mardi 16 février 2010

Par où commencer ?


La question peut paraître ridiculement anodine, voire inessentielle, pourtant c’est bien la question qui se pose aujourd’hui devant l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons. Devant l’ampleur de la tâche : changer de système et, la puissance et la complexité de celui qui est en place,… tout citoyen qui réfléchit un minimum, est pris de vertige et sombre souvent dans le fatalisme et l’abattement politique.

Il est vrai, qu’au regard de la durée d’une vie humaine, la tâche apparaît insurmontable,… et, ne nous faisons pas d’illusions, elle l’est. En effet, chacun apporte sa pièce à l’édifice, mais rares sont celles et ceux qui, ayant apporté leur pierre, verront le monument édifié. Le temps de l’Histoire n’est pas le temps d’une vie humaine.

Le retour à l'Histoire
Contrairement aux apparences et aux visions que donne généralement l’enseignement de l’Histoire,… les changements ne se font pas spontanément. Les évènements historiques ne sont jamais d’une génération spontanée. Ceux qui l’ont cru, au 20è siècle l’ont payé très cher… Et on continue à le payer cher par une dérive politique qui nous conduit à la catastrophe. Même flanquée du terme «scientifique», cette vision de l’Histoire, qui fait croire que «les choses doivent se passer comme ça», conduit au désastre. Avec le recul du temps, rien, absolument rien, au 20è siècle ne s’est passé comme cela avait été prévu. Il y a donc là matière à réflexion et à révision d’un dogme, même si ses adeptes refusent ce qualificatif.

Disons le clairement : il n’est pas de textes sacrés, seuls les faits tranchent,… et encore faut-il avoir le courage de le reconnaître et ne pas s’accrocher désespérément à de vieux grimoires. Cette vision qui se voulait scientifique a induit, dans la méthode de l’action politique, une vision totalisante des faits, des évènements, des stratégies et tactiques à mettre en place.
Cette vision totalisante,… et finalement totalitaire du changement global, spontané,… la Révolution, doit nous faire réfléchir. Elle a coûté très cher à des générations de militants, et même de non militants, elle nous a plongé dans le doute et l’impuissance politique. Le retour à l’Histoire, à la compréhension de sa logique, de sa dynamique, des mécanismes des changements sociaux, est indispensable. Aucune organisation politique ne fait ce travail. Soit elle s’en fout, elle gère le système en place, soit elle est sûre de détenir la vérité, pardon, sa vérité, et continue à reproduire les mêmes erreurs.

L'essentiel et l'accessoire
L’expression de l’utopie est accessoire si elle ne se fonde pas sur une pratique. Ne s’en tenir qu’à un discours, aussi séduisant soit-il, s’il peut apporter un plaisir à l’esprit, en fondant des espoirs, n’en demeure pas moins un vœu pieux. Les illusions et désillusions du passé devraient nous en avoir vacciné. La pensée utopique devient finalement un accessoire pour le rêve. Ne dit-on pas d’ailleurs, fort justement, mais sans imaginer le cynisme d’une telle déclaration, qu’il faut pour un politiciens ou un parti, «savoir faire rêver le citoyen». Discours politiques, tracts, affiches, manifestations, meetings-messes,… ne sont ils pas autre chose que des «machines à rêve»… Et l’on se moque des pratiques sectaires !

Pensez vous honnêtement que c’est un savant dosage dans des listes électorales qui va débloquer la situation, nous sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes ? Ou la présence de tel ou tel, homme ou femme providentiel/le, à la candidature de... qui va changer quelque chose à la société ?

Alors ?
Alors commençons par l’essentiel ! Mais savons nous encore, aujourd’hui, où est l’essentiel ? Le spectacle de la politique, savamment entretenu par les médias, nous a rendu accros aux sensations fortes de la comédie du pouvoir et ne nous laisse comme seul «échappatoire»,… que l’élection dont on sait, par expérience, ce qu’elle vaut.

Revenons aux fondamentaux !
Industriels, agriculteurs productivistes sont en train, depuis des années, de nous empoisonner avec la complicité des politiciens. La première réaction saine, relativement facile et à la portée de tous - suivant des modalités différentes - est de modifier sa manière d’acheter, de consommer, d’envisager les relations avec les producteurs. Relocaliser la production agricole est tout à fait faisable,… et a déjà commencé. Mettre en place des circuits alternatifs aux absurdes circuits mondialisés. Pratique locale, peu spectaculaire, encore minoritaire, elle est méprisée par les politiciens et ignorée des médias. Elle est, dans le meilleur des cas, considérée comme folklorique, «bobo» ou réservée aux ruraux… En aucun cas jugée digne d’intérêt par les faiseurs d’opinion médiatico-professionnels, beaucoup plus intéressés par leur propre image et les privilèges liés à leur pouvoir.

Bien sûr les pseudo théoriciens politiques - penseurs ratés, gratte papier complaisants, exhibitionnistes médiatiques, mais profiteurs et affabulateurs aguerris - vont railler la démarche, en nous noyant sous des concepts éculés et des pratiques dérisoires et défaitistes - ceux là même qui font que nous sommes aujourd’hui dans la situation déplorable qu’il est inutile de développer. Prendre une initiative citoyenne ce n’est pas obéir aux injonctions d’un pouvoir décadent, et en partie corrompu, à la solde de profiteurs qui se gavent des richesses produites par la société.

Créons, développons, fédérons les initiatives où nous le pouvons, avec celles et ceux motivé/es. Nous n’aurons pas tout, tout de suite, mais nous pouvons «enfoncer des coins» dans le système. Nous ne pouvons pas le vaincre spontanément et globalement, mais nous pouvons faire en sorte de le décomposer, de le rendre obsolète aux yeux de celles et ceux qui y croient encore. Et de jeter les bases de ce que sera le monde que nous voulons.

Nous ne convaincrons pas par des mots, mais par des actes. Par des actes qui concernent la vie du quotidien et qui créent réellement, et non théoriquement, des solidarités, creusets de nouveaux rapports sociaux. De cela, toutes et tous, à notre niveau, nous en sommes capables. C’est d’ailleurs cela être citoyen/ne et non attendre que des démagogues réalisent des promesses dont on sait qu’elles ne seront pas tenues.

Cette pratique peut s’exercer dans tous les domaines, encore faut-il en avoir la volonté et l’imagination… même dans les luttes lorsque, les salariés reprennent - ou devraient - en main l’activité de leur entreprise en voie de liquidation, par exemple. Ce n’est qu’à cette condition que nous avons des chances d’enclencher un réel changement… pas en attendant que des professionnels du discours apportent des solutions dont ils se foutent complètement.

L’avenir n’est pas bouché, nous ne manquons pas de perspectives, nous ne manquons pas de moyens,… encore faut-il se dégager de cette gangue, cette crasse idéologique qui fait de nous des citoyens dégénérés,… soit des sujets obéissants, soit des militants fidèles à des «églises» qui ont fait faillite.

Patrick Mignard
Février 2010

Source: altermonde-sans-frontières

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