mardi 10 août 2010
Nous sommes les seuls à avoir le droit...
Après l’affrontement de ce mardi 3 août à la frontière, Israël continuera à faire fi de la FINUL et de l’armée libanaise. Ces salauds de Libanais ont changé les règles. C’est scandaleux. Il paraît qu’ils ont un commandant de brigade qui est résolu à protéger la souveraineté de son pays. Un scandale.
L’explication c’est qu’il «endoctrine ses troupes», chose que nous sommes les seuls autorisés à faire bien sûr et que ça c’était «l’état d’esprit du commandant» et qu’il est «proche du Hezbollah». Le culot! Et maintenant que nous avons récité jusqu’à plus soif les explications de la propagande des forces israéliennes de défense sur ce qui s’est passé mardi à la frontière septentrionale, il est temps d’examiner les faits.
Mardi matin, Israël a demandé à la «coordination» avec la FINUL de pouvoir réaliser une nouvelle opération de «déblayage» sur la clôture de la frontière. La FINUL a demandé aux FID de reporter l’opération parce que son commandant était à l’étranger. Les FID n’en avaient cure. Ce n’est quand même pas la FINUL qui nous arrêtera. À midi , les élagueurs se sont mis au travail. Les soldats libanais et ceux de la FINUL leur ont crié d’arrêter. Au Liban, ils disent que leurs soldats ont également tiré des coups de semonce en l’air. S’ils l’ont fait, ce n’est pas ce qui a arrêté les FID.
Les branches de l’arbre ont été coupées et du sang a été versé des deux côtés de la frontière. Épanché en vain. Il faut dire qu’Israël prétend que la superficie de l’autre côté de la clôture est sur son territoire, ce que la FINUL a officiellement confirmé hier. Mais une clôture est une clôture: à Gaza il suffit de s’approcher de la clôture pour que nous descendions le contrevenant. En Cisjordanie, l’itinéraire de la clôture n’a rien à voir avec la Ligne verte; pourtant les Palestiniens n’ont pas le droit de la traverser.
Au Liban, nous avons édicté des règles différentes: la clôture n’est qu’une clôture; nous avons le droit de la traverser et de faire ce que nous voulons de l’autre côté, parfois sur le territoire souverain du Liban. Nos avions ont le droit de voler couramment dans l’espace aérien du Liban et parfois nous envahissons aussi son territoire. Cette région a été occupée par Israël pendant 18 ans sans que nous le reconnaissions jamais. Cette occupation n’était pas moins brutale que celle des territoires, mais elle a également été blanchie. «Zone de sécurité» est ce que nous l’appelions. De sorte que maintenant aussi, nous pouvons faire ce que nous voulons.
Mais voila que brusquement, il y a eu un changement. Qu’est-ce que nos analystes ont dit? Récemment il y a eu des «tirs anormaux» contre des avions israéliens. Après tout, il faut maintenir l’ordre. Nous avons le droit de voler dans l’espace aérien libanais, mais eux n’ont pas le droit de tirer. Toutefois, l’incident de mardi doit être placé dans un contexte plus large: il a été exagéré hors de proportion ici comme si c’était un casus belli, et la guerre n’aurait été évitée que grâce à la fameuse «retenue» israélienne. Depuis des mois maintenant, on entend des roulements de tambour de guerre. Ra-ra-ra, danger. Des Scuds envoyés par la Syrie, la guerre dans le nord. Personne ne demande pourquoi ni pour quelle raison; c’est simplement que c’est l’été ici et avec lui les habituelles menaces de guerre. Mais c’est à Israël qu’un rapport des Nations Unies publié cette semaine impute la responsabilité de la tension.
Dans cette atmosphère surchauffée, les FID devraient faire attention quand elles allument leurs allumettes. La FINUL demande de retarder une opération? La région est explosive? Eh bien, le travail aurait dû être reporté. Il se peut que l’armée libanaise soit décidée davantage maintenant à protéger la souveraineté de son pays - ce qui est non seulement son droit, mais son devoir - et un commandant libanais qui voit les FID opérer de l’autre côté de la clôture peut donner l’ordre de tirer, même de façon non justifiée. Qui mieux que les FID savent ce que c’est que d’ouvrir le feu pour n’importe quelle violation réelle ou imaginée? Demandez donc aux soldats à la barrière de séparation ou à ceux qui gardent Gaza. Néanmoins, Israël a rejeté avec arrogance la demande de reporter son opération faite par la FINUL.
C’est avec la même arrogance qu’il exige que les USA et la France cessent de fournir des armes à l’armée libanaise. Seule notre armée est autorisée à se constituer un stock d’armes. Pendant des années, Israël a exigé que l’armée libanaise prenne la responsabilité de ce qui se passe dans le sud du Liban et maintenant qu’elle le fait, nous changeons de ton. Pourquoi? Parce qu’elle a arrêté de se comporter comme un sous-traitant israélien et qu’elle commence à agir comme l’armée d’un État souverain. Et bien entendu cela est interdit. Une fois que les armes se sont tues, une clameur s’élève à nouveau pour que l’on frappe un autre «coup fort» contre le Liban pour «le dissuader» - infliger sans doute des destructions supplémentaires du type infligé dans le quartier Dahiya de Beyrouth.
Trois Libanais tués, dont un journaliste, cela ne suffit pas pour faire contrepoids à la mort de notre commandant de bataillon. Nous en voulons davantage. Le Liban doit apprendre une leçon et c’est à nous de la lui donner. Et nous? Nous n’avons pas de leçons à prendre. Nous continuerons à ignorer la FINUL, à ignorer l’armée libanaise et son nouveau commandant de brigade qui a eu le toupet de penser que son boulot est de protéger la souveraineté de son pays.
Gidéon Levy
06.08.10
Source : haaretz.com
Traduction : Anne-Marie Goossens
info-palestine.net
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire