mercredi 18 août 2010
"Il faut une Journée africaine contre les mariages précoces"
Dans la lutte contre les violences faites aux femmes, les mariages précoces forcés constituent une dimension que nous jugeons essentielle. Nous travaillons donc à leur éradication en nous appuyant sur la conscientisation, la sensibilisation l’accompagnement et le suivi. Aujourd’hui, plein de conséquences inhérentes à la santé maternelle et aux droits sexuels des femmes et des filles découlent de ces pratiques.
Les mariages forcés exposent les filles aux conséquences des accouchements à hauts risques, comme les fistules obstétricales dont les victimes sont souvent rejetées par la société, par leurs familles, par leurs époux. Elles sombrent dans le désespoir et facilement dans la déchéance. Le mariage précoce, c’est aussi l’exposition des filles aux pratiques du viol dans le ménage. Les jeunes n’ont aucun contrôle sur leur sexualité, aucun droit sur leur santé reproductive, aucun mot à dire sur la reproduction. Devant un époux plus âgé qu’elle et qui détient tous les droits sur elle, la jeune fille n’a rien à dire sur sa santé génésique.
Qui dit mariages précoces dit accouchements précoces, avec tous les traumatismes et conséquences possibles, comme la stérilité. Et on sait ce qui en découle pour les femmes en Afrique, avec une mise au ban de la société, une expulsion même de son foyer, etc.
Dans l’extrême nord du Cameroun, les filles sont mariées entre 9 et 16 ans. Une situation grave qui nous pousse à dire que l’Union africaine devrait se pencher sur cette question. Il faut même en arriver à l’institutionnalisation d’une Journée africaine contre les mariages précoces et forcés. Il est important que toutes les femmes du continent se mettent ensemble pour porter ce plaidoyer et sensibiliser nos chefs d’Etat, nos frères, nos parents, nos mères qui ne parviennent pas encore à dissocier nos valeurs positives des pratiques culturelles néfastes qui portent atteinte aux droits des filles et des femmes, des droits de l’homme.
Le centre d’écoute que nous avons mis en place pour ces femmes victimes et survivantes des mariages précoces a accueilli, entre 2000 et 2010, quelque 600 personnes. Et ce n’est là que le nombre de femmes qui ont pu, qui ont su briser le silence pour venir confier leur cas. Nul peut dire combien elles sont, plus nombreuses encore, à vivre leur mal en silence. Le plus souvent, il faut que survienne un drame pour qu’on commence à en parler, pour que le tabou de la tradition soit levé. La cessation de ces pratiques passe nécessairement par leur interdiction.
Nos Etats doivent impulser des lois dans ce sens, là où elles n’existent pas et veiller à leur application quand la tradition les met à mal. Il faut que les mentalités changent, que certains comportements et attitudes cessent. Nous sommes en face d’une pratique contre laquelle les lois ne suffisent pas. Il faut de la coercition (et les juges devraient se montrer sévères à ce sujet), mais aussi de la persuasion. Car les mentalités à changer sont très ancrées dans nos sociétés, portées des leaders traditionnels, religieux, communautaires, etc.
Mais rien ne peut être durable dans l’amélioration du sort des femmes sans une alphabétisation systématique de toutes les filles. On parle de scolarisation universelle et gratuite, mais c’est un leurre. Il ne s’agit pas de le proclamer dans les textes. L’effectivité et l’efficacité de la mesure passent par une imposition aux parents d’inscrire leurs filles à l’école comme ils le font pour les garçons et les y maintenir jusqu’à 18 ans. Déjà, c’est là un début de solution pour repousser à plus loin l’âge du mariage.
Doumara Aissa
Chargée de programme à l'Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes (Cameroun)
11.08.10
Source: pambazuka
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