jeudi 8 octobre 2009

Le jeu du mensonge : comment on nous prépare à une nouvelle guerre d’agression

Dans sa dernière rubrique pour le New Statesman, John Pilger compare l’actuel roulement de tambour annonçant une guerre contre l’Iran, qui s’appuie sur une "menace nucléaire" mensongère, avec l’impression de fausse crise fabriquée de toutes pièces qui a conduit à l’invasion de l’Irak et la mort de 1,3 millions de personnes.

En 2001, l’Observer de Londres publiait une série d’articles qui affirmait que l’Irak était lié à Al-Qaïda, allant jusqu’à décrire la base en Irak où avaient lieu les entraînements des terroristes et l’endroit où était fabriquée la bactérie de la maladie du charbon (anthrax, en anglais, NDT) qui devait servir d’arme de destruction massive (ADM). Tout cela était faux. Fournies par les services secrets américains et les exilés irakiens, les fausses informations véhiculées par les médias US et britanniques ont aidé George Bush et Tony Blair à envahir illégalement l’Irak, provoquant la mort, selon les estimations les plus récentes, de 1,3 millions de personnes.

Il se passe actuellement pratiquement la même chose pour l’Iran : la même orchestration de "révélations" émanant la fois des médias et du gouvernement, la même fabrication d’une impression de crise.

"L’épreuve de force avec l’Iran se précise sur la question d’une centrale nucléaire secrète", titrait le Guardian le 26 septembre.

"Epreuve de force", c’est ça l’idée. Le moment de vérité. Le compte à rebours a commencé. Le bien contre le mal. Ajoutez à cela un nouveau président mielleux qui "a mis un terme aux années Bush".

Ce qui reflète parfaitement cela, c’est la une célèbre du Guardian du 22 mai 2007 : "Le plan secret de l’Iran pour mener une offensive au cours de l’été pour forcer les Etats-Unis à quitter l’Irak".

En se fiant à des déclarations sans preuves du Pentagone, l’auteur, Simon Tisdall, présentait comme un fait établi que l’Iran avait un "plan" pour entrer en guerre et battre les forces armées US avant septembre de cette année-là – un mensonge évident qui n’a jamais fait l’objet d’un démenti.

Le terme officiel pour ce genre de propagande c’est "psy-ops", c’est-à-dire : "opérations psychologiques" dans le jargon de l’armée.

Au Pentagone et à Whitehall (= gouvernement britannique, NDT), c’est devenu un élément essentiel du dispositif diplomatique et militaire mis en place pour imposer le blocus, isoler et affaiblir l’Iran en faisant du matraquage sur "la menace nucléaire" : une expression actuellement constamment employée par Obama et Gordon Brown, et reprise telle quelle par la BBC et les autres médias comme étant une information objective. Alors que c’est entièrement faux.

Le 16 septembre, Newsweek révélait que les principales agences de services secrets US avaient indiqué à la Maison Blanche que le nucléaire iranien n’avait pas changé de statut depuis la parution en novembre 2007 des évaluations officielles du National Intelligence Estimate (services secrets gouvernementaux, NDT), qui affirment "avec un haut degré de certitude" qu’en 2003, Téhéran avait interrompu son supposé programme nucléaire d’armement.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a maintes fois appuyé ces conclusions.

La propagande-en-guise-d’info actuelle, a commencé quand Obama a annoncé que les Etats-Unis détruisaient des missiles stationnés à la frontière russe. Cette annonce permet de détourner l’attention sur le fait qu’en réalité les US installent de plus en plus de missiles en Europe et que les missiles "superflus" sont redéployés sur des navires. Le jeu, c’est de persuader la Russie de rejoindre, ou, du moins, de ne pas faire obstruction, à la campagne US contre l’Iran.

"Le président Bush avait raison", a déclaré Obama, "quand il disait que le programme de missiles balistiques de l’Iran constitue une grave menace [pour l’Europe et les Etats-Unis]." Que l’Iran envisage une attaque suicidaire contre les US est complètement grotesque. La menace, comme toujours, est unilatérale, la superpuissance mondiale s’étant confortablement installée le long de la frontière iranienne.

Le crime de l’Iran, c’est son indépendance. Après avoir renversé le tyran préféré des Etats-Unis, le shah Reza Pahlavi, l’Iran reste le seul état musulman riche en ressources naturelles, qui ne soit pas sous le contrôle des US. Comme seul Israël a le "droit d’exister" au Moyen-Orient, le but des Etats-Unis est de paralyser la République Islamique. Ceci permettra à Israël de diviser et de dominer la région pour le compte de Washington, sans qu’un voisin sûr de lui vienne y faire obstacle. Si un seul pays au monde a été classé "cause urgente" pour développer un outil de dissuasion pour le nucléaire, c’est bien l’Iran.

En tant que l’un des signataires de la première heure du Traité de Non-Prolifération des Armes Nucléaires, l’Iran a toujours été favorable aux zones dénucléarisées au Moyen-Orient. En revanche, Israël a toujours refusé la visite des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et ses usines d’armes nucléaires à Dimona restent un secret de polichinelle. Armé de 200 ogives nucléaires actives, Israël "déplore" les résolutions de l’ONU qui lui demandent de signer le Traité de non-prolifération, de même qu’il a déploré le rapport de l’ONU l’accusant de crimes contre l’humanité à Gaza, de même, également, qu’il détient encore le record mondial des violations des lois internationales. Si Israël peut se permettre cela, c’est grâce aux grandes puissances qui lui garantissent l’immunité.

Le bras de fer d’Obama avec l’Iran a un autre objectif. Des deux côtés de l’Atlantique, les médias ont eu pour tâche de préparer les populations à des guerres sans fin.

D’après la NBC, le commandant de l’US/Otan, le général Stanley McChrystal, affirme qu’il faudra 500.000 soldats en Afghanistan d’ici cinq ans. L’objectif est de contrôler "la valeur stratégique" des gisements de gaz et de pétrole de la Mer Caspienne, l’Asie Centrale, le Golfe et l’Iran – l’Eurasie, en quelque sorte. Mais la guerre est contestée par 69% de la population britannique, par 57% des citoyens aux Etats-Unis et par près d’un être humain sur deux sur toute la planète.

Nous persuader que l’Iran est le nouveau Satan ne va pas être chose facile. L’affirmation fallacieuse de McChrystal que l’Iran serait "en train de former des combattants pour certaines factions de Taliban" est aussi pitoyable que la déclaration pathétique de Brown sur le "trait tiré sur le sable".

Pendant les années Bush, d’après Daniel Ellsberg, le grand dénonciateur, il y a eu un coup d’état aux Etats-Unis, et le Pentagone a pris l’ascendant dans tous les domaines de la politique étrangère US. Pour s’en persuader, il n’y a qu’à voir le nombre de guerres d’agressions qui sont menées simultanément et l’adoption de la doctrine de la première "frappe préventive" qui a abaissé le seuil de l’utilisation des armes nucléaires tout en brouillant la distinction entre armes nucléaires et armes conventionnelles.

Tout cela tourne en ridicule le discours médiatique d’Obama sur un "monde sans armes nucléaires". En fait, c’est lui qui est l’acquisition la plus importante du Pentagone. Qu’il ait accepté l’exigence du Pentagone de conserver dans son gouvernement Robert Gates, le secrétaire à la défense de Bush et va-t-en-guerre notoire, est unique dans l’histoire des Etats-Unis. Celui-ci a montré ce qu’il valait avec l’intensification des guerres depuis l’Asie du Sud jusqu’à la Corne de l’Afrique. Comme l’Amérique de Bush, l’Amérique d’Obama est dirigée par des gens très dangereux.

Nous avons le droit de savoir. Quand donc ceux qui sont payés pour mettre les choses au clair feront-ils leur travail ?

John Pilger
08.10.09

ARTICLE ORIGINAL
http://www.johnpilger.com/page.asp?partid=549
Traduction des Bassines et du Zèle pour le Grand Soir

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