samedi 21 août 2010

Parlons de répartition avant de décroissance !




Il faut une certaine dose d'inconscience pour prôner la décroissance, comme le fait monsieur Yves Cochet (et bien d'autres! - ndlr) dans sa tribune publiée le 17 août dans Le Monde. Prononcée aussi brutalement, elle est socialement et psychologiquement inacceptable et donc vouée à l'échec ! En fin stratège politique qu'il est, Yves Cochet devrait pourtant le savoir: avant de parler d'une décroissance globale qui frapperait l'ensemble de la communauté humaine, il serait plus judicieux et surtout plus urgent de parler d'une meilleure répartition des richesses.

Car enfin, décroissance pour qui? Pour tous ces peuples qui vivent dans la pauvreté et la misère la plus noire? Pour ces ménages à petits revenus qui vivent dans nos banlieues? Pour ces millions de retraités qui ont le plus grand mal à joindre les deux bouts? Allons, un peu de sérieux monsieur Cochet (j'allais dire un peu de décence!), le monde a besoin de croissance et pour longtemps encore, ne serait-ce que pour offrir des conditions de vie décentes aux trois milliards d'habitants supplémentaires que la Terre devra accueillir d'ici 2060 !

La décroissance (ou sa variante, la croissance zéro) est un idéal de riches! Elle ne concerne pas ceux qui, vivant dans l'inconfort matériel et alimentaire (je pense en particulier aux 10 millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui, dans notre beau pays de France, vivent dans la pauvreté!), espèrent que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Comme le disait Henri Guaino, ancien commissaire au Plan (journal La Croix du 23 octobre 2006):  "La croissance est la seule chose qui puisse rendre l'inégalité acceptable (si tant est qu'elle est acceptable) car elle est une promesse d'abondance qui atténue la désespérance du pauvre, tandis que l'Etat stationnaire est un rêve de nanti qui veut surtout que rien ne change".

Certes, une fois qu'on a dit cela, il faut bien admettre que la croissance pour la croissance, la croissance "quantitative" est source de multiples nuisances; elle épuise les ressources et compromet la croissance future. La seule solution, la solution raisonnable est dans la croissance maîtrisée ou, comme on dit maintenant, la croissance durable, celle qui crée les conditions de sa propre perpétuation. Ce qui implique qu'elle soit associée étroitement à la notion de qualité: qualité des services publics, qualité de l'environnement, qualité de l'alimentation, qualité de l'eau, qualité du travail, qualité de la santé, qualité des logements, etc.

On ne le dira jamais assez, le monde a besoin de croissance qualitative. Pas d'une croissance feu follet comme on l'a connue ces dernières décennies, mais d'une croissance contrôlée, apprivoisée, d'une croissance qui rétablisse un certain équilibre entre ceux qui ont trop et ceux qui n'ont pas suffisamment. Vaste programme me direz-vous! Oui mais c'est pourtant la condition nécessaire pour que l'on puisse un jour parler sérieusement, et avec quelque chance d'être écouté, du mieux vivre ensemble par un retour à des valeurs simples, moins onéreuses et plus conviviales. D'une sobriété choisie. Ce n'est pas la planète qu'il faut sauver (elle se sauvera d'elle-même) mais l'homme, les hommes dans la planète!

Jean Chaussade

Géographe, directeur de recherche émérite au CNRS
20.08.10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire