dimanche 12 décembre 2010

Lettre ouverte...


Lettre ouverte à MM. Dominique Strauss-Kahn et Pascal Lamy, respectivement Directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)



Le 8 décembre à Genève, vous débattrez en public de "l’impact de la crise financière sur la gouvernance mondiale". Les belles phrases feront l’objet de grandes envolées, mais ce sont les actes qui nous intéressent. Si on analyse les politiques que vous menez au sein de ces deux organisations, force est de constater qu’aucun de vous deux ne remet en cause l’ordre capitaliste néolibéral. Le FMI et l’OMC continuent d’imposer aux populations les mêmes recettes frelatées issues des fameux plans d’ajustement structurel (PAS) et des accords de libre-échange. Au Sud comme au Nord, le poison reste le même: libéralisation de l’économie, marchandisation des besoins essentiels comme l’eau, privatisation des entreprises publiques, démantèlement des services publics, augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), etc.

Alors que ces mesures sont en partie responsables des crises alimentaires à répétition dans le Sud et de l’accroissement des inégalités, vous vous obstinez malgré tout à poursuivre ce crédo néolibéral. Vous répondrez sûrement que les pays sont souverains et que ce sont les dirigeants de ces pays qui choissent d’appliquer les politiques de vos institutions. En théorie, oui, mais dans la pratique, les Etats du Sud sont étranglés, depuis la crise de la dette du tiers-monde de 1982, par une dette en grande partie illégitime qui les place en situation d’extrême faiblesse dans les négociations avec leurs créanciers et le FMI. Sans oublier la corruption et la collusion entre les intérêts des classes dirigeantes du Sud et du Nord qui expliquent aussi la soumission - parfois enthousiaste - de ces dirigeants aux diktats de vos organisations.

Toutefois, vos politiques ont été un fiasco. Fréquemment, des révoltes populaires éclatent, aussi bien au Sud qu’au Nord (Grèce, Roumanie, Irlande...), pour s’y opposer, démontrant ainsi la fracture nette entre les populations et leurs gouvernements. Partout où vos recommandations ont été appliquées à la lettre, les conditions de vie des populations se sont globalement dégradées.

Au Nord, on répète à l’envi que l’austérité est la règle inéluctable à cause du niveau de la dette publique. Or, il existe d’autres mesures que nos gouvernements pourraient mettre immédiatement en place s’ils en avaient la volonté. La première serait de s’attaquer à cette dette publique. D’où vient-elle, à qui profite-t-elle? Questions essentielles auxquelles seul un audit peut répondre. Cet audit permettrait de fonder une annulation de toutes les dettes illégitimes n’ayant pas profité à la population. Parallèlement à cet audit, il est tout à fait possible de suspendre le remboursement de cette dette et de mettre au pas le secteur financier. Taxer les transactions financières et nationaliser les banques en les plaçant sous le contrôle démocratique des salariés, des citoyens et des pouvoirs publics sont des mesures véritablement nécessaires.

Monsieur Strauss-Kahn, vous prônez tout le contraire: vous tentez d’enterrer cette taxe sur les transactions financières et appelez les Etats à injecter encore de l’argent public pour "aider" les banques tout en préconisant une hausse de la TVA et une réduction des prestations chômage. Enfin, cerise sur le gâteau, vous venez de nommer un ancien dirigeant de la banque Goldman Sachs à la tête du département Europe du FMI.

Messieurs Strauss-Kahn et Lamy, vous défendez bec et ongles le modèle actuel, vous cautionnez les excès de tous ces banquiers sans scrupules, vous demandez de sacrifier les populations sur l’autel du profit des puissants. Pour toutes ces raisons, vous n’êtes pas les bienvenus à Genève. Les deux organisations que vous représentez ont causé des dommages considérables et nous luttons pour qu’un jour, elles rendent des comptes en justice à tous les citoyens.

Renaud Vivien, Juan Tortosa
07.12.10
Source: cadtm (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers-Monde)

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