mardi 9 mars 2010

Hommage...





Hommage à l'une d'entre elles, après cette Journée dite "de la femme", qui à bien y regarder ressemblerait plutôt à leur déni pendant les 364 jours restant de l'année... (ndlr)





Louise Michel : Un cri sans écho

Cette parole d’Evangile

Qui fait plier les imbéciles
Et qui met dans l’horreur civile
De la noblesse et puis du style

Ce cri qui n’a pas la rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et vous souhaite
Ni Dieu ni maître
.

Léo Ferré

1830. Naissance d’une enfant au patronyme incertain dans le berceau du romantisme, particule manquante, austère féodalité, buisson ardent, natalité buissonnière, châtelaine virtuelle de Vroncourt, princesse vagabonde...il faut bien naitre quelque part.
Servante était sa mère, le saint esprit en goguette, il y eut tout de même le père et le fils...mais
Ni Dieu ni maître !
Heureusement il y eut des grands parents.
La providence grisonnante, ceux qui ne prennent plus la vie au sérieux. Pour l’anarchiste en dentelle de lin qui ne prend pas encore la vie au sérieux.
Grand-papa Demahis a le coeur libéral et l’esprit encyclopédiste. Est-ce la faute à Voltaire, est-ce la faute à Rousseau ? Dans le salon feutré aux rideaux pesants, bercée par le crépitement des flammes, elle écoute le feu de l’âtre. Dans son coeur d’enfant protégée, les flammes de la révolution et des barricades n’entrent point mais s’insinuent sournoisement. Dans le confort de l’enfance se gravent déjà l’inconfort de l’âme. "Les rêveries du promeneur solitaire, les confessions, l’expiation, la nouvelle Eloïse, le contrat social". J.J. Rousseau.
Les sources intérieures de la tragédie, la passion de la justice et de la vérité. Les tourments qui remontent toujours à la cause inconnue, le pêcher originel, l’éternelle culpabilité sans nom.
Ni Dieu ni maitre !
Par la verrière du grand bureau, à l’horizon verdoyant de la plaine qui s’étire, un espace ironique de fausse liberté, Le sourire voltairien. Les paroles caustiques et la vraie curiosité, l’enrichissement de l’esprit.
"Comment concilier l’existence du mal sur terre avec l’existence de Dieu."...plus tard Louise !
"Candide" personnage peu crédible et très crédule, prime passeur pour l’acuité juvénile. Panglos-Cacambo grand papa, précepteur du grand château pour la vie. De la comédie au conte philosophique, Louise fixera la tragédie avec la turbulence d’un humanisme volontariste et révolutionnaire. Le Romantisme en lettre de feu.
Dans l’ombre d’un vieillard à la bonté discrète, feignant d’avoir du bon sens… insolent avec l’Eglise et prudent avec Dieu, gaulois, rusé, ambitieux et moqueur, tel fut Voltaire dans le coeur de l’enfant.
Ni Dieu ni maitre !
La grand maman, le havre de paix, la douce quiétude, dans ses mémoires idylliques, grâce à laquelle un coeur démesuré se donne pleinement. Auprès de cette belle âme de conte de fée, Louise découvrira le chant et le piano...et la maitrise et Dieu partout.
A vingt ans, par gros temps d’infortune, la mort emporte ses grands parents et son papa sans nom, Louise est chassée du château par sa belle mère...et Cendrillon implose.
Ni Dieu ni maitre !
L’auréole du grand papa veille toujours, Candide distille son alchimie. Educatrice et pédagogue avant-gardiste dans l’âme, elle étudiera, et ouvrira son école à Audeloncourt...dans ce pays où tous les noms marquent un terme brutal dans un besoin de raccourcissement annonciateur de je ne sais quel présage...Vroncourt sans doute.
Paris, Montmartre.
La capitale dans son effervescence, grouillante et mutante, les meeting politiques, Théophile Ferré et sa soeur Marie. Le temps des cerises...

...Mais il est bien court le temps des cerises
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles
Cerises d’amour aux robes pareilles
Tombant sous la feuille en gouttes de sang
Mais il est bien court le temps des cerises
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant...


Elle avait le Romantisme conquérant l’amazone ! Le buisson ardent s’embrasait maintenant dans l’anarchie naissante. La fureur anticléricale, antireligieuse et la haine de l’empire...pour faire court.
Napoléon III déclare la guerre aux prussiens, il est défait à Sedan.
Paris assiégé  par les prussiens avec sa troisième république résiste sous l’autorité du maire de Montmartre, G. Clémenceau.
La ville est à feu et à sang, les bourgeois capitulent et tentent de désarmer la ville et le peuple de brailler et d’édifier des barricades, et Louise dans ce tumulte tour à tour soldat et ambulancière, dans l’observance sans faille de ses modèles d’antan...les penseurs de l’ombre, c’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau !
Le gouvernement réfugié à Versailles fait plier Paris, Louise est incarcérée à Satory.
De noir vêtu, épique et sereine, en deuil de ses compagnons et bientôt de Théophile, l’amour de sa vie elle affrontera le conseil de guerre comme une lionne, prenant sur elle tous les crimes de l’humanité, en menant sa propre défense ...comme les femmes le savent faire quand on leur prend leur amant. Son courage et son assurance auront partiellement raison de ces mâles anonymes aux icônes ridicules qui dissimulent leur peur...merci Victor Hugo.
Déportée à la Nouvelle-Calédonie sur la Virginie. Avec de nombreuses camarades elles connaitront la faim et le manque d’hygiène, mais la flamme de la subversion s’activera au contact des tribus canaques. Impuissante, elle assistera à l’écrasement de la révolte.
Cet exil lointain, dans ce corps aux mémoires vives et à l’esprit solaire, marquera le sceau de l’anarchie.
Pus tard, après l’amnistie des condamnés de la commune elle rentre en France, accueillie triomphalement à saint Lazare par des milliers de personnes.
La militante s’investit dans les réunions et meeting politiques, elle prône l’anarchie et visite les prisons dans un jeu du chat et de la souris avec la police et le gouvernement en place. Elle jouit d’une renommée mondiale, modeste récompense.
Elle essuiera un attentat, deux balles dans la tête, s’en remettra. Lasse des calomnies et du manque de liberté elle s’exilera à Londres. Charlotte Vauvelle, issue du milieu anarchiste londonien partagera sa passion.
Entre l’enseignement du Français et ses conférences sulfureuses elle poursuivra sa quête lumineuse.
1905, Marseille son dernier meeting, la mort la prit par la main.

Chassée du paradis de son enfance, pour elle originel,
révolutionnaire anarchiste elle devint.
Sur le sens de sa révolution on s’interrogea,
femme ardente au cri d’amour sans écho,
son puissant souvenir murmure encore... Ni Dieu ni maitre !

Jack Mandon
08.03.10
Source: agoravox

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire