vendredi 5 février 2010

L’affaire «Luk Vervaet», professeur de néerlandais interdit de prison pour «raison d’Etat», rejugée en appel.



La 21ème chambre de la Cour d’appel de Bruxelles, siégeant en référé, a rendu ce 27 janvier 2010 un arrêt qui fera date, dans l’affaire qui oppose Monsieur Luk Vervaet à l’Etat belge.

Pour rappel, cet enseignant au comportement exemplaire et très apprécié dans son milieu professionnel avait été, soudainement, interdit d’entrée dans les établissements pénitentiaires belges pour «raisons de sécurité» - sans autre précision - alors qu’il travaille en tant qu’enseignant en prison au sein d’une ASBL depuis de nombreuses années.

En première instance, le Tribunal siégeant en référé s’était déclaré incompétent.
La Cour d’appel de Bruxelles, dans son arrêt du 27 janvier 2010, a réformé la décision du Tribunal en exposant que «l’existence d’une compétence discrétionnaire dans le chef d’une autorité administrative n’exclut pas nécessairement celle d’un droit subjectif dans le chef des administrés, tel le droit d’obtenir le respect de l’obligation légale de motivation formelle de tout acte administratif à portée individuelle, du principe général de bonne administration ou encore du droit de ne pas être privé injustement des conditions indispensables à l’exercice de son travail.»

Par ailleurs, la Cour d’appel a condamné l’attitude du Ministre de la Justice. En effet, aucune opportunité n’a jamais été donnée à Monsieur Vervaet de comprendre les raisons de son éviction et d’être entendu quant aux – éventuels – griefs qui existeraient contre lui.

Consacrant pour la première fois dans l’histoire judiciaire belge le droit à ne pas être privé injustement de son travail, la Cour affirme qu’«il n’est pas douteux (…) que l’intimé [le Ministre de la Justice ] aurait dû, avant de retirer l’autorisation litigieuse, entendre préalablement l’appelant sur la décision qu’il projetait d’adopter, pour lui permettre d’exposer pourquoi la mesure envisagée ne saurait se justifier du point de vue de l’intérêt du service, dès lors que, manifestement, la décision est fondée, à tout le moins en partie, sur le comportement personnel de l’appelant et qu’elle risquait de priver l’appelant de son travail».

Par cet arrêt, la Cour d’Appel de Bruxelles rappelle que l’Etat de droit ne s’arrête pas aux portes des prisons. Le Ministre de la Justice , en exerçant son pouvoir dans le cadre de la politique pénitentiaire, est tenu de respecter le droit des travailleurs : le droit d’obtenir le respect de l’obligation légale de motivation formelle de tout acte administratif, le droit de ne pas être privé injustement des conditions indispensables à l’exercice de son travail et l’obligation pour le SPF Justice de respecter le principe général de bonne administration.

La balle est maintenant dans le camp de l’employeur de Monsieur Luk Vervaet. L’association qui l’emploie devrait maintenant, selon l’arrêt, réintroduire une demande d’accès aux prisons afin que le contrat de travail puisse être exécuté normalement.

Christophe Marchand
Avocat Spécialisé en Droit Pénal
03.20.10

Pour rappel : ce samedi 06.02 vous pouvez rencontrer Luk Vervaet et bien d'autres, au Salon SolidaiR : pour plus de détails> voir notre Agenda ci-contre.

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