mardi 31 août 2010

"Blocage" ou "déblocage" en Palestine occupée ?



La polémique
La polémique fait rage entre Pierre-Yves Salingue militant pro palestinien et Dominique Vidal de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) (1) à propos de la situation en Palestine occupée et l’amorce de «négociations» entre d’une part – non pas le peuple palestinien ou ses représentants – mais bien l’Autorité palestinienne et l’État sioniste (2).

Dans une réponse aux accusations de P-Y Salingue (3) Monsieur Dominique Vidal affirme: «Toute la démarche de l’AFPS consiste à souligner que la responsabilité essentielle dans la solution du problème palestinien revient aux acteurs internationaux, au premier rang desquels les États-Unis et l’Union européenne.» (4). Monsieur Vidal en appelle ainsi aux responsables – aux acteurs internationaux – afin qu’ils se rendent compte de leur négligence ou de leur aveuglement, se ressaisissent et qu’ils changent d’attitude.

Monsieur Vidal a-t-il songé que «cette responsabilité essentielle des acteurs internationaux» ne tient pas de la négligence mais de la collusion? Faire appel aux fauteurs de guerre pour raisonner leur agent local – le sionisme israélien – pendant sa mission spéciale de colonisation en Palestine occupée, est-ce vraiment la meilleure tactique de «déblocage» qui se puisse imaginer?

Passons sur le peu de cas que Monsieur Vidal fait de l’opinion et de l’action des acteurs locaux – sionistes israéliens – peuple Israélien et peuple Palestinien, nous pouvons tout de même lui faire remarquer qu’il n’y a pas d’un côté l’État sioniste et de l’autre l’impérialisme américain, lequel pourrait – ou devrait – jouer le rôle d’arbitre impartial. Tout cela n’est que mystification et fumisterie. L’un est l’agent de l’autre et c’est le commandant qui ordonne à l’agent jamais l’inverse. Mal positionné ce commandant pour critiquer son agent d’avoir fait le travail qu’il lui avait commandé!

Plus loin dans son article Dominique Vidal revient à la charge, s’appuyant sur cette première fumisterie politique il avance une seconde mystification: «Car nous partons du constat du blocage total sur le terrain, du fait de la politique du gouvernement israélien, le plus extrémiste que ce pays ait connu».

Vous aurez noté que Monsieur Vidal affirme d’une part qu’il y a «blocage», et que d’autre part ce «blocage» est dû au gouvernement israélien «le plus extrémiste que ce pays ait connu». Premièrement, à quel «blocage» fait-on référence ici? Deuxièmement, doit-on rappeler à Dominique Vidal que tous les gouvernements israéliens depuis Ben Gourion jusqu’à Benjamin Netanyahu ont toujours «bloqué» la situation en Palestine (5). Depuis 62 ans jamais aucune négociation de paix n’a aboutit à la paix et jamais aucun pourparler de libération n’a libéré la Palestine de l’occupation, de la colonisation et du nettoyage ethnique ?

En effet, Israël est une créature de l’impérialisme et un État colonial d’occupation qui est né de l’expropriation et de l’occupation des terres arabes de Palestine, telle est la source du «blocage», et tant que cet État sioniste et raciste s’entêtera à occuper ces terres arabes il y aura «blocage» avec ceux qui refusent cet état de fait, ceux qui rejettent ce fait qui se voudrait accompli et irrémédiable et qui ne l’est pas du tout puisque la résistance a décidé de faire reculer l’histoire et de refaire par la force des armes et par d’autres formes de résistance (BDS, résistance économique et résistance pacifique (6)), le trajet vers la constitution d’un seul État libre, démocratique, sans apartheid, couvrant l’ensemble du territoire du mandat britannique (7).

Les divisions palestiniennes
Comme le souligne Dominique Vidal, le fait est que: «La division profonde du mouvement national palestinien entre le Fatah et le Hamas, l’un et l’autre en situation d’échec stratégique: la ligne politico diplomatique du premier n’a pas débouché sur l’État promis, la lutte armée menée un temps par l’autre n’a pas non plus libéré la Palestine.». L’objectif d’un «État promis» n’a jamais été entériné par le peuple palestinien. Est-ce véritablement l’objectif stratégique du mouvement de libération nationale palestinien que de créer un État palestinien? Nous avons ici la réponse à la question du «blocage». Pour Monsieur Vidal il y a blocage si la situation n’évolue pas vers la création d’un État palestinien. Mais si l’on s’achemine vers la création d’un bantoustan palestinien y a-t-il «déblocage» Monsieur Vidal?

Le fait que la Palestine ne soit pas encore libérée ne signifie nullement que l’objectif stratégique soit erroné. Cette incapacité à libérer la Palestine indique simplement l’immense déséquilibre du rapport de force entre d’une part tous les impérialistes occidentaux (US américain, canadien, français, britannique, allemand, italien, israélien, etc.) et d’autre part le peuple Palestinien, ses organisations combattantes et ses ONG, bénéficiant de l’appui des peuples du monde eux-mêmes sous domination impérialistes et de leur bourgeoisie nationale comme l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie Saoudite et autres.

Qu’y a-t-il détonnant à ce que 4 à 10 millions de Palestiniens, si l’on tient compte de ceux qui sont dans les camps de réfugiés et en diaspora, n’aient pas encore réussi à renverser tous les impérialismes occidentaux et leurs agents sionistes en Israël?

L’étonnant c’est que le peuple palestinien soit encore debout et résistant devant un front uni impérialiste réactionnaire d’une telle ampleur. Le piétinement ou si l’on veut utiliser le terme de Monsieur Vidal, le «blocage» du mouvement de Libération nationale palestinien sur ses positions présentes et sa difficulté à percer les Murs et les défenses de l’ennemi sioniste ne doivent pas nous amener à soutenir la capitulation de l’Autorité palestinienne à Washington le 2 septembre prochain mais plutôt nous porter à dénoncer ces pourparlers de la capitulation palestinienne.

En appeler au maître de cérémonie américain, comme le fait Monsieur Vidal, pour qu’il incite le sous-fifre israélien à plus de retenue dans sa cupidité territoriale n’est pas non plus la voie vers le «déblocage» de la situation au Proche-Orient mais bien plutôt une fuite en avant vers la capitulation.

La situation n’est pas vraiment compliquée contrairement à ce que toutes ces jérémiades tentent de nous faire croire. Il y a d’un côté le peuple palestinien et ses organisations de résistance politique et/ou populaire, et de l’autre une vaste alliance entre les impérialistes, les sionistes, les cryptos sionistes, et leurs alliés au sein du mouvement palestinien et parmi le mouvement de «solidarité» avec la Palestine. Les premiers rejettent toutes négociations – pourparlers qui se feraient aux conditions de l’occupant colonisateur sioniste – alors que les second font croire qu’un «déblocage» est possible entre un peuple opprimé – colonisé – occupé et une puissance coloniale opprimante – occupante – génocidaire et ce en laissant à cette puissance coloniale sa mission, ses visées hégémoniques régionales, ses pouvoirs, son armement nucléaire et la terre qu’il a déjà usurpée.

Il faudra encore bien du temps avant que ce rapport de force tourne a l’avantage du peuple palestinien mais quelle alternative s’offre a lui? Accepter de vivre emmuré dans quelques bantoustans surnommés «État palestinien» sans droit de retour, administré par un roitelet local autochtone surnommé «président de l’Autorité sans autorité»?

Le cas Salam Fayyad
Pierre-Yves Salingue accuse l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et Dominique Vidal d’agir comme des «fantassins français» du Premier ministre palestinien Salam Fayyad, tous leurs efforts visant, selon lui, à lui assurer le soutien le plus large en France (8). Pierre-Yves Salingue présente l’ex-employé de la Banque mondiale comme un thuriféraire et un «collaborateur actif et dévoué de l’occupant.» (9)

Ce n’est pas le nombre de signes (289 et 589) que vous consacrez au représentant du FMI en Palestine occupée que Salingue met en cause Monsieur Vidal, mais le caractère des signes utilisés. Dans les deux rapports incriminés il n’est fait nulle part mention que Salam Fayyad, dont la liste électorale n’a obtenu que 2,4 % des suffrages, a été imposé comme premier Ministre à l’occasion d’un coup de force anti-démocratique mené par la Présidence de l’Autorité en 2007.

Pierre-Yves Salingue aurait pu aller plus loin et constater que Salam Fayyad n’est pas un vendu ou un traître à la cause palestinienne, ou encore un collaborateur payé par l’occupant israélien. Pas du tout. Salam Fayyad est le représentant de la bourgeoisie compradore palestinienne qui s’est constituée à la faveur des 62 années d’occupation militaire et de colonisation israélienne (10). Le groupe social que représente Salam Fayyad a un intérêt économique, commercial et financier à maintenir la colonisation et l’occupation. Cette section de classe ne tolère pas l’occupation telle une fatalité incontournable dont elle aimerait bien se libérer à condition que ce soit sans violence, non, cette section de classe parasitaire vit du commerce avec l’occupant colonisateur, elle a un intérêt objectif à ce que la colonisation perdure car c’est son fond de commerce. C’est ce qui explique qu’elle ne combat pas l’occupation ni la colonisation, et qu’elle essaie de la faire accepter comme tolérable à la population palestinienne opprimée. Salam Fayyad n’est pas un homme hésitant qui se serait fourvoyé, c’est le représentant de la classe compradore palestinienne qui s’oppose à la fin de la colonisation et de l’occupation. Pierre-Yves Salingue aurait pu écrire que Salam Fayyad et son cabinet font partie du problème de la lutte de libération nationale palestinienne et en aucun cas de sa solution. Voilà ce que vous auriez dû écrire dans votre rapport, utilisant 289 ou 589 signes à votre choix Monsieur Vidal.



Robert Bibeau
29.08.10
Source: oulala.net

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