jeudi 1 juillet 2010
L’Autorité palestinienne a voulu saper les efforts de la Turquie pour une enquête des Nations-Unies sur la Flottille
L’Autorité Palestinienne (AP) a essayé de neutraliser une résolution du Conseil des Droits de l’homme (CDH) des Nations-Unies condamnant l’agression meurtrière d’Israël contre la Flottille de la Liberté pour Gaza, comme le montrent des documents de l’AP et de l’ONU que The Electronic Intifada (EI) a réussi à obtenir. Dans l’agression du 31 mai par Israël, 9 citoyens turcs ont été tués, dont un citoyen turc/états-unien, et des dizaines de militants ont été blessés à bord du Mavi Marmara, dans les eaux internationales.
EI publie aujourd’hui l’un de ces documents obtenus, qui contient des amendements proposés pour modifier le projet de résolution du CDH. Des annotations sur la résolution indiquent que l’AP a pris position aux côtés de pays de l’Union européenne (UE) contre les demandes de la Turquie pour une action vigoureuse pour faire rendre des comptes par Israël. (> http://www.electronicintifada.net/downloads/pdf/100622-EI-UNHRC-Flotilla.pdf)
La collusion apparente de l’AP pour protéger Israël rappelle à beaucoup les efforts qu’elle a déployés pour saper l’action des Nations unies à la suite du rapport Goldstone, en octobre dernier.
Apparemment rédigés par un délégué européen, les amendements du document auraient sérieusement dilué la formulation de la Turquie. La modification la plus dommageable visait à retirer la demande d’une enquête indépendante des Nations-Unies sous les auspices du CRH. Le document a été fourni à EI par une source qui indique comment elle l’a obtenu au sein des services des Nations-Unies à Genève, source qui a demandé l’anonymat.
La Turquie a rejeté les amendements UE/AP, et la résolution définitive adoptée le 2 juin déclare que le Conseil «décide de dépêcher une mission d’enquête internationale pour procéder à une enquête sur les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme résultant des agressions israéliennes» (Les agressions graves par les forces israéliennes contre le convoi de navires humanitaires - Conseil des Droits de l’homme - Nations-Unies - 14è session - A/HRC/14/L.1, adoptée le 2 juin 2010).
Les termes de la résolution finale sont très proches de la résolution du CDH de janvier 2009 qui a conduit au rapport Goldstone, à l’enquête indépendante précisant les crimes de guerre perpétrés lors de l’invasion 2008-2009 de Gaza par Israël.
Pourtant, les annotations apparemment faites par un diplomate européen sur le projet de la résolution et qui ont été obtenues par EI indiquent clairement que l’AP consentait à un retrait de cette formulation. Un paragraphe de l’AP proposait à la place que le CDH «demande au Secrétaire général des Nations-Unies de veiller à une enquête prompte, impartiale, crédible et transparente conformément aux normes internationales (sic)».
Cette différence est essentielle parce que la formulation turque appelle spécifiquement à une enquête sous l’autorité du CDH. Alors que la version édulcorée de l’UE/AP permettait au Secrétaire général de l’ONU de donner simplement son aval à une enquête conduite par Israël lui-même pour autant qu’il la juge «crédible».
L’une des annotations sur le document explique que «TK (les Turcs) ont vérifié auprès de leur capitale et ils avaient toujours comme instruction, à haut niveau, d’insister pour la formulation qu’ils avaient proposée initialement». La note ajoute que «l’AP et le PAK (Pakistan) pouvaient consentir aux deux propositions» - c’est-à-dire remplacer l’enquête indépendante du CDH par une simple approbation, soit du Conseil de sécurité des Nations-Unies, soit du Secrétaire général.
De même et alors que la Turquie a - d’après les annotations - insisté pour que la résolution condamne spécifiquement l’agression israélienne, l’«AP et le PAK (sic) étaient ok avec la proposition de l’UE» pour remplacer la mention, «attaque scandaleuse par les forces israéliennes contre la flottille humanitaire», par l’expression plus ambiguë, «usage de la violence lors de l’opération militaire israélienne». L’alternative proposée par l’UE pouvait être interprétée comme incluant la condamnation de la «violence» des passagers tentant de se défendre avec des jets d’eau ou des bâtons contre l’agression militaire israélienne délibérée dans les eaux internationales.
Les déclarations publiques des diplomates français et britanniques viennent en appui de l’interprétation de ce document par l’EI. Après que la Turquie ait réussi à obtenir que sa formulation soit retenue dans la résolution du 2 juin, le Royaume-Uni et la France se sont abstenus, et les Pays-Bas, l’Italie et les Etats-Unis ont voté contre.
En expliquant l’abstention de son pays, le représentant de la France, Jean-Baptiste Mattei, a exprimé le souhait d’une «position unanime» et il a indiqué que son gouvernement «regrette que les propositions d’amendements du texte présentées par l’UE» n’aient pas été adoptées. Peter Gooderham, pour le Royaume-Uni, a souscrit à ce souhait d’«arriver à un consensus» et il a même déclaré qu’il était «reconnaissant à cet égard des efforts des co-sponsors de ces propositions» ( Conseil des Droits de l’homme - Nations-Unies - archives vidéo - 14è session, 2 juin 2010).
L’AP était de ces co-sponsors des amendements du projet de résolution.
Imad Zuhairi, observateur adjoint permanent de l’AP aux Nations-Unies à Genève, a déclaré lors d’une interview téléphonique que la position de sa délégation était «peu importe que ce soit Genève, le CDH, ou le Conseil de sécurité, il faut une mission d’enquête indépendante internationale et transparente conformément aux normes internationales».
Zuhairi a affirmé que sa délégation avait été «non pas contre ou pour» les efforts de l’UE à faire capoter l’enquête par le CDH. Il a critiqué la formulation de la résolution du Conseil de sécurité la disant «ambiguë», et il a dit que l’AP «rejetterait par tous moyens toute enquête interne» par Israël. Et d’ajouter: «Nous nous soucions de notre peuple (palestinien) dans la bande de Gaza occupée.»
Interrogé spécifiquement sur le commentaire écrit sur le document, disant que l’AP pouvait «consentir» au retrait d’une enquête par le CDH, Zuhairi répond que ce commentaire était inexact, et il dit que celui qui l’a rédigé s’est trompé.
Sauf que les annotations sur le projet de résolution du CDH qui ont été communiquées à EI sont corroborées par un autre document, récupéré également, celui-ci révélant une précédente tentative de dilution de la résolution du CDH, mais cette fois, directement par l’Autorité palestinienne elle-même.
Ce second document, et le courriel auquel il est rattaché, ont été divulgués par une source qui n’a rien à voir avec le premier document. EI a pu obtenir ce document à condition qu’il ne soit pas divulgué.
Le second document est dans le format Word Microsoft largement utilisé, et l’option «track changes» a été activée, de sorte que les modifications exactes apportées sont sans ambiguïté. Un examen des métadonnées du document Word révèle que celui-ci a d’abord été créé par le ministère turc des Affaires étrangères («Disisleri Bakanligi») avant que l’AP n’y ajoute ses modifications.
Le courriel auquel il était attaché a été rédigé par Feda Abdelhady Nasser, diplomate de la mission AP aux Nations-Unies à New York, lequel l’a envoyé au Dr Ibrahim Khraishi, représentant de l’AP aux Nations-Unies à Genève, où est basé le CDH. Il fut adressé en copie à Riyad Mansour, chef de la mission AP aux Nations-Unies New York.
Abdelhady Nasser y explique que le document attaché contient les mises au point de la mission AP à New York sur le projet de résolution proposé à l’adoption par le CDH.
Le document lui-même prouve que les représentants de l’AP remplaçaient la formulation proposée par la Turquie, par laquelle le CDH «décide de dépêcher une mission d’enquête internationale...», par des termes beaucoup plus vagues et plus indirects «appelle le Haut Commissaire pour les Droits de l’Homme, en coopération avec le Secrétaire général, à dépêcher une mission d’enquête...»
Cette formulation aurait retiré toute référence aux auspices du CDH. Dans l’ensemble, la preuve indique que l’AP était directement impliquée dans la tentative de diluer et de saborder la solide position de la Turquie et de protéger Israël afin qu’il n’ait aucun compte à rendre.
Des articles récents suggèrent que «l’enquête conforme aux normes internationales» approuvée par le Conseil de sécurité et l’administration des Etats-Unis serait diligentée par Israël lui-même, avec deux observateurs, un homme politique irlandais du Nord, David Trimble, co-fondateur d’une organisation appelée «Les Amis d’Israël», et le général canadien, Ken Watkin.
Une enquête séparée par le CDH, comme stipulée par la résolution du 2 juin, votée par 32 voix (3 contre et 9 abstentions) représenterait un défi à l’autorité de l’enquête israélienne. Si le rapport Goldstone a créé un précédent, une enquête du CDH est beaucoup plus susceptible d’être critique à l’égard des actions israéliennes.
En octobre 2009, le rapport Goldstone a été finalement adopté par le CDH. Malgré le refus initial de l’AP de soutenir une enquête par le juriste sud-africain sur l’agression israélienne contre la bande de Gaza en 2008/2009, Mahmoud Abbas, qui a prolongé son mandat de Président au-delà de son terme dans le cadre de «lois d’urgence», avait été forcé de faire une volte-face humiliante, après un débordement du dégoût et des protestations des Palestiniens à travers le monde.
Asa Winstanley
The Electronic Intifada
23.06.10
Asa Winstanley est journaliste indépendant, il est basé à Londres.
Il a vécu et travaillé comme journaliste dans la ville occupée de Ramallah.
Son site : http://www.winstanleys.org
Source: info palestine
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