dimanche 28 février 2010

Interview avec Bahar Kimyongur



Eylem Aydemir – De quelle origine êtes-vous ?
Bahar Kimyongur – Mes parents viennent du sud de la Turquie actuelle, d’une province qui fut un Etat plus ou moins indépendant de 1938 à 1939 : la République de Hatay. Ce territoire d’origine syrienne que les historiens appellent le «Sandjak d’Alexandrette», a été annexé par la Turquie en 1939. Le «Liwa Skandaron» comme le nomment les Arabes, a longtemps fait l’objet de discordes entre la Syrie et la Turquie. Mon père est originaire de Samandag tandis que ma mère vient d’un village proche d’Antakya, la fameuse Antioche biblique. A peine 25 km séparent les deux villes. Samandag, qui signifie en turc «montagne de Syméon» en raison de la présence du monastère de Saint-Syméon le Stylite sur le mont qui surplombe la ville, est un bastion de gauche. Elle est même surnommée «la petite Moscou» depuis les années 70. Samandag est actuellement dirigée par un maire du parti ÖDP (Parti de la Liberté et de la Solidarité), une formation réformiste issue d’une organisation révolutionnaire dont la matrice politique est identique à celle de l’actuel DHKP-C. A Samandag, le socialisme révolutionnaire fait partie du folklore local. Les chansons militantes y résonnent partout : dans les tribunes des salles de sport, dans les cafétérias de la plage, dans nos veillées à la belle étoile et même durant les fêtes de mariage.
Cette ville comprend une grande diversité de cultures et de religions : essentiellement des Arabes chrétiens orthodoxes, des Arabes alaouites, des Arméniens et des Turkmènes. A Antakya, il y a même une communauté juive, des Arabes catholiques, des Circassiens, des Ouzbeks afghans et des Kurdes.
Je suis moi-même d’origine arabe alaouite. Les Alaouites appelés également «Nossayris» forment une subdivision de l’Islam d’inspiration chiite mais dont la théologie est moins contraignante et plus libérale. Cette souplesse au niveau culturel et rituel a fait que la population alaouite est considérée comme plus ouverte sur le monde et sur l’autre. On retrouve sur son calendrier liturgique des fêtes reprises par d’autres religions, notamment chrétienne.
Je dois sans doute ma conception progressiste et altruiste de la politique à mes origines multiples et à l’environnement multiculturel et multiconfessionnel dans lequel je baigne depuis mon enfance.

Vu que vous êtes né en Belgique, peut-on affirmer que vous connaissez aussi la culture européenne en plus de vos cultures d’origine ?
En effet, je suis Bruxellois, francophone, parfois néerlandophone quand mes interlocuteurs ne me laissent pas le choix, de culture arabe et turque. Un parfait "zinneke" en somme. Le chocolat, les trappistes, les carbonnades flamandes, les BD et les chansons de Brel ne me laissent pas indifférents. Je suis également fasciné par l’œuvre de Breughel l’Ancien, par celle de Masereel et de Magritte, par le combat des comtes d’Egmont et de Hornes, par celui du prêtre-ouvrier Daens et par celui du communiste Julien Lahaut. En même temps, je ne me sens pas plus Européen qu’Inuit, Papou, Mapuche ou Malgache. Je me revendique de toutes les cultures et de tous les combats qui contribuent au progrès social et à l’enrichissement moral du genre humain.

Avez-vous connu votre région d’origine ?
Je l’ai connue pour m’y être rendu plus de vingt fois, pour m’être imprégné de son histoire, de son identité plurielle et de ses traditions. Dès l’enfance, j’étais dévoré par l'envie de connaître mon passé, mes origines. Je concevais mes voyages dans la région d’Antioche comme des expéditions, des chasses aux trésors. Avec mes amis, on aimait marcher vers l’inconnu, escalader des pentes escarpées, remonter les rivières, s’engouffrer dans les grottes et les forêts tout en fredonnant des chansons révolutionnaires. Il nous arrivait de bivouaquer dans les sanctuaires alaouites, les «ziyaras», perdus dans les montagnes. On recréait le monde en dormant à la belle étoile. C’était une manière ludique et enfantine de prendre le maquis. Parfois, nous nous amusions à creuser la terre et découvrions des tessons de poterie, des ossements humains, des pièces de monnaie, des morceaux de statuettes et des lampes à huile d’époque romaine et byzantine. A 15 ans, j’étais devenu un pilleur de tombes ! Je l’ai amèrement regretté lorsque je sus ce qu’était réellement l’archéologie au cours de mes études universitaires.

Pouvons-nous dire que c’est votre intérêt pour vos origines qui vous a poussé à étudier l’histoire de l’art et l’archéologie ?
Absolument. Mes origines s’érigeaient sur un héritage culturel qui a été successivement amorrite, assyrien, hittite, hellénistique, romain, byzantin, arabe, croisé, mamelouk, seldjoukide et ottoman. A Antioche, il y a l’église de Saint-Pierre qui est la première église du monde. Le mot «chrétien» est d’ailleurs apparu pour la première fois à Antioche. Même la mosquée principale de la ville porte le nom d’un martyr du début de l’ère chrétienne : Habib El-Nejjar, «Habib le charpentier». Et le seul village arménien de toute la Turquie, le village de Vakifli est perché sur les hauteurs de Samandag. Cette richesse culturelle et religieuse m’a incité à en connaître plus sur la région. Non seulement je me suis intéressé à l’histoire antique mais aussi à l’histoire récente de cette région et de ses peuples que le régime d’Ankara tente depuis toujours d’effacer par le nettoyage ethnique et l’assimilation.

Avez-vous été actif dans certains mouvements pendant vos années d’études ?
Oui, bien sûr. J’ai d’abord été actif dans un mouvement étudiant communiste belge lié au Parti du Travail de Belgique. Cet engagement m’a permis de m’investir dans de nombreuses luttes sociales, à l’université mais aussi au sein de la classe ouvrière. Pendant et après mes études, j’ai surtout été marqué par le combat héroïque et digne des travailleurs des Forges de Clabecq. Avant cela, j’ai adhéré pendant mes études secondaires au groupe Amnesty de mon école. On organisait alors des campagnes de soutien aux prisonniers politiques, y compris pour les détenus incarcérés en Chine et en URSS. A vrai dire, j’ai commencé à m’intéresser aux problématiques liées à la démocratie, à la liberté d’expression dès mon plus jeune âge. Mais ce n’est que lors de mes années d’études universitaires que j’ai pu prendre connaissance de la réalité politique en Turquie et m’engager de manière conséquente. Entre-temps, mes amis d’enfance de Samandag avaient massivement adhéré aux mouvements de la gauche révolutionnaire. J’ai retrouvé certains d’entre eux à Izmir. Ils m’emmenèrent à des meetings politiques interdits. J’ai été témoin d’une répression politique bestiale. C’était l’époque où a eu lieu le massacre d’intellectuels à Sivas en 1993 suite à la provocation des mouvements fascistes et islamistes. Tout cela a aussi contribué à ce que je m’intéresse plus à la contestation et donc surtout à la gauche radicale. Dans un premier temps, j’étais intéressé par l’histoire avec un grand «H» et plus tard, avec l’évolution politique de mes amis d’enfance, je me suis intéressé aux mouvements auxquels ils sympathisaient. Il y avait là un phénomène de mimétisme dans le sens positif du terme.

Actuellement, êtes-vous membre, militant ou sympathisant du DHKP-C ?
Je n’en suis pas membre et encore moins militant. Parce que mon mode de vie ne correspond pas à celui d’un révolutionnaire. Pour faire partie du DHKP-C, il faut mener une existence de Spartiate, vivre dans l’ascétisme absolu, la privation, sacrifier quasi chaque instant de sa vie pour la révolution, pour le bonheur des autres. Malgré les apparences, je ne suis qu’un simple sympathisant de ce mouvement. Je n’en nourris pas moins un respect sans faille pour ces militants pétris d’idéaux, immensément généreux et dotés d’un sens moral élevé. Les militants du DHKP-C sont véritablement l’incarnation de «l’homme nouveau» dont parle Che Guevara. Et s’ils sont ainsi, c’est parce que leur combat se dirige avant tout contre eux-mêmes, contre cet «ennemi intérieur» qui habite chacun d’entre nous et qui nous rend égoïste, cupide et mesquin.

Depuis le décès du leader Dursun Karatas, y a-t-il eu des tiraillements au sein du DHKP-C?
Le DHKP-C n’étant pas, à l’instar des partis bourgeois, un parti où l’on peut faire carrière, les militants de ce mouvement n'ont aucune raison de se disputer la place du leader. A mon avis, il n’y a rien de plus ingrat et de plus dangereux que de diriger un tel parti puisqu’on est condamné à vivre dans la clandestinité, on risque à tout moment d’être abattu par des agents de l’Etat turc. Les leaders d’un tel mouvement n’ont pas de hobbies, pas de vacances, pas d’intimité, pas de vie privée, pas de contacts avec leur famille, leurs amis…

Pensez-vous qu’il y a encore beaucoup d’efforts à investir pour qu’une Turquie démocratique voie le jour?
La tâche est extrêmement difficile et je crains que cela passe par des méthodes radicales en raison de la violence des élites militaires d’une part et celle de l’Etat policier qui, aujourd’hui, est aux mains du gouvernement ultralibéral de l’AKP. L’oligarchie militaire nous a en quelque sorte habitués à sa terreur avec les nombreux coups d’Etat qu’elle a à son actif depuis 1960. Mais il ne faut pas sous-estimer le terrorisme d’Etat du gouvernement ultralibéral de l’AKP. Appuyé par la confrérie religieuse tentaculaire des «Nurcu» dont le chef suprême est le prédicateur Fetullah Gülen exilé aux Etats-Unis, l’AKP est parvenu à conquérir de nombreuses institutions et notamment la police qui est sans pitié à l’égard des mouvements progressistes.
Oui, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir surtout en cette période où la population est poussée à prendre part à une querelle de palais dans laquelle elle n’a aucun intérêt. Les deux pôles politiques qui s’affrontent actuellement dans un conflit que l’on présente fallacieusement comme un bras de fer entre des «forces civiles de tendance islamiste» et «des généraux laïques», s’entendent comme larrons en foire quand il s’agit de s’opposer au mouvement social.

Quel a été le fait déclencheur de l’affaire DHKP-C ?
Au départ, il y eut une perquisition dans un appartement à Knokke le 26 septembre 1999. A l’époque, personne n’était vraiment intéressé par cette affaire. Mais un jour, on découvrit que la femme arrêtée durant la perquisition était en fait Fehriye Erdal. L’affaire prit dès lors une dimension nouvelle et un véritable bras de fer s’engagea entre les autorités belges et les turques.

Est-ce qu’on peut dire que l’affaire DHKP-C, c’est l’affaire Sabanci comme le font croire les médias turques?
Pas du tout. Fehriye Erdal est certes l’une des inculpés dans l’affaire DHKP-C en Belgique. Fehriye Erdal est certes citée dans l’affaire Sabanci, c’est-à-dire accusée d’avoir participé à l’attentat du janvier 1996. Mais l’affaire Sabanci n’a rien avoir ici. Ce dossier ne couvre que les délits prétendument commis en Belgique par les 11 inculpés de ce procès. Et contrairement à ce qu’affirment les autorités turques, dans ce dossier, l’Etat belge n’a fait preuve d’aucune clémence. Au contraire, les condamnations pour détention d’armes et de faux papiers ont été extrêmement lourdes puisque les juges ont fait usage de la loi sur les associations de malfaiteurs, accusation que les inculpés récusent parce qu’ils ne se considèrent pas comme tels. Si les condamnations effectives sont légères, c’est en raison de l’acharnement du Parquet fédéral qui a voulu taper fort en gonflant le dossier, en se livrant à un procès politique et en manipulant la constitution des tribunaux, créant de fait des tribunaux d’exception. Au bout de 11 ans, ses manœuvres se sont retournées contre lui. Mais soyez-en sûrs: le Parquet fédéral prépare sa revanche. Il s’apprête en effet à traiter l’affaire Sabanci en Belgique et va tout faire pour condamner lourdement Fehriye Erdal.

Est-ce que les agissements du Procureur ont fait l’objet de contestations en Belgique? Y a-t-il au des gens qui ont perdu confiance en la justice belge, pensant que celle-ci a libéré des prétendus «terroristes» ?
Au sein de l’opinion publique belge, de nombreuses personnalités sont montées au créneau pour dénoncer le coup d’Etat que le Parquet fédéral a tenté de faire dans l’appareil judiciaire à travers le procès DHKP-C. Le Comité pour la liberté d’expression et d’association (CLEA) est né de cette volonté de contrecarrer les desseins liberticides du procureur fédéral. Nous nous souviendrons aussi que de nombreux mouvements associatifs et syndicaux comme la Ligue des droits de l’homme, la FGTB et Greenpeace et autant de professeurs, de journalistes et d’élus politiques ont exprimé leur inquiétude à propos de la loi antiterroriste de 2004 et de son usage dans le cadre de l’affaire DHKP-C.
Mais une autre partie de l’opinion publique, plutôt conservatrice, frileuse et xénophobe, a considéré que la justice a fait preuve de souplesse à l’égard des inculpés. Ceux qui pensent ainsi ignorent que les inculpés de cette affaire ont été victimes de tortures mentales, que certains d’entre eux ont été confinés pendant 20 mois dans un isolement total. Je parle de Musa Asoglu et Kaya Saz. Fehriye Erdal a fait un an de prison et a donc déjà accompli une partie de sa peine puisque du 26 septembre 1999 jusqu’en août 2000 elle était détenue à la prison de Bruges. Ensuite, elle a été assignée à résidence jusqu’au jour où elle a décidé de se soustraire à la justice, ce qui équivaut tout de même à près de 6 ans de vie recluse dans un espace de vie extrêmement réduit. Il n’y a jamais eu la moindre mansuétude de la part des autorités belges à l’égard des inculpés du DHKP-C puisque les inculpés ont payé très cher le prix de leurs idées et de leurs engagements. En revanche, les militants d’extrême droite, Néo-nazis ou Loups Gris turcs, qui sont arrêtés avec des armes sont généralement condamnés à des peines légères et ne sont jamais condamnés en tant que malfaiteurs, criminels ou terroristes. Par exemple, Yalçin Özbey, un des complices de Mehmet Ali Agca, le fasciste qui tira sur le pape Jean-Paul II, vit depuis des années en Belgique et n’a jamais été inculpé alors qu’il est coresponsable de l’assassinat du journaliste Abdi Ipekçi. L’Etat turc n’a d’ailleurs jamais demandé l’extradition d’Özbey. En revanche, Fehriye Erdal est traquée sans relâche, notamment par des tueurs à gage et des maffieux à la solde de l’Etat turc.

Dans le cadre de l’affaire DHKP-C, vous avez été plus médiatisé que les autres inculpés. Est-ce que cette médiatisation vous a gêné ?
J’aurai préféré rester dans l’anonymat. Mais quand on s’oppose à un pouvoir aussi brutal que celui de l’Etat turc, on s’expose fatalement. Il est en effet difficile d’échapper à la machine de propagande calomnieuse et aux appels au lynchage du régime d’Ankara. Avec l’entame du procès, la presse belge s’est penchée sur notre procès et ses enjeux. Hormis quelques exceptions, la presse belge s’est voulue moins vicieuse et plus objective. Dès lors, je puis affirmer que la médiatisation de notre affaire a été nécessaire pour mettre en lumière les manipulations du Parquet fédéral qui se faisaient au nom et à l'insu de la population belge.

Y a-t-il eu des médias belges qui ont fait preuve de malveillance ?
Oui. Je me rappelle que le Standaard avait écrit que mon mariage avait été arrangé par le DHKP-C parce qu’il lui fallait, en cas de besoin, disposer d'un sosie de Fehriye Erdal et que ma femme convenait bien pour ce rôle. Pourtant, ma femme ne ressemble pas du tout à Fehriye. Il y a eu d’autres choses terribles qui ont été dites à l’égard de mes co-inculpés. Mais heureusement, la plupart des journalistes belges n’ont pas mangé de ce pain-là et ont préféré gardé leur intégrité.

Avez-vous déjà connu une pression ou une poursuite de la part des autorités belges ?
Une pression, oui. Je suis resté en prison aux Pays-Bas et j’ai appris après ma libération que cette incarcération était le résultat d’une opération illégale ourdie par le procureur fédéral qui s’occupait également du dossier DHKP-C en Belgique. Comme tout militant de gauche, je savais que j’étais exposé à l’appareil d’Etat et à la police. C’est logique : on se bat contre les agissements antidémocratiques de cet Etat bourgeois en espérant qu’il sera un jour remplacé par un Etat qui protège les travailleurs. J’ignorais cependant que l’Etat belge pousserait le vice jusqu’à tenter de me liquider en me livrant aux autorités turques. Je ne m’attendais pas à tant de lâcheté.

Cette pression continue-t-elle depuis que la justice belge a prononcé votre acquittement ?
Je suis toujours sous surveillance policière. C’est ce qui apparaît notamment dans le dossier de naturalisation de mon épouse. On y trouve des comptes rendus concernant mes déplacements, y compris lorsque je vais voir la famille. Mais je ne me sens pas pour autant soumis à une pression. J’ai appris au fil du temps à vivre avec les micros de Big Brother. Je sais que certaines personnes attendent la moindre occasion pour me faire du tort, notamment via Interpol où je suis encore signalé. Mon épouse vit en Belgique depuis dix ans et en Europe depuis 20 ans. Pourtant elle ne peut toujours pas bénéficier de la nationalité belge. Elle est donc plus en danger que moi car si son nom figure dans les listes d’Interpol, chose que l’on ne peut savoir que lors d’une interpellation policière, elle pourrait être extradée vers la Turquie même à partir de la Belgique.

Avez-vous déjà été menacé ?
Je me suis retrouvé, dans ma vie militante, face à des ennemis politiques qui étaient très dangereux. Mais sérieusement, la plupart des réactions que je reçois sont extrêmement positives. Dans la rue, les gens qui me reconnaissent me félicitent et m’encouragent. Finalement, je puis dire que toute cette affaire aura été extrêmement contreproductive pour l’Etat belge qui s’est véritablement ridiculisé mais dont l’honneur a in fine été sauvé par les juges de la Cour d’appel de Bruxelles.

Vous avez dit que vous étiez fichés sur les listes d’Interpol. Est-ce que cela signifie que vous êtes recherché par les services secrets turcs ?
En fait, lorsqu’une personne est reprise dans la liste d’Interpol, c’est qu’un Etat a émis un mandat d’arrêt contre elle. Dans nom cas, c’est le régime d’Ankara qui a émis un mandat d’arrêt international pour me mettre à disposition de la justice turque. En tant que Belge, je suis protégé par ma nationalité et donc, je ne puis être extradé vers la Turquie tant que je suis sur le territoire belge. Par contre, si je quitte la Belgique, je suis exposé à ce mandat d’arrêt. Pour pouvoir être retiré de cette liste, il faudrait que l’Etat turc cesse ses poursuites. Autant dire que je resterai fiché à vie. Mais ce n’est pas parce qu’on figure sur la liste Interpol que des agents en imperméable attendent dans une voiture banalisée devant chez moi. C’est un simple signalement qui ne peut s’activer que si l’on est soumis à un contrôle policier. C’est souvent par hasard que tel ou tel opposant politique apprend qu’il est recherché par tel ou tel pays.
Cela dit, Interpol est une organisation policière extrêmement opaque. On ignore son mode de fonctionnement. Moi-même, malgré mes multiples démarches, je ne suis jamais parvenu à obtenir des informations concernant mon signalement.

Pour quelles raisons Ankara voudrait vous arrêter ?
C’est essentiellement pour avoir chahuté le ministre des affaires étrangères Ismail Cem en novembre 2000 dans l’enceinte du Parlement européen. C’est aussi en raison de mon activité au sein du bureau d’information du DHKP-C à Bruxelles, pour avoir participé en 1999 à la campagne de libération d’un prisonnier politique turc incarcéré en Allemagne et pour ma présence au procès de Fehriye Erdal en Belgique. Or, si tous ces motifs sont absurdes, le dernier l’est encore plus étant donné que l’Etat turc me reproche d’avoir assisté à un procès dans lequel je suis moi-même inculpé. Mais maintenant que les Pays-Bas m’ont acquitté et que la justice belge m’a innocenté, je vois mal comment un autre Etat européen pourrait répondre favorablement à cette demande d’extradition turque et se rendre complice d’un tel acte terroriste.

Eylem Aydemir (Librenews)
26.02.10

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