Dans son livre «Ins Herz geschrieben. Das Naturrecht als Fundament einer mensch lichen Gesellschaft» (2010, ISBN 978-3-86744-137-7), le juriste autrichien Wolfgang Waldstein évoque Cicéron qui a écrit en substance ceci: Si la justice signifie obéir aux lois écrites et aux institutions des peuples et si tout doit être mesuré à l’aune de l’utilité, celui qui croit que cela lui apportera un profit s’efforcera de transgresser les limites. Ainsi la justice ne peut être que naturelle et celle qui est établie en fonction des lois de l’utilité sera détruite par cette utilité. Si la nature ne renforce pas le droit, toutes les vertus seront annulées. D’où proviennent la générosité, l’amour de la patrie, la piété, le désir de rendre service à son prochain ou de le remercier? De ce que nous avons un penchant naturel à aimer les humains. Et c’est le fondement du droit.
Cicéron a vécu le déclin et la chute de la République romaine, les troubles de la guerre civile, et finalement il s’est opposé à l’autocratie impériale d’individus qui méprisaient le droit et la loi.
Le monde occidental, l’Europe ne se trouvent-ils pas dans une situation pareille, plus de 2000 ans après? Derrière les formes évidentes de violence et d’exploitation, d’oppression et d’humiliation, de manque de démocratie et d’Etat de droit, de tromperies et de mensonges officiels dont la liste est établie depuis plusieurs années déjà, n’y a-t-il pas une confusion mentale – provoquée délibérément – et un mépris de tout ce qu’est le droit?
Comment réagiront les hommes si la crise politique, économique et sociale du début du XXIè siècle entraîne un effondrement qui touchera tout le monde? Pas seulement dans les pays, surtout du Tiers-monde, qui souffrent de guerres impérialistes et d’exploitation – l’effondrement y a déjà été provoqué
systématiquement autrefois mais il se heurte de plus en plus à une prise de conscience – mais aussi dans les pays occidentaux qui ont joui jusqu’ici d’une assez grande prospérité et d’un espace relativement protégé.
L’histoire ne livre aucune preuve de l’affirmation selon laquelle les hommes deviendraient «raisonnables» et apprennent davantage dans les crises, poussés qu’ils seraient par la détresse. Mais il n’y a pas non plus de loi selon laquelle toute crise grave conduirait à une catastrophe. De quoi dépendra la voie que les hommes vont suivre? Ne dépendra-t-elle pas de la force de la conscience morale des hommes, de leur humanité, de la manière dont ils obéiront à la voix de leur cœur? Mais quand l’homme obéit-il à la voix de son cœur? Cela ne dépend-il pas de la manière dont il a appris à le faire? Il y a déjà plus de 200 ans que les Lumières, l’ère classique et leurs pédagogues ont reconnu que l’homme n’aspirait pas naturellement au beau, au bien, au vrai et à l’épanouissement de son humanité mais qu’il revient à l’éducation et à l’enseignement d’en jeter les fondements – non pas par la contrainte, mais en aidant les individus à en prendre conscience et à se déterminer eux-mêmes.
Mais depuis plusieurs décennies, venant essentiellement du monde anglo-saxon, un style de vie, une mentalité consciente de son potentiel destructeur s’y opposent. On applique les principes de profit et d’utilité et les formes modernes de l’american way of life à tous les domaines de la société. On peut en observer quotidiennement les dégâts.
Mais depuis plusieurs décennies, venant essentiellement du monde anglo-saxon, un style de vie, une mentalité consciente de son potentiel destructeur s’y opposent. On applique les principes de profit et d’utilité et les formes modernes de l’american way of life à tous les domaines de la société. On peut en observer quotidiennement les dégâts.
Personne ne doit oublier que même si ce qui est inscrit dans le cœur de l’homme, ce qui est naturel n’est pas mis en œuvre automatiquement, même si cela a été effacé, l’homme en conserve la capacité.
Quand on demande aujourd’hui aux gens ce qui est important pour eux, leur première réponse consiste souvent à énumérer les caractéristiques de l’american way of life, avec tout ce qu’elles comportent d’absurdités. Mais si l’on creuse la question, on s’aperçoit très rapidement que la plupart des hommes possèdent un sens naturel de l’humain.
Ce qui vaut pour nos enfants et nos jeunes, à savoir que l’éducation doit substituer le sens de l’humain à l’absence de spiritualité inhérente à l’esprit utilitaire, ne vaut pas moins pour les adultes de tous âges. Et la considération des acquis importants de l’humanité montre aussi qu’il y a des valeurs qui engagent tous les hommes et trouvent leur origine dans la voix du cœur: les droits humains, la reconnaissance de la dignité de l’homme, la liberté, l’égalité, la fraternité, le droit à la vie et à l’intégrité corporelle et beaucoup d’autres choses. C’est reconnaître que le droit naturel de chaque individu ne se limite pas à l’esprit de profit et à l’utilitarisme.
Que faire alors? Chacun doit faire en sorte que l’humanité de l’homme s’épanouisse: prendre position quand le droit est bafoué et que la dignité de l’homme est violée; rendre hommage à l’esprit et aux actions humanitaire; propager l’idée de droit, faire en sorte que l’on débatte de nouveau des fondements de la vie en société; promouvoir le beau, le bien et le vrai; prendre au sérieux la notion de prochain.
Ce qui sera déterminant, c’est la mentalité des hommes et les moyens utilisés pour permettre l’épanouissement de l’humanité de l’homme.
Karl Müller
29.03.10
in Horizons et débats n° 12
Edition française du journal Zeit-Fragen - Zurich
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire