vendredi 19 novembre 2010

Un ex-sénateur Vert claque la porte et vous parle



La lettre de démission de Josy Dubié, envoyée à quatre responsables des Verts en Belgique et européens (Isabelle Durant, Monica Frassoni, Philippe Lamberts, Isabelle Zerrouk).




Bonjour.
Le peuple brésilien a donc parlé.
Il a choisi, à une large majorité, Dilma comme présidente pour poursuivre l’œuvre de Lula qui, en huit ans, a sorti des millions de ses compatriotes de la misère atroce dans laquelle ils vivaient depuis des générations. Le peuple brésilien a parlé mais le parti vert européen (PVE, note du GS) lui n’avait rien à dire, ou plus exactement n’a rien voulu dire.

En effet, malgré mes demandes pressantes, et l’engagement subséquent de la coprésidente du PVE de publier un communiqué demandant à la candidate écologiste d’appeler au soutien de Dilma (voir ci-après), le PVE a finalement choisi de se taire.

«Qui ne dit mot, consent», dit le proverbe.

Le PVE a donc choisi de soutenir la ligne de la candidate écologiste brésilienne qui a refusé de choisir entre la candidate soutenue par tout ce que le Brésil compte de progressistes, Mouvement des Sans Terre en tête, et celui soutenu par l’oligarchie et les milieux les plus conservateurs et réactionnaires, évêques locaux et pape Benoit 4x4 en priorité!

A vrai dire cela ne m’étonne pas mais, pour moi, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

J’ai donc décidé, après longues et mûres réflexions, de quitter le parti Ecolo, de plus en plus parti de bobos, centré sur son nombril, et dont je ne supporte plus les dérives «libérales libertaires» ni les foucades monarchistes et calotines de notre «chef».

Pendant près de 30 ans, comme reporter, j’ai sillonné le monde pour montrer et tenter de sensibiliser mes compatriotes à l’effroyable misère qui fait que près d’1 milliard d’êtres humains ne mangent toujours pas, aujourd’hui, à leur faim.
Ce fut d’ailleurs, en juillet 2009, le thème de ma dernière intervention à la tribune de Sénat avant de prendre ma retraite. Le franchissement, selon la FAO, dans l’indifférence générale (5 lignes dans la presse), de la barre symbolique du milliard d’individus souffrant de la faim. J’y avais, alors, dénoncé l’accroissement exponentiel du nombre d’affamés (100 millions en un an!) lié à la spéculation effrénée des marchés sur les denrées alimentaires (riz, blé, sorgho, mil, etc.) les poussant à la hausse. J’y avais exhibé une publicité de la Kredietbank, juste renflouée à coup de milliards d’argent public, expliquant avec cynisme, les profits considérables à faire sur cette spéculation aux conséquences catastrophiques pour des millions d’enfants dans le tiers monde réduit à la famine et souvent à la mort, et j’avais dénoncé, une dernière fois, la responsabilité des «bolcheviques du marché», sans scrupules, mis en cause, entre autres, par le prix Nobel d’économie Joseph Stieglitz .

J’ai, en effet, vu et filmé, pendant des années, les conséquences de cette politique économique désastreuse dans les «Favellas» du Brésil, les «Villas misérias» d’Argentine et les «Poblationes» du Chili, mais aussi les épouvantables bidonvilles du Bangla Desh, des Philippines, d’Indonésie, d’Afrique du Sud ou du Kenya.
J’ai vu des enfants mourir de faim sous mes yeux en Ethiopie, au Sahel et au Bangla Desh. Je n’en suis pas sorti indemne!

Je suis venu à l’écologie par la question sociale, réalisant que ce sont toujours les plus déshérités qui sont les premières et principales victimes des dégradations environnementales, (eau et terres polluées, épidémies, glissements de terrain, inondations, etc.). Je quitte le parti, qui se dit écologiste, pour son manque d’engagement dans la question sociale et en particulier celle qui concerne ces millions de laissés-pour-compte du «miracle économique néo libéral» dans le Tiers-Monde.

Pendant 9 ans, j’ai essayé de mettre cette question, vitale pour des millions d’êtres humains, à l’agenda du parti. Les rares fois où ces questions ont été abordées en Bureau politique, elles l’étaient chaque fois à la fin de l’ordre du jour et les trois quart des participants, dont presque tous les «gros bras» du parti, quittaient la salle.

Je quitte un parti qui parvient à rassembler des centaines de militants pour sauver les bébés phoques ou la banquise, mais pas plus d’une grosse vingtaine de ploucs, comme l’autre jour à la Porte de Namur, pour s’opposer, avec les syndicats de toute l’Europe, au démantèlement des «acquis sociaux» (un gros mot pour les libéraux), fruit du combat séculaire de millions de travailleurs!

Cela me rend triste, bien sûr.
Au départ, il y a trente ans, les environnementalistes n’étaient pas seuls à créer notre parti. Tiers mondistes, pacifistes, antimilitaristes, internationalistes, «droit de l’hommistes», étaient aussi, nombreux, à se lancer dans la bagarre.
Beaucoup, depuis, sont partis, souvent sur la pointe des pieds.

Comme des millions de Belges, je ne peux plus supporter la priorité aux questions communautaires dans laquelle se vautrent tous les partis, y compris le nôtre. Ce sera donc sans moi à l’avenir.

Je ne quitte pas Ecolo pour aller ailleurs, car cette force politique de changement démocratique mais radical, à laquelle j’aspire, remettant fondamentalement en cause les bases même de notre système économique libéral du «tout au marché, libre et dictatorial», engendrant misère et élargissant la fracture sociale, nationale et internationale, n’existe pas, ou pas encore, en Belgique.

J’ai 70 ans bien sonné, je ne sais pas combien de temps il me reste à vivre. Cependant je ne me résignerai jamais à accepter ces injustices et la remise en cause de ce pour quoi se sont battus, non pas les «générations futures» dont Ecolo a plein la bouche, mais les générations passées qui méritent un peu plus de respect et de reconnaissance, et qui ne sont pas cette cohorte de «ringards» comme tentent de les qualifier les réactionnaires de toutes obédiences, adeptes de la pensée unique.

Un dernier point pour la route.
Dans quelques jours à Lisbonne les pays membres de l’Alliance de l’Atlantique Nord, dont la Belgique, vont adopter un nouveau concept stratégique qui remet fondamentalement en cause les termes du traité de l’OTAN, alliance de défense mutuelle, adoptée en 1949.

Selon ce nouveau concept, l’Alliance ne sera plus un bouclier militaire en charge de protéger les pays membres dans un espace strictement défini, comme prévu en 1949 face à la menace soviétique, mais une épée au service de la défense des intérêts de ses membres partout où ils pourraient être menacés.
Autrement dit, l’OTAN se transformera explicitement en gendarme du monde en contradiction formelle avec la Charte des Nations Unies et le droit international qui réserve cette fonction au Conseil de Sécurité de l’ONU, chargé du maintien de la paix.

J’avais, lorsque ce projet de nouveau concept stratégique a été évoqué, écrit une note sur le sujet envoyée aux responsables du parti, sans aucune réaction d’aucune sorte. Autant avoir pissé dans un violon, ce que je vais donc pouvoir faire maintenant sans réserves.

A toute fins utiles, je vous joins cette note, qui n’a pas pris une ride, si d’aventure, le «parti qui fait de la politique autrement», pensait utile d’évoquer en Bureau Politique ou ailleurs, ce mauvais coup qui se prépare en «stoemelinks» (1), mauvais coup pourtant, lui aussi, lourd de menaces, ô combien, pour les générations futures.

Bonne chance quand même.

Josy Dubié
Abonné au gaz retraité, Épicurien, libertaire «Ni dieu ni maître»
18.11.10

Note:
(1) en stoemelinks : expression bruxelloise qui signifie en catimini, subrepticement. (ndlr)
Source: legrandsoir

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