vendredi 23 octobre 2009

Blair contesté pour la présidence de l'Europe

L'ancien premier ministre britannique suscite la méfiance des « petits » pays et des autres institutions de l'UE.

La route vers la présidence de l'Europe se complique pour Tony Blair. Il y a quelques semaines encore, il semblait le mieux placé pour le prestigieux poste de président du Conseil européen. Mais, au fur et à mesure que se rapproche l'heure du choix, crispations et jeux de pouvoir font tanguer la perspective de sa nomination.

Les eurodéputés sont montés au créneau mercredi, avec une pétition ostensiblement anti-Blair. Le texte, lancé par cinq parlementaires, déroule une musique connue : il faut une personnalité «avec laquelle les peuples d'Europe puissent s'identifier». Pas sûr qu'avec son atlantisme pro-Bush, son soutien à la guerre en Irak et son pays eurosceptique, Tony Blair renvoie aux Européens une image enthousiasmante. Autres critères avancés : le candidat devrait venir d'un pays appartenant à la zone euro et à l'espace Schengen de libre circulation - ce qui n'est pas le cas de la Grande-Bretagne - et respectant la charte des droits fondamentaux, à laquelle Londres a négocié des dérogations. «Faut-il souligner que ce profil ne correspond absolument pas au candidat préféré de quelques grands pays, à savoir l'ancien premier ministre du Royaume-Uni, Tony Blair ?», s'interrogent les contestataires, emmenés par le socialiste luxembourgeois Robert Goebbels.

Pour que la pétition ait valeur de résolution adoptée par le Parlement, il faudrait qu'elle recueille la signature de la moitié des 736 eurodéputés. On n'en est pas encore là, mais ses arguments pourraient faire mouche.

La faiblesse des autres candidatures

Au début du mois, les pays du Benelux avaient dressé un portrait-robot fort similaire du futur président de l'Europe. Pour eux, le candidat devait «avoir démontré son engagement européen et développé une vision sur l'ensemble des politiques de l'Union». La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg réglaient peut-être là de vieux comptes, comme le fait que Londres ait bloqué l'accession du Belge Guy Verhofstadt à la tête de la Commission en 2004. Mais ils disaient aussi les inquiétudes des «petits» pays de se voir évincés des postes de commande dans le futur paysage européen.

Dans la foulée, le chancelier autrichien a fait part de ses doutes sérieux sur le profil de Blair. Nicolas Sarkozy, jusque-là ardent défenseur du candidat britannique, a soudain semblé plus tiède en jugeant problématique que la Grande-Bretagne ne soit pas dans la zone euro. À Berlin, on garde le silence - mais force est de constater que quatre des cinq initiateurs de la pétition anti-Blair sont allemands… Il n'y a guère que Silvio Berlusconi pour lui garder son soutien, ce qui pourrait être un cadeau empoisonné.

C'est que la nomination du président de l'Europe touche une corde sensible. Instauré par le traité de Lisbonne, qui semble en bonne voie d'être adopté rapidement, après les dernières résistances de l'eurosceptique Vaclav Klaus, le poste a encore des contours flous. Président des travaux du Conseil, quel équilibre trouvera-t-il au sein de la machine européenne ? Visage et voix de l'Europe, empiétera-t-il sur les prérogatives du haut représentant, ce futur «ministre des Affaires étrangères» de l'Union ?

De fait, le premier à occuper le fauteuil de président lui donnera une impulsion décisive. Tony Blair a la stature internationale pour faire le poids face aux interlocuteurs américains, russes ou chinois. Mais avec son carnet d'adresses, son charisme et son aisance face aux médias, certains redoutent qu'il ne fasse de l'ombre aux autres institutions européennes, notamment au président de la Commission, José Manuel Barroso.

Cet épineux dossier sera vraisemblablement évoqué lors du sommet de l'UE des 29 et 30 octobre. La grande chance de Blair est peut-être la faiblesse des autres candidatures. Les noms de Guy Verhofstadt, du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker ou du Finlandais Paavo Lipponen sont régulièrement avancés. À moins que l'Europe ne choisisse une femme, et dans ce cas l'Irlandaise Mary Robinson aurait ses chances. Leur bilan européen est impeccable. Mais il faudrait peut-être une personnalité plus forte pour représenter l'Union européenne et ses 500 millions d'habitants.

Claire Gallen
22.10.09
Source: Le Figaro

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