samedi 31 juillet 2010

Le débat sur la solution à un État fait exploser le mythe du sionisme de gauche



Un débat fascinant débarque sur le podium politique israélien au sujet d’une question jusqu’ici taboue: la création d’un État unique comme solution au conflit; dans cet État, juifs et Palestiniens pourraient potentiellement vivre en citoyens égaux. Chose surprenante, cette proposition émane principalement de la droite politique israélienne.

Le débat, qui va à l’encontre de l’actuelle orthodoxie d’un avenir à deux États, a rapidement fait voler en éclats les conceptions traditionnelles sur la gauche et la droite sionistes.

Beaucoup d’observateurs - notamment plusieurs administrations étasuniennes - ont présumé que les artisans israéliens de la paix se trouvaient exclusivement parmi la gauche sioniste, la droite étant ignorée, puisque irrémédiablement opposée aux droits des Palestiniens. Dans le fil de cette présomption, le président US Barak Obama a essayé jusqu’à récemment de mettre le premier ministre de droite Benjamin Netanyahou, sur une voie de garage au profit de son ministre de la défense, Ehud Barak du parti travailliste de gauche, ainsi que de la dirigeante de l’opposition, Tzipi Livni du parti centriste Kadima.

Mais comme la droite israélienne le fait souvent remarquer, les partis de gauche et du centre, prétendument favorables à la paix, ont occupé le pouvoir pendant longtemps pour n’obtenir que de déplorables résultats s’agissant de la création d’un État palestinien, notamment pendant le processus d’Oslo. La population des colonies par exemple, n’a jamais augmenté aussi rapidement que pendant la brève période où M. Barak a été premier ministre, il y a 10 ans.

Ce que le nouveau débat sur l’État unique révèle est que, certains membres de la droite - même parmi les colons - se révèlent disposés à partager un État avec les Palestiniens, tandis que la gauche s’obstine à combattre une telle solution.

Dans un supplément du journal libéral israélien Haaretz publié le week-end dernier sur cette question, Yossi Beilin, ancien dirigeant du parti Meretz très colombe et l'un des architectes des accords d’Oslo, a dit au nom de la gauche sioniste que la solution à un État n’avait pas de sens. Il a ajouté avec dédain «cela ne m’intéresse pas de vivre dans un État qui n’est pas juif».

La gauche israélienne s’accroche résolument à l’objectif qu’elle a adopté depuis que M. Barak a assisté aux pourparlers infructueux de Camp David de 2000, à savoir, l’annexion de la plupart des colonies de Cisjordanie et de toutes celles de Jérusalem-Est. D’après le consensus de la gauche, le mur de séparation, une idée de M. Barak, maintiendra en place la quasi totalité des 500 000 colons, tandis qu’une population palestinienne aigrie sera regroupée dans un ensemble de ghettos appelé indument l’État palestinien. L’objectif de cette séparation, dit-on à gauche, est de protéger le caractère juif d’Israël face à une majorité palestinienne envahissante au cas où il n’y aurait pas de partition du territoire.

Le problème avec la solution de la gauche a été résumé par Tzipi Hotoveley, juriste principale du Likoud, qui a récemment déclaré son soutien pour un État unique. «Il y a une faille morale ici [chez la gauche]... Il en résulte une solution qui perpétue le conflit et qui fait de nous, pour parler franchement, des auteurs de massacres après avoir été des occupants. C’est la gauche qui a fait de nous une nation plus cruelle et qui met aussi notre sécurité en péril».

La droite commence à comprendre que la séparation suppose non seulement l’abandon du rêve du Grand Israël, mais qu’elle fera de Gaza le modèle pour la Cisjordanie. Les Palestiniens, exclus et assiégés, devront être "pacifiés" à coups d’attaques militaires régulières comme celle qui a été lancée contre Gaza pendant l’hiver de 2008 et qui a valu à Israël l’opprobre international. A droite, certains estiment qu’Israël ne survivra pas longtemps à de tels outrages.

Mais alors que la droite reconsidère ses positions historiques, la gauche en est encore à préconiser comme toujours une séparation ethnique et l’édification du mur.

Ce sont les idéologues sionistes travaillistes qui, avant la création de l’État, ont été les premiers à plaider en faveur de la ségrégation sous les bannières de «main-d’œuvre juive» et «rédemption de la terre» et qui ont ensuite adopté la politique de transfert. Ce sont les fondateurs travaillistes de l’État juif qui ont réalisé l’expulsion massive des Palestiniens sous couvert de la guerre de 1948.

En revanche, pour la droite, la création d’un territoire juif «pur» n’a jamais été un principe sacré. Très vite, elle s’est résignée à partager la terre. Vladimir Jabotinsky, père intellectuel du Likoud, a en fait présenté la doctrine du «mur d’acier» qui a été très mal comprise, comme une alternative aux politiques de ségrégation et d’expulsion des sionistes travaillistes. Jabotinsky comptait vivre avec les Palestiniens, mais préférait les faire plier sous une poigne d’acier.

Les successeurs de Jabotinsky se heurtent au même dilemme. La plupart, comme M. Nétanyahou, croient toujours qu’Israël a le temps d’étendre son contrôle en achetant les Palestiniens avec des miettes, en diminuant par exemple le nombre de postes de contrôle ou en leur accordant des incitations économiques mineures. Mais un nombre croissant de dirigeants du Likoud reconnait que les Palestiniens n’accepteront pas ce modèle d’apartheid pour toujours.

Au premier plan, il y a Moshe Arens, ancien ministre de la défense et gourou du Likoud qui a récemment écrit que l’octroi de la citoyenneté à bon nombre de Palestiniens sous occupation «mérite d’être examiné sérieusement». Reuven Rivlin, speaker du Parlement, a concédé que «le moindre mal est un État unique dans lequel tous les citoyens jouissent de droits égaux».

Nous ne devrions pas idéaliser ces convertis du Likoud. Ils ne parlent pas de «l’État de tous les citoyens» exigé par une petite minorité de juifs non sionistes. La plupart exigeraient que les Palestiniens acceptent de vivre dans un État dominé par des juifs. Arens par exemple, veut exclure le million et demi de Palestiniens de Gaza de la citoyenneté afin de maintenir artificiellement dans son État une majorité juive pendant quelques décennies de plus. Personne ne semble envisager le droit au retour des millions de réfugiés palestiniens. Et presque tous compteraient que pour être citoyen, il faudrait attester de sa loyauté ce qui ramènerait les nouveaux citoyens palestiniens aux mêmes rapports à problèmes avec un État juif que ceux que connaît l’actuelle minorité palestinienne à l’intérieur d’Israël.

Néanmoins, la droite montre qu’elle est peut-être plus disposée à redéfinir ses paradigmes que la gauche sioniste. Et en fin de compte, elle infligera peut-être un démenti à Washington en s’avérant plus capable de réaliser la paix que les architectes d’Oslo.


Jonathan Cook
Écrivain et journaliste, basé à Nazareth, Israël.
Membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont été présentés le 4 mars 2009.
27.07.10
Source: info palestine

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