jeudi 22 juillet 2010
Un désastre difficile à mesurer
Trois mois après le début de la marée noire, les scientifiques sont divisés quant à l’ampleur des effets sur l’environnement.
Jusqu’à quel point le golfe du Mexique est-il mort ? C’est sans doute la plus préoccupante des questions relatives à la marée noire causée par BP, mais en dépit de leurs efforts les scientifiques ne semblent pas près d’y répondre. Au cours des trois derniers mois, la zone a été étudiée par une armada de chercheurs. Mais du fait des importantes lacunes qui subsistent dans leurs données, ils brossent des tableaux très variés de la situation. Certains chercheurs considèrent qu’une catastrophe écologique a été évitée, tandis que d’autres estiment que les écosystèmes, déjà menacés avant la marée noire, sont aujourd’hui au point de rupture. Selon Roger Helm, chef de l’équipe scientifique chargée par le ministère de l’Intérieur d’étudier la marée noire, “la disparition des marais est probable, ainsi que d’importants changements dans la chaîne alimentaire”. Au cours des dernières semaines, son pronostic s’est même assombri au vu de la quantité accrue de pétrole qui a atteint les côtes de Louisiane et de Floride.
Les recherches ont été menées hors-champ, alors que l’attention du public était concentrée sur l’“opération à cœur ouvert” pratiquée à la tête de puits de BP. Le patient est une zone maritime de 1,5 million de km², qui comporte des courants tourbillonnants, des marais salants et des canyons sous-marins parcourus par des cachalots. De surcroît, le patient était déjà malade avant le début de la marée noire.
Ces dernières années, sous l’effet de l’érosion, la Louisiane a en effet perdu l’équivalent d’un terrain de football de marécages fertiles toutes les trente-huit minutes. Dans le golfe même, des polluants venant du bassin du Mississippi ont contribué à former une vaste zone morte, c’est-à-dire à très faible teneur en oxygène. Pour évaluer les dégâts causés par la marée noire, il faut donc les distinguer des autres problèmes causés par l’homme [voir CI n° 1018, du 6 mai 2010].
Jusqu’ici, même les tentatives les plus simples pour mesurer l’impact de la marée noire se sont révélées complexes. Le nombre officiel des oiseaux morts est d’environ 1 200, soit bien moins que les quelque 35 000 découverts après la marée noire de l’Exxon Valdez, en 1989. Mais ces chiffres sont contestés: les autorités ne prennent en compte que les oiseaux trouvés, alors que beaucoup de chercheurs pensent qu’un nombre important de volatiles maculés de pétrole se sont réfugiés dans les marécages. D’autres scientifiques se sont concentrés sur des critères plus subjectifs. Ils ne font pas le décompte des morts, mais étudient le comportement de la faune et de la flore, les mouvements de la nappe de pétrole et l’état d’écosystèmes plus vastes. Pour eux, il est encore plus difficile de formuler des réponses claires. “Les herbes des marais, les joncs, les mangroves sont en train de mourir. Ils sont atteints et meurent”, déplore Robert Barham, secrétaire du département de la Faune et de la Pêche de Louisiane.
Scientifiques et chercheurs ne sont pas toujours d’accord non plus sur la présence de nappes de pétrole dissous ou submergé au large des côtes. Plusieurs enseignants ont découvert du pétrole sous l’eau à des dizaines de kilomètres de la marée noire. Il était parfois si dissous que l’eau semblait claire. Ils ont également trouvé des boules de pétrole de la taille d’une balle de golf. Autour de la tête de puits, un scientifique de la Texas A&M University, a découvert des poches d’eau à très faible teneur en oxygène dissous. Ce pourrait être le signe que des bactéries consomment le pétrole de la marée noire, mais aussi que les autres formes de vie maritime vont s’asphyxier dans cette eau.
David A. Fahrenthold
22.07.10
Source: courrier international
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire