christine Pagnoulle, Jean Bricmont, Anne Morelli, José Gotovich, Jean Pestieau, Eric Therer, Bernard Francq, Ludo Abicht, Karel Arnaut, Eric Balliu, Ludo De Brabander, Lieven De Cauter, Herman De Ley, Stephan Galon, Rudi Laermans, Francine Mestrum, Saddie Choua, Erik Swyngedouw, Jean-Pierre Rondas, Fernand Tanghe, Dirk Tuypens, Karim Zahidi,…).
http://e-s-g.blogspot.com/2009/12/un-moment-de-verite-pour-nos-libertes.html

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