dimanche 29 août 2010

L’hypocrisie sans frein de Paris et de Bruxelles

  
Le rapatriement "humanitaire" de plusieurs centaines de Roms de France vers la Roumanie et la Bulgarie est cynique et démagogique, estime l’éditorialiste bulgare Svetoslav Terziev. Et surtout, il ne résout pas le problème de leur intégration.


D’ici trois mois la France a promis de démanteler la moitié des campements illégaux de Roms sur son territoire et de renvoyer leurs habitants en Roumanie et en Bulgarie. Par solidarité entre pays francophones [la Roumanie et la Bulgarie appartiennent à l’Organisation internationale de la francophonie], Bucarest et Sofia se sont engagés à accueillir les Roms chassés de France et même à envoyer des policiers locaux pour prêter main-forte à leurs collègues français. Pour cette opération, Paris a reçu le feu vert de la Commission européenne, qui n’a rien trouvé à redire.

Bref, tout est prêt pour qu’ait lieu en Europe la première et la plus massive déportation officielle de Roms depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Parce qu’il s’agit de milliers de personnes. Avec quel résultat? Les Roms roumains et bulgares vont rentrer chez eux et, après avoir passé un peu de temps avec leurs proches, ils remettront les gaz à destination de la France. Pourquoi? Parce qu’ils connaissent déjà le chemin et qu’ils sont certains d’y trouver de meilleures conditions de vie que dans les deux pays les plus pauvres de l’Union européenne.



Bulgarie et Roumanie, des coupables faciles
Les Roms sont des nomades par nature et ils s’adaptent difficilement à notre mode de vie. Très peu d’entre eux se sont habitués à une vie sédentaire. Les autres continuent le voyage commencé il y a plus de cinq siècles par leurs ancêtres indiens, qui visiblement n’est toujours pas arrivé à son terme. Leur concentration dans les Balkans est due à deux raisons: aux Ottomans, qui leur ont ouvert le chemin jusque-là, et au communisme, qui, en érigeant le Rideau de fer, a contenu leur migration vers l’ouest du continent. Les pays occidentaux, et notamment la France, y ont contribué aussi en persécutant sans relâche les Roms depuis le XVIIè siècle – des persécutions qui ont connu leur apogée pendant le nazisme.

Les insinuations accusant la Bulgarie et la Roumanie de pratiquer la ségrégation et d’avoir ainsi poussé les Roms à partir sont indignes, car ces deux Etats, historiquement parlant, leur ont plutôt servi de refuge face à l’hostilité générale du reste de l’Europe. La Bulgarie et la Roumanie ne peuvent pas non plus être accusées de faire exprès d’être pauvres pour mieux se débarrasser de leur population rom. L’Europe ne trouvera pas une solution à ce problème par l’hypocrisie. En brandissant le drapeau des Droits de l’homme, elle accuse aujourd’hui Bucarest et Sofia de ne pas faire suffisamment pour intégrer les Roms. Dans le même temps, les autorités italiennes et françaises affirment qu’elles ne chassent pas les Roms de leur territoire par intolérance mais uniquement parce qu’elles ne souhaitent pas que des étrangers violent leurs lois.



Une solution policière qui ne règle rien
Visiblement, on cherche une solution policière à la question que posent les Roms en les expulsant vers des pays-ghettos qui n’ont, de surcroît, aucun droit ni moyen de les retenir chez eux. Le protocole n° 4 à la Convention européenne des Droits de l’homme et les Conventions européennes sur la liberté de circulation stipulent clairement que chaque citoyen de l’UE a le droit de quitter son pays et de voyager librement sur le sol européen. Oui, la Bulgarie et la Roumanie pourraient retenir les Roms, mais pour cela il faudrait que ces deux pays rétablissent les lois de l’époque communiste qui prévoyaient, entre autres, des “visas de sortie” pour tout citoyen voulant quitter le territoire national.

La France connaît, d’ailleurs, la solution à ce problème: c’est le statut de “gens du voyage”, une solution qu’elle applique sur le plan national. Mais aura-t-elle le courage de le proposer sur le plan européen? Paris oblige, effectivement, toutes les communes de plus de 5 000 habitants à aménager des terrains, avec eau courante et électricité, pour accueillir les gens du voyage. Ainsi le nomadisme devient plus civilisé et prend des allures de camping. Plutôt que d’investir dans des ghettos modernes en Roumanie et en Bulgarie, c’est ce que devrait faire l’Union européenne: aménager des endroits un peu partout en Europe pour ces Roms qui préfèrent vivre en perpétuant la tradition du voyage. Parce que les Roms sont européens depuis des siècles et qu’il n’y a aucun raison qu’ils retournent en Asie.

Svetoslav Terziev
26.08.10
Source: presseurope

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