Dilma Rousseff, la candidate du Parti des travailleurs de Lula, a été élue ce dimanche au second tour de l'élection présidentielle du Brésil, avec 56 % des voix contre 44 % à son rival social-démocrate José Serra. Succédant à Luiz Inacio Lula da Silva et à ses huit ans de présidence, elle devient la première femme présidente de ce pays de 192 millions d'habitants.
Le résultat a été annoncé officiellement par le Tribunal électoral supérieur, suite au dépouillement de 95% des votes.
Ancien gouverneur de Sao Paulo, José Serra avait déjà perdu l'élection présidentielle de 2002 face à Lula.
Qui est Dilma Rousseff ?
Peu connue du grand public, Dilma Rousseff, 62 ans, a été choisie par Lula, qui ne pouvait briguer un troisième mandat, pour tenter de lui succéder. Elle était sa directrice de cabinet et sa principale conseillère.
Etudiante à la fin des années 1960, Dilma Rousseff s'était engagée contre la dictature et avait rejoint un groupe guérillero. Elle avait caché des armes et participé à l'organisation d'un hold-up. Arrêtée, elle a été emprisonnée et subi des tortures.
Economiste de formation, ancienne ministre de l'Energie, Dilma Rousseff a gagné au gouvernement une réputation de «dame de fer» en raison de son intransigeance et de sa capacité de travail.
Atteinte d'un cancer du système lymphatique, elle a été traitée l'an dernier et déclarée guérie par les médecins.
Ne disposant pas d'un charisme comparable à celui de Lula, elle s'est placée dans son sillage. Elle n'avait jamais été candidate à une fonction élective.
Que prévoit-elle ?
Le principal engagement de la nouvelle présidente, rappelé hier dans son discours, est «l'éradication de la misère pour tous les Brésiliens et les Brésiliennes».
«Nous ne pourrons avoir de repos tant que des Brésiliens souffriront de la faim», a-t-elle affirmé.
Elle a également critiqué le protectionnisme des pays les plus riches, qui «empêche les nations pauvres de réaliser pleinement leur potentiel», et réclamé des «règles beaucoup plus claires» contre la spéculation qui augmente la volatilité des monnaies.
Se gardant d'une politique de rigueur, elle compte poursuivre l'investissement de l'Etat dans les infrastructures et le système scolaire.
Elle doit aussi préparer le pays à accueillir coup sur coup les deux manifestations sportives mondiales les plus prestigieuses: la Coupe du monde de football en 2014 puis les Jeux olympiques d'été en 2016.
Le deuxième tour était-il prévu ?
Beaucoup s'attendaient à une victoire dès le premier tour, le 3 octobre. Mais une controverse sur les positions de la candidate en faveur du droit à l'avortement, un sujet sensible pour les électeurs évangélistes, avait joué en sa défaveur.
Dilma Rousseff avait aussi été handicapée par la révélation d'un scandale de corruption impliquant une proche collaboratrice.
Elle avait obtenu 46% des suffrages contre 32% à José Serra. L'écologiste évangéliste Marina Silva avait créé la surprise avec près de 20% des voix.
Qui a voté et qui n'a pas voté pour elle ?
L'élection de Dilma Rousseff révèle un clivage profond selon les niveaux de revenus et la situation géographique.
La candidate du Parti des travailleurs s'offre des scores très élevés dans les Etats du Nord, les plus pauvres du pays, par exemple à Bahia (environ 70%) ou dans le Maranhao (78%).
José Serra, son concurrent, s'impose dans l'Etat de Sao Paulo et dans les Etats du Sud, les plus riches.
Que va devenir Lula ?
La candidate du Parti des travailleurs s'est appuyée sur les résultats obtenus sous la présidence de Lula: une croissance économique soutenue, un taux de chômage descendu à 6,2%, la mise en place d'aides sociales.
Très présent dans la campagne, il est parvenu à transférer à sa protégée une partie de son immense popularité.
A présent, Lula est soupçonné par l'opposition de devenir l'éminence grise de la nouvelle présidente.
Dans son discours, Dilma Rousseff l'a remercié «avec beaucoup d'émotion» et a affirmé: «Je frapperai souvent à sa porte et je sais qu'elle sera toujours ouverte.»
Lula a toutefois écarté une participation au gouvernement. «Il n'y a aucune possibilité qu'un ex-président participe à un gouvernement. Dilma, si elle est élue, devra former un gouvernement qui aura son image.»
Laurent Mauriac
01.11.10
Source: rue89
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